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Ca non plus, ni l’un ni l’autre ne l’aurait supporté de toute évidence. Mais ça, elle comptait lui en parler, mais pas ici. Elle se leva de son fauteuil pour aller prévenir la réceptionniste, qui ignorait complètement Aaron, qu’ils allaient s’absenter un moment, et qu’elle n’avait qu’à l’appeler sur son cellulaire lorsque les tenues seraient prêtes. Après coup, Lise réalisa qu’elle avait peut-être fait une erreur…Cette fille avait son numéro, son numéro actuel et non plus l’ancien ! Pour sûr, elle allait tenter de la poursuivre de ses assiduités, espérant quelque chose qu’elle n’aurait de toute façon jamais Si Lise s’était laissée avoir une fois, elle était résolument hétéro et jamais elle ne recommencerait. Elle respectait très bien la sexualité de tout le monde, tant que l’on ne l’obligeait pas à adhérer. Elle retourna donc avec un léger air inquiet vers Aaron, lui prenant la main pour le faire sortir de la boutique. Il devrait pourtant savoir qu’elle n’allait pas l’obliger à rester s’il n’en ressentait pas l’envie… Voilà, allons faire une virée, puisque tu en meurs d’envie ! Je me demande vraiment si j’ai bien fait de t’acheter ce cabriolet, tu ne penses qu’à lui ma parole ! Et au fait, tu ne m’as toujours pas dit ce que c’était ta règle numéro deux ! J’ai donné mon numéro à la fille, elle m’appellera dès que les tenues seront prêtes. Ca nous laisse tout le loisir du monde pour faire un tour de cabriolet ! »Lise tenait toujours sa main, jusqu’au moment où elle monta dans la voiture et s’installa confortablement. C’était vrai qu’elle était paradisiaque, cette voiture…Confortable, fabuleuse, au design de la mort qui tue ! Lise ne regrettait pas du tout de lui avoir offert, au contraire, mais s’il continuait à en parler, elle risquait de la lui confisquer ! Surtout qu’elle ne doutait pas un seul instant qu’une fois rentrés, il allait s’empresser de joindre Paul pour la lui montrer, et il allait s’empresser également de pavaner à l’université au volant de ce superbe coupé cabriolet. Ca, Lise en était absolument certaine. D’ailleurs, ça lui avait donné envie de conduire, tout ça…Il était fort possible qu’elle se remette aux circuits, et qu’elle délaisse un peu son vieux vélo adoré pour faire un tour en solitaire avec sa new beetle, comme elle avait l’habitude de le faire par le passé. Après tout, si lui avait le droit de se pavaner en voiture, elle ne voyait pas pourquoi elle n’aurait pas le droit d’en faire autant ! Et désormais qu’elle était opérée, elle n’avait rien à craindre à faire des trucs donnant des sensations fortes non ? A cette pensée, Lise eut un petit rire. Aaron serait à des années lumière de se douter de tout ce qu’elle avait envie de faire…Saut à l’élastique, saut en parachute…Tout ce qu’elle n’avait jamais osé faire mais qui la tenaillait depuis quelques temps. Mais pour l’instant, elle était là, avec lui. Cette journée, cette soirée comme cette nuit allaient être à eux, et elle ne comptait rien gâcher…Et puis, il est vrai qu’elle avait un ronronnement absolument fabuleux, cette voiture ! Oui, j’ai couché avec cette fille ! J’te rappelle que j’avais un sérieux coup dans le nez. J’me suis juste réveillée dans le lit avec elle, à poil, et j’crois que y’avait un autre gars. J’suis plus sûre, j’avais tellement mal à la tronche, c’était horrible ! Mais ce qui m’agace le plus, c’est le fait que ce qui te choque, c’est pas que je l’ai fais, c’est que tu n’y ai pas participé ! Jamais de la vie on fait un plan à plus de deux, tu m’as comprise ? Jamais de la vie une autre fille te touche ! »Voilà que Lise jouait le même jeu que lui, à jalouser et à imaginer des choses qui ne se passeraient pas. Disons qu’elle espérait qu’il n’irait pas jusqu’à lui proposer la chose, mais avec lui, rien n’était jamais assuré par avance. Elle préférait donc prévenir plutôt que guérir…Manquerait plus qu’il cherche une autre nana ou elle un autre mec pour faire une partie de jambes en l’air ! Non, jamais de la vie elle n’accepterait une chose pareille. Aaron était avec ELLE, et s’ils faisaient une partie de jambes en l’air, c’était à deux, pas à trois à quatre ou à on ne sait combien ! Tu sais, si j’avais continué le mannequinat, tu m’aurais jamais vue. J’aurais été aux quatre coins du monde pour des défilés, signer des autographes ou discuter avec les créateurs. Ca aurait été shoot sur shoot, défilé sur défilé…Sans compter sur le fait que t’aurais pas tenu une minute en me sachant entourée surtout de gars. Et moi, j’aurais pas tenu une seconde en sachant que tu étais tout seul, entouré de toutes ces prédatrices qui en veulent encore et toujours à ton corps ! Puis bon, si on voulait fonder une famille, tout ça…Pas possible non plus. Bref, pas pour moi ce genre de carrière où j’aurais été loin de toi. Ca m’aurait détruite. Mais tu as honte que je sois future archéologue ou quoi ? Au moins, les fossiles et les fouilles te reluquent pas le cul à longueur de temps comme les mannequins masculins le faisaient quand j'étais dans le métier! Monsieur le beau médecin en blouse blanche ! »Lise aimait bien le taquiner sur le fait que sa blouse blanche lui allait bien…Mais en fait, à bien y réfléchir, tout lui allait à ravir. Et tandis qu’ils étaient à un feu rouge, elle en profita pour capturer fougueusement ses lèvres. Elle se fichait qu’on soit en train de les regarder ou pas… Ca me donne envie de conduire tout ça, je pense que je vais reprendre le circuit un peu, me faire plaisir avec la vitesse. Puis refaire de la plongée, monter sur une grande roue, rouler des heures au volant de ma superbe new beetle…Après tout, puisque ton cabriolet occupe tes pensées, je vais prendre soin de ma titine aussi, na ! Bon, allez, puisque tu as voulu faire une virée en cabriolet, surprends moi mon ange ! » Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Mar 4 Mai - 227 Grimpant à bord de la voiture, il ne tarda pas à retrouver son sourire de gosse en entendant le bruit du moteur. Il en était vraiment raide dingue de cette voiture ! Forcément ce qui l’indignait le plus n’était pas qu’elle ai pu coucher avec cette fille, mais simplement le fait de ne pas avoir été là ni pour voir, ni pour participer. C’était carrément de la torture de penser à ça et ça le fut encore plus au moment où elle lui avoua qu’un autre gars était présent. Aaron dû lutter de toutes ses forces pour ne rien laisser paraître de ses émotions, imaginer Lise dans ce genre de situation – et surtout sans lui- relevait vraiment de la torture. Non pas qu’il soit particulièrement intéressé par ce genre de plan, Lizzie suffisait amplement à faire son bonheur mais disons que si à cette époque il avait été le gars en question, ça n’aurait pas été plus mal. Forcément, comment voulais-tu que je réagisse ?!! Puis franchement, tu penses vraiment qu’il en faut si peu pour me choquer ?! Je suis loin d’être un ange je te rappelle puis j’avoue que c’est pas déplaisant de penser que tu as pu te trouver dans ce genre de situation. T’en fais pas, je te proposerai jamais un truc pareil, déjà, parce que ça me viendrait jamais à l’idée et deuxièmement parce que je ne veux que toi dans mon lit. Non disons juste qu’à l’époque, si j’avais pu être le gars en question, ça n’aurait pas été plus mal… t’aurais pas préféré que je sois là plutôt que ce soit ce type dont tu ne te souviens même plus s’il a ou non véritablement existé ?! » Tout en roulant à vive allure, Aaron songea à ses propos, réalisant qu’effectivement, leur vie aurait été un véritable enfer si Lise avait voulu continuer dans cette voie. Bien entendu, il l’aurait soutenu mais de toute évidence, ça n’aurait pas marché sur le long terme. Déjà d’une part à cause de la distance il ne supportait pas d’être éloigné d’elle plus d’une heure alors imaginez durant des jours et à des milliers de kilomètres l’un de l’autre, non, c’était juste impensable. Puis d’autre part, il y avait cette jalousie et le fait de la savoir entourée de beaux mannequins tous plus séduisants les uns que les autres. Aaron se serait montré véritablement insupportable. Quand il l’entendit parler de l’archéologie, il tâcha de rapidement l’interrompre Honte ?! T’es folle ou quoi ?! Je trouve ça carrément génial tu veux dire !! Ne me fait pas dire ce que je n’ai ni dit, ni pensé mon cœur. Puis d’abord je n’aurais jamais honte de rien te concernant. Je me disais juste que tu avais été un mannequin extraordinaire, rien de plus. Beaucoup de filles auraient tout donné pour avoir ta chance, j’en suis conscient. En revanche, je veux bien concevoir l’idée que ce soit un milieu pourri et propice à la décadence la plus totale mais bon… tu as quand même passé de bons moments je présume. Puis tu sais, concernant la blouse blanche… je suppose qu’en blouse blanche et en plus, au volant du cabriolet, ça doit vraiment valoir le coup d’œil… »Aaron se remit à rire et se pencha vers elle, prolongeant ce baiser tandis que le feu repassait déjà au vert. Il entendit les coups de klaxons derrière lui mais n’en fit rien, pas tant que leur baiser n’était pas achevé et autant dire que le reste du monde pouvait bien attendre. Regardant dans le rétroviseur, Aaron soupira doucement et appuya d’un seul coup sur l’accélérateur, pris d’un petit coup de folie et d’une soudaine envie de vitesse. Cela faisait des années maintenant que Sarah refusait catégoriquement de monter dans une voiture à partir du moment où il s’y trouvait lui aussi et à dire vrai, Paul avait confirmé comprendre pourquoi. Putain, elle en a vraiment dans le ventre cette voiture !! On continue ?! »Le jeune homme n’avait toujours pas relâché l’accélérateur, au contraire, il continuait de fixer l’aiguille du compteur qui parcourait le cadran tandis qu’il passait ses vitesses en se délectant du bruit du moteur. Un vrai gamin en pleine partie de jeu vidéo. Il roula ainsi sur plusieurs dizaines de kilomètres avant de s’arrêter en bord de mer et de descendre de la voiture en sautant par-dessus la porte comme dans les films. Il fit le tour de la voiture, les clés en main tandis que Lise se trouvait encore assise à sa place. N’allez pas croire qu’il faisait ça à contre cœur car au contraire, il pensait qu’elle avait le droit de s’amuser un peu elle aussi. Par conséquent, il afficha un large sourire et tendit le bras pour laisser pendre les clés au bout de ses doigts afin qu’elle les prenne. Je ne vois pas pourquoi je devrais être le seul à m’amuser autant. Tu as envie de conduire, j’adore la vitesse, on a entre nos mains l’engin le plus rapide des Etats-Unis et une route presque déserte… fais toi plaisir. Règle numéro 2 si je suis assez fou pour accepter de te laisser conduire la voiture, accepte vite avant que je change d’avis. » Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Mar 4 Mai - 256 Il est vrai que la voiture en avait dans le ventre, c’était un vrai délice de le sentir, et ça devait être d’autant plus agréable à conduire ! Mais Lise ne se leurrait pas, si Paul avait à peine le droit de la regarder, jamais Aaron ne la laisserait la conduire. Elle s’était faite à l’idée, même si elle l’avait conduite une fois pour l’amener jusqu’au parking de l’hôpital, ce serait probablement la seule et unique fois qu’elle aurait pu toucher le volant. Elle quitta donc ce genre de pensées pour se concentrer sur ce qu’il disait. Il n’avait pas honte qu’elle soit future archéologue, c’était déjà ça ! Lise n’avait pas vraiment choisi ce métier parce qu’il lui permettait une vie de famille, qui plus est…Mais bien parce qu’elle était une vraie passionnée d’histoire et parce que cela lui semblait naturel d’en faire son métier. Il ne l’avait jamais vue dans une bibliothèque, elle pouvait être tout autant excitée qu’en face d’une nouvelle robe magnifique ou de nouvelles chaussures…Parfois, Lise n’avait pas l’impression d’être une femme, par certains côtés. C’était ce que William s’amusait à lui dire d’ailleurs ! Elle l’avait souvent étonné en préférant aller au musée plutôt qu’aller faire du shopping…Les rôles étaient parfois inversés au sein de leur amitié, puisque William avait plus souvent envie qu’elle d’aller faire du shopping. Lise était richissime, c’est vrai, mais elle n’était pas superbement dépensière pour autant. Elle joignait l’utile à l’agréable quand il le fallait, et l’achat du cabriolet pour Aaron était sa seule vraie folie depuis longtemps. Voilà pourquoi elle venait de lui faire part de son envie de faire des choses un peu plus folles ». Il pourrait venir s’il en ressentait l’envie…Il ne savait pas à quel point Lise était une passionnée de vitesse ! Elle avait une conduite sûre, qui n’était pas sèche comme chez beaucoup de gens aimant la vitesse, et elle connaissait ses limites. S’être fait de belles frayeurs sur un circuit les lui avait apprises, et elle ne faisait jamais de choses inconsidérées sur une route où il pouvait y avoir d’autres