Letrain de la vie de Jean d’Ormesson, un texte puissant sur le sens de l'existence. À mĂ©diter ! - VidĂ©o Dailymotion Regarder en plein Ă©cran il y a 3 ans Le train de la vie de Jean d’Ormesson, un texte puissant sur le
Jean d'Ormesson, surnommĂ© Jean d'O », de son nom complet Jean Bruno Wladimir François-de-Paule Le FĂšvre d’Ormesson, nĂ© le 16 juin 1925 Ă  Paris VIIe arrondissement et mort dans la nuit du 4 au 5 dĂ©cembre 2017 Ă  Neuilly-sur-Seine, est un romancier et chroniqueur français. RomansModifier C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le mondeModifier Nous venons tous de la mĂȘme source. Nous sortons tous de la mĂȘme matrice. Nous sommes tous des Africains modifiĂ©s par le temps. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Robert Laffont, 2010, p. 30 Citation choisie pour le 28 octobre 2011. La seule diffĂ©rence qui compte est imposĂ©e par le sexe il y a des hommes et il y a des femmes, et il faut un homme et une femme pour qu'il y ait un enfant. Pendant des milliers de millĂ©naires, et jusqu'Ă  nous en tout cas, les deux sexes s'unissent pour que l'histoire continue. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Robert Laffont, 2010 ISBN 978-2-221-11702-6, p. 30 Ce n'est pourtant pas compliquĂ© le temps passe et je dure, l'histoire se dĂ©roule et l'ĂȘtre est. DerriĂšre les tribulations du monde, il y a quelque chose qui lui permet de changer sans cesse et de rester le mĂȘme Ă  travers les changements c'est moi. L'herbe pousse, les enfants meurent. DerriĂšre le monde qui se fait et s'Ă©croule, qui ne se fait que pour s'Ă©crouler, qui s'Ă©croule et se refait, il y a cet ĂȘtre immobile, Ă©ternel, infini, hors de l'espace et du temps, qui hante l'esprit des hommes plongĂ©s dans l'espace et dans le temps et guettĂ©s par une mort dont il leur est interdit, Ă  eux qui comprennent tout, qui changent tout, qui se croient la fin de tout, de jamais rien savoir. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Robert Laffont, 2010 ISBN 978-2-221-11702-6, p. 63 Dieu est hors du temps. mais il est aussi dans le temps, parce que les hommes qui le pensent, qui l'adorent, qui le combattent sont emportĂ©s dans le temps. Dieu est Ă©ternel, et il a pourtant une histoire — qui est l'histoire des hommes. Dans cette histoire de Dieu et des hommes, il y a, entre le milieu du XIXe siĂšcle et le dĂ©but du XXIe, un peu plus de cent cinquante ans qui sont rudes pour un Dieu dĂ©noncĂ© et traquĂ© par les hommes. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Robert Laffont, 2010 ISBN 978-2-221-11702-6, p. 101 La science d'aujourd'hui dĂ©truit l'ignorance d'hier et elle fera figure d'ignorance au regard de la science de demain. Dans le cƓur des hommes il y a un Ă©lan vers autre chose qu'un savoir qui ne suffira jamais Ă  expliquer un monde dont la clĂ© secrĂšte est ailleurs. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Robert Laffont, 2010 ISBN 978-2-221-11702-6, p. 113 J'espĂšre que les hommes ne souffriront pas toujours. Ou qu'ils souffriront un peu moins. J'espĂšre qu'il y aura enfin un peu de bonheur pour ceux qui n'en ont jamais eu. J'espĂšre — est-ce assez bĂȘte ! — que la justice et la vĂ©ritĂ©, si souvent contrariĂ©es, sont, ici-bas d'abord, et peut-ĂȘtre mĂȘme ailleurs, autre chose que des cymbales et des illusions. Il faut toujours penser comme si Dieu existait et toujours agir comme s'il n'existait pas. Il y a, chez les hommes, et seulement chez les hommes, un Ă©lan vers la beautĂ© et vers la vĂ©ritĂ© et une soif d'espĂ©rance. Tout est bien. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Robert Laffont, 2010 ISBN 978-2-221-11702-6, p. 291, 292 Toute la littĂ©rature occidentale sort de l’Iliade et de l’OdyssĂ©e oĂč sont dĂ©jĂ  prĂ©sents les thĂšmes de la guerre, des voyages, de l’amour, de l’amitiĂ©, des passions. C'est une chose Ă©trange Ă  la fin que le monde, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2010, p. 18 C'Ă©tait bienModifier L'art n'a que les ressources de la vie de chacun il change ce plomb en or. Rien n'est plus difficile pour chacun d'entre nous que de situer ce qu'il a fait et de se situer soi-mĂȘme Ă  sa juste mesure. C'Ă©tait bien, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Gallimard, 2003, p. 35 Peut-ĂȘtre Bach et Mozart composaient-ils des cantates et des airs d'opĂ©ra pour exprimer leur joie. Peut-ĂȘtre les peintres peignent-ils parce que le monde est beau. Je crois que les Ă©crivains Ă©crivent parce qu'ils Ă©prouvent du chagrin. Je crois qu'il y a des livres parce qu'il y a du mal dans le monde et dans le cƓur des hommes. Personne n'Ă©crirait s'il n'y avait pas d'histoire. Et le moteur de l'histoire, c'est le mal. C'Ă©tait bien 2003, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2005 ISBN 2-07-031653-X, p. 70 Subsiste encore un doute. Si clair, si Ă©vident, le progrĂšs de la science ne suscite-t-il pas plus de questions qu'il ne fournit de rĂ©ponse ? La rĂ©alitĂ© — qui n'est peut-ĂȘtre qu'un songe appelĂ© rĂ©alitĂ© — est si prodigieusement inĂ©puisable qu'elle n'en finit jamais de dĂ©border toutes les tentatives d'exploration et de renvoyer sans fin Ă  autre chose. On marche toujours, on n'arrive jamais. La science est un grimpeur qui, au faĂźte de chaque pic, dĂ©couvre toujours d'autres sommets qui lui dĂ©robent l'horizon. Une malĂ©diction frappe la science qui court de succĂšs en succĂšs tous ses triomphes, et ils sont rĂ©els, sont des victoires Ă  la Pyrrhus. C'Ă©tait bien 2003, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2005 ISBN 2-07-031653-X, p. 85 La science qui nous empĂȘche de souffrir nous invente d'autres souffrances. La science qui guĂ©rit et fait vivre est aussi la science qui tue. La science qui nous donne le pouvoir sur le monde est aussi la science qui nous retire tout pouvoir et qui risque, un jour, de nous retirer le monde. C'Ă©tait bien 2003, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2005 ISBN 2-07-031653-X, p. 90 Dans ce coin-ci au moins de la planĂšte, dominĂ© par la science et la tĂ©lĂ©vision, enfants de Voltaire, de Flaubert, d'Oscar Wilde, d'AndrĂ© Gide, de Queneau, si diffĂ©rents les uns des autres mais liĂ©s par un sens aigu de ce qui pouvait encore ĂȘtre Ă©crit sans trop de ridicule, nous sommes entrĂ©s dans une culture de la distance et de la dĂ©rision. D'un cĂŽtĂ©, la science, il n'y a pas de quoi se tordre, qui nous fabrique notre avenir ; de l'autre, sous des rafales d'images, une lassitude et un dĂ©goĂ»t mĂȘlĂ©s de cris de douleur et de rires un peu fĂȘlĂ©s je crois que tout le monde les entend. Quelque chose Ă  craquĂ©. Nous ne sommes pas encore dans un monde diffĂ©rent. Mais, sans presque le savoir, nous ne sommes dĂ©jĂ  plus les mĂȘmes. Pas encore ailleurs. Mais dĂ©jĂ  plus ici. C'Ă©tait bien 2003, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2005 ISBN 2-07-031653-X, p. 98 Himmelhoch jauchzend, zum Tode betrĂŒbt ». J'Ă©tais gai, j'Ă©tais triste. J'Ă©tais fou de bonheur. Et accablĂ© de chagrin. La vie m'a toujours paru dĂ©licieuse — et le monde, plein de larmes. Il y a du mal sous le soleil et je doute que l'histoire en vienne jamais Ă  bout. Je ne crois pas que demain sera dĂ©barrassĂ© du mal qui affligeait hier. RĂȘver d'un monde parfait qui brillerait devant nous est d'une naĂŻvetĂ© meurtriĂšre beaucoup ont souffert et sont morts sous le prĂ©texte, sĂ©duisant et criminel comme Lucifer lui-mĂȘme, de changer le monde en paradis et de rendre aux hommes leur innocence. C'Ă©tait bien 2003, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2005 ISBN 2-07-031653-X, p. 134 À mesure que la science tranche les faces de Gorgogne, de nouvelles tĂȘtes poussent Ă  l'hydre pour poursuivre le travail et rĂ©pandre la terreur. Aucun d'entre nous n'est Ă  l'abri du mal qui frappe Ă  coups redoublĂ©s. Ce mal — dont le christianisme nous parle avec gĂ©nie sous les espĂšces du pĂ©chĂ© originel et, d'une certaine façon, de l'Incarnation, sacrifice inversĂ© et suprĂȘme, offert non plus par les hommes Ă  Dieu mais par Dieu aux hommes pour racheter le mal de l'histoire — ne peut ni s'effacer ni triompher. C'Ă©tait bien 2003, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2005 ISBN 2-07-031653-X, p. 138 Un jour, je m'en irai sans en avoir tout ditModifier L'histoire devient une espĂšce de kalĂ©idoscope en dĂ©lire, oĂč ne cessent de se succĂ©der, et de plus en plus vite, des images Ă©blouissantes et dĂ©pourvues de sens. Les frontiĂšres Ă©clatent, les distinctions s'effacent. Chacun est liĂ© aux autres par les ondes et la toile. La campagne disparaĂźt peu Ă  peu. les villes s'Ă©tendent et se rejoignent. SurgelĂ©es et contagieuses, les modes et les passions se transmettent Ă  la vitesse de la lumiĂšre. les supermarchĂ©s, les dĂ©sirs, les idĂ©es se ressemblent. Les langues dĂ©clinent et meurent. l'orthographe se dĂ©lite. Un sabir se rĂ©pand. Les sexes se confondent. les couleurs s'affadissent et perdent de leur Ă©clat. Pour le meilleur et pour le pire, l’universel et l'unitĂ© sont au bout du chemin. l'entropie se dĂ©chaĂźne. les hommes commencent Ă  deviner que leur destin est de disparaĂźtre dans l'avenir comme ils ont apparu dans le passĂ©. Et ils se demandent ce qu'ils font lĂ . Un jour, je m'en irai sans en avoir tout dit, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2013, p. 98 La joie. Loin de nous enfoncer dans le monde Ă  la façon du plaisir et du bonheur, elle nous en dĂ©tacherait plutĂŽt. Elle est religieuse et rebelle. Elle est mĂ©taphysique, elle Ă©clate comme un tonnerre. Elle dĂ©truit tout sur son chemin. Elle se consume elle-mĂȘme, elle s'oublie, elle se nie. Il y a quelque chose dans la joie qui ressemble Ă  l'adoration. Elle nous Ă©lĂšve au dessus de nous. Elle nous transporte ailleurs. Elle nous ouvre les portes d'un univers inconnu et plus beau que le notre, elle jaillit de notre monde et elle nous en montre un autre oĂč rĂšgne la beautĂ©. Un jour, je m'en irai sans en avoir tout dit, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2013, p. 153 Qu’ai-je donc faitModifier La mĂ©diocritĂ© est portĂ©e aux nues. Les navets sont cĂ©lĂ©brĂ©s comme des chefs-d'Ɠuvre. Ce qui sera oubliĂ© dans trois ans est l'objet d'un tintamarre qui finit par rendre insignifiant pĂȘle-mĂȘle le meilleur et le pire. Les Ɠuvres dignes de ce nom ne manquent pas autour de nous. Elles sont emportĂ©es dans les flots de la nullitĂ© acclamĂ©e. Je n'Ă©cris, pour ma part, ni un roman ni des MĂ©moires. J'essaie de comprendre le peu que j'ai fait et comment tout cela s'est emmanchĂ©. Je n'Ă©cris pas pour passer le temps ni pour donner des leçons. Je n'Ă©cris pas pour faire le malin ni pour ouvrir, comme ils disent, des voies nouvelles Ă  la littĂ©rature. Pouah ! Je n'Ă©cris pas pour faire joli ni pour dĂ©fendre quoi que ce soit. J'Ă©cris pour y voir un peu plus clair et pour ne pas mourir de honte sous les sables de l'oubli. La littĂ©rature vivante d'aujourd'hui, qui m'a si souvent emmerdĂ© avec son sĂ©rieux implacable et son pĂ©dantisme expĂ©rimental et toujours avortĂ©, je lui rends bien volontiers la monnaie de sa piĂšce et je l'envoie se faire foutre avec beaucoup de gaietĂ©. Je ne sais pas si je serai encore vivant demain, mais je suis sĂ»r que la littĂ©rature vivante d'aujourd'hui, qui, avec son intolĂ©rance de donneuse de leçons et ses fanfaronnades de mauvais sentiments, est l'exact pendant, inversĂ© et beaucoup plus prĂ©tentieux, de la crĂ©tinerie des pompiers de la peinture et de la littĂ©rature de la fin du XIXe siĂšcle, sera morte avant moi — si elle n'est pas dĂ©jĂ  morte. Ne lis pas n'importe quoi. Lis plutĂŽt les grands livres dont tout le monde parle sans les lire. Les espĂ©rances sont comme les femmes les plus belles ne sont pas plus pas inaccessibles que les autres. Mieux vaut viser Rimbaud ou La BruyĂšre et rester loin derriĂšre que viser Bordeaux ou Feuillet ou Sartre ou EugĂšne Sue et risquer de les atteindre. Le vent du soirModifier Nietzsche, Wagner, Karl Marx, Rimbaud, DostoĂŻevski, se rĂ©voltent contre les menaces obscures qu'ils devinent dans l'avenir. L'exploitation des plus faibles se combine insidieusement avec un moralisme de facade. L'hypocrisie triomphe. Le conformisme des esprits avance Ă  pas de gĂ©ant. L'aventure, le charme, l'indĂ©pendance morale livrent des combats d'arriĂšre-garde. Une espĂšce de grisaille s'Ă©tend sur l'univers. Le vent du soir, Jean d'Ormesson, Ă©d. Jean CLaude LattĂšs, 1985, p. 114 Toutes les scĂšnes du passĂ© qui s'animaient pour moi sur la terrasse de San Miniato, je ne leur accordais pas une importance dĂ©mesurĂ©e. Je ne crois pas que le passĂ© suffise pour comprendre l'avenir. Je vais jusqu'Ă  penser que l'idĂ©e, si rĂ©pandue, qu'il l'Ă©claire et l'explique ne signifie pas grand-chose. Ce qui est vrai jusqu'Ă  l'Ă©vidence, c'est que le passĂ© construit le socle sur quoi s'Ă©lĂšve le prĂ©sent, c'est qu'il accumule les conditions de toute histoire future. Le propre de la vie est de jaillir spontanĂ©ment. Toujours l'inattendu a le plus de chances de survenir. Mais il faut d'abord qu'il parte de ce qui existe. Et que ce qu'on n'attend pas sorte de ce qu'on connaĂźt. L'histoire est la contrainte de la vie. Le passĂ© est ce qui empĂȘche l'avenir d'ĂȘtre n'importe quoi. Le vent du soir, Jean d'Ormesson, Ă©d. Jean CLaude LattĂšs, 1985, p. 145 Parmi les cent mille morts russes de la bataille de Moukden figurait le cadavre du capitaine Nicolas. Une des sources dont je m'inspire pour raconter son histoire indique qu'un sourire flottait sur le visage gelĂ© de l'officier de fortune et qu'au milieu des neiges oĂč le sang des soldats laissait des traĂźnĂ©es rouges, il avait l'air heureux. Le vent du soir, Jean D'Ormesson, Ă©d. Éditions Jean CLaude LattĂšs, 1985, p. 365 Tous les hommes en sont fousModifier Une des fonctions les plus mystĂ©rieuses et les plus constantes du temps est d'Ă©lever le hasard Ă  la dignitĂ© de la nĂ©cessitĂ©. Le monde avance Ă  coups de rencontres et le temps qui passe les transforme en les hommes en sont fous, Jean D'Ormesson, Ă©d. Éditions Jean CLaude LattĂšs, 1986, p. 19 Mais moi, j'ai vu pleurer Pandora ou Vanessa, je les ai vues se mĂ©fier de leurs pouvoirs et de leurs dons, je les ai vues troublĂ©es de rĂ©gner avec si peu de peine sur le monde et sur les hommes. On me dira que j'Ă©tais, que je suis, que j'ai toujours Ă©tĂ© partial. Je dirai que personne ne peut jamais juger personne et que le cƓur des ĂȘtres humains est plus insaisissable que la mer ou le feu. Je crois que, dĂšs l'enfance, par leur charme et leur duretĂ©, par leurs folies, par leurs mensonges, les quatre sƓurs O'Shaughnessy n'ont jamais rien fait d'autre que d"essayer de se dĂ©fendre. Tous les hommes en sont fous, Jean D'Ormesson, Ă©d. Éditions Jean CLaude LattĂšs, 1986, p. 45 – La beauté , la beauté  Ce qui compte, voyez-vous, ce n'est ni la beautĂ©, ni le bonheur, ni peut-ĂȘtre le malheur. C'est d'avoir fait quelque chose de sa vie et qu'il en reste un parfum dans le souvenir et dans le cƓur. Tous les hommes en sont fous, Jean D'Ormesson, Ă©d. Éditions Jean CLaude LattĂšs, 1986, p. 146 La musique de Verdi Ă©mut beaucoup la comtesse. Les souvenirs lui revenaient en foule. Et les souvenirs de Marie Ă©taient pour moi autant de rĂȘves. AprĂšs le chƓur des esclaves, elle se tourna vers moi dans la loge immense que nous occupions Ă  nous deux – Nous sommes tous des esclaves, me dit-elle. – Les esclaves des autres, lui dis-je. Et les esclaves de nous-mĂȘmes. – Oui, c'est un peu çà. Des passions des autres et de nos propres passions. Des folies des autres. Et de notre folie Ă  nous. Tous les hommes en sont fous, Jean D'Ormesson, Ă©d. Éditions Jean CLaude LattĂšs, 1986, p. 146 Le bonheur Ă  San MiniatoModifier Oh ! Jean ! Qu'est-ce que c'est que cette vie oĂč tout marche de travers, oĂč les plus jeunes meurent les premiĂšres, oĂč les amants se quittent, allez savoir pourquoi, oĂč on n'aime pas ceux qu'on aime et oĂč on aime ceux qu'on aime pas ? Est-ce que tu crois, comme l'oncle Winston, qu'il va y avoir la guerre ? Est-ce que tu crois surtout qu'un jour, un beau jour, aprĂšs tant de plaisirs et de dĂ©tresse, nous finirons par apercevoir, lĂ -bas, au loin, quelque chose d'obscur et de calme qui sera le bout du chemin ? Le bonheur Ă  San Miniato, Jean D'Ormesson, Ă©d. Éditions Jean CLaude LattĂšs, 1987, p. 29 Casimir mĂšne la grande vieModifier Jamais le monde n'a Ă©tĂ© aussi bas, ronchonnait mon grand-pĂšre. Aussi veule, aussi mĂ©diocre. Il ne croit plus Ă  rien si ce n'est Ă  l'argent. Pour le soulever si peu que ce soit au dessus de lui-mĂȘme, il faut descendre jusqu'au jeux de ballon qu sont la pĂąle rĂ©plique des jeux du cirque d'autrefois. Casimir mĂšne la grande vie, Jean D'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 1997, p. 135 Comme un chant d'espĂ©ranceModifier Il n'y a qu'un choix, en fin de compte, et tout se joue dans ce choix entre le nĂ©ant travaillĂ© par le hasard et Dieu. Nous ne pouvons rien savoir du nĂ©ant avant le big bang ni du nĂ©ant aprĂšs la vie. Les choses sont si bien tricotĂ©es que le mur de Planck et le mur de la mort sont Ă©galement infranchissables. Mais nous pouvons nous faire une idĂ©e de ce qui est possible et de ce qui est impossible. Si l'univers est le fruit du hasard, si nous ne sommes rien d'autre qu'un assemblage Ă  la va-comme-je-te-pousse de particules pĂ©rissables, nous n'avons pas la moindre chance d'espĂ©rer quoi que ce soit aprĂšs la mort inĂ©luctable. Si Dieu, en revanche, et ce que nous appelons — Ă  tort — son esprit et sa volontĂ© sont Ă  l'origine de l'univers, tout est possible. MĂȘme l'invraisemblable. D'un cĂŽtĂ©, la certitude de l'absurde. De l'autre, la chance du mystĂšre. Comme un chant d'espĂ©rance, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2014, p. 85 Dieu sans les hommes est un rĂȘve vide, trĂšs proche de rien, un nĂ©ant infini, une Ă©ternitĂ© d'absence. Il est une invitation Ă  la solitude et Ă  l’orgueil. Il mĂšne Ă  l'intolĂ©rance, Ă  une espĂšce de folie et souvent Ă  l'horreur. Les hommes sans Dieu sont guettĂ©s par une autre forme d'orgueil et par l'absurde dans toute sa puretĂ©. Ils sont, eux aussi, sur le chemin de l'horreur et de la folie. Comme un chant d'espĂ©rance, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2014, p. 92 J'ai aimĂ© Dieu, qui n'est rien aux yeux des hommes qui ne sont rien. Je n'ai dĂ©testĂ© ni les hommes ni les femmes. Et j'ai aimĂ© la vie qui est beaucoup moins que rien, mais qui est tout pour nous. Je chanterai maintenant la beautĂ© de ce monde qui est notre tout fragile, passager, fluctuant, et qui est notre seul trĂ©sor pour nous autres, pauvres hommes, aveuglĂ©s par l'orgueil, condamnĂ©s Ă  l'Ă©phĂ©mĂšre, emportĂ©s dans le temps et dans ce prĂ©sent Ă©ternel qui finira bien, un jour ou l'autre, par s'Ă©crouler Ă  jamais dans le nĂ©ant de Dieu et dans sa gloire cachĂ©e. Comme un chant d'espĂ©rance, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2014, p. 95 A la fameuse question de Leibniz que nous avons dĂ©jĂ  rencontrĂ©e sur notre chemin Pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ? », il y a une seule rĂ©ponse possible Parce que Dieu a distinguĂ© le tout du rien. » Mais, Ă  l'intĂ©rieur de cette rĂ©ponse, il y a une autre rĂ©ponse, incluse, subalterne et annexe Parce que Dieu a confiĂ© Ă  l'homme le tout tirĂ© du rien pour qu'il en fasse un monde oĂč, grĂące Ă  l'espace et au temps, Ă  la nĂ©cessitĂ© et au hasard, l'absence se change en prĂ©sence et le mystĂšre en raison. » Avec ses sens et sa pensĂ©e, l'homme crĂ©e une seconde fois le monde tirĂ© par Dieu du nĂ©ant infini et de l'Ă©ternitĂ© du rien. Comme un chant d'espĂ©rance, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2014, p. 111 La Douane de merModifier Je lui parlais du silence, de l'oubli, de l'absence. Je lui parlais de l'orgueil, de la tristesse, de la jalousie, de la haine qu'il serait impossible d'inventer si nous ne les connaissions pas. Je lui parlais du souvenir. Je lui parlais de l'espĂ©rance. Tout cela, qui lui semblait flou, avait une rĂ©alitĂ© sur la planĂšte oĂč vivent les hommes et oĂč il a dĂ©barquĂ©. Tout cela existait chez nous et n'existait que chez nous. La mĂ©lancolie et l'attente sont des spĂ©cialitĂ©s de cette province reculĂ©e que nous appelons le monde. La Douane de mer 1994, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2006 ISBN 2-07-039461-1, p. 53 Je trouve le monde Ă©patant. Il m'amuse Ă  la folie. Je ne sais pas oĂč il va. Et parce que je suis un ignorant, un sceptique, un imbĂ©cile, je crois, contrairement Ă  la quasi-totalitĂ© de mes contemporains, que l'homme n'est pas le maĂźtre de son propre destin, qu'il y a quelque chose au-dessus de lui qui donne un sens Ă  l'univers et que ce qu'il y a de mieux Ă  faire... – Eh bien, demanda A en penchant la tĂȘte d'un geste brusque, ce secret des secrets, dis-moi donc ce que c'est ? – C'est de faire ce qu'il peut. Wer immer strebend sich bemĂŒth, den können wir erlösen. » La Douane de mer 1994, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2006 ISBN 2-07-039461-1, p. 186 Toute vie est amĂšre parce qu'elle se termine par la mort. La vie est une maladie mortelle, Ă  transmission sexuelle, dont on se guĂ©rit un peu chaque jour et qui finit par nous emporter. La vie est un prĂȘt gratuit que nous ne pouvons pas refuser, que nous devons toujours rembourser, qui nous est successivement consenti et retirĂ©, et auquel nous tenons plus qu'Ă  tout. Au moins tant que nous vivons. La Douane de mer 1994, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2006 ISBN 2-07-039461-1, p. 227 Il n'y aurait qu'une chose de pire que de mourir ce serait de ne pas mourir. Ne me replonge pas dans la vie elle n'a de prix que parce qu'elle cesse. Tous, ou presque tous, nous avons peur de mourir. Mais une fois dans la mort, dans la paix, dans l'oubli, aurions-nous envie de revenir sur cette Terre ? La Douane de mer 1994, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2006 ISBN 2-07-039461-1, p. 227 Histoire du Juif errantModifier Il marchait. Il marcha jusqu'Ă  la nuit. Il s'Ă©tait dĂ©jĂ  beaucoup Ă©loignĂ© de la ville lorsque la faim s'empara de lui. Et la soif. Les passions, les ambitions, les idĂ©es, les projets ne viennent qu'en seconde ligne. Il faut d'abord boire, et manger, et dormir, et tout le reste. Sans jamais en souffler mot dans les torrents de livres et de films qui nous tombent sur la tĂȘte, nous passons notre temps Ă  mener notre corps au garage, Ă  le ravitailler et Ă  le vidanger. De La Princesse de ClĂšves au Soulier de satin, en passant par Adolphe et par La Chartreuse de Parme, on dirait que nos hĂ©ros sont munis d'une dispense de trimbaler un corps. Ils n'ont le droit que de faire l'amour parce que l'amour est le lien entre le rĂȘve et la machine. Nous sommes une machine avant d'ĂȘtre un esprit et une Ăąme. Il peut y avoir des machines sans esprit et sans Ăąme. Dans ce monde au moins, il n'y a pas d'esprit et d'Ăąme sans qu'il y ait une machine. AhasvĂ©rus avait soif. Et il avait faim. la nuit tombait. Il aperçut une lumiĂšre qui brillait dans une maison. Il poussa la porte aprĂšs l'avoir frappĂ©e de son bĂąton et il entra dans la maison. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 117 En dĂ©sobĂ©issant au CrĂ©ateur, en dĂ©couvrant cette force inouĂŻe que reprĂ©sentait le mal, Adam avait donnĂ© le dĂ©part Ă  quelque chose de plus fort que la Grande Aventure c'Ă©tait l'histoire. En maltraitant le GalilĂ©en qui se disait fils de Dieu, AhasvĂ©rus s'Ă©tait condamnĂ© Ă  la parcourir en entier. Il Ă©tait le second Adam. Lui portait sur ses Ă©paules le poids Ă©crasant du pĂ©chĂ© perpĂ©tuel [...] Il parlerait toutes les langues. Il aurait toujours dans sa poche assez d'argent pour survivre. Et le cancer, les armes blanches, le pistolet, le poison, la tempĂȘte et le feu, la cruautĂ© des hommes et leur justice, le hasard et le destin seraient contraints de l'Ă©pargner. L'Ăąge, c'est-Ă -dire le temps, n'aurait pas prise sur lui. Il avait laissĂ© marcher le GalilĂ©en vers sa mort. Il marcherait lui-mĂȘme sans fin Ă  travers l'univers. Mais il ne le savait pas encore. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 174 Je dis que tout s'en va. Je dis que tout meurt et disparaĂźt. Et que quelque chose, pourtant, subsiste, chez ceux qui restent, de ce qui a disparu. Que quelque chose, pourtant, subsiste, chez les vivants, de ce qui a vĂ©cu. C'est ce que nous appelons le souvenir. La mort n'est pas la fin de tout puisqu'il y a le souvenir. Les hommes rĂȘvent de fantĂŽmes, de revenants, de forces spirituelles et mystĂ©rieuses, dont on ne sait presque rien, dont on attend presque tout. Le premier des fantĂŽmes, le premier des revenants, la plus formidable des forces spirituelles, vous le savez bien, c'est le souvenir. Rien de plus beau que l'espĂ©rance — si ce n'est le souvenir, qui est l'inverse et la mĂȘme chose. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 267 Distinguez-vous ce jeu au loin entre le temps et la vie ? Il repose tout entier sur un mystĂšre effrayant quand il n'y aura plus rien, il y aura eu quelque chose et la mort elle-mĂȘme n'efface pas le souvenir. Ah ! je ne dis pas grand-chose, non je ne dis presque rien, je dis que tout s'en va et que tout disparaĂźt, je dis qu'il y a une Ăąme du monde et que ce qui a Ă©tĂ© ne peut pas ne pas ĂȘtre. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 267 C'est ce flou permanent, c'est ce passez muscade entre le coupable et la victime qui a fait du Juif errant une figure si remarquable et si intĂ©ressante qu'elle n'a jamais cessĂ© de sĂ©duire Ă©crivains et artistes. Je suis tout le monde et moins que rien. Je suis l'horreur de vivre et tous vos Ă©blouissements. Je suis aussi la fatigue. la contradiction, et la fatigue. La passion et la fatigue. j'en ai assez de marcher. j'en ai assez d'un monde qui s'imagine toujours avoir tout dĂ©couvert et qui ne comprend jamais rien. VoilĂ  deux millĂ©naires que je marche sur cette planĂšte oĂč tout se transforme toujours et oĂč rien ne change jamais. C'est ce qui me rapproche des pauvres les pauvres sont fatiguĂ©s. Moi aussi. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 501 Je crois qu'il faut savoir, et quelquefois mourir, pour des choses — comment dire ?... choisies presque au hasard. Non pas tant parce qu'elles sont vraies — qu'est-ce que la vĂ©ritĂ© ? — mais parce qu'elles vous paraissent, Ă  vous qui ne savez rien, plus belles, plus justes, plus grandes. Non pas tant parce qu'elles sont vraies, mais parce que vous les avez choisies. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 505 Il vous faudra sans moi dĂ©couvrir dans ce monde tout ce qui en fait le charme, la drĂŽlerie, l'imprĂ©vu, la grandeur. Parce que vous, au moins, avez la chance de mourir et que le temps vous est mesurĂ©. La griserie d'exister n'en sera que plus vive. La rĂ©pĂ©tition perpĂ©tuelle de combinaisons qui ne changent guĂšre teinte mes expĂ©riences d'un peu de lassitude et d'ennui. Vous, au contraire, la seule chose que vous ayez Ă  craindre, c'est la mĂ©lancolie du temps qui passe. Quelle aubaine ! Quel enchantement ! La vie pour vous sera si belle que, malgrĂ© les Ă©checs et les souffrances que nous connaissons tous, vous aurez, je vous le dis, un peu de mal Ă  la quitter. Moi qui n'aspire qu'Ă  une mort Ă  jamais refusĂ©e, je vous envie de pouvoir partir avant l'horreur et l’écƓurement. Histoire du Juif errant 1990, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-038578-7, p. 510 Le rapport GabrielModifier Le temps, l'espace, la nĂ©cessitĂ©, la loi rĂšgnent sur tout ce petit monde. Ils ne rĂšgnent pas sur les autres univers a qui j'ai donnĂ© d'autres lois et que les hommes, parce qu'ils vivent dans le temps, sont hors d'Ă©tat, non seulement d'imaginer, mais mĂȘme de concevoir. La pensĂ©e des hommes est soumise Ă  la mĂȘme loi qui domine l'univers et c'est pour cette raison qu'ils sont incapables de le comprendre et incapables d'en sortir. Le rapport Gabriel 1999, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2003 ISBN 2-07-041735-2, p. 39 L'idĂ©e que la nĂ©cessitĂ© n'Ă©tait peut-ĂȘtre pas nĂ©cessaire et que le hasard Ă©tait un autre nom de ma volontĂ© ne les a pas effleurĂ©s parce qu'ils ne voulaient pas qu'elle pĂ»t les effleurer. Ils ont choisi n'importe quoi, mais qui restait Ă  leur niveau, plutĂŽt que quelques chose qui risquait de les dĂ©passer. Et ils sont allĂ©s jusqu'Ă  reconnaĂźtre bruyamment, avec un peu plus qu'une ombre d'affection et de provocation, qu'ils prĂ©fĂ©raient l'absurde au mystĂšre. Le rapport Gabriel 1999, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2003 ISBN 2-07-041735-2, p. 47 Le monde est enchanteur, et il est dĂ©risoire. S'il n'y a rien d'autre que le monde, le monde est absurde et il n'a aucun sens. S'il y a autre chose que le monde, le monde ne peut prĂȘter qu'Ă  pleurer ou Ă  rire. J'imagine que, de la-haut, l'Éternel nous regarde et qu'il nous prend en pitiĂ©. Jetons-nous dans la mer, bĂ©nissons le Soleil, courons dans la montagne, Ă©puisons notre vie qui nous vient on ne sait d'oĂč et jouons Ă  la balle sur les bords du nĂ©ant et de l'Ă©ternitĂ©. Le rapport Gabriel 1999, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2003 ISBN 2-07-041735-2, p. 258 Le temps surtout met sa barriĂšre entre Ă©crivain et journaliste. Le temps — au galop ! au galop ! — a deux propriĂ©tĂ©s, contradictoires et identiques le temps passe et il dure. Alors que le journaliste est tout entier du cĂŽtĂ© du temps qui passe — J'appelle journalisme, Ă©crit AndrĂ© Gide, ce qui sera moins intĂ©ressant demain qu'aujourd'hui » et PĂ©guy Rien n'est plus vieux que le journal de ce matin, et HomĂšre est toujours jeune » —, l'Ă©crivain est tout entier du cĂŽtĂ© du temps qui dure. RivĂ© Ă  l'actualitĂ©, le mot d'ordre du journaliste est l'urgence ; l'Ă©crivain ne pense Ă  rien, si ce n'est Ă  l'essentiel. Et l'urgent, Ă  notre Ă©poque, est l'ennemi jurĂ© de l'essentiel. Alors, disait Forain Ă  un ami qui venait de se faire installer le tĂ©lĂ©phone, alors, on te sonne, et tu y vas. » Le rapport Gabriel 1999, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2003 ISBN 2-07-041735-2, p. 332 – Quel est l'essentiel ? demanda Gabriel. – Tu le sais mieux que moi, rĂ©pondis-je. – Et quel est l'urgent ? Je rĂ©flĂ©chis un instant. – C'est de sauver les hommes, lui dis-je. Le rapport Gabriel 1999, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2003 ISBN 2-07-041735-2, p. 333 Que de belles filles Ă  l'aube ont passĂ© dans ma vie ! Elles me donnaient un vertige qui ne reposait pas seulement sur le dĂ©sir et le sexe. Elles indiquaient les chemins innombrables qu'aurait pu prendre le destin. Elles Ă©taient les flĂšches de bois qui guident en montagne le voyageur Ă©garĂ© vers des vallĂ©es opposĂ©es. Elles Ă©taient les panneaux blancs que la police militaire allemande avait multipliĂ©s dans le labyrinthe mystĂ©rieux de paris occupĂ© Kommandantur, Notre-dame, Lazaret, Arc de triomphe... Elles Ă©taient la rose des vents. Elles Ă©taient les carrefours avortĂ©s d'une existence de rĂȘve qui ne verrait jamais le jour. Le rapport Gabriel 1999, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2003 ISBN 2-07-041735-2, p. 404 La gloire de l'EmpireModifier L'Empire n'avait jamais connu la paix. Il avait fallu l'Ă©difier, et puis il avait fallu le dĂ©fendre. Du fond de son histoire montait la rumeur des haches et le sifflement des javelots et les cris des mourants, le soir, aprĂšs la bataille. Les forĂȘts du nord et de l'est, les hautes montages du sud n'avaient pas suffi Ă  le protĂ©ger des attaques et des gloire de l'Empire 1971, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2002 ISBN 2-07-038941-3, p. 15 Au plaisir de DieuModifier Je suis nĂ© dans un monde qui regardait en arriĂšre. Le passĂ© y comptait plus que l'avenir. Mon grand-pĂšre Ă©tait un beau vieillard trĂšs droit qui vivait dans le souvenir. Sa mĂšre avait dansĂ© aux Tuileries avec le duc de Nemours, avec le prince de Joinville, avec le duc d'Aumale, et ma grand-mĂšre Ă  CompiĂšgne avec le prince ImpĂ©rial. Mais c'Ă©tait Ă  la monarchie lĂ©gitime qu'Ă  travers tant de dĂ©sastres, de barricades, de citadelles assiĂ©gĂ©es, de rebelles triomphants, ma vieille tribu tout entiĂšre restait passionnĂ©ment attachĂ©e. Les Lendemains qui chantent aux oreilles des prophĂštes ne lu disait rien qui plaisir de Dieu 1974, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2006 ISBN 2-07-037243-X, p. 13 Dieu, sa vie, son ƓuvreModifier Il me semble, Ă  travers Dieu, me souvenir enfin de ce que je n'ai jamais su. Et peut-ĂȘtre de ce que personne n'a jamais pu savoir. Il me semble deviner dĂ©jĂ  ce qui me restera toujours interdit et fermĂ© par le temps encore Ă  venir. Puisque je participe Ă  la totalitĂ©, quelque chose de Dieu palpite dans ce que j'Ă©cris. Je l'Ă©cris parce que je souffre d'un Ă©trange maladie j'ai le vertige du monde. Je lutte contre le mal par la vaccination, par l'homĂ©opathie je prends quelques gouttes de l'ocĂ©an universel et je les infuse dans ces pages. Au hasard, n'importe comment, en quantitĂ©s imperceptibles et infinitĂ©simales traces, comme dit le jargon. Il y a, dans ce livre Ă  la gloire du saint nom, des traces de l'univers, il y a des traces de Dieu. Dieu, sa vie, son Ɠuvre 1981, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-037735-0, p. 155 Ni la peinture ni la musique, ni philosophes ni tragĂ©diens, ni poĂštes ni romanciers — ni les historiens, bien entendu — n'ont osĂ© abordĂ© le thĂšme du tĂȘte-Ă -tĂȘte cĂ©leste entre le bien et le mal. Au moment de franchir le pas, on hĂ©site Ă  leur donner tort. L'absence de toute source, de toute espĂšce de rĂ©fĂ©rence autre qu'un sentiment collectif dĂ©positaire de secrets qui remontent Ă  des Ăąges Ă©vanouis et mystiques rend la tĂąche presque impossible. Il faut pourtant rĂ©pondre Ă  la question fondamentale que les hommes se posent sans l'ombre d'une solution, depuis la nuit de temps Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutĂŽt que rien ? » Et Ă  la question subsidiaire Pourquoi Dieu a-t-il permis qu'il y ait du mal dans le monde ? » Puisque c'est la rĂ©ponse Ă  ces deux questions qui constitue l'origine et le sens de ce livre, il n'est plus temps de reculer. Dieu, sa vie, son Ɠuvre 1981, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. Folio », 2004 ISBN 2-07-037735-0, p. 286 Odeur du tempsModifier Je dois beaucoup Ă  un petit nombre de maĂźtres et d'amis — des vivants et des morts — qui m'ont fait ce que je suis. Les uns, parce qu'ils m'ont encouragĂ©, aidĂ©, soutenu les autres, parce que je les ai lus. À beaucoup d'Ă©gards imparfait, bĂąti de bric et de broc, encombrĂ© de rĂ©pĂ©titions inhĂ©rentes Ă  son genre, et parfois de contradictions, ce livre est trĂšs loin d'ĂȘtre un de ces livres d'amertume que dicte parfois le grand Ăąge que j'atteints Ă  mon tour. C'est un livre de gratitude et d'admiration. L'admiration, de nos jours, n'est pas un sentiment Ă  la mode. Odeur du temps est un exercice d'admiration et de fidĂ©litĂ©. VoilĂ  plus de trois quarts de siĂšcle que ce monde oĂč j'ai Ă©tĂ© jetĂ© par le hasard ou par la Providence n'a jamais cessĂ© de m'Ă©blouir. C'est un peu de cet Ă©blouissement que voudraient transmettre ces pages dĂ©jĂ  peut-ĂȘtre, mais Ă  peine, jaunies par le du temps, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions HĂ©loĂŻse D'Ormesson, 2007 ISBN 978-2-35087-058-8, p. 15 Qu'est-ce qu'ils nous apprennent, Aragon, et Yourcenar, et Borges, et Cioran, et les autres ? Que, selon la belle formule de Pessoa, la vie ne suffit pas » et que la littĂ©rature est lĂ  pour nous Ă©lever un peu au-dessus de nous-mĂȘmes. Odeur du temps, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions HĂ©loĂŻse D'Ormesson, 2007 ISBN 978-2-35087-058-8, p. 93 Saveur du tempsModifier Ce qu'est ce livre au fond, c'est un exercice d'admiration — tempĂ©rĂ©e, ici ou lĂ , par l'inquiĂ©tude ou l'ironie. Admiration pour les hommes, admiration pour les Ɠuvres, admiration pour la beautĂ© du monde. Dans une Ă©poque plus portĂ©e Ă  la dĂ©rision qu'Ă  l'admiration, voilĂ  un dĂ©fi un peu audacieux. Je le relĂšve sans trop de crainte. Nous vivons une pĂ©riode suffisamment prĂ©occupante pour que, de temps en temps, nous essayions de viser un peu plus haut et de rendre Ă  l'espĂ©rance des couleurs trop souvent du temps, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions HĂ©loĂŻse D'Ormesson, 2009 ISBN 978-2-35087-114-1, p. 13 La crise de la littĂ©rature et plus particuliĂšrement du roman, dont chacun parle aujourd'hui avec insistance mais dans le vague, vient d'abord sans doute de l’absence de grands Ă©crivains. Cette absence contraste singuliĂšrement avec la profusion et l'Ă©clat des annĂ©es 1920 et 1930. Dans un dictionnaire des auteurs de l'entre-deux-guerres, la seule lettre M — privilĂ©giĂ©e, j'en conviens — fournissait Mauriac, Maurois, Montherlant, Morand, Maurras, Malraux et Martin du Gard - sans parler des Charles Morgan et des Soomerset du temps, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions HĂ©loĂŻse D'Ormesson, 2009 ISBN 978-2-35087-114-1, p. 19 Je dirai malgrĂ© tout que cette vie fut belleModifier Ils frĂ©quentaient les dieux dont ils descendaient en droite ligne. Et voilĂ  qu'ils se retrouvent en primates, avec des bactĂ©ries et des algues pour grands-mĂšres. Ils en savent, bien sĂ»r, beaucoup plus sur l'univers, sur son histoire, sur leur propre personne, ils sont autrement plus puissants qu'hier dans tous les domaines oĂč ils ont roulĂ© de triomphe en triomphe, et l'orgueil les submerge — mais ayant perdu leurs illusions, rĂ©duits Ă  leurs propres forces, se mĂ©fiant d'eux-mĂȘmes et de leurs pouvoirs toujours croissants, ils ont dĂ©gringolĂ© du piĂ©destal oĂč ils s'Ă©taient juchĂ©s et ils ont rapetissĂ©. Je dirai malgrĂ© tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2016 ISBN 978-2-07-017829-2, p. 416 La vĂ©ritĂ©, c'est que nous sommes trop grands pour nous. Nous sommes dĂ©chirĂ©s entre notre petitesse et notre grandeur, entre notre misĂšre et notre puissance. Il n'est rien d'impossible au pouvoir d'un esprit enfermĂ© dans un corps destinĂ© Ă  pourrir et qui n'apparaĂźt que pour se hĂąter de disparaĂźtre. Chacun d'entre nous est un roi trĂšs puissant, enchaĂźnĂ©, glorieux, misĂ©rable, vouĂ© Ă  la poussiĂšre et dĂ©vorĂ© d'espĂ©rance. Je dirai malgrĂ© tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2016 ISBN 978-2-07-017829-2, p. 425 Je crois que derriĂšre le roman de l'univers, avec ses structures si prĂ©cises et ses rebondissements, et derriĂšre le grand théùtre de la vie, avec son intrigue si bien ficelĂ©e, ses dialogues si brillants, ses anecdotes sans fin, son style louĂ© de toutes parts, son mĂ©lange si savant de tragique et de comique, il y a comme une puissance inconnue. Je dirai malgrĂ© tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2016 ISBN 978-2-07-017829-2, p. 433 Il est impossible de se faire une idĂ©e, mĂȘme approximative et figurĂ©e, de l'origine de cette abstraction portĂ©e Ă  l'incandescence que serait un temps en train d'apparaĂźtre et de se mettre Ă  couler. Il n'apparaĂźt pas et il ne coule pas pour la raison la plus simple il n'existe pas. Ou, du moins, il n'existe pas en tant que tel. Il n'est pas une rĂ©alitĂ©. Il n'a pas d'existence propre. Il n'y a pas de temps vide comme il peut y avoir un espace vide. Le temps n'est rien d'autre qu'une dimension — ou plutĂŽt la dimension — nĂ©cessaire et universelle de tout ce qui est appelĂ© Ă  exister Ă  partir du big bang. Je dirai malgrĂ© tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2016 ISBN 978-2-07-017829-2, p. 439 Tout semble se dĂ©glinguer de partout. Sa langue surtout, son bien le plus prĂ©cieux, qui brillait de mille feux et rĂ©gnait sur l'Europe qui rĂ©gnait sur le monde, se dĂ©fait de jour en jour. Confucius le savait dĂ©jĂ  Ă  l'Ă©poque de Platon et de Sophocle il faut prendre garde aux mots. Une langue qui faiblit, c'est un pays qui vacille. Je dirai malgrĂ© tout que cette vie fut belle, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2016 ISBN 978-2-07-017829-2, p. 448 Guide des Ă©garĂ©sModifier Plus familiĂšre et plus prĂ©sente que l'air toujours absent, l'eau est aussi plus Ă©trange et plus paradoxale. Elle n'a ni forme ni couleur, mais nous pouvons la voir. Elle n'Ă©met aucun son, mais nous Ă©coutons volontiers sa musique et ses plaintes. Nous pĂ©nĂ©trons parfois dans son invraisemblable texture, mais le plus souvent c'est elle qui nous pĂ©nĂštre pour s'installer chez nous oĂč elle rĂšgne en maĂźtresse. A sa forme si instable et secrĂšte jusqu'au miracle nous donnons le nom de liquide ». Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 31 Le temps existe, bien sĂ»r, puisque nous vieillissons et mourons, puisque tout passe et s'en va. Mais il n'a pas, comme l'espace, une rĂ©alitĂ© par lui-mĂȘme. Il n'est pas un fleuve oĂč nous nous plongerions. MystĂšre profond, il est attachĂ© Ă  la matiĂšre et Ă  la vie. Memento mori perpĂ©tuel et tout puissant, il est, sur toutes les formes les plus diverses de la rĂ©alitĂ© et de l'existence, sur toutes leurs facettes et tous leurs fragments les plus infimes, la marque indĂ©lĂ©bile d'un Ă©lan vers la mort et la disparition. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 42 Chacun de nous sort d'un mĂ©canisme physique qui repose sur l'union de deux corps matĂ©riels et monte vers la libertĂ©. La vie sort de molĂ©cules et de bactĂ©ries Ă©trangĂšres Ă  tout esprit et monte — au moins de loin — vers le savoir, l'art, la beautĂ©, la vĂ©ritĂ©. Le talent, le gĂ©nie, l'imagination, la bontĂ© sortent d'ovules et de sperme. Et l'univers lui-mĂȘme sort d'une explosion matĂ©rielle avant de monter dans le temps, vers l'histoire, vers la mort au bout du rouleau — et, paradoxe suprĂȘme, vers la pensĂ©e et l'amour qui unissent la matiĂšre et l'esprit. Tout sort de la matiĂšre et tout monte vers l'esprit. Comme le monde lui-mĂȘme, la pensĂ©e est une incarnation. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 47 Le mal est une trouvaille de gĂ©nie qui n'appartient qu'aux hommes. Il est une invention et un prolongement de la pensĂ©e. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 49 Ce qu'il y a de plus Ă©trange dans la mort, c'est cette barriĂšre infranchissable qui la sĂ©pare de la vie. On dirait un fait exprĂšs. TrĂšs loin dans le passĂ©, il y a des millions et des millions de siĂšcles, un mur s'Ă©lĂšve tout au dĂ©but pour nous empĂȘcher de connaĂźtre notre origine. TrĂšs prĂšs dans l'avenir, dans quelques annĂ©es, dans quelques mois ou peut-ĂȘtre demain, un mur s'Ă©lĂšve tout Ă  la fin pour nous empĂȘcher de connaĂźtre notre destin. Nous ignorons d'oĂč nous venons, nous ignorons oĂč nous allons. Nous sommes tous des Ă©garĂ©s. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 66, 67 Chacun a le droit, et peut-ĂȘtre le devoir, d'ĂȘtre heureux. Les traitĂ©s du bonheur et les recettes pour y parvenir sans trop de peine en quelques leçons ont fleuri un peu partout. J'ai contribuĂ© moi-mĂȘme Ă  cet engouement collectif et un peu forcĂ©. Peut-ĂȘtre faut-il rappeler que la recherche frĂ©nĂ©tique du bonheur ouvre le chemin le plus sĂ»r vers l'Ă©chec et le dĂ©goĂ»t. Le bonheur n'est pas un but, encore moins une carriĂšre ou une obligation, mais un don gratuit, une surprise ou la rĂ©compense de ceux qui ne passent pas leur temps Ă  le cultiver. Le bonheur n'est pas un exercice narcissique et solitaire. Il tombe, comme par hasard, sur la tĂȘte et dans le cƓur de ceux qui, loin de s'occuper d'eux-mĂȘmes, s'occupent plutĂŽt d'autre chose — et des autres. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 72 Le progrĂšs est une rĂ©alitĂ©. Le progrĂšs est une Ă©vidence. Le progrĂšs est une idole. Le progrĂšs est un mythe. Tout passe, tout Ă©volue, mais tout reste semblable. Le prince Salina, dans Le GuĂ©pard de Lampedusa revu par Visconti, l'avait dĂ©jĂ  dĂ©jĂ  devinĂ© rien ne change jamais que pour mieux se poursuivre. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 79 Une bonne partie, et la plus bruyante, de l'art d'aujourd'hui s'est dĂ©tournĂ©e de la beautĂ©. Une Ɠuvre d'art a encore le droit d'ĂȘtre belle. Elle peut aussi nourrir des ambitions diffĂ©rentes. Au lendemain de deux guerres mondiales et de la crise Ă©conomique, avec les progrĂšs de la science et la crainte de l'avenir, aprĂšs Rimbaud, Joyce, Picasso, Charlie Chaplin d'un cĂŽtĂ©, Barnum, la radio, le cinĂ©ma, la tĂ©lĂ©vision de l'autre, le rejet, le combat, la fureur, une Ă©thique parfois inversĂ©e ont pris la place de l'admiration, insĂ©parable de la beautĂ©. Les mĂ©dias et l'argent ont dĂ©trĂŽnĂ© la reconnaissance par les pairs et la gloire. Les metteurs en scĂšne l'ont emportĂ© sur les auteurs. Le commentaire sociologique s'est emparĂ© de l'art. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 90 Le problĂšme avec la vĂ©ritĂ©, qui est adĂ©quation de la pensĂ©e et de la rĂ©alitĂ©, conformitĂ© du langage au monde et Ă  son histoire, c'est qu'elle ne cesse de se dĂ©rober. Elle se situe volontiers sous l'invocation de la formule cĂ©lĂšbre d'un procureur de JudĂ©e au temps de l'empereur TibĂšre Qu'est-ce-que la vĂ©ritĂ© ? » Il n'y a de beautĂ© que parce qu'il y a des hommes pour la percevoir. Il n'y a de vĂ©ritĂ© — de mensonge — que parce qu'il y a une pensĂ©e et un langage pour la dĂ©couvrir — ou la dissimuler. InsĂ©parable de l'expression sous forme de voix ou d'Ă©criture, elle est aussi liĂ©e au mal qu'elle affronte et qu'elle dissipe. AssoiffĂ©e de reconnaissance, elle est fragile et toujours prĂȘte Ă  la bataille. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 93 Au-delĂ  des bouleversements de la science, de la technique, des mƓurs, de la religion qui dĂ©boussolaient les esprits, le dĂ©couragement des citoyens, le dĂ©sarroi des consciences, le fameux malaise dans la civilisation n'Ă©taient peut-ĂȘtre rien d'autre que les manifestations de la crise de la vĂ©ritĂ©. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 98 Les chrĂ©tiens ont deux convictions, et peut-ĂȘtre seulement deux. Ils croient Ă  Dieu comme source et comme sens de l'univers. Et ils croient Ă  un homme nommĂ© JĂ©sus en qui leur Dieu s'est incarnĂ© et qui enseigne conjointement l'amour de Dieu et l'amour des hommes. Puisque Dieu a choisi, dans sa puissance et dans sa gloire, de prendre visage humain, un peu de divinitĂ© est descendue sur ses crĂ©atures. Dieu se confond avec l'homme. L'homme se rapproche de Dieu. Le christianisme est une thĂ©ologie, mais est aussi un humanisme. Guide des Ă©garĂ©s, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. nrf », 2016 ISBN 978-2-07-269436-3, p. 114 La ConversationModifier Bonaparte J'ai l'imagination rĂ©publicaine et l'instinct monarchique. Je veux rĂ©tablir une monarchie qui soit rĂ©publicaine. Et ma RĂ©publique Ă  moi est romaine, militaire, guerriĂšre, conquĂ©rante. Mon modĂšle n'est pas Versailles, mon modĂšle est Rome. Et mon modĂšle n'est pas les Bourbons, mon modĂšle est CĂ©sar. La Conversation, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2011 ISBN 978-2-35087-174-5, p. 90, 91 CambacĂ©rĂšs Vous avez rĂ©ponse Ă  tout. Vous ĂȘtes au-dessus des autres hommes. Dans les temps antiques, vous auriez, comme Alexandre, Ă©tĂ© un demi-dieu, un fils du roi des dieux. La Conversation, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2011 ISBN 978-2-35087-174-5, p. 102, 103 Bonaparte L'imagination gouverne le monde. Elle est mon bien le plus prĂ©cieux. Je ne connais pas plus l'avenir que vous ou le commun des mortels. Mais, appuyĂ© sur une rĂ©flexion constante et sur des souvenirs qui sont nombreux et prĂ©cis, je le prĂ©pare avec beaucoup de soin. Je suis toujours tout entier Ă  ce que j'ai Ă  faire. Mes idĂ©es et mes projets, je les prends par le cou, par le cul, par les pieds, par la tĂȘte, et je les examine sous toutes leurs faces et je n'abandonne que quand je les ai Ă©puisĂ©s. Du coup, ce que j'ai arrĂȘtĂ© dans ma pensĂ©e, je le regarde comme dĂ©jĂ  exĂ©cutĂ© et je suis moins Ă©mu au moment de la rĂ©alisation de mes desseins qu'au moment de leur conception. La Conversation, Jean d'Ormesson, Ă©d. HĂ©loĂŻse d'Ormesson, 2011 ISBN 978-2-35087-174-5, p. 114, 115 Une fĂȘte en larmesModifier Je crois que le monde change, je crois qu'il ne cesse de changer et de rester le mĂȘme, je crois que les hommes progressent et qu'ils montent vers quelque chose d'inconnu qui ressemble Ă  l'espĂ©rance et d'oĂč le mal ne sera pas extirpĂ©. Il est aussi ridicule de nier le progrĂšs que de le parer de toutes les vertus. Une fĂȘte en larmes, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2005 ISBN 2-221-10483-8, p. 44 Je suis de ceux qui croient Ă  un pĂ©chĂ© originel et Ă  la prĂ©sence d'un mal qui rentrera par la fenĂȘtre quand on l'aura chassĂ© par la porte. C'est ce monde-lĂ  qu'il nous faut non seulement supporter, mais aimer et dont il faut s'amuser. Une fĂȘte en larmes, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2005 ISBN 2-221-10483-8, p. 72 – À quoi ? demanda Clara avec une ombre d'insolence. – Mais Ă  la mort, lui dis-je. Ne le savez-vous pas ? Tout finit. Les amours Ă©ternels finissent aussi par finir. Vous finirez. Je finirai. Je suis prĂšs de finir. Vous ĂȘtes loin de finir parce que vous ĂȘtes jeune. Mais vous finirez aussi. C'est un malheur. Et, en un sens, c'est une chance. On peut dire que, sous le soleil et au-delĂ  du soleil, tout est triste et mal parce que tout finit. On peut dire aussi — et c'est pire, et c'est encore plus triste — que tout est bien parce que tout finit. Une fĂȘte en larmes, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2005 ISBN 2-221-10483-8, p. 156 C'est pour vous rappeler Ă  la rĂ©alitĂ©. L'amour lui-mĂȘme, qui est une des rares choses auxquelles nous puissions, dans cette vallĂ©e d'erreurs et de larmes, dans cette galerie de faux-semblants, ĂȘtre tentĂ©s de croire, est frappĂ© de malĂ©diction. Il l'emporte de trĂšs loin sur toutes les bassesses du monde — mais il lui appartient encore il en partage la misĂšre. Reflet du sacrĂ©, il est un rĂȘve, une nuĂ©e, une illusion scintillante. Un peu plus haut que tout le reste, il est une des facettes les plus brillantes et les plus enivrantes du nĂ©ant de ce monde. Une fĂȘte en larmes, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2005 ISBN 2-221-10483-8, p. 159 Plus sĂ»rement que toute autoritĂ©, lĂ©gitime ou non, la dĂ©mocratie, le vote, le socialisme, l'impĂŽt ont tuĂ© la rĂ©volution qui jouissait d'une santĂ© insolente dans l'opposition Ă  la monarchie ou Ă  la dictature, au moins tant qu'elles Ă©taient faibles ou dĂšs qu'elles le devenaient — et toutes les dictatures finissent, Ă  un moment ou Ă  un autre, par se relĂącher et s'affaiblir. Nous sommes entrĂ©s dans un monde non seulement unifiĂ© et trĂšs petit, mais souple, fluide, presque livide, mallĂ©able jusqu'Ă  l’inexistence et demain virtuel. Ce qui a pu faire naĂźtre la conviction que l'histoire est finie, avec ses idĂ©es de permanences et de rĂ©alitĂ©, ses structures, ses institutions, et qu'elle laissait la place Ă  autre chose. Une fĂȘte en larmes, Jean d'Ormesson, Ă©d. Éditions Robert Laffont, 2005 ISBN 2-221-10483-8, p. 196 Et moi, je vis toujoursModifier Ce qu'il y a de merveilleux avec la guerre de Troie, c'est que, contrairement Ă  la rĂšgle qui veut que l'histoire soit la mĂšre de la poĂ©sie, c'est ici de la poĂ©sie que surgit enfin l'histoire. Presque tout ce que vous savez de la guerre de Troie sort de l'Iliade d'HomĂšre — dont nous ne savons pas grand-chose, pas mĂȘme s'il a vraiment existĂ©. L'Iliade de ce poĂšte inconnu, peut-ĂȘtre aveugle, peut-ĂȘtre lĂ©gendaire, mais en tout cas gĂ©nial, est la source de tout un pan immense de l'histoire universelle. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 26, 27 Avec HĂ©raclite Ă  ÉphĂšse et ParmĂ©nide en Grande-GrĂšce, l'oiseau de minerve, sa chouette, son hibou — la philosophie prend son envol. Pour HĂ©raclite, tout passe, tout change, rien ne dure. On ne se baigne jamais deux fois dans le mĂȘme fleuve. L'univers n'est qu'une succession d'illusions Ă©phĂ©mĂšres. Pour ParmĂ©nide, c'est le contraire. Le monde est solide et dense. Un mot le rĂ©sume l'ĂȘtre. L'ĂȘtre est, un point c'est tout. Beaucoup s'imaginent qu'il peut y avoir un nĂ©ant, du non-ĂȘtre. C'est une erreur. L'ĂȘtre est. Le non-ĂȘtre n'est pas et il ne faut pas en parler. Toute l'histoire de la philosophie Ă  venir sort de l'opposition entre HĂ©raclite et ParmĂ©nide. Platon et Spinoza seront du cĂŽtĂ© de ParmĂ©nide et de sa substance infinie et Ă©ternelle. Hegel et Marx seront du cĂŽtĂ© d'HĂ©raclite. Ils reconnaĂźtront en lui le maĂźtre de la dialectique. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 32, 33 Nous devons tout Ă  la GrĂšce et Ă  Rome. Et pourtant, tout au long de ces siĂšcles de puissance et de gloire, un seul Ă©vĂ©nement, le plus inaperçu d'abord et le plus dĂ©cisif sans doute de l'histoire des hommes, s'inscrit soudain dans l'espace et le temps un enfant naĂźt sous le rĂšgne d'Auguste. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 45, 46 L'histoire prend souvent des chemins dĂ©tournĂ©s pour parvenir Ă  son but. Dieu se sert de lignes courbes pour Ă©crire trĂšs droit. Ce ne sont pas les empereurs, ce ne sont pas les puissants de ce monde, ce ne sont pas les riches dont JĂ©sus ne dit pas de bien qui font triompher le christianisme. Ce sont les pauvres, les esclaves, les femmes — et les barbares. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 47 Corneille, si je ne me trompe, c'est un théùtre d'hommes avec des femmes ; Racine, c'est un théùtre de femmes avec des hommes. Chez Corneille, la volontĂ© l'emporte sur la passion ; chez Racine, la passion l'emporte sur la volontĂ©. Corneille nous montre des hĂ©ros triomphants ; Racine, des victimes condamnĂ©es. Pour Corneille, la tragĂ©die est une grande aventure hĂ©roĂŻque qui peut finir bien ; pour Racine, c'est une aventure personnelle et intime qui ne peut finir que mal. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 157 Le miracle français Ă©tait politique, Ă©conomique et militaire. Il Ă©tait surtout littĂ©raire, intellectuel, artistique et culturel. Il Ă©tait liĂ© Ă  des victoires, au commerce, Ă  l'industrie, Ă  la multiplication des ateliers, au savoir-faire de nos artisans. Il reposait d'abord sur l'usage et le triomphe d'une langue qui allait devenir la langue de l'Europe et donner Ă  la France, pour un siĂšcle, et peut-ĂȘtre pour un peu plus, le premier rang dans le monde. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 170 Le XVIIe est un siĂšcle d'Ă©crivains. le XVIIIe est un siĂšcle d'intellectuels. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 173 Dans beaucoup de rĂ©gions, et notamment dans cette Europe qui continue Ă  rĂ©gner sur le monde, la bourgeoisie domine les deux siĂšcles qui succĂšdent Ă  l'Ancien RĂ©gime, Ă  la RĂ©volution et Ă  l'Empire. Beaucoup de dĂ©finitions ont Ă©tĂ© donnĂ©es du bourgeois. Il est rĂ©servĂ© et il a des rĂ©serves. Il ne s'engage jamais tout entier. Il a plus d'intĂ©rĂȘts que d'idĂ©al. Il aime le confort et il est conformiste. Il est prudent, sĂ»r de lui, parfois chafouin, affolĂ© de culture, prĂšs de ses sous. Il se rĂ©clame d'un passĂ© d'ailleurs plutĂŽt rĂ©cent, d'un art souvent moderne pour essayer de donner le change, de la tradition, de la beautĂ©. Il tente toujours de passer pour audacieux, mais il craint l'avenir, les artistes et l'amour. Il est plus familier des banques et des assurances que de l'agriculture et de la pĂȘche en haute mer. Tout tient en un seul mot l'argent. Orgueilleux et hautains, les aristocrates mĂ©prisaient un argent dont ils manquaient rarement. Les bourgeois ont un faible pour l'argent — mĂȘme celui qu'ils n'ont pas et aprĂšs lequel ils ne cessent jamais de courir. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 214 DĂ©clenchĂ©e par un fait divers presque dĂ©risoire, qui sert de prĂ©texte Ă  des haines recuites, la Grande Guerre est une guerre civile aux dimensions mondiales. DĂ©noncĂ©e par un petit nombre de grands esprits qui, d'un cĂŽtĂ© comme de l'autre, passent aussitĂŽt pour des traĂźtres, elle va provoquer de grandes souffrances dans les deux camps, entraĂźner la mort de plus huit millions d'ĂȘtres humains et ouvrir la voie au dĂ©clin de l'Europe. Et moi, je vis toujours, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, 2018 ISBN 978-2-07-274430-3, p. 233 EssaisModifier Une autre histoire de la littĂ©rature française, IIModifier Villon, Ă©crit KlĂ©ber Haedens, est le seul cambrioleur professionnel qui ait lĂ©guĂ© une grande Ɠuvre Ă  la littĂ©rature française. C'est un mauvais garçon, un marlou, un truand, un assassin. Il est, avec un talent qui touche parfois au gĂ©nie, l'ancĂȘtre de nos dĂ©linquants des quartiers difficiles. Il annonce de loin Jean Genet, dĂ©serteur et voleur. Une autre histoire de la littĂ©rature française, II, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. folio », 1998, p. 13 Qu'est-ce qui est au cƓur de Marguerite Yourcenar ? Je dirais deux choses surtout. Commençons par la moins importante le savoir, l'Ă©rudition, une connaissance approfondie de l'histoire de la culture.