gens. Aaron avait l’air d’être autant amateur de vitesse qu’elle, voilà pourquoi elle avait tenu à lui offrir ce petit bijou. Par amour, on peut faire énormément de concessions…Et même s’il semblait éperdument amoureux de son cabriolet, Lise savait qu’il n’avait, avant toute chose, d’yeux que pour elle. Tu sais, des fois, William dit que je suis pas une femme. Je peux passer des jours entiers le nez dans des bouquins d’histoire, et je passe largement plus de temps à la plus grande bibliothèque de la ville que je n’en passe dans les magasins. J’aime le shopping c’est vrai, mais William dépense trois fois plus que moi quand on va faire du lèche vitrine ! Dis toi que t’offrir ce cabriolet est ma première folie depuis super longtemps…A la place, je me donne des sensations fortes. Je n’ai pas besoin de dépenser des milles et des cents pour être bien dans mes baskets…Je n’agis pas foncièrement comme une gamine pourrie gâtée, là-dessus. J’ai beaucoup de défauts, mais pas ça ! En somme, tout ça pour dire que contrairement à ce que certains pensent, je n’ai pas choisi de faire archéologie parce que ça me garantissait une vie de couple et de famille plus calme » mais bien parce que je suis une dingue d’histoire. Je pourrais t’en parler de manière inspirée pendant des heures…Mon passage préféré ? Les mythologies. J’ai un examen là-dessus le mois prochain, et je pense que je devrais le réussir les doigts dans le nez…J’ai tellement bossé dessus ! Mais je m’aperçois que finalement, on parle pas énormément de ce qui nous plait, on l’a jamais fait en fait. Dommage non ? Pourquoi tu as choisi médecine, d’ailleurs ? »C’était humain de vouloir connaître les goûts et les couleurs de son cher et tendre. En tout cas, pour Lise, c’était vital. Attention, elle n’avait aucune intention de s’adonner à un vrai interrogatoire, mais le laisser en parler était déjà un début. Et puis, ils avaient toute la vie pour s’apprendre, s’apprivoiser. Lise était un mystère à elle seule, voilà pourquoi elle avait toujours autant aimé les énigmes et les légendes des autres siècles. Mais visiblement, Aaron n’était pas aussi passionné qu’elle là-dessus, puisqu’il s’arrêta sans qu’elle ne puisse crier gare, sautant hors de la voiture comme dans les films américains, et fit le tour de la voiture pour mieux lui tendre ses clefs. Il voulait qu’elle conduise ?! Rien que cette proposition était alléchante ! Lise descendit donc de voiture, lui sautant au cou pour le remercier d’un baiser passionné. Elle le fit durer quelques instants d’ailleurs, partant du principe qu’ils avaient tout le temps du monde devant eux, et que le fait de conduire ce petit bijou pouvait bien attendre quelques minutes. Lorsqu’elle sépara son visage du sien, elle prit délicatement les clefs comme si elles allaient se briser, et se mit à sautiller tout en se dirigeant vers la place du conducteur, bondissant à l’intérieur comme il l’avait fait pour sortir, avec souplesse et attention. Le sourire aux lèvres, Lise avait vraiment l’air excitée rien qu’à l’idée de tester le moteur ! Je vais lui faire du bien à ton bijou, t’inquiètes pas ! En plus, t’as jamais été le co pilote quand c’est moi qui conduit…Tu vas voir si je suis une femmelette ! »Lise mit illico le contact, avant de passer en marche arrière pour revenir sur la route. Il lui suffit ensuite d’appuyer sur le champignon pour se faire des sensations fortes. Lise conduisait légèrement plus qu’Aaron à certains moments…Elle se testait, et elle testait le cabriolet pour l’instant. La conduite parfaitement à l’aise, elle semblait ne faire qu’un avec le volant, qu’elle semblait caresser en le tournant. Une as du volant, on vous a dit ! ÉNORME !!! »Lise avait exactement la même réaction qu’Aaron au moment où il l’avait testée, ce midi. Le sourire jusqu’aux oreilles, elle aimait ce test de vitesse sur une ligne droite, là où elle ne risquait rien. Ce ne fut que lorsqu’elle sentit son cellulaire vibrer qu’elle du se garer sur le bas côté pour décrocher. C’était la réceptionniste, qui annonçait que les tenues commandées seraient à leur disposition d’ici une demi heure. Ca ne leur laissait pas énormément de temps, mais ce n’était pas bien grave…Il suffisait qu’ils sachent mettre à profit le temps qui leur restait ! Et puis s’ils étaient en retard, ce n’était pas non plus la mort. Ce sera près d’ici trente minutes. Tu veux occuper le temps comment ? Je continue à te procurer des sensations fortes ou bien on s’arrête ici et on reste dans la voiture ? On peut toujours arriver en retard, si tu veux parler…Dis moi ce que tu veux mon ange? A moins que tu n’aies en tête que ton bijou ! Auquel cas, je reste aux commandes ! J’ai décidé d’être dominatrice aujourd’hui ! »Lise éclata de rire face à sa dernière phrase qui pouvait prêter à confusion alors que ce n’était absolument pas fait exprès. Elle se pencha pour capturer ses lèvres, afin qu'il ne puisse pas rétorquer quoi que ce soit. Rien de tel que de le réduire au silence d'un baiser... Tu sais quoi? J'ai envie de fraises...C'est un truc de fou, mon obsession du jour! J'y pense depuis que je suis levée! » Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Mer 5 Mai - 133 Aaron semblait particulièrement amusé de voir les réactions de Lise pendant qu’elle conduisait sa petite merveille. Oh il avait confiance en elle et la vitesse ne lui faisait vraiment pas peur donc autant dire qu’il se sentait particulièrement à son aise. Puis c’était amusant de voir Lizzie prendre autant de plaisir que lui en conduisant. Ce côté garçon manqué sur les bords lui avait toujours beaucoup plu et c’est aussi ce qui faisait qu’il était complètement fou d’elle. Qui ne rêverait pas d’avoir une petite amie diablement séduisante et en plus fan de vitesse et de sensations fortes ?! Se mettant à rire, il écouta ses commentaires et profita de cette petite escapade improvisée pour se détendre, se délectant tout aussi bien de la vue qui s’offrait à eux que du spectacle extraordinaire qu’il avait sous les yeux. Il avait beau connaître Lizzie par cœur, il s’extasierait toujours de la même manière à chaque fois qu’il poserait son regard sur elle. Quand elle arrêta la voiture, il comprit bien vite qu’il s’agissait de la fameuse jeune femme de la boutique, celle avec qui Lise avait osé avoir une expérience sans lui… oh il n’était pas prêt d’oublier ce détail et d’ailleurs, il n’allait pas se gêner pour remettre ça sur le tapis dès que l’occasion se présenterait. Suite à ses questions, il pencha la tête sur le côté, affichant un sourire volontairement provocant quand elle parla de domination et qui trahissait ses pensées mais il se reprit bien vite au moment où elle se penchait vers lui pour s’emparer de nouveau de ses lèvres. Aaron passa bien vite une main contre sa nuque afin de l’approcher davantage de lui, caressant sa langue de la sienne et glissant sa main dans ses cheveux délicatement. Il aurait tellement adoré que ce séjour ne s’achève jamais. Retrouver la dure réalité des cours, de New York, de leurs familles et du reste allait s’avérer extrêmement difficile, cela ne faisait pas l’ombre d’un doute. Quand il se recula, il souffla doucement, comme pour se remettre de ses émotions et enchaîna Je serais tenté de te répondre qu’on pourrait facilement faire un mixte des deux… du genre combiner un arrêt en voiture ET les sensations fortes en tout genre mais une demie heure, ça passe horriblement vite, surtout quand on est ensemble. Puis tu avais l’air de tellement apprécier d’avoir le volant entre les mains que je ne voudrais pas gâcher ton plaisir. »C’est alors que Lise lui parla de son envie de fraises ce qui ne manqua pas de le faire rire. Pourquoi n’y avait-il pas pensé, hum ?! Lizzie était une véritable mordue de ce délicieux petit fruit rouge décliné sous n’importe quelle forme. Ca t’étonne ?! Tu passes ton temps à manger des fraises. De ma vie entière je n’ai jamais vu personne consommer une telle quantité de fraises, je t’assure mon amour, c’est impressionnant. Si tu en as tellement envie, on pourrait peut-être s’en faire monter dans la chambre ce soir… avec de la chantilly et… une coupe de champagne, tu en dis quoi ? »Et attention, quand Aaron disait une coupe de champagne », ce n’était pas qu’une façon de parler, il n’avait pas envie que Lise reprenne goût à l’alcool et encore moins qu’elle fasse des folies avec son foie désormais en bonne santé. Afin de mieux la convaincre, le jeune homme se pencha vers elle, ponctuant chaque phrase par un petit baiser déposé à la commissure de ses lèvres. Une petite brise venait de se lever mais malgré tout, la chaleur se faisait encore bel et bien ressentir, à moins que ce ne soit tout simplement la présence de la jeune femme à ses côtés, allez savoir… Je te laisse nous reconduire à la boutique ?! Je prendrai le relais pour rentrer à l’hôtel, rien que pour faire râler mon copain le voiturier. » Il se remit à sourire et attendit qu’elle démarre pour reprendre la conversation qu’elle avait lancée quelques minutes plus tôt. Pourquoi avait-il voulu devenir médecin ? La réponse lui semblait évidente, Aaron n’avait jamais souhaité faire autre chose, à dire vrai, il n’y avait même jamais pensé. Le fait que son père soit également médecin n’était probablement pas un hasard, cependant, ça relevait de son inconscient et pour Aaron, il était hors de question d’admettre un quelconque lien avec le choix de son paternel. Tu sais pour répondre à ta question de tout à l’heure concernant la médecine et bien…j’ai toujours été passionné par le fonctionnement du corps humain. Et là je parle pas que de l’anatomie féminine si tu vois ce que je veux dire… plus sérieusement, j’ai toujours voulu faire médecine et ça depuis que je suis gosse. Je crois que la première fois que j’y ai pensé, c’est quand je me suis retrouvé à l’hôpital pour un mois… puis cette idée ne m’a jamais quitté. Je trouvais ça génial de pouvoir guérir les autres. Quand j’avais six ou sept ans, Sarah m’a posé la même question et je lui ai répondu Tu sais maman, si je veux devenir médecin, c’est uniquement pour pouvoir t’empailler le jour où tu seras morte et te garder avec moi le restant de mes jours. » Cette réplique atroce fait fureur depuis dix-huit ans chaque fois qu’on fait un repas de famille !! Puis je crois surtout que j’avais une certaine motivation non négligeable à la base puis tu sais que j’ai toujours eu des facilités en cours… Mais honnêtement je ne pense pas que ça aurait suffit pour m’aider à surmonter les deux premières années de médecine qui sont généralement horribles à vivre pour tout le monde. On te met une pression incroyable. Ce qui m’a poussé à réussir du premier coup et à arriver dans les premiers au classement, c’est de ne pas avoir levé le nez de mes bouquins pendant ces deux années là. J’avais de bonnes raisons de ne pas le faire car c’était soit étudier, soit penser à toi. Le choix me paraissait évident à ce moment là puis de toute manière, à chaque fois que je refermais mes bouquins tu occupais de nouveau mon esprit. Ah oui et j’oubliais !! Si j’ai voulu faire médecine, c’est avant tout pour pouvoir me payer toute une collection de cabriolets comme celui-ci. T’en dis quoi, hum ?! Un de chaque couleur… »Il détourna la tête en direction de Lise tout en affichant un large sourire. Il avait bien remarqué qu’elle était presque devenue jalouse de cette voiture – ce qui ne l’empêchait visiblement pas de prendre beaucoup de plaisir à la conduire- du coup, il n’osait même pas imaginé s’il en avait toute une collection. C’est vrai, je trouve ça dommage qu’on ai jamais pris le temps de parler de nous et de nos rêves. Finalement, j’ai l’impression qu’on se connaît à la fois très bien et très superficiellement. Non pas que ce soit une mauvaise chose, au contraire, je trouve ça fascinant d’apprendre à te découvrir. La preuve, je découvre des choses intéressantes comme cette histoire d’expérience avec … comment s’appelle-t-elle ?! Tu crois qu’elle a prévu quelque chose pour ce soir ?! » Aaron afficha un nouveau sourire taquin, avant de se pencher vers Lise pour déposer un baiser sur son épaule pendant qu’elle conduisait. D’ailleurs, ils n’allaient plus tarder à arriver devant la boutique afin de récupérer leurs tenues, ce qui laissait déjà Aaron relativement perplexe. Tu crois vraiment qu’il aura eu le temps de finir ?! Je sais pas si je vais vraiment me sentir à l’aise dans cette tenue. Tu sais qu’on m’a déjà proposé de poser pour quelques photos ?! J’ai jamais voulu… c’est dire à quel point je me sens à l’aise avec le milieu de la mode ! » Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Mer 5 Mai - 203 Entendre Aaron parler de ses rêves était assez étrange. Intéressant, fascinant même, et étrange à la fois, parce que Lise avait l’impression d’ignorer tout une partie de lui. Oh, il y avait sûrement des choses qu’il ignorait sur elle également, mais pour l’instant, les