[...] L'essentiel de Yourcenar est pourtant encore ailleurs. Il est dans une exigence qui va Ă  contre-courant des tendances de l'Ă©poque. Pour dire les choses d'un mot, elle se mĂ©fie du bonheur. Elle mĂ©prise le bonheur et elle lui oppose le service, qui est peut-ĂȘtre le mot clĂ© de sa personne et de son Ɠuvre. Une autre histoire de la littĂ©rature française, II, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. folio », 1998, p. 354 Le dĂ©senchantement ne rĂ©clame pas de longues tartines. Ce que le chagrin fait de mieux, c'est de se murer dans son silence. Cioran coupe en deux la poire du dĂ©sespoir. Il ne se rĂ©pand pas, Ă  la façon de Rolla ou de Childe Harold, en lamentations lyriques, il ne se tait pas non plus tout Ă  fait il procĂšde par coups de semonce, par Ă©clats mesurĂ©s, par proverbes plus noirs que ceux de Blake ou de Pierce qui se rĂ©clamaient pourtant du diable, par aphorismes et apophtegmes. Une autre histoire de la littĂ©rature française, II, Jean d'Ormesson, Ă©d. Gallimard, coll. folio », 1998, p. 384 PresseModifier La culture, depuis peu, s'Ă©crit avec un C » majuscule — ce n'est pas bon signe — on parle de Culture et Communication — on pense Culture et Propagande. La culture est devenue un grand mot et une prĂ©occupation mĂ©diocre. Quand j'entends parler de culture, je sors mon carnet de chĂšques. Disons d'abord — ce sera plus court — ce que la culture n'est pas. Elle n'est pas un devoir. Elle n'est pas une obligation. Elle n'est pas un dĂźner de gala. Elle n'a rien Ă  voir avec le gouvernement. Elle serait plus proche d'une façon d'ĂȘtre, d'un coup de foudre, d'une fĂȘte toujours inachevĂ©e du bonheur — ou peut-ĂȘtre de joie. Elle est une longue patience et une tĂąche infinie — comme l'amour chez Proust, elle est l'espace et le temps rendus sensibles au cƓur. Elle est plus orgueilleuse et plus modeste que tout ce que l'on pourrait imaginer. La culture vivante », Jean d'Ormesson, Grandes signatures, nÂș 1, avril 2008, p. 7 Citation choisie pour le 3 janvier 2009. L'islam est une belle et grande religion. Son prophĂšte est l'un des hommes trĂšs rares qui ont bouleversĂ© le monde et transformĂ© de fond en comble le destin des hommes. La Chronique du temps qui passe », Jean d'Ormesson, Le Figaro Magazine, nÂș 13827, 11 fĂ©vrier 1989, p. 9 L'islam est une grande et belle religion. Il faut la reconnaĂźtre, la respecter, l'honorer. L'appel de Jean d'Ormesson pour les ChrĂ©tiens d'Irak », Jean d'Ormesson, Le Figaro, 2 aoĂ»t 2014 lire en ligne La civilisation musulmane est Ă  l'origine de quelques-unes des plus belles rĂ©alisations du gĂ©nie humain. Daech dĂ©shonore cette grandeur de l'islam. Nous sommes en guerre » », Jean d'Ormesson, Le Figaro, 22 dĂ©cembre 2014 lire en ligne ÉmissionModifier Est-ce que vous voulez qu'on dise des choses un peu dangereuses. Et bien, je dirais que je souhaite aussi que nous fassions la mĂȘme chose dans les annĂ©es qui viennent avec les musulmans. Je vais me faire incendier, l'islam n'est pas reprĂ©sentĂ© Ă  l'AcadĂ©mie. Il serait normal que l’islam soit reprĂ©sentĂ© Ă  l’AcadĂ©mie française. Je pense que cela se fera. Il faut laisser un peu de temps. L'AcadĂ©mie est une vieille dame, qui a beaucoup de mal Ă  accueillir de nouveaux jeunes gens [...] Je serais heureux qu'il y ait un reprĂ©sentant de l' l'entrĂ©e d' Alain Finkielkraut Ă  l'AcadĂ©mie française, l'Ă©crivain et acadĂ©micien Jean d'Ormesson en a profitĂ© pour formuler un souhait celui de voir un reprĂ©sentant de l'islam intĂ©grer cette prestigieuse institutionJean d'Ormesson, Entretien avec Jean d’Ormesson, Public SĂ©nat, 28 janvier 2016 Citations rapportĂ©esModifier On ne brĂ»le pas encore les livres, mais on les Ă©touffe sous le silence. La censure, aujourd’hui, est vomie par tout le monde. Et, en effet, ce ne sont pas les livres d’adversaires, ce ne sont pas les idĂ©es sĂ©ditieuses que l’on condamne au bĂ»cher de l’oubli ce sont tous les livres et toutes les idĂ©es. Et pourquoi les condamne-t-on ? Pour la raison la plus simple parce qu’ils n’attirent pas assez de public, parce qu’ils n’entraĂźnent pas assez de publicitĂ©, parce qu’ils ne rapportent pas assez d’argent. La dictature de l’audimat, c’est la dictature de l’argent. C’est l’argent contre la culture 
 On pouvait croire naĂŻvement que le service public avait une vocation culturelle, Ă©ducative, formatrice, quelque chose, peut-ĂȘtre, qui ressemblerait Ă  une mission. Nous nous trompions trĂšs fort. Le service public s’aligne sur la vulgaritĂ© gĂ©nĂ©rale. La RĂ©publique n’a pas besoin d’ le Figaro du 10 dĂ©cembre 1992, Ă  propos de la suppression par FR3 de l’émission littĂ©raire CaractĂšres. Vous pouvez Ă©galement consulter les articles suivants sur les autres projets WikimĂ©dia
Jeand Ormesson emploie une magnifique métaphore pour résumer la vie un train à bord duquel nous montons mais dont nous ignorons la destination En 2009 l?écrivain Jean d?Ormesson publiait un livre inattendu L?Enfant qui attendait le train C?est l?histoire d?un petit garçon. Le livre de la réussite et un des plus grand best seller de tous les temps Ce

Dimanche 26 mars, France 2 diffuse Ă  20h55 Les Saveurs du Palais avec Jean d'Ormesson. L'occasion de s'intĂ©resser Ă  la discrĂšte Ă©pouse du sĂ©millant acadĂ©micien de 91 ans..."Il n'y a rien d'autre que les femmes, disait Jean d'Ormesson en avril 2015, Ă  Gala. La mienne est merveilleuse, elle a Ă©tĂ© formidable pendant ma maladie un cancer, qui l'a affectĂ© en 2013, ndr. Elle n'est jamais sur le devant de la scĂšne, et a toujours Ă©tĂ© d'une grande patience."Cousine de Louis MalleIl est un fait que Françoise BĂ©ghin est d'une discrĂ©tion remarquable. Épouse du plus cĂ©lĂšbre des acadĂ©miciens français depuis 1962, elle se tient volontairement en retrait, laissant son mari briller seul dans les mĂ©dias. Cette compagne au long cours est pourtant issue d'une lignĂ©e toute aussi illustre que celle du comte d'Ormesson. Lorsque Jean, ĂągĂ© de 37 ans, l'Ă©pouse en octobre 1962, Françoise est dĂ©jĂ  enceinte de leur fille HĂ©loĂŻse. Ce qui, dans leur milieu, mi-aristocratique mi-bourgeois, est assez peu commun. NĂ©e en 1938, la jeune femme est la troisiĂšme et derniĂšre fille de Simone de Lenzbourg et de Ferdinand BĂ©ghin. Lequel, industriel, magnat de la presse et de l'Ă©dition, est avant tout l'hĂ©ritier d'une cĂ©lĂšbre dynastie sucriĂšre qui en fait l'une des grandes fortunes de France. Parmi les neveux de Ferdinand -et donc cousin germain de Françoise- on trouve Ă©galement un artiste le cinĂ©aste Louis en... de FunĂšs !Il n'empĂȘche l'Ă©pouse de Jean d'Ormesson n'aime pas l'exposition publique. "Ma mĂšre est trĂšs effacĂ©e, concĂšde HĂ©loĂŻse Ă  l'Express. Ça lui convient Ă  elle et ça lui convient trĂšs bien Ă  lui. L'autoritĂ© n'est pas son domaine. Ma mĂšre fixait les limites Ă  sa place." De sa propre mĂšre, Simone de Lenzbourg, de nationalitĂ© suisse et morte en 1966, Françoise a hĂ©ritĂ© avec les siens d'une maison de famille au bord du lac de Morat, oĂč l'Ă©crivain aime Ă  travailler sur ses livres, dans la sĂ©rĂ©nitĂ©. "On s'y retrouvait pendant les vacances d'Ă©tĂ©, avec le patriarche, poursuit HĂ©loĂŻse d'Ormesson. Et lĂ , mon pĂšre faisait son Louis de FunĂšs il s'enroulait une serviette autour du nez..." Lui qui Ă©crit Ă  la main trouve dans ce lieu, et auprĂšs de son Ă©pouse, un cĂŽtĂ© "hors du temps" qui lui plaĂźt infiniment. Le temps n'est-il pas d'ailleurs le thĂšme essentiel de l'Ɠuvre de Jean d''O' ? Celui-lĂ  mĂȘme qui lui a permis de traverser le demi-siĂšcle passĂ© auprĂšs de Françoise, sa discrĂšte mais capitale moitiĂ©...Diaporama Sandric Vasseur Inscrivez-vous Ă  la Newsletter de pour recevoir gratuitement les derniĂšres actualitĂ©s © Bestimage 2/5 - Jean d'Ormesson et sa femme, Françoise BĂ©ghin, le 28 mai 2015, Ă  l'AcadĂ©mie Française. © Bestimage 3/5 - HĂ©loĂŻse d'Ormesson est la fille unique de Jean 'D'O'. Voici l'Ă©ditrice, en 2011. © Bestimage 4/5 - Jean d'Ormesson se montre rarement en famille. Par pudeur et parce qu'il sait sĂ©parer la sphĂšre publique, oĂč il brille de mille feux, et la vie privĂ©e... qu'il garde bien privĂ©e ! Le voici, toutefois, avec son Ă©pouse Françoise BĂ©ghin, lors de l'Inauguration de la Fondation Louis Vuitton Ă  Paris, le 20 octobre 2014. © Bestimage 5/5 - Jean d'Ormesson et sa femme Françoise BĂ©ghin, lors de l'Inauguration de la Fondation Louis Vuitton Ă  Paris, le 20 octobre 2014.

Letrain de la vie – Jean d’Ormesson Un poùme magnifique de Jean d'Ormesson, qui donne du sens à la vie, aux rencontres, au pardonUne invitation à vivre
Le train de la vie est un trĂšs beau texte de Jean d’Ormesson, cĂ©lĂšbre Ă©crivain et philosophe français. C’est une mĂ©taphore magnifique de la vie qui nous invite Ă  savourer le moment prĂ©sent, exprimer de la gratitude, pardonner et apprĂ©cier toutes les personnes que nous pouvons rencontrer. A mĂ©diter
 A la naissance, on monte dans le train et on rencontre nos parents. Et on croit qu’ils voyageront toujours avec nous. Pourtant, Ă  une station, nos parents descendront du train, nous laissant seuls continuer le voyage
 Au fur et Ă  mesure que le temps passe, d’autres personnes montent dans le train. Et ils seront importants notre fratrie, amis, enfants, mĂȘme l’amour de notre vie. Beaucoup dĂ©missionneront mĂȘme l’amour de notre vie et laisseront un vide plus ou moins grand. D’autres seront si discrets qu’on ne rĂ©alisera pas qu’ils ont quittĂ© leurs siĂšges. Ce voyage en train sera plein de joies, de peines, d’attentes, de bonjours, d’au-revoirs et d’adieux. Le succĂšs est d’avoir de bonnes relations avec tous les passagers pourvu qu’on donne le meilleur de nous-mĂȘmes. On ne sait pas Ă  quelle station nous descendrons. Donc vivons heureux, aimons et pardonnons ! Il est important de le faire, car lorsque nous descendrons du train, nous devrions ne laisser que des beaux souvenirs a ceux qui continuent leur voyage
 Soyons heureux avec ce que nous avons et remercions le ciel de ce voyage fantastique. Aussi, merci d’ĂȘtre un des passagers de mon train. Et si je dois descendre Ă  la prochaine station, je suis content d’avoir fait un bout de chemin avec toi ! Jean d’ Ormesson 11 septembre 2019
Letrain de la vie – Jean d’Ormesson À la naissance, on monte dans le train et on rencontre nos parents. Et on croit qu’ils voyageront toujours avec nous. Pourtant, Ă  une station, nos parents descendront du train, nous laissant Table des matiĂšres OĂč est enterrĂ© Jean d'Ormesson ? Qui Ă©tait la femme de Jean d'Ormesson ? Pourquoi tout le monde aime voyager ? Quel est votre train de vie ? Quel est le but de votre voyage ? Pourquoi voyager dans un autre pays ? OĂč est enterrĂ© Jean d'Ormesson ? cimetiĂšre du PĂšre-Lachaise Chapelle funĂ©raire de la famille d'Ormesson au cimetiĂšre du PĂšre-Lachaise division 56, dans laquelle Jean ne repose pas. Qui Ă©tait la femme de Jean d'Ormesson ? Françoise BĂ©ghinm. Jean d'Ormesson/Épouse Pourquoi tout le monde aime voyager ? DĂ©couvrir le monde en voyageant aide Ă  mieux gĂ©rer ses problĂšmes, Ă©chapper Ă  un quotidien stressant ou oppressant mais aussi Ă  faire Ă©voluer sa façon de voir la vie pour soi-mĂȘme et pour les autres. Quel est votre train de vie ? DĂ©finition le train de vie contraint dĂ©signe le montant qui permet d'assurer vos dĂ©penses vitales ou obligatoires, sans aucun “extra”. Mais votre train de vie contraint n'est pas figĂ©. Il est fonction de votre situation actuelle votre logement, vos engagements, vos habitudes
 Quel est le but de votre voyage ? Le voyage permet en effet de faire le point sur sa vie, sur ce que l'on veut mais aussi ce que l'on ne veut plus
 Rien de mieux que d'ĂȘtre loin de notre zone de confort pour apprendre Ă  se connaĂźtre soi-mĂȘme et avoir une idĂ©e bien plus prĂ©cise de ce que l'on souhaite accomplir dans sa vie. Pourquoi voyager dans un autre pays ? Parcourir le monde et voyager d'un point Ă  l'autre de la planĂšte permet de dĂ©couvrir de nouvelles cultures captivantes, d'en apprendre davantage sur des croyances ancestrales et d'entendre des histoires de vie fascinantes de la bouche de gens qui vivent rĂ©ellement dans ces environnements diffĂ©rents. LamĂȘme sociĂ©tĂ© qui abhorre le bourreau professionnel n'Ă©prouve aucun dĂ©goĂ»t pour le bourreau gentleman . Souvenirs de la maison des morts p295 - DostoĂŻevski. Votre commentaire sur cette citation. Contribuer. 200 000 citations proverbes et dictons avec Dicocitations le dictionnaire des citations. Chaque citation exprime les opinions de son “As far back as I can remember, I’ve always wanted to be Jean d’Ormesson.”Jean d’Ormesson m’a eu Ă  l’usure. Du plus loin qu’il me souvienne, je l’ai toujours vu partout. Ses livres Ă©taient dans la bibliothĂšque de ma mĂšre, il passait Ă  “Apostrophes” tous les vendredis, je le croisais chez le pĂšre d’Édouard Baer, j’ai mĂȘme dĂźnĂ© chez lui quand sa fille vivait avec mon Ă©diteur. Il me semble qu’il a incarnĂ© depuis 40 ans ce que doit ĂȘtre un Ă©crivain français quelqu’un de brillant, aristocratique et Ă©lĂ©gant, qui dit du mal de lui-mĂȘme et publie toujours le mĂȘme livre. L’AcadĂ©micien nous a reçu dans son hĂŽtel particulier de Neuilly-sur-Seine, situĂ© Ă  deux cent mĂštres de l’endroit oĂč je suis nĂ©. Je ne dis pas cela pour me vanter de mes origines sociales mais pour expliquer cette discussion en forme de retour aux sources, cette conversation mondaine qui tourne au bilan. Je considĂšre que Jean d’Ormesson est injuste avec lui-mĂȘme. C’est un faux paresseux, un faux dandy, allez savoir, peut-ĂȘtre mĂȘme un vrai Whisky ? Porto ? Vodka ?GQ Je veux bien un whisky avec deux glaçons. C’est gentil. J’ai lu que vous avez Ă©tĂ© Ă  Louis Le Grand, oĂč j’étais Ă©lĂšve en seconde, premiĂšre et terminale, quelques annĂ©es aprĂšs vous. Est-ce que vous avez des souvenirs de mon lycĂ©e ?JdO Oui. Je dois vous dire que je n’ai jamais Ă©tĂ© Ă  l’école. Je ne sais pas ce que c’est que l’école. Mon pĂšre Ă©tait diplomate et m’a traĂźnĂ© derriĂšre lui comme une valise en Allemagne, en Roumanie, au BrĂ©sil. Et jusqu’à 15 ans je n’ai pas Ă©tĂ© Ă  l’ Vous avez eu la mĂȘme enfance qu’AmĂ©lie Nothomb, dont le pĂšre est Exactement. Et Ă  15 ans, je suis rentrĂ© pour quelques mois Ă  Paris et j’étais Ă  Louis le Grand, j’avais 14 ans, j’étais en seconde. Et c’était en 1938 je Et aprĂšs vous ĂȘtes allĂ© Ă  Henri J’y suis restĂ© quelques mois et ceux dont je me souviens le mieux, c’est mon professeur de Français et surtout mon professeur d’Histoire. Mon professeur d’Histoire Ă©tait quelqu’un de trĂšs cĂ©lĂšbre. C’était Bidault. Et j’aimais beaucoup Bidault qui Ă©tait directeur de l’Aube et Ă©tait trĂšs anti-Munichois. C’était en 1938 et moi Ă  13 ou 14 ans, j’étais aussi trĂšs anti-Munichois. Et j’ai retrouvĂ© Bidault beaucoup plus tard en 1944, Ă  la libĂ©ration de Paris. Mon frĂšre Ă©tait dans la RĂ©sistance et il m’a dit “à 17, 18 ans, tu pourrais faire quelque chose”. On m’a donnĂ© une mitraillette que l’on m’a retirĂ© aussitĂŽt vu l’usage que j’en faisais. Et on m’a donnĂ© Ă  porter les brassards avec la croix de Lorraine. Et j’arrive Ă  Saint-François Xavier, mon sac tombe et tous les brassards se rĂ©pandent par terre. Je me suis dit que j’allais ĂȘtre fusillĂ©, puis les Allemands sont passĂ©s et n’ont rien vu, les passants m’ont aidĂ© Ă  reprendre le sac et j’ai Ă©tĂ© porter tout ça Ă  un chef de la RĂ©sistance inconnu, j’ai aussitĂŽt reconnu Bidault qui se souvenait de moi. Donc Bidault a Ă©tĂ© mon MaĂźtre Ă  Louis le Grand et j’ai prĂ©parĂ© Normale Ă  Henri JMG Le ClĂ©zio vient d’avoir le Prix Nobel de LittĂ©rature, personnellement, je trouve ses livres trĂšs emmerdants. Est-ce que vous ne pensez pas que c’est une punition de la lĂ©gĂšretĂ©, que ce soit toujours des auteurs trĂšs sĂ©rieux, trĂšs corrects politiquement, qui aient le Prix Nobel, et jamais des gens lĂ©gers ?JdO D’abord, je vais vous dire, je suis trĂšs content de ce Prix Nobel parce que conformiste comme je suis, je suis trĂšs content que la France ait eu le Prix Nobel. La culture française a Ă©tĂ© attaquĂ©e en AmĂ©rique et voilĂ  que nous avons deux Prix Nobel, c’est formidable. Un en mĂ©decine, l’autre avec Le ClĂ©zio en littĂ©rature, c’est Ă©patant. Il succĂšde Ă  une lignĂ©e trĂšs brillante qui commence par Sully Prudhomme, le premier Prix Nobel, et le dernier est Claude Ensuite il y a eu Gao Xingjian, naturalisĂ© français. Ce n’est pas non plus un joyeux Ceux de Prudhomme et de Claude Simon, ce n’est pas ma tasse de thĂ©. Mais je suis probablement beaucoup plus consensuel que vous. J’avais lu “Le procĂšs-verbal” avec beaucoup de plaisir. D’abord, Le ClĂ©zio est trĂšs beau
GQ Vous Non, il est mieux que Un genre de Viggo Mortensen en plus vieux et Alors je suis comme vous, je pense qu’il n’y a pas de grands Ă©crivains sans lĂ©gĂšretĂ©. Je prends des exemples tout de suite naturellement, CervantĂšs est trĂšs trĂšs drĂŽle, HomĂšre, on ne va pas dire que l’OdyssĂ©e c’est pas amusant ! C’est formidablement amusant. Rabelais c’est amusant, je soutiens que Chateaubriand, c’est amusant
GQ Et Proust aussi
JdO Quant Ă  Proust, dont les gens disent souvent qu’il est ennuyeux, je ne peux pas lire Proust sans Ă©clater de rire ! C’est trĂšs drĂŽle. Il y a une exception de quelqu’un que j’aime beaucoup et qui n’est pas trĂšs drĂŽle, c’est Marguerite Yourcenar. Mais il y a beaucoup d’écrivains, eux, qui exagĂšrent. Je me rappelle que, je ne sais plus Ă  propos de qui, on avait proposĂ© pour un prix ou pour une Ă©lection Ă  l’AcadĂ©mie, et je me souviens que quelqu’un avait dit, Ă  propos de Claudel “c’est trĂšs bien, c’est trĂšs bien, mais il insiste trop sur le cĂŽtĂ© emmerdant.”GQ Alors Le ClĂ©zio c’est une littĂ©rature trĂšs trĂšs sĂ©rieuse
GQ Ma thĂšse c’est qu’on punit la lĂ©gĂšretĂ©. On la paie trĂšs cher la lĂ©gĂšretĂ©. Et en fait quand on vous lit, on voit que vous n’ĂȘtes pas du tout un Ă©crivain lĂ©ger, qu’en rĂ©alitĂ© c’est dans la vie que vous mettez un peu de superficialitĂ©, de frivolitĂ©, mais que vous avez fait Normale Sup rue d’Ulm, que vous ĂȘtes agrĂ©gĂ© de philosophie, et vos livres parlent de Dieu, de la mort, de mĂ©taphysique
 Vos livres sont plus sĂ©rieux que vous ne le laissez paraĂźtre !JdO Je vais me vanter un peu on disait Ă  quelqu’un que j’admire beaucoup, et que vous admirez sĂ»rement beaucoup aussi, qui est Toulet. On disait Ă  Toulet “ce que vous faites est lĂ©ger.” Et Toulet rĂ©pondait “lĂ©ger, lĂ©ger, bien sur lĂ©ger comme de la cendre.” C’est un Ă©crivain qui a Ă©tĂ© trĂšs oubliĂ© et on a Ă©tĂ© quelques uns Ă  le faire revivre. Je pourrais vous citer du Toulet
GQ 
 Toute l’aprĂšs midi ? Mais on a pas le temps parce que vous avez un rendez-vous aprĂšs. Qu’est ce que c’est d’ailleurs que ce rendez-vous qui est plus important que notre entrevue ?JdO Il n’y a pas de rendez-vous plus important que notre entrevue, mais ce sont des radios et des tĂ©lĂ©s. Je suis en train de me livrer Ă  ce que vous connaissez, qui est la Est ce qu’il faut faire de la promotion ? Certains auteurs ne la font pas du J’admire assez Le ClĂ©zio ou Modiano qui ne font rien. Les gens disent que j’adore la tĂ©lĂ©vision, ce n’est pas vrai, je n’adore pas ça. Mais quand j’y suis, je ne vais pas bouder. Les gens sont d’une gentillesse Mais le danger c’est qu’ils sont tellement gentils que l’on pourrait passer sa vie Ă  aller sur tous les plateaux expliquer qu’on est un Mais ce que je ne comprends pas chez Bernard-Henri LĂ©vy, que j’aime bien, et chez Houellebecq, c’est qu’ils disent qu’ils sont persĂ©cutĂ©s. Ils ne sont pas persĂ©cutĂ©s, si ?GQ Non, mais trĂšs attaquĂ©s, beaucoup plus que Contrairement Ă  Bernard-Henri LĂ©vy, que j’aime bien, qui est charmant, je ne pense pas que la littĂ©rature soit une guerre. Je ne fais la guerre Ă  personne et je pense que la littĂ©rature est d’abord un plaisir. Un plaisir d’un niveau trĂšs Ă©levĂ©, un plaisir qui demande des efforts, un plaisir diffĂ©rent que d’aller jouer aux courses ou d’aller dans une boĂźte de nuit, mais c’est un Toulet a Ă©crit Ă  la Villa Navarre qui Ă©tait la maison de ma famille Ă  Pau. Et il a Ă©crit ce que j’ai aimĂ© le plus au monde les femmes, l’alcool et les paysages ». Et je trouve ça marrant que ce soit dans cet ordre lĂ . Vous ĂȘtes d’accord avec le premier et le dernier mais pas tellement l’alcool ?JdO Non pas l’alcool, mais vous savez, tous mes amis sont des C’est pour ça que vous me donnez un whisky pendant que vous buvez votre thĂ©, c’est trĂšs aimable. Et pourquoi tant de sobriĂ©tĂ© finalement, vous auriez pu ĂȘtre un alcoolique mondain ?JdO Je suis dĂ©jĂ  un homosexuel d’honneur. Je trouve ça Ca veut dire quoi “un homosexuel d’honneur” ?JdO J’ai trouvĂ© ça dans Paul Veyne, j’admire beaucoup Paul Veyne et il a Ă©crit un petit livre sur Michel Foucault. Il avait dĂ©cernĂ© Ă  Veyne le titre d’ “homosexuel d’honneur”.GQ C’est honorifique mais on n’est pas obligĂ© de Exactement. On n’est pas obligĂ© de pratiquer. J’ai Ă©crit trĂšs tard, aprĂšs 30 ans. Pas parce que je ne connaissais pas la littĂ©rature, mais parce que je la connaissais un peu et que j’avais du mal Ă  m’ajouter Ă  nos amis Ă  Flaubert, Ă  Stendhal, Ă  Proust, Ă  Aragon. Et puis, j’ai fini par Ă©crire sous les ricanements de nos camarades
GQ Et dans une indiffĂ©rence quasi J’ai commencĂ© parce que je voulais plaire Ă  une fille, donc je dĂ©pose mon manuscrit chez Gallimard
GQ C’est L’Amour est un plaisir ?JdO Oui. Et puis j’attends, j’attends, une semaine, pas de rĂ©ponse. J’ai appris aprĂšs qu’il fallait attendre trois mois. Et je vais le dĂ©poser en face chez Julliard un samedi soir, le dimanche matin le tĂ©lĂ©phone sonne et c’est Julliard qui me dit “C’est un chef d’Ɠuvre, c’est mieux que Sagan, on va faire un succĂšs formidable”. Ca n’a pas Ă©tĂ© un succĂšs formidable pour deux raisons. D’abord parce que c’était moins bien que Sagan et deuxiĂšmement parce que j’avais contre moi une grande puissance qui Ă©tait Le Figaro. On n’imprimait pas mon nom dans le Figaro parce que j’avais fait un article nĂ©gatif sur Pierre Brisson, qui Ă©tait, Ă  l’époque, le directeur du La fameuse phrase “on ne peut Ă  la fois ĂȘtre directeur du Figaro et avoir du talent” , qui est drĂŽle surtout quand on l’est devenu par la suite, directeur du C’est quand mĂȘme drĂŽle. Ce qui m’amuse dans la vie, c’est ça ! Je me fiche du patron du Figaro, et quelques annĂ©es aprĂšs, je le deviens ! Autre exemple la famille de ma mĂšre est ultra catholique, ultra conservatrice, et c’est dans cette famille-lĂ  que nĂ© Lepeletier de Saint Fargeau, qui est mon arriĂšre grand-pĂšre direct par les femmes, qui Ă©tait dĂ©putĂ© de la noblesse Ă  la Constituante, conventionnel, ami de Robespierre et il vote la mort du Roi. Et il est assassinĂ© le jour de l’exĂ©cution du Roi, le 21 janvier 93 par un garde du roi indignĂ© que quelqu’un qu’il avait vu si souvent Ă  Versailles ait votĂ© sa mort. Vous voyez les contradictions ?GQ Bien sur. Mais je reviens quand mĂȘme sur La gloire de l’Empire. Parce qu’on vous reproche d’écrire toujours le mĂȘme livre, et ce livre-lĂ , c’est peut-ĂȘtre votre chef d’Ɠuvre, un roman mĂ©connu, Ă  la Tolkien un peu, oĂč vous rĂ©inventez tout un monde, un pays avec des cartes gĂ©ographiques, une histoire fictive. Est-ce que finalement vous n’auriez pas eu peur d’ĂȘtre un Ă©crivain d’avant garde ? Est-ce que vous n’avez pas choisi le succĂšs pour ĂȘtre aimĂ©, par facilitĂ© ?JdO TrĂšs bonne question. J’avais donc Ă©crit ces livres chez Julliard. Et puis au bout de quatre livres qui n’avaient pas eu de succĂšs, j’ai Ă©crit un livre qui s’appelle Au revoir et merci, et ça voulait dire que j’ Vous pensiez honnĂȘtement arrĂȘter ?JdO Je le pensais. J’étais Ă  ce moment-lĂ  Ă  l’UNESCO oĂč je m’occupais de travaux culturels sur le plan international, des congrĂšs, des trucs comme ça, l’histoire, l’art, la philosophie 
 Et je me suis dit que ces sciences humaines feraient un formidable roman et j’ai Ă©crit un roman de 800 pages. Julliard est mort, Grasset me demandait un livre, donc j’ai Ă©tĂ© l’apportĂ© au neveu de Grasset qui s’appelait Bernard Privat, si vous l’avez connu. Il me dit “Tes premiers livres, c’était lĂ©ger, amusant, c’était bien. Celui-lĂ  c’est terrible, trĂšs dur Ă  lire, 800 pages, c’est difficile. On va le publier mais ne t’attends pas Ă  un grand succĂšs.” Furieux, je l’ai repris, je l’ai apportĂ© chez Gallimard et il a fait 300 000 exemplaires. Et j’ai Ă©tĂ© Ă©lu Ă  l’AcadĂ©mie, sur ce C’était en quelle annĂ©e ?JdO En A l’ñge de 47 ans. Ce qui a fait de vous le plus jeune Ă©crivain Ă©lu Ă  l Depuis le dĂ©but du siĂšcle, mais au 18Ăšme il y avait beaucoup de gens qui Ă©taient Ă©lu Ă  29 ans
GQ Enfin, 47 ans, c’est quand mĂȘme assez rare aujourd’hui. Ca veut dire que moi qui ai 43 ans, il faudrait que je me Oui, oui, vite, vite !!!GQ ĂȘtes-vous un incompris ? Pensez-vous qu’il y a un malentendu entre votre Ɠuvre et votre personne publique ?JdO Nous sommes tous incompris. Quand nous lisons les articles sur nous, naturellement quand ils sont mauvais nous sommes incompris et quand ils sont bons, souvent on se dit “ce n’est pas ça que je voulais dire.” Alors incompris je ne le suis sĂ»rement pas et je ne vous conseille pas de penser que vous l’ĂȘtes. Parlons un peu de vous. Voulez-vous qu’on fasse les choses croisĂ©es ?GQ Mais avec plaisir. Parlez-moi de moi s’il vous 99 francs, c’est quand mĂȘme
 Malraux parlait de l’irruption du roman policier dans la littĂ©rature avec Faulkner. Vous c’est l’irruption de la publicitĂ© dans la littĂ©rature. C’est un Ă©vĂ©nement sociologique et littĂ©raire. Vous savez, il n’y a pas de succĂšs qui n’ait pas un sens quand mĂȘme. Ce qui est vrai c’est qu’on ne sait pas ce que la postĂ©ritĂ© Ca c’est une de vos grandes angoisses ?JdO Oui, c’est une angoisse. J’aimerais que dans 30 ans, les jeunes gens lisent
GQ Dans 30 ans vous vivrez toujours, d’abord !JdO Vous connaissez la rĂ©ponse si belle de Woody Allen ? “Qu’est ce que vous voudriez que l’on dise de vous dans 100 ans ? Il est pas mal pour son Ăąge.” C’est pas merveilleux ?GQ Bon vous m’obligez Ă  lire la page 38 de Qu’ai-je donc fait ». À la page 38, vous dites “Qu’ai je donc fait ? La vie est dure, elle est cruelle. Il n’est pas exclu que la rĂ©ponse soit rien ! A dĂ©faut de gĂ©nie
”, autodĂ©nigrement par protection ?JdO Non, ce n’est pas de la fausse modestie. Je veux bien que l’on me dise que je suis insupportablement orgueilleux. C’est vrai que j’aurais voulu