projecteurs étaient rivés sur Aaron, et non sur elle. Pour tout dire, ça ne l’étonnait même pas qu’il ait dit à Sarah qu’il comptait bien l’empailler à sa mort…La connaissant, elle avait du être horrifiée par la chose au premier abord, puis elle devait en rire maintenant. Lise en riait elle-même, tout en conduisant le magnifique cabriolet qu’elle lui avait offert pour les reconduire à la boutique. Les sensations étaient là, c’était certain…Lise était dans son élément, Aaron ne savait pas à quel point. Voilà bien quelque chose qu’il devait ignorer d’elle, puisqu’elle n’avait jamais fait de circuit ni de plongée à San Francisco. Elle avait gardé ces activités là pour quand elle était à New York, en vérité…Mais il devait aimer cette idée, puisqu’il ne lui avait fait aucune réflexion. Son côté garçon manqué parlait très fort parfois…Elle étonnait énormément de ses connaissances masculines rien qu’en matière de conduite, de vitesse ou même de boisson. Lise était considérée comme une warrior dans tous les sens du terme, parce qu’elle était capable de supporter bien des choses par rapport à ses potes. C’était sa petite fierté…Mais il n’y avait rien de tout cela lorsqu’elle était en présence d’Aaron Elle se trouvait être parfaitement féminine, féline même, portée avant tout sur le charme, la séduction et l’amour. Il n’y avait pas de côté garçon manqué qui tienne, sauf peut-être lorsqu’elle se trouvait au volant de ce magnifique cabriolet, qu’elle jalousait presque à cause des remarques incessantes d’Aaron…D’ailleurs, il reprit de plus belle en donnant pour dernière raison à vouloir devenir médecin le fait de se payer toute une collection de cabriolet. Rien que pour ça, elle lui donna un coup de poing amical contre son épaule, pour le punir » en quelque sorte. Oh, elle n’avait pas quitté la route des yeux, mais il ne perdait rien pour attendre…S’il continuait son manège, elle allait être bien plus sévère ! Ah oui, tu veux te faire une collection, hein ? Bah tant pis, ce soir je ferais des bébés à mes fraises si jamais tu continues à m’emmerder avec ta folie des caisses ! Puis d’abord, j’suis sûre que sur un circuit je te bats. Question d’entraînement mon ange ! Et si t’es pas sage, je ferais des folies avec mes fraises et tu seras privé de bisous ! »Lise lui tira la langue, son côté enfantin ressortant divinement, même si elle était en pleine conduite. C’était une question de principe, après tout, il dépassait les bornes ! Elle acceléra d’ailleurs un poil pour se donner plus de sensations et oublier cette dernière réplique…Mais elle ralentit légèrement tandis qu’il la taquina sur son expérience homosexuelle. Ah, elle ne risquait pas d’oublier cette erreur, diable ! S’il lui répétait à longueur de temps, Lise ne risquait pas d’oublier cette expérience qu’elle aurait préféré ne jamais avoir vécue. Oh, mais si tu veux je lui donne ton numéro, et je vais aller voir mes amants hein ! Puis tu sais, j’ai eu énormément d’expériences masculines…Des musclés, des tatoués, des romantiques, des plans culs…Tout ça tout ça ! J’ai une vie sexuelle active moi, m’sieur ! Mais les plans à plusieurs…Pfeuh c’est juste inintéressant. Surtout avec cette fille d’ailleurs. Puis tu sais, tu es loin de tout savoir sur moi…Tu n’auras qu’à me faire subir un délicieux interrogatoire au restaurant si tu veux, je suis prête ! »Lise eut un petit rire tandis qu’elle garait la voiture, prenant sa main pour y déposer un baiser charmeur comme si c’était elle l’homme et lui la femme dans l’histoire. Pour pousser le bouchon encore plus loin, elle bondit hors de la voiture comme il l’avait fait plus tôt dans l’après midi, et fit le tour de celle-ci afin de lui ouvrir la porte. Elle aimait bien se moquer de lui parfois…Mais elle se fit pardonner avec un baiser léger comme une brise déposé sur ses lèvres, en lui murmurant qu’il n’avait pas à s’inquiéter. Juste un essayage et ils seraient de retour à l’hôtel. D’ailleurs, à peine Lise avait-elle posé un pied à l’intérieur de la boutique que le couturier bondissait sur elle pour lui dire à quel point il était ravi qu’elle lui ait passé commande…Les vêtements étaient prêts, bien sûr ! Seulement, ils n’auraient pas le temps de les essayer pour d’éventuelles retouches, car ils devaient fermer boutique. Lise s’empressa de dire que ce n’était pas grave, et qu’ils repasseraient le cas échéant, même si elle doutait que ce soit nécessaire…Et que dans tous les cas, le couturier aurait un coup de fil d’elle le lendemain pour qu’il ait son ressentit sur les vêtements. Lise prit donc les paquets, tandis que la réceptionniste approchait pour lui déposer un bisou sur la joue, en rajoutant qu’elle avait glissé un magnifique corset rouge et noir en cadeau. Gênée, elle la remercia d’un sourire et poussa presque Aaron à l’extérieur, pour qu’ils les reconduisent à l’hôtel. Mon dieu qu’elle est gênante ! M’enfin, je suppose que tes souhaits ont été exaucés, ce soir j’essayerais ton corset et tu devras me dire s’il me va. Je suppose que ça ne devrait pas être une trop dure épreuve pour toi… »Lise le taquinait, bien entendu…Quel homme n’avait jamais apprécié voir une femme en corset ? Mais pour l’instant, elle avait hâte de retourner à l’hôtel, pour voir ce qu’il lui avait concocté pour le reste de la soirée. Après tout, Lise avait toujours adoré les surprises…Et tandis qu’ils rentraient à l’intérieur de la grille de l’hôtel, elle ne pu s’empêcher la remarque suivante Tiens, ce n’est pas le même voiturier ! Mais est-ce que tu vas pouvoir supporter de laisser ton fabuleux bijou entre les mains de cet inconnu ? Ca ne va pas te paraître trop insupportable ? Je te laisse lui faire par avance une tête au carré, je t’attends devant la porte de la chambre. »Lise lui fit un clin d’œil, suivit d’un bisou sur la joue, avant de descendre et d’effectivement prendre l’ascenseur pour retrouver leur chambre. Elle attendait patiemment devant la porte…En se tenant de manière sexy Adossée au mur, l’un de ses pieds contre…Un vrai pose digne de Tex Avery. Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Jeu 6 Mai - 1914 Tout en arrêtant la voiture devant l’hôtel, Aaron évalua attentivement la confiance qu’il pouvait accorder à ce nouveau voiturier. Humm ouais… il lui semblait encore plus suspect que le précédent, à la longue, il allait finir par dormir dans la voiture, ce serait beaucoup plus simple pour tout le monde et plus spécialement pour Lise qui n’aurait plus à supporter ses incessantes remarques concernant ce fameux joujou. En sortant de la voiture, Aaron lança un regard sombre en direction du jeune homme qui devait avoir dix-huit ans tout au plus. La moindre égratignure sur la carrosserie et Aaron lui ferait une tête au carré, cela ne faisait pas l’ombre d’un doute. Cela dit, cinq minutes plus tard… “ J’ai toujours rêvé d’avoir la même, même modèle, même couleur. Rien à voir avec ma vieille caisse. Je me la suis payée avec l’argent qui aurait du servir pour mes études. J’étais pas fait pour ça de toute manière puis j’aime beaucoup ce job. Je me dis qu’en économisant un peu, je devrais pouvoir réussir un jour à me la payer. »Aaron était désormais à la place du passager, main droite pendant de la voiture, grand sourire aux lèvres et le jeune voiturier à ses côtés. Et oui, croyez le ou non, il venait de sympathiser avec ce jeune garçon et ce, uniquement car ils étaient aussi irrécupérables l’un que l’autre devant cette somptueuse voiture. Le jeune voiturier se nommait Kyle et lui avait fait une adorable remarque au moment où il avait aperçu la voiture si bien que tout à coup il lui semblait absolument sympathique. Et attends t’as rien vu encore ! Accélère un peu et écoute le bruit qu’elle fait. Un vrai bijou. Vas pas trop vite non plus, t’as pas l’air de tellement maîtriser… » J’ai mon permis depuis trois mois seulement. » Ok, ça suffit, arrête toi là. »Aaron attendit qu’il se gare puis sortit de la voiture avant de jeter un nouveau regard suspect en direction du jeune voiturier. Etait-ce une bonne idée de le laisser seul avec elle ?! Et si jamais il lui faisait du mal et qu’il profitait du fait qu’il ai le dos tourné ?! Aaron secoua doucement la tête en réalisant qu’il parlait de sa voiture comme de sa petite amie, ça devenait vraiment grave à ce niveau là. Il s’apprêtait à dire quelque chose, mais Kyle ne tarda pas à reprendre Ne vous inquiétez pas, je vais veiller sur elle. Je l’aime trop pour pas y faire attention, vous avez ma parole. »Aaron ne pu s’empêcher de sourire après cette remarque. Il venait bel et bien de trouver pire cas que lui. Après l’avoir remercié d’un généreux pourboire, Aaron regagna l’hôtel et grimpa dans l’ascenseur afin d’aller rejoindre Lizzie. Il traversa rapidement le couloir et lorsqu’il fut devant la chambre souria niaisement en voyant la position dans laquelle elle l’attendait. Tu as vraiment décidé de jouer avec mes nerfs ce soir, hum?! J’étais avec le voiturier… super sympa ce gamin d’ailleurs. Bon, à partir de maintenant, si je fais encore une quelconque allusion à cette voiture, tu as le droit de m’en faire payer le prix. »Il savait que ce ne serait pas facile de passer le reste du week end sans faire la moindre allusion à cette merveille, mais il fallait impérativement qu’il passe à autre chose. Aaron ouvrit la porte de leur chambre et quand ils furent à l’intérieur, il réalisa que Kyle ne lui avait pas donné son ticket pour récupérer la voiture. Merde !! Je vais appeler la réception pour demander de… pour… les..bah pour nos fraises et notre chantilly! »La promesse de ne plus y faire allusion n’aura pas duré bien longtemps et pourtant, il faisait un effort surhumain. Aaron tâcha de défaire le premier bouton de sa chemise qui le serrait légèrement, tout en dévisageant Lise. A propos, c’était quoi ces petites confidences en sortant de la boutique ?! Elle voulait te dire quoi à l’oreille ?! J’espère que c’était pas une proposition indécente sinon tu vas regretter de ne pas avoir dit oui… »Il se remit à sourire tout en attrapant le téléphone pour appeler la réception au sujet de sa voiture. Cependant, Lise était toujours à quelques pas de là, aussi, il posa une main sur le combiné afin que son interlocuteur ne puisse pas l’entendre et se pinça les lèvres avant de reprendre T’as pas envie d’aller à la salle de bain ou de te changer ?! Oh et il y a une vue magnifique du balcon, tu es allée voir ? » Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Jeu 6 Mai - 1949 Aaron et cette voiture, c’était une grande histoire d’amour…Lise était presque tentée de regretter de l’avoir achetée, mais il fallait bien accepter qu’Aaron soit un homme fan de cette voiture. Il en était dingue, presque gaga…Et à peine étaient-ils rentrés dans la chambre, à peine avait-il dit qu’elle pourrait lui faire payer le prix d’une quelconque allusion à sa voiture que Lise sentit qu’il était déjà tenté d’y refaire allusion. Le fait qu’il l’oblige presque à aller se changer lui fit faire une moue proprement outrée…Il ne pouvait pas passer cinq minutes sans parler de cette voiture ma parole ! Mais Lise le laissa prendre le téléphone, tentant de ne pas hurler d’impatience avant d’envoyer à la volée Oh mais si, elle m’a fait tout plein de confidences bien salaces, et si tu continues de parler de ta fichue voiture, je la prends pour aller faire des cochonneries avec cette fille ! »C’était dit…Lise avait très mauvais caractère, il ne fallait pas lui en vouloir. Après tout, ils étaient censés passer un weekend en amoureux et résultat, il parlait de sa voiture à longueur du temps…Ce fut donc avec un soupir non dissimulé que Lise se rendit dans la salle de bain, tout en claquant joyeusement la porte. Elle n’était pas vraiment en colère, mais elle n’était pas en excellente disposition non plus. Ca lui faisait bizarre de ressentir tout ça…Sam n’avait jamais parlé de voitures avec elle, c’était plutôt elle qui le saoulait avec ses circuits, et ça lui faisait presque un coup sur le moral de ne plus être la seule à être chiante là-dessus…Mais passons. Lise avait des choses à faire pour être radieuse ce soir Remettre la magnifique robe Chanel, se débarbouiller, se maquiller et mettre les bijoux qu’Aaron lui avait offerts. Elle passa près d’une demi heure dans la salle de bain, au bas mot, et encore, elle trouvait qu’elle avait été particulièrement rapide. Lorsqu’elle ressortit, elle était coiffée, maquillée, habillée bien sûr et parfumée. Pour l’occasion, elle avait fait une sorte de chignon improvisés avec des petites pinces à cheveux, et elle se trouvait parfaite comme ça. Elle eut un soupir légèrement gêné en se présentant à Aaron d’ailleurs, comme si c’était la première fois qu’il la voyait. Après tout, ce n’était pas comme si elle était extrêmement coutumière de la chose, surtout en sa présence Elle était toujours très bien habillée, mais elle n’avait jamais porté de tenue pareille devant