 je ne suis pas complĂštement paranoĂŻaque, je sais que je ne suis pas Chateaubriand, ni Montaigne, ni Rimbaud. J’aurais beaucoup voulu ĂȘtre BarrĂšs, et je ne suis pas sĂ»r de l’ĂȘtre, c’est vrai, je ne suis pas sĂ»r de l’ Alors vous voyez, vous aussi, tout comme Bernard Henri LĂ©vy et Houellebecq, vous vous Non, je ne me plains pas du public et des mĂ©dias. Ils m’ont servi. Si je me plains de quelqu’un, c’est de moi. C’est moi qui n’ai pas fait un livre suffisamment achevĂ©, c’est moi qui n’ais pas travaillĂ© assez, je n’ai pas suffisamment de talent, je ne suis pas sĂ»r d’ĂȘtre Mauriac ou Anatole France. Ce serait merveilleux, ce serait un rĂȘve. Vous aussi je suppose ?GQ C’est sĂ»r que je pourrais signer “Le Culte du Moi” ! Non moi je voudrais recueillir vos conseils Ă  un jeune gandin, Ă  un pauvre type qui a eu du succĂšs trop tĂŽt et qui est angoissĂ© autant que vous. Qu’est ce qu’il faudrait pour ĂȘtre Ă  la fois lĂ©ger, rigolo, s’amuser, tout en arrivant Ă  se faire passer pour un Ă©crivain ?JdO C’est trĂšs difficile parce qu’à notre Ă©poque, et ça n’a pas toujours Ă©tĂ© le cas, Ă  notre Ă©poque un Ă©crivain est malheureux. Il y a des Ă©crivains qui n’ont pas Ă©tĂ© malheureux, La Fontaine a toujours Ă©tĂ© lĂ©ger, Ă©blouissant, brillant. Rimbaud a changĂ© les Et Flaubert. Il faut souffrir ! Il faut rester seul !JdO Flaubert a changĂ© les choses. Je dirais que la crise de 29 a changĂ© les choses, le sida a changĂ© les Et la crise de 2008 encore Oui, 2008 va changer les choses. Et c’est un grand paradoxe, le bonheur est une espĂšce de contrepoison au temps. Dans cette Ă©poque oĂč il faut souffrir pour avoir du talent, c’est l’inverse, et c’est ce que j’appelle le cul de la fermiĂšre. C’est vrai que j’ai eu le beurre et l’argent du beurre, c’est-Ă -dire que j’ai eu une vie agrĂ©able, j’en ai profitĂ©, et en plus, je veux le cul de la fermiĂšre qui est la Vous dites “c’est foutu, toi comme moi FrĂ©dĂ©ric, tu souffriras toute ta vie, on ne te prendra jamais au sĂ©rieux parce que tu t’amuses trop”. C’est affreux ce que vous venez de me dire. Je suis fichu !JdO D’abord, mon cher FrĂ©dĂ©ric, tu as devant toi, je te tutoie, quelque chose de merveilleux devant toi, c’est vrai, tu as du temps devant toi. Et moi je n’ai plus beaucoup de temps. S’il y a une mĂ©lancolie en moi, c’est que le nombre d’annĂ©es devant moi devient un peu Toi tu es nĂ© en 1925 et je suis nĂ© en 40 ans de diffĂ©rence, tu te rends compte
GQ Oui, mais moi je picole donc mon espĂ©rance de vie est plus On pourrait jouer Houellebecq-LĂ©vy et Beigbeder-d’ Dans l’émission oĂč on Ă©tait sur Canal +, Denisot a conclu en disant vous devriez Ă©crire un livre ensemble qui s’appellerait “99 ans”.JdO C’est une idĂ©e de gĂ©nie. J’ai une formule que l’on utilisait beaucoup pour le mariage mais qu’on peut utiliser pour la vie, c’est il y a 40 mauvaises annĂ©es Ă  passer, aprĂšs, c’est Ă©patant. Tu vas voir, maintenant tu as devant toi tout le bonheur, ça va ĂȘtre dĂ©licieux, les gens vont te reconnaĂźtre de plus en plus, tu vas devenir sĂ©rieux, tu fais un entretien avec moi, c’est excellent pour toi, et excellent pour moi
GQ Surtout pour moi. Je recommence Ă  vous vouvoyer
 Je peux vous dire quelque chose ? J’ai l’impression que vous avez fait semblant d’ĂȘtre vieux trĂšs tĂŽt, ce qui permet d’avoir la Et maintenant je retrouve une espĂšce d’adolescence. Peut-ĂȘtre que je retombe en enfance. C’est C’était une stratĂ©gie ou ce n’était pas calculĂ© ?JdO Je te jure que rien n’est calculĂ©. L’idĂ©e de raison m’est Ă©trangĂšre, l’idĂ©e de stratĂ©gie m’est Mais quand mĂȘme, C’était trĂšs novateur. Parce qu’aujourd’hui, quand ils sont vieux, les Ă©crivains ont envie d’ĂȘtre jeunes et voilĂ  quelqu’un d’assez jeune qui trĂšs tĂŽt s’est dit qu’il allait se faire passer pour vieux, entrer Ă  l’AcadĂ©mie, porter des cravates en tricot, comme ça on serait gentil avec lui. Et Ă  l’époque ça a trĂšs bien marchĂ© cette histoire. MĂȘme Bernard Frank a cessĂ© de dire du mal de vous !JdO Il m’avait pris comme tĂȘte de turc, et je ne rĂ©pondais jamais, et un beau jour
GQ Je veux vous faire souffrir un peu, rappelez- moi ce qu’il avait dit, la phrase la pire c’était je crois J’adore Jean d’Ormesson. Si seulement il n’écrivait pas de livres ».JdO Oui, un truc comme ça. Et alors Ă©videmment, je ne rĂ©pondais jamais, et un jour l’Observateur m’a demandĂ© si je voulais rĂ©pondre et j’ai dit oui, je vais rĂ©pondre ! Et j’ai fait cet article, que vous avez peut-ĂȘtre lu, et qui Ă©tait assez mĂ©chant et qui, je crois, l’a Aujourd’hui plus personne ne vous A mon Ăąge !GQ Vous voyez, vous Tu verras, tu ne seras plus Ă©reintĂ© quand tu auras 70 ans. Essaye juste de ne pas en mourir !GQ Oui, il faut rester vivant, comme dit Houellebecq. Il y a dans ce livre Qu’ai je donc fait, un chapitre qui est intitulĂ© une page rude Ă  Ă©crire », sur cette fameuse C » et c’est un basculement inĂ©dit chez vous dans la confession impudique. C’est assez inhabituel et je me disais ĂȘtes vous entrain de vous angotiser ?JdO De ?GQ De vous angotiser, de devenir Christine Angot ?JdO Non. Je vais te dire, cette histoire, dont je peux trĂšs difficilement parler
GQ Ca va, il y a C’était il y a 50 ans. Et tu le croiras si tu veux mais ça m’a terriblement marquĂ©. D’abord parce que mon pĂšre est mort, bon, j’ai couchĂ© avec ma cousine germaine, c’est pas trĂšs grave, dans une famille
GQ C’était la femme de votre cousin ? Ça va, ce sont des choses qui arrivent !JdO Mais c’est pour ça que je raconte la famille, ce qu’était ce Un milieu trĂšs Naturellement la sexualitĂ© n’existait pas, la famille Ă©tait trĂšs unie. D’ailleurs, je me suis trĂšs mal conduit, parce que non seulement je suis partie avec elle mais je suis Oh, ça va !JdO Non, c’est honteux. Et elle, elle est restĂ©e lĂ  !GQ C’est beau d’avoir encore un pincement au cƓur trĂšs longtemps Et ça je l’ai Ă©videmment beaucoup cachĂ©, je n’en parlais pas et j’ai eu besoin d’en Donc vous entrez dans cette zone qui est l’autobiographie exhibitionniste qui est la grande tendance, Catherine Millet, Christine Angot, Annie Ernaux
JdO Dieu m’en Ah mais moi j’aime beaucoup l’autobiographie. Vous n’allez pas nous faire un tĂ©moignage, une confession ?JdO Je vais te dire, on pourra peut-ĂȘtre dire que ce livre est une biographie non J’ai une anecdote un soir, avec Bernard-Henri LĂ©vy, c’est authentique, nous avions bu pour fĂȘter la sortie d’un de mes livres, je crois, L’Amour dure trois ans, et on est venu chanter l’Internationale sous vous fenĂȘtres
JdO en chantant “Il n’est pas, de sauveurs suprĂȘmes, Ni Dieu, ni CĂ©sar, ni tribun”GQ C’est authentique, on est venu ici Ă  Neuilly avec Bernard-Henri LĂ©vy et Jean-Paul Non. Je n’étais peut-ĂȘtre pas lĂ , ou je dormais. Mais j’aurais bien chantĂ© avec D’oĂč vient cette tristesse gaie qui est dans vos livres. Vous dites “une fĂȘte en larmes” c’est un vers
JdO C’est HomĂšre. C’est pas sublime ? SĂ»rement que j’ai un tempĂ©rament heureux, mais vous mettez le doigt dessus. L’histoire de C » a Ă©tĂ© dramatique pour moi, et avoir perdu le chĂąteau de Saint-Fargeau a Ă©tĂ© une grande Vous Ă©tiez vraiment enracinĂ© ? On a l’impression que vous aimez les voyages, la GrĂšce, l’Italie, et en fin de compte cet endroit lĂ  comptait tant que ça ?JdO Tu veux que je te dise quelque chose que je n’ai jamais dit ? En rĂ©alitĂ©, ça m’était assez Ă©gal. Je me rappelle que quand j’avais 15, 16 ans, je passais mes Ă©tĂ©s Ă  Saint-Fargeau, et qu’est ce que je faisais ? J’allais me baigner dans l’étang, je faisais du vĂ©lo, et le soir j’entendais Ă  la radio Ă  Saint-Tropez. Et bien que je ne boive pas et que je ne danse pas beaucoup, ça me faisait formidablement envie, et moi j’étais coincĂ© Ă  Saint-Fargeau. L’idĂ©e d’ĂȘtre coincĂ© lĂ  me tuait et je n’aurais jamais pu m’occuper de Saint-Fargeau. Mais j’ai vu la peine que ça faisait Ă  ma mĂšre. Ma mĂšre Ă©tait nĂ©e lĂ , sa mĂšre Ă©tait nĂ©e lĂ  et morte lĂ , son arriĂšre grand-mĂšre Ă©tait nĂ©e lĂ  et morte lĂ , et ça continuait comme ça
GQ Et qu’est devenu Saint-Fargeau ?JdO Ce sont des Ă©tudiants qui l’ont repris. Un type qui s’appelle Guyot et qui le fait vivre en faisant visiter le chĂąteau. C’est vrai que les visites ont explosĂ© en partie grĂące au
GQ Au livre puis au tĂ©lĂ©film, Au plaisir de Au plaisir de Dieu a Ă©tĂ© un grand succĂšs puis ensuite il y a eu le tĂ©lĂ©film de Mazoyer, que j’ai adorĂ©, qui est un type charmant. Et ça a Ă©tĂ© un succĂšs. Il n’y avait que deux chaĂźnes Ă  cette Oui, je sais. Je l’ai vu quand j’étais Quand j’étais directeur au Figaro, c’est vieux, c’était il y a 30 ans, pas si vieux que ça, il n’y avait pas de tĂ©lĂ©phones portables. Il y avait deux chaĂźnes seulement et on a fait 76% d’ Tout le monde regardait La France Cela faisait penser au GuĂ©pard, un GuĂ©pard Mon vieux, on a demandĂ© Ă  Burt Lancaster de faire le grand pĂšre et il a acceptĂ©. Il a demandĂ© comme salaire 5 fois le budget initial. On a demandĂ© Ă  Laurence Olivier, qui a acceptĂ©, qui a demandĂ© 3 fois le budget
 En dĂ©sespoir de cause on a trouvĂ© le type qui meurt au dĂ©but d’un film que j’adore qui est Les tontons flingueurs, Jacques Dumesnil. Tout le monde critiquait ce choix mais il a Ă©tĂ© Ce n’est pas sur la dĂ©cadence mais sur l’arrivĂ©e de la modernitĂ©. C’est la fin d’une certaine Le grand complot de la modernitĂ© comme dit Michel Mohrt. En un sens, c’est l’inverse de 99 Une autre cause de votre Ă©ventuelle mĂ©lancolie, c’est que vous ĂȘtes un auteur mĂ©taphysique, et ça, dans tous les livres. Vous ĂȘtes quelqu’un qui finalement regrette de ne pas parvenir totalement Ă  croire en Attends, il faut que je dise deux petites choses. D’abord, je passe pour un Ă©crivain catholique, c’est une imposture, je ne suis pas un Ă©crivain catholique, je suis agnostique, ce qui ne veut pas dire Vous savez que vous ne savez Et c’est trĂšs douloureux. Et la deuxiĂšme chose qu’on m’a beaucoup dite “vous avez beaucoup Ă©crit de livres sur Dieu, finalement, est ce que vous y croyez, oui ou non ?”. J’ai Ă©crit que je ne pouvais pas dire si j’y crois ou pas, on ne peut pas savoir. Nous sommes dans le temps comme les poissons sont dans l’eau. Les poissons ne pensent pas qu’il y a une autre possibilitĂ© que d’ĂȘtre dans l’eau et nous n’avons d’autre possibilitĂ© que d’ĂȘtre dans le temps. Or, nous sortirons du temps pour entrer dans l’éternitĂ©, ça c’est sĂ»r. Nous serons tous dans l’éternitĂ©. Enfin nous n’y serons plus puisque nous ne serons plus. Mais quelque chose de nous aura passĂ© dans l’éternitĂ©, ne serait ce que notre souvenir. Et toute la question est de savoir si cette Ă©ternitĂ© a un sens ou si elle n’en a Est-ce que ce n’est pas la littĂ©rature l’accĂšs Ă  l’éternitĂ©, d’une certaine façon. Votre Dieu, c’est la littĂ©rature. Finalement les choses sont simples. Il suffit de m’appeler et je vous explique Je vais te rĂ©pondre sincĂšrement. Dieu sait que j’ai aimĂ© les livres, mais la littĂ©rature ce n’est pas grand chose Ă  cĂŽtĂ© de Dieu. La seule chose c’est qu’on ne sait pas s’il existe. Tu sais, la formule juive que j’aime tellement c’est “ce qu’il y a de plus important c’est Dieu, qu’il existe ou qu’il n’existe pas.”GQ Il y a aussi une jolie parabole avec les rabbins et le cocher dans le livre. Elle est bien, vous ne voulez pas me la raconter celle-lĂ  ?JdO Elle est merveilleuse. C’est le grand rabbin qui revient d’un enterrement, il a fait un discours magnifique et son assistant lui dit “Magnifique Rabbin”, et le rabbin lui dit “qu’est ce que je fais, rien du tout, je ne suis rien”, et son assistant se prend la tĂȘte dans les mains en criant “mais si vous n’ĂȘtes rien, alors que suis-je moi ? l’ombre de rien” et son second assistant dit Ă  son tour “mais c’est horrible, si vous deux n’ĂȘtes rien alors moi je suis encore moins que rien, je ne suis que poussiĂšre” et le cocher tout Ă  coup s’arrĂȘte, se retourne, les larmes coulent sur son visage, et lui dit “si le grand rabbin n’est rien, que son premier assistant est moins que rien et que son second n’est que poussiĂšre, qu’est ce que je suis moi pauvre cocher ?” et on entend la voix du rabbin assis dans la calĂšche qui s’écrie “mais pour qui il se prend celui-lĂ !” C’est une histoire Rires. Mais je pense quand mĂȘme que votre vrai Dieu a Ă©tĂ© la Oui, mon Dieu est la littĂ©rature. La seule chose
GQ C’est la chose en dehors des choses matĂ©rielles
JdO Dans le temps, dans le temps ! Pour la durĂ©e de ma vie, oui. Mais pour l’éternité  Ça nous fera une belle jambe dans l’éternitĂ©, d’avoir Ă©tĂ©, mĂȘme, de grands Est ce que vous lisez encore vos contemporains ? J’ai lu dans ce livre que vous disiez “La littĂ©rature vivante je l’envoie se faire foutre avec beaucoup de gaietĂ©â€.JdO J’avais mis “La littĂ©rature vivante contemporaine, je lui chie dessus”. Et mon Ă©ditrice m’a dit vous ne pouvez pas mettre “je lui chie dessus” et j’ai dit “qu’elle aille se faire foutre”, voilà
GQ Dernier film vu ?JdO J’en ai vu un hier, formidable, sur TCM, de Billy Wilder, Assurance sur la mort. Avec Barbara Stanwyck et Edward G. Robinson sur un scĂ©nario de James M. DerniĂšre chanson J’en ai entendu une tout Ă  l’heure de quelqu’un que j’aime, que j’ai toujours bien aimé GQ Carla Bruni ?JdO Je dois dire que je la connaissais un peu, je ne l’avais pas revue, et un jour dans une voiture, ma fille m’a fait entendre une chanson pour RaphaĂ«l et j’ai trouvĂ© ça trĂšs Et vous trouvez qu’elle a une bonne influence sur son mari ?JdO Moi je crois. Je crois qu’elle lui a retirĂ© un peu de beautĂ© bling-bling, je crois qu’elle est trĂšs bonne Ă  Oui, parce qu’il aurait pu faire beaucoup de tort Ă  Neuilly Ă  force. Il ne faut pas que Neuilly soit trop Neuilly doit ĂȘtre horrifiĂ© par Sarkozy. Il y a quelqu’un d’autre que j’aime beaucoup Ă©videmment, c’est Julien Qui s’est fait tatouer
JdO “Marcel Duchamp” sur une Ă©paule, “Jean d’Ormesson” sur l’autre. Et je trouve que c’est trĂšs bien, ce qu’il Le dernier restaurant oĂč vous ayez dĂźnĂ© ?JdO Pendant des annĂ©es, j’ai Ă©tĂ© dĂ©jeuner au restaurant avec des dames. Je crois que le meilleur restaurant de Paris, qui n’est pas donnĂ© d’ailleurs, c’est le Ah, c’est trĂšs bien. Et Ă  dĂ©jeuner c’est trĂšs Et il y a beaucoup de bruit, mais je vais souvent lĂ  avec Michel Un bel hĂŽtel que vous pourriez me conseiller ?JdO J’ai adorĂ© les hĂŽtels. J’aurais pu vivre d’hĂŽtel en hĂŽtel. J’aime les grands hĂŽtels, j’aime beaucoup le Ritz, le Bristol, le Beau Rivage Ă  Lausanne, qui Ă©tait si cher Ă  Nabokov. Les Trois Rois Ă  BĂąle. PrĂ©cipite toi ! Va voir la Fondation Beyeler et va aux Trois Rois. Sinon il y a des tas de palaces Ă  Ravello, en Italie. Le Caruso Belvedere Ă  Ravello. Ça ce sont des grands hĂŽtels mais il y a de petits hĂŽtels qui sont charmants. J’hĂ©site
GQ Attention, il ne faut pas trop donner les bons plans oĂč l’on veut ĂȘtre tranquille. Donnez en juste un ! Allez
JdO A Symi, il y a de tout petits hĂŽtels merveilleux. Une Ăźle grecque, proche de la cĂŽte turque. La plus mĂ©ridionale des Ăźles grecques s’appelle Kastellorizo. Il y avait 20 000 habitants et 18 000 sont partis pour l’Australie parce qu’ils n’avaient pas de travail. Il reste donc 2000 habitants et il y a un petit hĂŽtel qui correspond Ă  2000 habitants et qui est quelque chose
GQ Mais il faut prendre deux avions, trois bateaux