lui. Pour un peu, Lise se serait mise à rougir…Mais elle se contint en se raclant légèrement la gorge. Elle ne savait pas s’il allait l’attaquer encore avec sa voiture jusqu’à la pousser à bout ou juste la complimenter, toutefois elle s’avança assez près pour sentir sa respiration contre son visage. Elle s’avança davantage et captura très délicatement ses lèvres, sans que son baiser soit profond…C’était juste un avant goût. Il n’avait pas tort, elle comptait bien jouer avec ses nerfs autant qu’elle le pourrait, peut-être pour lui faire payer le fait d’avoir fait allusion à sa voiture…Ou juste pour le plaisir, et parce qu’elle aimait le savoir en attente d’elle. C’était sa petite fierté personnelle. Un baiser pour te faire taire, et pour te faire attendre… Puis qu’il n’y a ni fraises ni chantilly j’en déduis que tu as appelé pour ta voiture et donc, tu devras supporter mon absence jusqu’à ce que tu sois prêt. Première épreuve ! Je t’attends devant la salle de restaurant…Tâche de ne pas traîner, qu’un jeune homme ne me kidnappe pas ! »Lise lui donna un autre baiser suivit d’un clin d’œil, afin de lui prouver qu’elle plaisantait. Elle quitta ensuite la chambre d’un pas lent, sachant pertinemment qu’il la regarderait jusqu’à ce qu’elle quitte la pièce. Sauf que maintenant qu’elle avait fermé la porte, il fallait qu’elle trouve à s’occuper jusqu’à ce qu’il apparaisse, magnifique comme d’habitude, dans la salle de restaurant. Comme convenu, elle descendit, presque gênée par les regards qui se posaient sur elle, regrettant presque de ne pas avoir attendu dans la chambre qu’il soit prêt…Elle soupira doucement, tâchant de rester calme, jusqu’à ce qu’elle n’arrive à destination. Il y avait trois sièges second empire devant elle, dont deux étaient déjà occupés par des personnes âgées se tenant la main. De toute évidence, c’était un couple…Mais à cœur vaillant rien d’impossible, et Lise se risquait à s’asseoir à côté d’eux, sans les regarder de peur d’être impolie. Mais ne pas les regarder ne suffit visiblement pas La dame lui demanda ce qu’elle venait faire ici, l’endroit rêvé pour qu’un homme demande une femme en mariage ! Les battements du cœur de Lise commencèrent à s’accélérer doucement, tandis qu’elle hochait la tête de manière polie, sans oser répondre. Son couple avec Aaron était un peu atypique…Rien que la première fois qu’elle était venue chez lui, elle n’avait pas été comme les autres Il avait fait des pâtes, elle s’était moquée de lui, il l’avait aspergée d’eau et il s’était retrouvé avec le contenu de la casserole, désormais froid, sur sa belle chemise blanche. Peu commun, n’est-ce pas ? Rien qu’à cette pensée, Lise se mit à sourire, et le vieux monsieur n’hésita pas à lui dire que c’était là le sourire d’une femme amoureuse…A croire que ça se lisait sur son visage ! Mais il fallait dire qu’après ce qu’ils avaient traversé, il y avait de quoi sourire maintenant qu’ils étaient enfin bien ensemble. Pendant des mois, Lise avait craint que cette histoire ne trouve jamais de fin heureuse…Et ces deux personnes âgées, mariée depuis cinquante ans visiblement, ne savaient pas combien elle était rassurée. Vous êtes mariés depuis cinquante ans ? Mes félicitations ! Surtout si vous venez ici pour renouveler vos vœux chaque année, je trouve ça adorable. » Oh mais vous savez mademoiselle, un couple c’est comme un champ de bataille…Il y a des jours de paix et des jours de guerre. Vous trouverez forcément un équilibre entre les deux ! » Puissiez vous avoir raison…Cependant, contrairement à vous, je ne suis pas mariée. »C’était presque triste de le dire. Mais Lise ne se faisait pas d’illusion Aaron avait essuyé une sorte de refus une fois, il ne risquerait sûrement pas de recommencer ! Même si Lise adorerait qu’il le fasse, justement. Parce que cette fois, elle était sûre de la réponse qu’elle donnerait. Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Jeu 6 Mai - 2051 A la fois troublé, déstabilisé et complètement désarmé, Aaron resta sans voix au moment où il vit Lizzie sortir de la salle de bain et sentit très perceptiblement son cœur s’emballer dans sa poitrine face à cette divine apparition. Incontestablement, il n’avait jamais vu pareille beauté et d’ailleurs, il dû faire un effort incroyable pour ne pas bafouiller au moment où il la complimenta. Lise avait toujours été capable de le déstabiliser avec une facilité déconcertante, elle était d’ailleurs la seule à y parvenir car Aaron savait rester de marbre face à n’importe qui d’autre. Un simple mot, un simple regard de sa part et il se retrouvait dans la peau d’un adolescent face à son premier flirt. C’était assez mignon de le voir agir comme ça, mais Aaron avait plutôt l’impression de perdre totalement le contrôle, lui qui d’ordinaire restait maître de la situation et jouait au play boy que rien ni personne n’est capable d’impressionner. Cela dit, il y avait toujours eu entre Lizzie et lui une complicité incroyable et parfois, il n’avait pas le temps de parler qu’elle anticipait déjà ce qui allait venir. C’était assez désarmant que quelqu’un puisse lire dans vos pensées de la sorte et vous connaisse bien mieux que vous ne vous connaissez vous-même. C’est fou mais parfois, Aaron avait même l’impression que tout deux n’étaient qu’une seule et même personne. Par le passé, Sarah lui disait souvent qu’il finirait par trouver quelqu’un qui serait son pendant féminin, car bien que n’ayant jamais rencontré le grand amour elle-même, elle savait qu’il existait et avait essayé de convaincre son incorrigible fils que l’amour ne se limite par à une belle paire de seins ou à des fesses bien rebondies. Elle lui avait dit que cette fille là le comprendrait mieux que quiconque et qu’elle le mènerait par le bout du nez. Jusqu’ici, il s’était toujours mit à rire en affirmant que celle qui parviendrait à faire chavirer son cœur n’était pas encore née sauf que cette fois, il était contraint d’admettre que si Lizzie lui demandait de décrocher la Lune, non seulement, il le ferait mais en plus de ça, il lui ramènerait les étoiles avec. C’est alors qu’après un baiser bien trop court à son goût, la jeune femme lui annonça qu’elle irait l’attendre devant le restaurant. Manifestement, Aaron ne pouvait qu’éprouver une sentiment de frustration et de déception à l’idée de la laisser s’en aller sans même prendre la peine de l’attendre. Il aurait été bien trop fière de lui donner son bras et descendre les escaliers en sa compagnie, pénétrant dans le restaurant tel un couple glamour, parfait et parfaitement assorti. Sans compter qu’Aaron ne pouvait détacher son regard de Lizzie et se doutait bien qu’il en serait de même pour tous les hommes qui croiseraient son chemin entre la chambre et le restaurant. C’était sans doute le prix à payer pour avoir osé porter toute son attention envers le cabriolet plutôt qu’envers la femme qu’il aimait et il l’avait certainement bien mérité. C’était plus fort que lui, il ne l’avait pourtant pas fait dans le but de l’offenser, mais simplement car il était complètement fou de son nouveau joujou. Ca lui passerait probablement au fil du temps…Dès qu’elle referma la porte, il se leva pour à son tour, se préparer. Aaron se devait d’être parfait, il fallait qu’il soit à la hauteur de celle qui serait à son bras ce soir. Quand il arriva dans le hall, Aaron ne pu s’empêcher de soupirer doucement en apercevant son reflet dans le miroir. Il faut dire qu’ainsi vêtu, la ressemblance avec son père était particulièrement frappante ce qui avait le don de le déranger. Vêtu d’un costume qui lui allait à la perfection, Aaron avait pourtant des airs de James Bond des temps modernes et d’ailleurs, les regards troublés de quelques femmes qu’il croisa le firent sourire. En d’autres circonstances, Aaron n’aurait pas hésité à en rajouter un peu, mais depuis qu’il avait retrouvé Lise, il n’en éprouvait ni l’envie, ni le besoin, sans doute parce qu’elle était la seule à qui il avait envie de plaire… Quand il l’aperçu enfin, il remarqua qu’elle était en train de parler avec un couple d’un certain âge. Aaron se rapprocha, salua poliment le couple et glissa sa main dans celle de Lise avant de déposer un baiser sur sa joue. Ne sont-ils pas mignons Georges ? J’ai l’impression de nous voir à leur âge. L’amour est un bien précieux, ne l’oubliez jamais. »Aaron ne tarda pas à comprendre qu’ils étaient tout deux ici pour fêter leur anniversaire de mariage, le cinquantième pour être exact et à dire vrai, la perspective d’une telle relation le laissait rêveur et perplexe à la fois. Tandis que Lizzie et lui suivaient un jeune serveur jusqu’à la table qui leur était réservée, Aaron pencha légèrement la tête sur le côté, visiblement songeur. Cinquante ans, tu te rends compte ?! C’est magnifique je trouve. Tu crois que tu pourrais me supporter aussi longtemps ?! Je veux dire, cinquante ans, c’est pas rien. C’est ça le véritable amour, pas les histoires foutues en l’air au moindre coup de vent. Passer toute une vie avec la même personne… c’est quelque chose qui m’aurait sans doute effrayé jusqu’à aujourd’hui.»Effrayé. Le mot était faible. Déjà quand une fille avait le malheur de le rappeler après un premier rendez vous, Aaron prenait la fuite sans réfléchir alors imaginez-le envisager une relation sur le long terme, c’était carrément impossible ! Pourtant, Lise était une véritable évidence à ses yeux, il savait qu’il était capable de changer pour elle et d’ailleurs, il en avait envie car il ne se voyait pas passer le restant de ses jours avec une autre personne qu’elle. Tu as déjà pensé à ça ?! A ce qui pourrait advenir de nous dans quelques années, dans quelques mois ?! J’ai jamais vraiment cru qu’on pouvait s’aimer toute une vie. A mes yeux, il était possible d’avoir plusieurs grands amours dans une vie, des histoires qui te font changer du tout au tout et qui te marquent définitivement. Enfin, ça c’était avant… depuis j’ai eu le temps de mûrir et de comprendre que quand on aime, ce n’est qu’une fois et pour de bon. »Il détourna son regard vers elle, serrant un peu plus sa main dans la sienne avant d’embrasser de nouveau sa joue tendrement tandis que le serveur leur indiquait leur table avec un large sourire, les invitant à prendre place. C’est ce qu’ils firent. Aaron le remercia et le serveur leur proposa alors quelques rafraîchissements pour commencer le repas. Connaissant les goûts de Lise et parce que cette soirée se devait d’être spéciale, Aaron commanda une bouteille de vin blanc et quand le serveur fut parti, il déposa sa main sur celle de la jeune femme d’un geste tendre. Et ne t’en fais pas mon ange, je veille sur ce tout nouveau foi. Tu as un médecin…bon... futur médecin… rien que pour toi. »Il se pencha délicatement, tout en approchant la main de Lise de ses lèvres pour y déposer un baiser et songea à nouveau à cette histoire de mariage. D’après toi, qu’est-ce qui fait qu’on peut s’aimer durant cinquante ans de la sorte ?! »Dernière édition par Aaron J. Cooper le Jeu 6 Mai - 2141, édité 2 fois Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Jeu 6 Mai - 2122 Lise eut un sourire radieux face aux remarques de la vieille dame. Pour un peu, elle se serait imaginée dans quelques années, autant en forme…C’était étrange de s’imaginer dans quelques années comme ça, au bras du même mari depuis cinquante ans. Avant, Lise aurait été pétrifiée face à cette idée…Maintenant, elle la laissait rêveuse. C’était merveilleux d’être aussi équilibrée dans un couple qui dure, qui reste solide. Ce fut la première chose à laquelle elle songea tandis qu’Aaron arrivait, fringuant qu’il était, accueillit par un immense sourire de la part de Lise. Elle le dévorait littéralement des yeux, n’osant qu’à peine imaginer le nombre de regards qui devaient s’être posés sur lui depuis qu’il était entré. Mais elle s’en fichait, il n’y en aurait que pour eux ce soir. Au diable les anciennes histoires, les anciens réflexes, Lise n’était pas là pour séduire n’importe qui, elle voulait uniquement plaire à Aaron. Ce fut pourquoi elle eut un sourire non moins radieux face à la dernière réplique de cette vieille dame, comprenant bien mieux le sens de ses mots maintenant qu’il y a quelques années. Avant, Lise n’était qu’une tête brûlée souhaitant s’amuser sans jamais se préoccuper du lendemain. Le reste n’avait pas d’importance…En cela, son père n’avait pas tort, elle avait été une enfant sans responsabilités, sans conscience. Ce n’était pas dit forcément de la manière la plus aimable, mais elle devait reconnaître qu’entre Sam et elle, leur père avait eu du fil à retordre. Mais elle quitta bien vite ce genre de pensées, manquant d’éclater de rire tandis qu’Aaron était éberlué par les cinquante ans de mariage du couple qu’il venait de voir. Il n’avait pas tort, c’était impressionnant. A bien y réfléchir, Lise était totalement prête à vivre autant d’années qu’il lui permettrait à ses côtés. Dire que ce serait facile serait un pur mensonge…Mais elle se plaisait à croire que malgré les difficultés, ils seraient capable de ne pas s’entretuer et de s’aimer, tout simplement. Déjà, ils avaient retrouvé leur ancienne complicité, et rien qu’à entendre Aaron commander l’un des vins blancs qu’elle préférait la fit sourire. Il la connaissait vraiment bien…Et il souhaitait prendre soin d’elle. Oh, elle n’avait pas l’intention de laisser ses anciens débordements alcooliques s’exprimer ce soir…Ce serait inconvenant et Lise n’avait aucune envie de gâcher la soirée. Elle serra d’autant plus fortement sa main, goûtant ses lèvres avec autant de délice qu’autrefois. Rien n’avait changé, c’était comme si leur rupture n’avait jamais eu lieu…Et elle revivait rien qu’en le sachant. Oui, sans conteste, si on a trouvé sa moitié, on peut vivre cinquante ans…Même plus, d’ailleurs. Le mariage peut effrayer, mais il peut aussi consolider un couple, et le faire vivre jusqu’à la mort des deux conjoints. Avant, je ne cessais de répéter à Sam que je ne voulais pas avoir la corde au cou, que je n’étais pas assez sage pour ça…C’est vrai que j’aurais trompé n’importe qui si j’en avais eu l’occasion, mais avec toi, jamais je n’aurais osé faire une chose pareille. Parce que dans cinquante ans, je t’aimerais toujours pareillement, à en rompre les battements de mon cœur. »La discussion était très différente de tout à l’heure…Il n’y avait plus son expérience homosexuelle qui revenait sur le tapis, il avait oublié pour un temps sa voiture, il y avait juste cette histoire de mariage. Hélas, d’un côté, cela lui faisait mal, car cela lui rappelait que lors du Noël d’il y a trois ans, elle aurait pu se fiancer à Aaron. Douloureuse réalité, mais dont elle ne laissa rien paraître…Du moins, elle essayait, et l’arrivée du serveur avec le vin fut à point nommé Il débouchona la bouteille et mit un fond de vin dans un grand verre, afin de lui faire goûter. Honneur aux dames, comme dit le proverbe…Lise en huma tout d’abord le parfum, avant de tremper seulement ses lèvres pour le goûter. Il était absolument divin… Huuum, il est parfait. Tu vas l’adorer mon ange. »Lise reposa son verre afin que le serveur la serve un peu plus, attendant qu’Aaron soit aussi servit et le serveur partit pour trinquer. Elle leva son verre sans le quitter des yeux, choquant très légèrement leurs deux verres avant de trinquer véritablement A nous, à l’amour, et aux mariages qui durent toute une vie. »C’était un peu son souhait, en vérité, mais Lise était trop fière pour le dire ouvertement. Elle se contenta donc de boire une légère gorgée de ce vin absolument fabuleux avant de reposer le verre, sans quitter Aaron une seconde des yeux. Elle se souvenait tellement bien de la première fois qu’il l’avait invitée chez lui…Et de la manière dont elle avait été certaine qu’il n’y aurait plus que lui ! Tous ces évènements entre eux avaient fait qu’elle ne se voyait avec nul autre que lui. C’était Aaron, ou bien elle finirait vieille fille…Lise l’avait toujours dit. Tu te souviens, la première fois que tu m’as invitée chez toi ? On se connaissait depuis trois semaines et on arrêtait pas de se balancer des piques à la figure. Tu aimais mon répondant autant que j’appréciais le tiens…Et tu avais fait des pâtes. Après manger, il en restait dans la casserole, tu n’avait pas tout égoûté et il restait de l’eau. Je me suis moquée de toi parce que tu avais les réflexes culinaires de tous les autres gars que je connaissais…Tu t’es faussement vexé et tu m’as aspergé avec ton robinet. Et moi, je t’ai balancé le contenu de la casserole dessus, à savoir l’eau froide et les pâtes restantes. Tu m’as soulevée et emmenée sous la douche, on s’est battus comme des chiffonniers, et tu as dit que tu te rendais, que j’avais gagné. J’ai crié victoire, tu m’as embrassée. Parce que tu n’étais pas comme les autres et que tu as attendu un certain moment avant de le faire, je me suis dit que je ne voulais personne d’autre que toi dans ma vie. Tu étais…Juste toi. Original, sans barrière de mensonges. En pénétrant dans ton antre, je savais que je t’aimais déjà. Et aujourd’hui, alors que je suis en face de toi, je t’aime plus que je ne pourrais le dire. Je voulais que tu le saches…C’est un peu ma réponse à ta question de tout à l’heure. »Et Lise souriait, de manière énigmatique. Ils étaient originaux tous les deux…Comme s’ils étaient chacun une moitié de l’autre. A cet instant, elle prit sa main délicatement, n’ayant plus conscience du reste du monde. Elle savait bien que ce ne serait pas facile tous les jours, mais qu’importe ! Aaron, j’ai une question à te poser. Tu n’es pas obligé d’y répondre tout de suite, mais je veux quand même le faire. Puisque Kitty veut visiblement aller vivre chez Jenny parce qu’elle est très maternelle avec elle, et parce que je suis convaincue que cet environnement est bien meilleur pour une fillette de onze ans…Est-ce que tu viendrais habiter avec moi ? Tous les jours, toutes les nuits…Tu devras me supporter, mais…J’en ai marre d’être séparée de toi. Je veux être avec toi jour et nuit. Je veux être là quand tu rentres, que ce soit des cours ou de ton stage, je veux pouvoir te faire des bisous dans le cou quand tu travailles, je veux pouvoir t’obliger à rester dans le lit quand tu es pressé, je veux…Vivre avec toi. » Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Jeu 6 Mai - 2242 Aux mariages qui durent toute une vie… voila une affirmation pleine de sous-entendus on ne peut plus explicites. Aaron esquissa un léger sourire et bu une gorgée de vin blanc, détournant le regard un instant tant la question du mariage se faisait présente, presque gênante. C’était un véritable terrain glissant d’aborder ce point ensemble, il en avait conscience. Bien sur, c’est lui qui les avait amené à aborder ce sujet là tout simplement car il était important pour lui de connaître le point de vue de la jeune femme, cependant, il ne voulait pas précipiter les choses et même s’il lui paraissait évident qu’un jour, il ferait sa demande, ce n’était pas pour maintenant. Lorsque Lise changea de sujet, parlant de leur premier repas chez lui, Aaron grimaça légèrement, se souvenant de cette soirée à la fois magique et catastrophique. Ce qu’il ne lui avait jamais avoué, c’est qu’il avait été contraint de faire des pâtes après avoir tenté un repas un peu plus sophistiqué et manqué de mettre le feu à la cuisine. C’est donc en catastrophe qu’il avait choisi de changer son programme et de mettre de l’eau sur le feu. Pas vraiment romantique pour un rendez vous, mais depuis, il avait eu l’occasion de lui prouver à maintes reprises ses talents culinaires ; pizzas, pâtes et plats surgelés. Il déclarait forfait, il ne pouvait vraiment pas mieux faire. Comment pourrais-je oublier !! J’étais déjà un piètre cuisinier à l’époque mais quoi qu’il en soit, c’était une soirée magnifique. Puis tu n’as jamais osé m’avouer que mes pâtes étaient immangeables, tu as même eu l’audace de prétendre que c’était délicieux alors que moi, j’avais l’impression de manger du carton en sauce. Puis c’était notre premier baiser échangé… j’ai attendu longtemps avant de me lancer avec toi. Non pas que je ne voulais pas le faire, au contraire, j’en mourrais d’envie depuis un bout de temps déjà. Tu n’imagines même pas à quel point d’ailleurs. J’ai juste… parfois besoin de temps avant de me lancer. »Etait-il toujours en train de parler de leur premier rendez vous ?! Pas si sûr. Aaron avait compris que la grande question du mariage était le point fondamental de cette soirée mais il ne voulait pas que Lise s’imagine qu’il allait lui demander sa main à la fin de ce repas, il n’en avait pas l’intention. Pas maintenant et pas ici. Il savait qu’elle comprendrait le message qu’il était en train de lui faire maladroitement passer, aussi, il caressa doucement sa main dans la sienne tout en reprenant Je t’aime plus que de raison et ça ne changera jamais. Je n’ai aucun doute concernant notre avenir et surtout je n’en ai aucun concernant mes sentiments. »Peut-être que l’expérience d’il y a trois ans l’avait un peu refroidi mais ce n’est pas vraiment la raison qui le poussait à lui dire tout ça. Aaron se souvenait de la manière dont il avait organisé cette soirée de Noël, tout devait être parfait, magique et inoubliable. Il voulait que cette soirée reste à tout jamais gravée dans leurs mémoires. Oh, de toute évidence, ils n’oublieraient jamais ce fameux 24 décembre mais pas pour les mêmes raisons malheureusement. Voyant son sourire énigmatique, Aaron compris bien vite qu’il y avait quelque chose dont elle souhaitait lui faire part et à dire vrai, changer de conversation ne pu que lui procurer le plus grand des soulagements. Aaron ne répondit pas immédiatement, esquissant un léger sourire en coin, ce sourire qu’il adoptait chaque fois qu’il était sur le point de la taquiner. Il y aura de la place pour ma voiture aussi ?! … »Il lui lança un petit clin d’œil et ne lui laissa pas le temps de répliquer quoi que ce soit. Bien sur qu’il souhaitait vivre avec elle, c’était une évidence à ses yeux. A partir du moment où cela implique de devoir passer plus de temps à tes côtés, de m’endormir avec toi chaque soir et de me réveiller en te serrant dans mes bras chaque matin, je ne peux que vouloir. Mais je te préviens, je ne suis pas facile à vivre au quotidien, tu crois que tu pourras me supporter ?! Plus sérieusement, c’est tout ce que je souhaite mon amour… ça devient trop difficile de te voir par intermittence. J’ai besoin de ta présence à mes côtés et je ne veux plus que nous soyons séparés aussi longtemps. »Ces derniers temps, Aaron avait d’ailleurs complètement déserté son appartement puisqu’il passait le plus clair de son temps chez Lise, ne pouvant désormais plus se passer d’elle. La distance, aussi infime soit-elle était devenue insupportable, il avait besoin d’elle, c’était un besoin vital. Aaron prit un air soudainement plus sérieux, se rendant compte que Lise faisait des efforts afin de stabiliser leur relation alors qu’il venait de lui faire comprendre qu’il n’était pas prêt à la demander en mariage. Légitimement, elle pourrait croire qu’il n’était pas certain de ses choix et de son engagement envers elle, ce qui n’était pourtant pas le cas, car Aaron était certain de ses sentiments et de son envie de passer le restant de ses jours à ses côtés. Tu sais… je ne voudrais pas que tu crois que ce qui s’est passé il y a trois ans a une quelconque influence sur ce que je t’ai dit tout à l’heure. Ca n’a même strictement rien à voir. J’ai mis longtemps avant de t’embrasser, encore plus longtemps à te dire à quel point je t’aime et… ça…ça viendra aussi. » Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Jeu 6 Mai - 2308 Il est vrai que Lise avait toujours parlé de la cuisine » d’Aaron de manière très méliorative…A raison ou pas, elle s’en fichait, elle voulait simplement qu’il ait l’impression qu’elle était ravie de passer ce moment avec lui, ce qui était le cas. Il n’avait pas connu cette fille tête brûlée qui faisait n’importe quoi juste pour rendre son père comme son frère complètement dingues. Insupportable mais indispensable, voilà ce que Sam disait d’elle. Il fallait dire qu’elle avait été pénible dès sa venue au monde…Même sa mère le lui disait lorsqu’elle était petite ! Mais aujourd’hui, les choses étaient bien différentes Lise avait grandit, mûrit, même si ce n’était pas toujours flagrant, elle faisait énormément d’efforts pour ne pas agir de manière égoïste, comme elle l’avait fait trois ans auparavant. Cela dit, elle déglutit difficilement en entendant qu’Aaron avait besoin de temps pour se lancer dans ce genre de situation…Légitime, mais un peu dur à avaler. Lise était un peu impatiente, qui ne l’aurait pas été ? Mais elle ne fit aucune mine déçue. Juste un sourire très léger, un peu gêné, avant de reprendre une petite gorgée de vin. Non seulement il était bon, mais en plus il l’aidait à cacher son malaise…Oh bien sûr, elle n’avait aucune envie de se vider la bouteille à elle toute seule comme elle l’aurait fait dans n’importe quelle autre soirée ! Mais il ne savait pas à quel point elle était mal à l’aise sur ce genre de terrain glissant. Lise n’avait jamais été très douée pour le romantisme, et d’autant plus lorsqu’on lui faisait remarquer qu’elle devenait romantique. Elle n’aimait pas être démasquée…C’était insupportable de se prendre pour une fille, parfois. Lise était une fille spéciale, on ne cessait de lui dire, mais elle aimait l’être. Faire des trucs de mecs, conduire trop vite, trop boire…Tout ça, ce n’était pas un genre qu’elle se donnait, juste une manière de penser qu’elle avait toujours eue. Aaron ne l’avait jamais vue ainsi car à San Francisco elle s’était considérablement assagie, surtout après avoir rencontré le jeune homme. Mais à son retour à New York, la tête brûlée était