JdO Il faut faire Paris-AthĂšnes, AthĂšne-Rhodes, Rhodes- Kastellorizo, ça prend trois jours !GQ Vous vous habillez oĂč ?JdO De temps en temps je m’habille en jean, et de temps en temps, je fais une folie, je prends
 Ce qu’il y a de mieux !GQ C’est quoi ? Charvet ? Hilditch ?JdO Oui, Charvet, Hilditch. Il faut un costume de Ah voilĂ . En mĂȘme temps, il ne faut pas trop le dire, il faut que ça reste secret. Votre parfum ?JdO 
..GQ Voyons Jean, vous ĂȘtes un sex-symbol, les filles rĂȘvent de vous. Il me faut le parfum Jean d’ J’avais une eau de toilette qui Ă©tait L’Eau de Lanvin. Et L’Eau de Lanvin a disparu et Bernard Lanvin continuait pour moi la production. Pour moi et pour quelques autres, il a continuĂ© pendant 10 Vous dites que la seule chose que vous retiendrez de toute votre vie c’est un escalier blanc et bleu dans les Pouilles. Je relis la fin de votre dernier livre “J’ai aimĂ© l’eau, la lumiĂšre, le soleil, les matins d’étĂ©, les ports, la douceur du soir dans les collines, et une foule de dĂ©tails sans le moindre intĂ©rĂȘt, comme cet Olivier trĂšs rond dont je me souviens encore dans la baie de Fethiye.. ” C’est oĂč ?JdO Fethiye, c’est sur la cĂŽte Turque entre Antalya et Bodrum. Il y a une baie sublime avec un olivier D’accord. Bodrum c’est le Saint-Tropez Non, c’est sauvage comme Plus Antalya, oui, mais pas cette baie-lĂ . Et l’escalier blanc et bleu existe dans le Pouilles. Je ne me souviens plus si c’est Ă  Ostuni ou Ă  Villa FrancaGQ Donc je me suis trompĂ©. Moi, je pensais Ă  Tricase Porto. C’est un petit village au bord de la A cĂŽtĂ©. Vous connaissez les Pouilles ?Le tĂ©lĂ©phone sonne. Il prend C’est une charmante personneGQ Mais je veux en savoir plus. Mais ça ne s’arrĂȘte donc jamais ?JdO Si ça s’ Il y a quand mĂȘme un moment oĂč l’on se calme ?JdO Il reste des amies qui ont On suscite la pitiĂ© ?JdO Regarde l’état dans lequel est François C’est vrai ? J’ai lu ses livres sur Il ne quitte plus l’hĂŽpital Il ne peut plus rentrer chez lui. Parles avec eux et tu te dis que tout va bien. Et puis tout d’un coup tout C’est Alzheimer ?JdO Quand ce n’est pas Alzheimer, c’est une maladie du langage oĂč les mots viennent les uns Ă  la place des C’est fou pour un Ă©crivain, de ne plus connaĂźtre les C’est Il faut avoir de la chance en fait, la chance de passer au À travers la haine, Ă  travers la maladie, Ă  travers les Et d’essayer de n’en dĂ©clencher aucune. Est-ce que ce n’est pas quand on a eu de la chance au dĂ©part qu’on est finalement un peu abritĂ© ?JdO J’ai eu Ă©videmment une enfance protĂ©gĂ©e
 On ne peut pas faire l’économie de la rĂ©volte. Et tu vois bien que moi, n’ayant pas Ă©tĂ© fasciste, n’ayant pas Ă©tĂ© trotskiste, je me suis dit qu’il fallait se rebeller d’une façon ou d’une autre et je suis parti avec ma cousine ! C’était pour marquer mon indĂ©pendance. On ne peut pas faire l’économie de la rĂ©volte
GQ C’est ça en fait ! C’est un Ă©lĂ©ment central de votre vie dont vous ne parlez que Je l’ai cachĂ©, cachĂ©, caché GQ Ta rĂ©volte c’était de foutre une espĂšce d’énorme bordel dans la J’ai foutu le bordel dans la famille. Tout le monde Ă©tait en larmes. On a dit aux enfants que j’étais mort. Parce qu’on n’allait pas leur expliquer ça
 Et 20 ans aprĂšs, il y a 20 ans, je vois des neveux qui me disent “Oncle Jean, vous vivez !”GQ Mais ils n’avaient pas vu la tĂ©lĂ© ou quoi ?JdO Mais ils Ă©taient tout petits, ils avaient 5 ou 6 ans et quand ils ont eu 18 ans ils ont compris que je C’est fou cette histoire. Parce que vu de l’extĂ©rieur, ça ne semble pas si grave. Ce sont des histoires trĂšs romanesques. D’autres partent avec la sƓur de leur Ca c’est un peu plus L’amour est plus fort que tout. Et si cette histoire avec “C” n’a pas marchĂ©, je pense qu’il ne fallait pas hĂ©siter une seconde. D’ailleurs on ne les prend pas, c’est comme ça ! On crĂšve derniĂšre question, c’était la fameuse question d’Arthur Cravan Ă  Gide Monsieur d’Ormesson, oĂč en sommes nous avec le temps ?JdO Evidemment, c’est Et vous connaissez la rĂ©ponse de Gide ? Il donne l’ Il donne l’heure !GQ “il est six heures moins le quart”. Il paraĂźt que c’est inventĂ© par Si c’est inventĂ©, c’est trĂšs brillant aussi. Letrain de ma vie Cirteen's Group Histoire de Constantine. Le train de la vie de Jean d'Ormesson, un texte inspirant sur l'existence Jean d'Ormesson emploie une magnifique mĂ©taphore pour rĂ©sumer la vie : un train Ă  bord duquel nous montons, mais dont nous ignorons la destination. Par Djamel Diabaoui PubliĂ© le 16 Janvier 2020. En 2009, l

Livres Zone Critique tenait Ă  rendre hommage Ă  Jean d’Ormesson, Ă  cet homme qui incarnait pour beaucoup une certaine idĂ©e de la littĂ©rature. Sa nonchalance Ă©rudite, son sourire facĂ©tieux et sa voix installĂ©e dans le paysage culturel français vont nous manquer. Cher Jean d’Ormesson, Vous nous aviez prĂ©venus, Un jour je m’en irai sans avoir tout dit ». Et voilĂ  que vous n’ĂȘtes plus. VoilĂ  que vous n’ĂȘtes plus, et que les bras nous en tombent. Vous Ă©tiez mortel, Jean, mais vous Ă©tiez tant la France que nous l’avions oubliĂ©, et nous avions des doutes. Vous Ă©tiez si jeune avec votre tĂȘte chenue. Cher Jean d’Ormesson, vous nous aviez prĂ©venus. Votre dernier livre semblait toujours le dernier c’était lĂ  votre jeu, ou peut-ĂȘtre votre prudence. Une inquiĂ©tude de seigneur, qui ne voulait pas partir sans quelques mots – au revoir et merci ». VoilĂ  votre ultime pied-de-nez. Car vous ĂȘtes insolent, Jean d’Ormesson, et malicieux. Vous ĂȘtes parti sans aucun bruit, par une nuit claire de dĂ©cembre. Comme un jeune homme qui fait le mur pour aller cueillir l’amour. Maintenant, vous riez sĂ»rement de nous, lĂ -haut, avec le Vieux qui joue aux dĂ©s. Vous Ă©tiez mortel, Jean. Mais l’amour est tĂȘtu, et nous n’avons pas cru. Vous aimiez toujours les bains de mer et les femmes, la MĂ©diterranĂ©e et ses torpeurs solaires, les immensitĂ©s de neige et la Suisse au crĂ©puscule. Vous aimiez toutes ces choses, et mille autres choses encore. Nous pensions que lorsqu’un homme aime tant la vie, et se montre aussi douĂ© pour la vie, il ne sait pas mourir. Puis vous Ă©tiez l’esprit français, et l’on connaĂźt les forces de l’esprit, elles ne meurent pas. Oui, Monsieur d’Ormesson, vous pouvez dire que cette vie fut belle vous avez poussĂ© Marguerite Yourcenar et Simone Veil sous la Coupole, vous avez vu le vieux monde qui finit et celui qui n’est pas encore. Vous avez Ă©crit des livres sur les livres, sur les femmes, et sur la mer, sur Dieu, sur votre Ă©tonnement d’ĂȘtre lĂ , et d’avoir une place au soleil. Sur l’existence humaine enfin, qui est extraordinaire. L’étonnement, vous en avez fait votre vertu philosophique, comme Jeanne Hersch, que vous aimiez tellement Ă©patant » Ă©tait votre mot prĂ©fĂ©rĂ©. Mais vous l’étiez, Ă©patant, Monsieur d’Ormesson. Vous Ă©tiez la jeunesse Ă  tous les Ăąges de la vie, vous Ă©tiez la simplicitĂ© malgrĂ© votre excellence, malgrĂ© vos privilĂšges. A une Ă©poque oĂč les privilĂšges sont mis en cause avec tout de violence, je les accumulais sur ma tĂȘte emportĂ©e par le vent ». Vous en souffriez parfois, car trop de privilĂšges engendrent toujours, aux dires des esprits chagrins, une normalitĂ© aux confins de la mĂ©diocritĂ© ». Mais vous preniez de la hauteur, car l’essentiel », aimiez-vous rappeler, c’est de s’en foutre ». Votre mĂšre vous avait donnĂ© trois prĂ©ceptes Ne parle jamais de toi. Ne te fais pas remarquer. RĂ©ponds toujours aux lettres ». Et vous rĂ©pondiez toujours aux lettres, cher Jean. Tout Ă©tait bon pour vous Ă©crire, parmi les jeunes gens de ma gĂ©nĂ©ration vous dire notre admiration, partager nos enthousiasmes, vous demander conseil, parfois un rendez-vous, simplement pour le bonheur de vous rencontrer, joie que nous nous irritions de voir rĂ©servĂ©e aux journalistes. Nous fĂ»mes plus d’un Ă  vous envoyer nos confessions. Ces messages, cachetĂ©s et postĂ©s avec inquiĂ©tude, ont toujours trouvĂ© leur destinataire. Quinze jours aprĂšs, nous recevions votre rĂ©ponse du feutre bleu sur un beau papier blanc, une Ă©criture bienveillante, qui nous souhaitait le meilleur, nous prĂ©venait d’une dĂ©dicace Ă  venir et nous indiquait des lectures, avec la gĂ©nĂ©rositĂ© qui fait toujours les passeurs magnifiques. C’était le temps, le personnage principal de vos romans, plus encore que vous-mĂȘme. Comme tous les hommes qui ont pour eux la modestie et la curiositĂ© des choses inexplicables, vous saviez que l’enfant qui naĂźt est assez vieux dĂ©jĂ  pour mourir. Vous le saviez, mais vous redoutiez ces avertissements, cher Jean d’Ormesson, et vous fuyiez les clepsydres. Pas d’agenda, pas de montre, pas de tĂ©lĂ©phone portable ; pour le gentilhomme que vous Ă©tiez, les vulgaires horaires n’avaient pas force de loi. LĂ©ger, Jean d’Ormesson ? On a fait de vous l’écrivain du bonheur, mais cette gaietĂ© Ă©tait assortie d’une conscience tragique. Trop intelligent, Jean d’O, pour croire que nous Ă©tions dans le meilleur des mondes. La vie Ă©tait Ă  la fois une vallĂ©e de larmes, et une vallĂ©e de roses. Vous avez vĂ©cu pour vos lecteurs enfin, faut-il le rappeler ? Vous auriez pu faire vĂŽtre cette phrase de Camus Un Ă©crivain Ă©crit en grande partie pour ĂȘtre lu ceux qui disent le contraire, admirons-les, mais ne les croyons pas ». Et vous disiez parfois que la plus belle chose qu’on vous ait rapportĂ©e, c’est ce vieil homme qui Ă©tait mort Ă  l’hĂŽpital en serrant votre livre. Car vous Ă©tiez enfin ce formidable passeur, Jean d’Ormesson, et presque un personnage populaire. Qui songerait Ă  vous reprocher votre omniprĂ©sence mĂ©diatique, quand on sait de quoi elle Ă©tait le gage ? Aragon, Yourcenar, Chateaubriand, mais aussi Bernard Frank, Mauriac et Paul-Jean Toulet, sont entrĂ©s dans des millions de mĂ©nages français, parce qu’ils Ă©taient comme vos amis, et nous voulions connaĂźtre vos amis. Adieu, cher Jean vous ĂȘtes immortel, puisque je pense Ă  vous. Adieu Jean d’Ormesson, il faut conclure, et puis se taire » comme dit le vers de Toulet votre disparition – qui est un dĂ©sastre, osons enfin l’écrire – nous dĂ©couvre orphelins, mais orphelins aux mains pleines. C’est peut-ĂȘtre le propre des grands hommes, lorsqu’ils meurent, ils n’emportent pas tout. Vous laissez, Jean, des immensitĂ©s Virgile, Dante, La gloire de l’empire, HomĂšre, L’histoire du juif errant, Goethe et Le Vent du soir. Vous Ă©tiez terrifiĂ© Ă  l’idĂ©e que l’on puisse un jour explorer votre intimitĂ©, et remuer les tiroirs. Rassurez-vous, Jean, la vraie vie, surtout la vĂŽtre, c’est la littĂ©rature. Ayant perdu votre mĂšre, vous Ă©crivez en 1975 un petit texte dans Le Figaro, que vous terminez ainsi Mort oĂč est ta victoire ? Ma mĂšre est vivante puisque l’amour qui nous unit est vivant dans nos cƓurs ». Adieu, cher Jean vous ĂȘtes immortel, puisque je pense Ă  vous. Marion Bet Imprimer cet article Commentaires

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Unecitation de DostoĂŻevski proposĂ©e le vendredi 01 dĂ©cembre 2006 Ă  00:00:00 DostoĂŻevski - Ses citations Citations similaires. Il y a Ă©normĂ©ment de gens qui sont malades () de leur santĂ©, je veux dire de leur certitude dĂ©mesurĂ©e d'ĂȘtre des gens normaux, et qui de ce fait, sont imbus d'une terrible prĂ©tention, d'une effrontĂ©e satisfaction d'eux-mĂȘmes.
"Ce serait atroce si nous ne mourrions pas". JEAN D'ORMESSON - L'Ă©crivain et acadĂ©micien Jean d'Ormesson, qui s'est Ă©teint dans la nuit de lundi Ă  mardi Ă  l'Ăąge de 92 ans, n'apprĂ©hendait pas la mort. Comme vous pouvez le voir dans la vidĂ©o ci-dessus, il confiait Ă  Laurent Delahousse, en 2014 "Nous avons de la chance de mourir. La mort fait partie de la vie". Il ajoutait, sur l'antenne de LCI "L'horreur, c'est l'immortalitĂ©". En outre, lorsque l'animateur Marc-Olivier Fogiel l'interrogeait sur son cancer, l'Ă©crivain affirmait qu'il "n'avait jamais pensĂ© Ă  la mort". Lors de son discours d'entrĂ©e Ă  l'AcadĂ©mie Française, en 1974, Jean d'Ormesson dĂ©clarait, en hommage Ă  l'Ă©crivain Jules Romains "Car il y a quelque chose de plus fort que la mort c'est la prĂ©sence des absents dans la mĂ©moire des vivants et la transmission, Ă  ceux qui ne sont pas encore, du nom, de la gloire, de la puissance et de l'allĂ©gresse de ceux qui ne sont plus, mais qui vivent Ă  jamais dans l'esprit et dans le cƓur de ceux qui se souviennent". À voir Ă©galement sur Le HuffPost Lechemin de fer passait prĂšs de chez lui et, d'aussi loin qu'il se souvenait, l'enfant guettait la longue chenille d'acier qui filait comme une flĂšche Ă  travers la campagne. Ce qu'il souhaitait le plus au monde c'Ă©tait de pouvoir, un jour, monter dans ce train. Mais, bientĂŽt il tomba trĂšs malade et ses espoirs de prendre le train s'en

ï»żLe train de la vie À la naissance, on monte dans le train et on rencontre nos on croit qu’ils voyageront toujours avec Ă  une station, nos parents descendront du train, nous laissant seuls continuer le voyage
Au fur et Ă  mesure que le temps passe, d’autres personnes montent dans le elles seront importantes notre fratrie, nos amis, nos enfants, mĂȘme l’amour de notre dĂ©missionneront mĂȘme Ă©ventuellement l’amour de notre vie, et laisseront un vide plus ou moins seront si discrets qu’on ne rĂ©alisera pas qu’ils ont quittĂ© leurs voyage en train sera plein de joies, de peines, d’attentes, de bonjours, d’au-revoirs et d’ succĂšs est d’avoir de bonnes relations avec tous les passagers pourvu qu’on donne le meilleur de ne sait pas Ă  quelle station nous descendrons, donc vivons heureux, aimons et est important de le faire car lorsque nous descendrons du train, nous ne devrons laisser que de beaux souvenirs Ă  ceux qui continueront leur heureux avec ce que nous avons et remercions le ciel de ce voyage merci d’ĂȘtre un des passagers de mon si je dois descendre Ă  la prochaine station, je suis content d’avoir fait un bout de chemin avec vous. »Jean d’Ormesson

Jeand'Ormesson Le train de la vie par Raphaël Lhuissier Chevallier 10 ansJean d'Ormesson, parfois surnommé Jean d'O, né le 16 juin 1925 à Paris et mort le 5 3sFpeW.
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