revenue à la charge…Lise craignait presque qu’il ne la voit ainsi, bien que la complicité se soit instaurée à nouveau. Elle était trop sage » en sa présence, et elle savait qu’à un moment donné son côté aventurier, aimant le danger finirait par revenir. Restait à espérer que ce grand retour de flamme n’aurait pas lieu ce soir ! Mais il eut le réflexe de parler de place pour sa voiture, et le visage de Lise se ferma l’espace d’un instant. Il était incorrigible, ce n’était pas possible ! Il se rattrapa bien sûr, mais la demoiselle prit un air offusqué pendant quelques secondes…L’entendre lui dire qu’il ne supportait plus de la voir par intermittences lui fit plaisir, bien sûr, mais d’un autre côté, elle était tentée d’avoir peur que cette fichue voiture ne vienne toujours s’immiscer ! Tu ne peux pas arrêter de parler de ta fichue voiture pendant un moment pareil ?! Rhaaa, ça me fiche le bourdon ! Pourquoi je te l’ai offerte hein ? Pourquoi je t’ai pas offert une voiture miniature ! Et puis…Ce qui s’est passé il y a trois ans a forcément une incidence, tu le sais aussi bien que moi. Tu te sentais prêt à ce moment là, et si tu ne l’est plus aujourd’hui c’est bien parce que j’ai merdé à ce moment là, non ? Bien que les apparences soient trompeuses, je suis pas romantique, t’inquiètes pas. »Difficile de mentir là-dessus, mais Lise avait décidé de cacher tout cela à l’intérieur d’elle. Ca lui ferait un sujet de discussion » lorsqu’elle irait au cimetière pour mettre des fleurs sur les tombes de sa mère et de son frère. Mais elle serra d’autant plus fortement sa main qu’elle avait un peu de mal à déglutir…Elle n’aimait pas ce malaise qui la prenait soudainement, comme si elle vivait son tout premier flirt et qu’elle ne savait pas quoi faire. En l’occurrence, ce n’était pas son premier flirt, mais c’était sa seule et unique histoire d’amour. Elle n’en voulait pas d’autre et n’en aurait jamais eu d’autre si jamais ils ne s’étaient pas rabibochés…Mais ça, Aaron le savait déjà. Du moins, c’était ce qu’elle supposait. Oh, je pourrais très bien te supporter h24 mon amour…Mais je te préviens, je suis une tête brûlée finie. Je m’étais assagie en allant sur San Francisco et en te rencontrant, mais quand tu n’es pas là, je suis un peu dangereuse comme fille. J’aime faire n’importe quoi, surtout des choses dangereuses qui me donneront des sensations fortes. Je vais tout le temps sur les circuits, et j’adore la plongée sans masque, parce que je suis relativement forte en apnée. Je suis pas une fille sage, c’est clair…Insupportable mais indispensable, voilà ce que disait ma mère de moi. Mais je suis exactement comme elle…Voilà pourquoi j’ai toujours rendu mon père et mon frère complètement dingos. Je ne rentrais pas de la nuit sans prévenir, dès l’âge de quinze ans. Je suis partie à Paris pour mon premier défilé sans rien dire à ce moment là. J’ai reçu le pire savon de ma vie en rentrant, mais j’ai continué mes conneries. Pas forcément dangereuses, mais comme je me sens un peu inutile, je fais des choses qui me prouvent que je suis vivante. Bah, c’est con, je sais. Maintenant que William s’est assagit, ça risque d’être pire…Il va m’abandonner pour sa petite femme et c’est normal, mais quelque part, ça me fait baliser sévèrement. Je vais avoir l’impression d’être un fossile ! Tu vas pouvoir supporter une horreur pareille toi ? Rien qu’une fille capable d’aller courir dans tout New York à trois heures du matin pour trouver la seule épicerie ouverte qui pourrait avoir des fraises ? »Lise se mit à rire doucement. Cherchait-elle à lui faire peur ? Non, il la connaissait, il savait très bien comment elle était. Une fille pas comme les autres, qui cherche son identité dans la différence justement. Et cette différence s’exprimait aussi ici, au restaurant, alors que le serveur venait de revenir pour prendre la commande. Étant donné qu’ils n’avaient jamais été au restaurant ensemble, elle n’avait jamais agit comme ça avec lui…Mais elle prenait toujours son dessert avant. Elle commanda donc un fraisier sous une montagne de chantilly d’abord, puis un doublé de carpaccio aux truffes et pour finir, une salade royale. Peu commune, cette Lizzie…A peine le serveur avait-il quitté leur table pour aller passer la commande en cuisine qu’elle s’apprêta à lui expliquer pourquoi elle agissait comme ça Puisque tu n’as jamais été au restaurant avec moi, sache que je prends toujours mon dessert avant. J’avais prévenu les serveurs pendant que tu te préparais, et je crois que j’ai égayé leur soirée, car ils ont bien rit. Mais imagine qu’un astéroïde tombe sur ce restaurant et que je meurs, on m’aura privée de la chose que je préfère…Alors je prends toujours ce que je préfère avant ! Logique presque mathématiques, sinon digne d’une Lise Abbygail Hawkins. »Lise était presque morte de rire, mais se retenait. Au moins, elle avait relégué son malaise aux oubliettes pour un petit temps ! Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Ven 7 Mai - 008 En résumé, la fin de ce somptueux week-end s’était relativement bien déroulée bien qu’Aaron ai eu beaucoup de mal à digérer les paroles de Lise durant le repas. A croire qu’il y avait encore pas mal de choses qu’elle ignorait à son sujet et il fut difficile de lui faire comprendre que ce qui s’était passé trois ans auparavant n’avait vraiment plus la moindre importance à ses yeux. S’il refusait de la demander en mariage pour l’instant, c’était avant tout pour des raisons personnelles, parce qu’il avait véritablement besoin de faire un travail sur lui-même. Lise n’avait strictement rien à voir avec cette décision, bien au contraire, puisqu’il savait que d’une manière ou d’une autre, elle était la femme de sa vie et qu’il voulait terminer ses jours à ses côtés. Dès lors, Aaron tâcha de ne plus faire la moindre remarque concernant la vie de couple, le mariage et surtout…la voiture. Sa dernière plaisanterie à ce sujet était plutôt mal passée et de son côté, il avait compris le message. Tout n’est pas rose… Retour à New York. Faisant d’incessants allers retours entre la cuisine et le salon de son appartement, un bouquin de neurobiologie entre les mains, Aaron répétait en boucle les mêmes phrases, se prêtant au rituel fatidique du bourrage de crâne avant les examens de fin d’année. Son expérience sur le terrain l’avait certes, beaucoup enrichi, mais la théorie reste la théorie et cette année encore, il n’allait pas y échapper. Tandis qu’il abordait un nouveau chapitre concernant la migration des neuroblastes, il entendit sonner à la porte avec insistance, chose dont il avait horreur. Quand il ouvrit la porte, il reconnu presque immédiatement la jolie blonde qui se trouvait devant lui, Rachel. Aaron avait fait sa connaissance deux ans plus tôt, ils avaient fait leur deuxième année de médecine ensemble et il savait que Rachel dansait dans une boite de nuit afin de payer ses cours. A plusieurs reprises, elle avait déclaré sa flamme à Aaron, affirmant être amoureuse de lui, qu’il était le grand amour de sa vie et autre baratin féminin qu’il entendait une bonne dizaine de fois par mois et qui n’avait pas le moindre effet sur lui. Autant dire les choses clairement, à ses yeux, Rachel n’était rien de plus qu’un plan cul. Ils avaient couché ensemble régulièrement jusqu’au jour où elle n’avait plus donné de nouvelles et arrêté les cours. Aaron n’avait jamais su pourquoi. En l’occurrence, il commençait vaguement à comprendre la raison de cette brutale disparition… Rachel tenait dans ses bras un bébé de quelques mois, visiblement, un petit garçon. Du moins, c’est ce qu’il en déduisit en le voyant vêtu de bleu de la tête aux pieds. Rachel ?! » Salut Aaron… euh… je peux entrer une minute ?! Bien sur, je t’en prie, entre. Je ne m’attendais vraiment pas à te voir, surtout après tout ce temps. »Allez savoir s’il ne s’agissait que d’une vague impression mais Aaron avait la vague sensation que Rachel lui cachait quelque chose. Elle semblait mystérieuse, mal à l’aise, confuse, de plus, que faisait-elle ici après plus d’un an passé sans donner de nouvelle ?! Afin de briser le silence qui venait de s’installer et surtout, comprendre ce que Rachel venait faire chez lui en plein milieu de la journée avec un gamin entre les bras, Aaron décida de reprendre la parole. Tu ne me présentes pas ? » C’est Tyler, mon fils. Est-ce que tu veux le prendre ?» C'est-à-dire que … j’ai jamais été doué avec les bébés. C’est mignon mais je… non. » Comme tu voudras. » C’est pour lui que tu as arrêté les cours ? Il est mignon comme tout. Il a le même sourire que sa maman. » Et les yeux de son père. Puis pour répondre à ta question, j’ai en effet décidé d’arrêter les cours en découvrant que j’étais enceinte. Je l’ai appris au cours du quatrième mois en réalité, du coup, j’ai été prise au dépourvu et tout s’est enchaîné à une vitesse folle. Cela dit, je suis heureuse d’avoir Tyler. J’ai toujours voulu devenir maman très jeune, c’est désormais chose faite. » Rachel… excuse moi mais, j’ai du mal à comprendre ce que tu viens faire ici. Attention, ça me fait vraiment plaisir de te voir mais… » Oui je sais, j’aurais sûrement dû t’appeler plus tôt, je suis désolée Aaron. En fait, j’ai un petit service à te demander. Est-ce que tu voudrais bien garder Tyler pour la journée ? J’ai un entretien d’embauche et la nounou m’a fait faux-bond à la dernière minute pour se rendre à un enterrement, c’est la panique. Je ne peux pas me rendre à cet entretien avec Tyler, tu imagines bien. » C'est-à-dire que… j’y connais rien moi en bébé. J’avais décidé de passer la journée à la bibliothèque, mes examens commencent la semaine prochaine. Il n’y a vraiment personne d’autre qui puisse te rendre ce service ? » Non personne. » Rachel, je suis vraiment pris de court là. Et son père ?! Il ne peut pas s’en occuper le temps d’une journée ?» Justement… » Comment ça justement ? » Justement Aaron, je te demande de garder Tyler pour la journée. Je te demande de t’occuper de ton fils. »Comment expliquer ce qui se passa dans la tête d’Aaron à cet instant précis ?! Disons qu’il eu d’abord l’impression que le monde était en train de s’écrouler autour de lui, s’en suivit un petit rire nerveux et un mouvement de tête signifiant clairement qu’il n’y croyait pas et qu’il ne pouvait être le père de cet enfant. Oh non non non non non !! Tu ne me feras pas croire que cet enfant est le mien pour la simple et bonne raison que je n’ai rien à voir avec lui. T’es cinglée ou quoi ?! » Aaron écoute moi !! Tyler est ton fils. J’en suis absolument certaine, ça ne fait pas l’ombre d’un doute. » QUOI ?! Comment ça pas l’ombre d’un doute ?! Bien sur qu’il y a de quoi douter !! Tu disparais comme ça du jour au lendemain pour revenir un an plus tard et me coller un mouflet dans les bras en prétendant que c’est le mien ?! Tu crois vraiment que je vais accepter de gober ça ? » Mais putain Aaron ouvre les yeux !! » Ouvrir les yeux sur quoi ??!! Tu voudrais que je réagisse comment ?! » Bon crois ce que tu veux ça m’est égal. En attendant… »Rachel ne lui laissa pas le temps d’ajouter quoi que ce soit, elle avait déjà mis Tyler dans les bras d’Aaron et déposé les affaires du petit sur la table du salon, biberon, couches, doudou, bref, tout le matos qui le faisait frémir. J’ai pas le temps de discuter avec toi, j’ai un entretien dans une heure et je suis déjà en retard. On en reparle plus tard d’accord ?! Donne lui son biberon, il doit avoir faim. » Non !! Rachel attends !! »Trop tard, Rachel était déjà partie. Aaron prit le bébé à bout de bras, comme s’il tenait un paquet cadeau empoisonné ce qui semblait beaucoup amuser le petit Tyler puisqu’il souriait tout en gazouillant. Que faire maintenant ?! Aaron l’emmena avec lui jusqu’au salon et prit son téléphone portable pour appeler Lise et lui dire qu'il ne pourrait pas venir comme il le lui avait promis. Lui expliquer pourquoi, ça c'était encore tout autre chose... C’est moi mon cœur… euh… je vais pas pouvoir venir immédiatement… un empêchement de dernière minute on va dire… tu ne m’en veux pas trop ?... ce serait trop long à t’expliquer en fait… oui… je t’appelle plus tard… Lizzie ?! Je t’aime… » Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Ven 7 Mai - 036 La fin du weekend s’était très bien déroulée, et autant dire que le retour à la réalité avait été difficile pour Lise. D’une part, parce que sa petite sœur arrivait le soir de son retour, et parce qu’elle avait eu à peine le temps de souffler après. Il fallait défaire les valises, l’écouter lui raconter son séjour, ouvrir les cadeaux qu’elle avait apportés…En somme, Lise passa le plus clair de son temps à discuter avec sa sœur, sans oublier de ranger l’appartement, bien peu en ordre. Oh bien sûr, elle aurait pu laisser la gouvernante s’en occuper, mais Lise n’était pas comme ça…Au contraire, c’était quelqu’un d’ordonné, et Kitty n’aurait jamais accepté que l’appartement soit dans un tel état. Une fois que l’appartement fut en ordre, Lise fit à manger, et elles se remirent toutes deux à discuter. Sauf qu’à la fin du repas, la demoiselle fut aussitôt prise d’horribles vomissements, qui ne se calmèrent pas pendant la nuit. Le lendemain, elle avait le visage très pâle, et n’osait rien avaler de peur de toute régurgiter. Elle conduisit Kitty à l’école, avant d’aller jusqu’à l’appartement de Jenny pour lui donner une grosse valise pleine d’affaires. Évidemment, il fallait que le déménagement se fasse en douceur, Lise ne souhaitant pas que sa petite sœur se sente chassée de la maison. Elle avait donc décidé d’étaler ça sur plusieurs semaines, et Kitty resterait le weekend à l’appartement pour l’instant. Dès qu’elle fut sortie de chez Jenny, Lise constata que son iphone s’était mis à vibrer lui annonçant un message…Message qu’elle écouta, et qui eut pour effet de l’inquiéter Aaron semblait perdu, paniqué même, et le fait qu’il ne vienne pas la voir sans même lui donner de vraie raison n’était pas pour la rassurer. Ni une ni deux, elle prit sa précieuse voiture pour se rendre à son appartement, juste pour voir s’il allait bien, et ensuite elle partirait dès qu’elle s’en serait assurée. Elle gara donc sa voiture juste en face de son immeuble, sortant de son sac la clef de l’appartement d’Aaron. Ils s’étaient mutuellement donnés leurs clefs respectives, en cas d’urgence…Néanmoins, Lise n’hésita pas à frapper avant d’entrer, pour signaler sa présence et ne pas lui faire choper une crise cardiaque non plus. Elle referma peu après la porte derrière elle, essuyant ses pieds sur le tapis de l’entrée, afin de ne pas dégueulasser tout son appartement à cause du fait qu’il pleuvait énormément dehors. Mon ange, c’est moi ! J’ai eu ton message, je passe juste en coup de vent pour savoir si tout va bien, je te retiens pas longtemps ! »Lise s’était approchée, un sourire sur le visage, qui se transforma bientôt en expression horrifiée. Il faut dire que ce n’est pas commun de trouver son cher et tendre en plein milieu de son salon, un beau bébé dans les bras. Elle en fit tomber son sac à main, d’ailleurs…Il était à qui ce bébé ? Était-ce le sien ? Pourquoi ne lui avait-il rien dit ? Tant de questions se bousculaient dans sa tête qu’elle en avait presque la migraine…Sans oublier que ses nausées ne semblaient pas décidées à la laisser tranquille. Le visage de Lise pâlit d’autant à cause de la surprise qui se déroulait sous ses yeux, et elle n’osa rien dire tellement c’était soudain. Elle n’osait pas croire que c’était lui le père du bébé, mais pourtant, il fallait bien avouer que la ressemblance était frappante Ils avaient les mêmes yeux, tous les deux, et Lise baissa volontairement la tête pour mettre de l’ordre dans ses idées. Mais tout ce qu’elle fut capable d’articuler fut ceci Tu m’excuses, il faut que j’aille vomir. »Charmant, mais c’était la vérité Lise avait à peine fini de parler qu’elle s’enfermait déjà dans les toilettes pour rendre un grand pas grand-chose. Elle n’avait rien avalé depuis la veille, n’avait pas cessé de vomir toute la nuit, et pourtant, ses nausées ne cessaient pas. La surprise n’avait en rien aidé son état, c’est vrai…Et quand elle ressortit, elle était encore plus pâle qu’avant. Elle ne pouvait pas croire qu’il lui avait fait ça à elle, après tout ce qu’ils avaient traversé. Elle osait à peine regarder ce foutu mioche devant elle, et pourtant dieu sait qu’il était mignon ! Mais Lise n’était pas là pour s’extasier sur le visage de ce bébé, elle était juste là pour prendre de ses nouvelles, chose qui était tout bonnement inutile. Quant à Lise, elle était à deux doigts de la crise de nerfs…Pour un peu, elle se serait mise à chialer, mais elle était résolue à ne rien laisser paraître de tout cela. A la place, elle écoutait ce pauvre petit bout de chou qui n’avait rien demandé à personne et qui pleurait de grosses larmes de crocodile, sûrement parce qu’il avait faim. Lise était sidérée qu’il ne fasse rien, elle se rua donc sur les sacs qui se trouvaient sur le sol, se mettant à fouiller dedans pour en sortir une boîte de lait maternelle, ainsi que le biberon. Lise avait l’habitude, il ne fallait pas oublier qu’elle avait à moitié élevée sa sœur depuis sa naissance. Elle mit donc de l’eau à chauffer pour qu’elle soit tiède, et mit le dosage de lait en pourdre indiqué sur la boîte. Elle referma le biberon avant de le secouer énergiquement, pour que le tout se mélange. Elle testa ensuite la température du lait sur sa main, puis, constatant que le liquide n’était pas trop chaud, se dirigea vers Aaron pour prendre le bébé. Elle n’allait pas le laisser crever de faim après tout ! Elle lui donna donc le biberon, avec de vrais gestes maternels, alors qu’elle n’avait rien à voir avec ce rejeton. Lise se trouvait vraiment trop bonne âme…Ca n’aurait tenu qu’à elle, elle aurait fuit à toutes jambes et n’aurait plus jamais adressé la parole à Aaron. Après tout, puisqu’il était papa, il n’avait plus besoin d’elle ? Oui, elle en était à cette analyse là, ne sachant plus ce qu’elle devait penser au juste. Le bébé mangeait de son cœur, serrant l’un de ses doigts entre sa petite main, comme si elle était sa mère. Pour un peu, Lise se serait laissée attendrir…Mais il ne fallait pas. Il est mignon…Comme son père, je suppose. J’allais pas le laisser mourir de faim ce bout de chou, même si je suis en droit de penser que sa mère est une grosse salope de pouffiasse ! »Lise n’avait aucune envie d’épargner quelqu’un, à commencer par la mère du petit. Après tout, même si elle ne connaissait pas l’histoire, il n’était pas dur de faire des conclusions. Lise ne voulait pas connaître l’histoire, en vérité…Ca lui faisait déjà bien assez mal d’être en train de nourrir un bébé qui n’était pas le sien, il ne manquerait plus qu’elle soit au courant de sa conception ! Une fois qu’il eut fini son biberon, elle se mit à le serrer contre elle, lui tapotant doucement le dos pour qu’il fasse son rot. Il ne lui fallut pas plus d’une minute, preuve qu’il était rapide ce petit ! Elle continua à jouer les mères poules en le berçant dans son petit couffin, attendant qu’il s’endorme. A croire que Lise avait quelque chose d’apaisant, parce qu’il s’endormit comme un loir en à peine quelques minutes. Mais elle n’avait pas envie de se réjouir de tout ça…Pour l’instant, elle posa délicatement le couffin sur la table, avant de se tourner vers Aaron, le regardant droit dans les yeux pour s’approcher. Dire qu’elle avait envie de l’embrasser, elle était vraiment complètement folle…Elle se mit à murmurer à la place, serrant ses poings pour tenter de contrôler sa colère Visiblement tu es plus rapide en besogne avec d’autres plutôt qu’avec moi. Je ne veux pas entendre le fin mot de l’histoire, c’est ta vie visiblement, et pour cette fois, je n’en fais pas partie. S’il se réveille, tu n’as qu’à lui donner le second biberon que j’ai préparé. Bonne chance. »Lise s’était déjà élancée vers la porte…Mais elle revint sur ses pas pour récupérer son sac. Aaron ne la retiendrait probablement pas, s’il avait décidé de faire sa vie avec une autre. Du moins, c’était ce que Lise pensait, et toutes les preuves le lui laissait penser du reste. Mais Lise était pâle, elle était faible après n'avoir rien mangé, et pas vraiment en état de reprendre la voiture. Tant pis, elle pourrait toujours pleurer à l'intérieur de celle-ci en attendant d'être en état de conduire. Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Ven 7 Mai - 116 Assis sur le canapé du salon, Aaron agitait nerveusement sa jambe, coudes appuyés contre ses genoux et mains jointes contre sa bouche. Le regard sombre et les sourcils froncés, il observait chacun des gestes de Lise sans vraiment y prêter attention en fait. Pour l’instant, il n’était pas en mesure de lui fournir la moindre explication d’une part parce qu’il n’en avait pas et d’autre part, car il était tout aussi paumé qu’elle semblait l’être. Dans l’immédiat, toutes ses pensées convergeaient autour d’une seule et même question se pouvait-il qu’il soit bel et bien le père de cet enfant ? Bon d’un point de vue technique, oui bien entendu. Cependant, Rachel était tout aussi volage qu’il avait pu l’être et par conséquent, Aaron était en droit de douter de la parole de la jeune femme. Cela dit, il y avait quelque chose dans le regard de cet enfant qui lui était familier, un peu trop même et d’ailleurs, ce détail n’avait pas échappé à Lizzie. Que faire ?! Les gestes de Lise étaient précis, sûrs et il émanait d’elle une douceur incroyable à croire qu’elle avait un instinct maternel surdéveloppé. Durant quelques secondes, Aaron se surprit même à rêver d’une famille avec elle mais était-il seulement en droit d’espérer quoi que ce soit désormais ?! Si Tyler était effectivement son fils, il savait que les conséquences seraient terribles et que jamais Lise n’accepterait de lui pardonner. Ce n’est que lorsque la jeune femme fut sur le point de partir qu’il décida enfin de lui exposer les faits. Il ne voulait pas qu’elle s’imagine que cet enfant était le sien… bon, c’était peut-être le cas, mais il n’en avait pas la certitude. Aaron s’empressa de la rattraper, glissant subtilement entre la porte et celle qu’il aimait, afin de s’assurer quelques secondes durant lesquelles il pourrait tenter un semblant d’explication. Attends Lise… je te promets que je suis tout aussi perdu que tu peux l’être. Je connais pas ce gamin… je l’ai jamais vu de ma vie !! J’en avais même encore jamais entendu parlé ! Sa mère qui avait totalement disparu de la circulation a débarqué ce matin en me demandant de le garder et en me balançant à la tronche qu’il était mon fils. Je… j’y comprends rien Lise. Cette fille je l’ai pas vu depuis plus d’un an… il faut que tu me crois. »A quoi bon ?! Tout collait à la perfection ! Rachel et lui s’étaient fréquentés il y a environ un an et demi, Tyler devait avoir environ six ou sept mois, alors pourquoi pas ! Sauf qu’Aaron avait toujours fait extrêmement attention à ce que ce genre d’indicent ne se produise pas et qu’il ne comprenait toujours pas pourquoi, s’il était bel et bien son fils, Rachel ai attendu tout ce temps avant de lui en parler. Le jeune homme passa une main sur son front, cherchant à se remettre les idées en place, tout étant affreusement confus dans son esprit. Sa mère et moi avons eu une aventure il y a environ deux ans. Elle était étudiante en médecine et on s’est rapidement rapprochés. Mais c’était rien de sérieux, simple histoire de sexe… il nous arrivait d’aller prendre un verre ensemble après les cours puis ça se terminait toujours au lit. Mais jamais de sentiment, rien que du sexe. Puis au fil du temps, elle est tombée amoureuse de moi et j’ai décidé qu’on ne se verrait plus. J’ai toujours pris la fuite de cette manière, je veux pas qu’on s’attache à moi à part… enfin qu’importe. Rachel et moi on a pris nos distances un certain temps puis le soir de l’anniversaire de Paul, j’ai déconné. On avait bu, j’étais plus dans mon état normal et Rachel est revenue à la charge… c’est la dernière fois que je l’ai vu. Après, elle a disparu et arrêté les cours. Au début, je pensais qu’elle avait fait ça à cause de ses examens, elle les avait loupé donc je ne me suis pas vraiment posé de questions. Puis à dire vrai, j’avais pas vraiment envie d’en savoir davantage, ça ne m’intéressait pas, c’était qu’une aventure, rien d’autre. »Aaron savait que Lise n’accepterait aucune excuse, pas même celle du célibataire macho qui enchaînait les histoires d’un soir. Le jeune homme soupira doucement, détournant le regard un instant en direction du bébé qui à présent, était profondément endormi. Il était mignon comme tout mais Aaron refusait que cet enfant soit le sien, non, ça ne se pouvait pas, il ne voulait pas que ce soit possible. Puis elle a débarqué ce matin. Elle m’a demandé de le garder et quand j’ai refusé elle m’a demandé d’ouvrir les yeux et d’assumer mes responsabilités. Putain de merde Lise je te promets que j’étais pas au courant !! Ce gamin n’est peut-être même pas le mien !! Rachel, c’est une version de moi au féminin, comprends qu’elle couche avec tout ce qui lui passe à portée de main, je vois pas pourquoi y’aurait un seul con dans l’histoire ! J’ai toujours été hyper vigilent avec ça…il peut pas être mon fils !! Enfin techniquement oui, mais je sais qu’il ne l’est pas ! »Non, il n’en savait rien en fait, c’est uniquement ce qu’il voulait croire. Aaron était visiblement paumé et ne s’était jamais senti aussi impuissant de toute sa vie. Il ne voulait pas que Tyler soit son fils, s’il l’était, cela impliquait de perdre Lise définitivement, de perdre son amour et tout ce qu’ils étaient en train de construire ensemble. Il ne voulait pas être le père de cet enfant. Je ferai des tests… je ferai… »Il cessa de parler, totalement désabusé par cette situation qui était en train de le rendre malade et cette fois-ci, c’est sur ses yeux que sa main se plaqua. Aaron ne pleurait pas, non, il essayait juste de s’empêcher de songer à ce qui allait se passer désormais. Lizzie allait partir, il en était à présent certain. T’as raison de t’en aller… je suis vraiment qu’un con et surtout, doué pour tout foutre en l’air. Tu mérites pas ça. Si c’est bien mon fils et bien…je prendrais mes responsabilités en main et… je comprends t’as pas à payer le prix de mon inconscience et de ma connerie. Si tu veux t’en aller, vas-y, mais saches que j’ai été honnête avec toi. » Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Ven 7 Mai - 145 Lise n’eut pas le temps de partir, car une fois qu’elle eut son sac en main, Aaron se mit entre la porte et elle, l’empêchant pour ainsi dire de s’en aller. Le fait de l’écouter raconter ce genre d’évènement la détruisait…Oh, elle savait qu’il avait enchaîné les histoires d’une nuit à la même vitesse qu’elle pendant ces trois ans où ils ne s’étaient pas vus, peut-être même plus vite qu’elle, mais c’était une partie de son histoire qu’elle ne voulait pas entendre. Lise ne pouvait pas supporter de l’imaginer ne serait-ce qu’une seconde dans les bras d’une autre femme…Alors elle était en colère, très en colère. S’il la laissait partir, elle aurait probablement un accident, à cause du choc mêlé à l’hypoglycémie dont elle était la victime, n’ayant rien mangé depuis pratiquement douze heures. Mais si elle restait ici, cela induisait entendre tout ce qu’il avait à lui dire, et ça, elle n’était pas du tout prête à le faire. Pourtant, elle du endurer tout ça. Pas parce qu’elle l’avait décidé, mais parce qu’il l’obligeait. Doucement mais sûrement, Lise ne pu retenir ses larmes, plaquant ses mains sur ses oreilles pour ne plus rien entendre. Diable ce que ça pouvait faire mal…Après tout ce qu’ils avaient enduré ensemble, après sa tentative de suicide, son opération, Lise aurait espéré qu’ils soient un peu en paix. Mais il n’en était rien, comme si quelque chose ou quelqu’un était toujours sur leur chemin à mettre à l’épreuve le sentiment qu’ils ressentaient l’un pour l’autre. Ce n’était pas ça qui allait faire en sorte que Lise cesse de l’aimer, bien au contraire…Mais c’était l’apocalypse dans ses pensées. Lise avait peur, peur de le perdre au profit d’une fille avec qui il avait eut un bébé ! Ca, c’était tellement difficile à accepter pour elle…Pourquoi fallait-il toujours qu’elle soit abandonnée par ceux qu’elle aimait le plus ? Lise aurait voulu partir, mais elle était pétrifiée sur place. Incapable de faire un mouvement, incapable de mettre de l’ordre dans ses idées…Elle était juste capable de pleurer, et rien d’autre. Lise tenta de lever la main, comme si elle allait le gifler pour essayer de calmer sa colère, mais sa main retomba lourdement contre son corps. Incapable de le frapper, comme quoi. Lise qui avait toujours la gifle si facile, la voilà complètement réduite au silence à cause de ce foutu bébé ! Bientôt, sa nausée la reprit, et ses courbatures furent légèrement plus violentes. Lise était pâle, on aurait dit qu’elle allait s’écrouler si elle faisait ne serait-ce qu’un pas. Elle ne comptait pas faire un malaise ici, mais par contre, elle fut contrainte de retourner illico dans les toilettes pour plonger la tête dans la cuvette. Dieu qu’elle détestait être dans un tel état ! Surtout que la situation était très mal choisie, et qu’elle ne savait toujours pas quoi faire. Une partie d’elle savait pertinemment qu’elle n’était pas en état de conduire, tandis qu’une autre partie lui ordonnait de prendre le volant, que les sensations fortes empêchent son esprit de se remémorer cet horrible moment. Lorsqu’elle ressortit des toilettes, Lise était encore un peu plus pâle. Elle prit le couffin pour aller le placer dans la chambre d’Aaron, n’ayant aucune envie de continuer à murmurer. Puisqu’elle ne pouvait pas partir tout de suite, et bien elle ne partirait pas. Elle réapparut après avoir refermé la porte de la chambre derrière elle, le regard brillant et les pensées très troublées. Tu m’excuseras, mais j’ai besoin d’un verre. »Réflexe purement typique chez Lise, mais pour une fois, elle n’avait aucune envie d’être raisonnable. Puisqu’elle ne pouvait pas conduire, elle allait rester ici et se souler. C’était peut-être la meilleure idée qu’elle ait eu jusque là, à son sens. Elle se dirigea donc vers le frigo, constatant avec bonheur qu’il y avait l’air une bouteille de vodka. Comme elle n’avait pas mangé, quelques shooters et elle serait incapable de tenir debout. Elle commença à l’ouvrir, saisissant un shooter dans son placard, ayant de plus en plus de mal à contenir ses larmes. Et si j’étais pas venue, hein ? Tu m’aurais menti, tu m’aurais caché l’existence de ce foutu mioche ? Mais qu’est-ce que je peux être conne, franchement ! Finalement, j’aurais mieux fait de rester au fond de mon lit à soigner cette putain de grippe qui m’empêche d’avaler quoi que ce soit, plutôt que de venir me faire chier ici ! Et maintenant quoi hein ? La mère va revenir, et si elle t’autorise à faire un test et que tu es le père ? Tu vas l’épouser aussi ? Putain, je peux pas l’avaler celle là ! »Lise était complètement désorientée, la colère et la tristesse prônant sur tout le reste. Elle ne pu se résoudre à ne pas boire, tant pis si son foie était effectivement neuf. Elle se servit un shooter, un seul, et le but cul sec. Pour l’instant, elle referma la bouteille, l’alcool lui faisait d’ors et déjà tourner la tête. Décidément, elle était encore dans un état pathétique, sauf que cette fois ce n’était pas sa faute, étant donné qu’elle n’avait pas bu une goutte d’alcool depuis leur soirée au restaurant. Elle se mit à soupirer, peinant à atteindre un fauteuil sur lequel s’asseoir. Elle respirait vite, mais elle n’avait pas de fièvre. Pourtant, elle croyait dur comme fer à une grippe, ça ne pouvait être que ça. Ou bien était-ce la tristesse ? Que tu aies été au courant ça ne change rien, ce bébé existe et si tu es son père il va bien falloir que t’assumes ! Je crois qu’il vaut mieux que je m’en aille avant que cette abrutie revienne, parce que je te jure que tu ne vas pas la reconnaître si jamais je la croise ! Je vais appeler mon père, qu’il vienne me chercher, si je prends le volant je vais me planter. Je sais pas ce qui m’en empêche d’ailleurs ! Finalement, tu auras pas mis longtemps à m’abandonner toi aussi ! Putain de vie de MERDE ! »Lise ne criait pas, de peur sans doute de réveiller le bébé, mais tout son corps tremblait à cause de la colère. Elle plongea son visage entre ses mains, partant du principe que c’était sûrement la meilleure chose à faire. D’un côté, elle n’avait aucune envie d’appeler son père, pour s’entendre dire qu’elle n’est qu’une idiote inconsciente…Mais d’un autre côté, malade ou pas, elle avait effectivement toute l’envie du monde de refaire le portrait à l’autre conne qui venait la gueule enfarinée après un an d’absence ! Celle là, c’était vraiment le pompon, plus que Lise ne pouvait supporter. Je voulais pas savoir ce qui s’était passé entre vous, ça me regarde pas ! Rien que te savoir dans les bras de cette…Fille ! Ahh je vais l’étrangler ! Le pire, c’est que tu te fais à l’idée que je pourrais partir. Tu es si peu combattif que ça, Aaron ?! Putain, si c’était moi qui était enceinte, tu fuirais aussi ?! Tu pouvais toujours me reprocher d’être égoïste et fuyante, c’est exactement ce que tu es aujourd’hui ! Quand je pense que t’as passé le plus clair de ton temps à parler de cette putain de voiture ce weekend, alors qu’à l’autre tu lui as fais un gosse ! Y’a pas un problème quelque part non ?! Putain j’ai encore la gerbe… »Retour case départ, à savoir aux toilettes. Lise n’avait qu’une envie, s’enfoncer dans le trou et ne plus jamais en ressortir, quitte à sentir les égouts pour le restant de sa vie. Lorsqu’elle réapparut, elle se dirigea vers la bouteille de vodka. Tant pis…Un deuxième shooter ne lui ferait pas de mal avant d’appeler son père. Elle but le second verre cul sec, avant de saisir son cellulaire dans son sac. Lise n’aurait jamais imaginer que composer le numéro de son père serait aussi difficile que les douze travaux de ce bon Hercule…Et Aaron était décidé à se complaire dans ses problèmes, pour sûr, il ne l’empêcherait pas cette fois. Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Ven 7 Mai - 220 Aaron fixa la bouteille de vodka qu’elle venait de sortir du frigo et soupira doucement. Il ne voulait pas qu’elle replonge à cause de ses conneries à lui, d’autant que sur ce coup là, il n’avait vraiment rien anticipé. Peut-être qu’au final, un verre ne pourrait pas lui faire de mal à lui non plus… Non surtout pas !! Il fallait qu’il ai les idées claires afin de comprendre les évènements et surtout, d’éviter d’empirer la situation comme il avait l’habitude de le faire ces derniers temps. Arrête de dire des conneries !! Tu voudrais que je fasse quoi ? Que je prenne la fuite et que je ferme les yeux peut-être ? Désolé mais c’est quelque chose que je ne peux pas faire. S’il s’avère que ce gamin et bel et bien mon fils, j’assumerais entièrement mes responsabilités. Faut que je te le dise comment ? Y’a rien eu entre sa mère et moi ! »Sentimentalement parlant bien entendu. La dernière remarque de Lise l’avait vraiment piqué au vif, il la savait désorientée et déstabilisée autant qu’il pouvait l’être mais ce n’était pas une raison pour l’attaquer de la sorte. Tandis qu’il marchait de long en large dans le salon, il réalisa ce que Lise venait de dire. La grippe ? Pourquoi parlait-elle de grippe ?! Elle serait bien la seule à l’attraper en cette saison puis les symptômes de la grippe étaient discriminables entre mille, Lizzie ne présentait rien de tout ça. Toutefois, les pensées médicales lui échappèrent bien vite lorsque Lise parla d’appeler son père et surtout, du fait qu’il ai pu l’abandonner. Bon sang mais tu vas arrêter de dire des choses aussi insensées ?! Je t’ai pas abandonné et j’ai jamais eu l’intention de le faire !! Es-tu aveugle à ce point ?! Tu vois pas que je suis dans la merde, que je suis complètement perdu, que je me retrouve avec un gamin sur les bras et que je ne sais pas quoi faire ?! Alors ouais putain de vie de merde comme tu dis !! Sauf que là, t’es en train de me reprocher des choses qui n’ont pas le moindre sens !! Puis merde, je vois pas pourquoi on essaie de discuter, on en est visiblement plus capables ! »Se faisait-il vraiment à l’idée de pouvoir la perdre ? Bien sur que non !! Jamais il ne pourrait l’accepter en revanche, Lise ne semblait pas vraiment disposée à rester, que pouvait-il faire ? La séquestrer ? Il était en mesure de comprendre que la nouvelle ne soit pas facile à digérer pour elle non plus, aussi, si elle voulait partir, elle était libre de le faire voila tout !! Aaron ne pensait pas pour autant que cela puisse vouloir dire qu’il puisse se faire à l’idée de la perdre !! Voila donc pourquoi, toilettes ou non, il la suivi tout en continuant son argumentation sur un ton relativement élevé et peu importe si le bébé était ou non en train de dormir, c’était bien le dernier de ses soucis en l’occurrence. Naturellement, sous le coup de la colère, il ne mesura pas l’ampleur de ses paroles, aussi lorsqu’elle lui posa la question fatidique pour savoir s’il serait ou non resté si elle avait été enceinte, la réponse se fit virulente. En l’occurrence c’est pas moi qui suis parti en apprenant qu’on allait avoir un bébé… t’as pas de leçon à me donner de ce côté-là. »Peut-être que dans le fond, il lui en voulait toujours de lui avoir caché cette grossesse. A vrai dire, il ne savait plus vraiment quoi penser, ses idées étaient confuses, il était terriblement angoissé d’une part à l’idée que Tyler soit son fils mais aussi à l’idée que Lise s’en aille, qu’elle le quitte. Et putain, bien sur que non je ne me fais pas à l’idée que tu puisses partir !! T’as pas le droit de me dire des choses pareilles Lise !! T’imagine même pas ce que j’ai vécu durant ton absence ni même à quel point ça m’a fait souffrir de te perdre !! Je suis terrorisé à l’idée que tu puisses me quitter, à l’idée que cette histoire puisse tout foutre en l’air entre nous !! Je dis juste que si ce gosse est bien mon gamin, t’es pas obligée d’en payer les frais !! On dirait que tu te complais à l’idée de me faire passer pour la dernière des pourritures alors que j’essaie simplement de me sortir de cette situation de merde dans laquelle je suis embourbé jusqu’au cou !! »Bon tant qu’il y était, autant évoquer le reste puisqu’elle voulait impérativement remettre sur le tapis cette histoire de voiture dont il avait parlé tout le week-end. " C’est quoi ton problème avec cette voiture ?! Tu m’as fait un putain de cadeau de fou, t’as réalisé mon rêve de gosse en m’offrant cette bagnole, je la conduis pour la première fois, tu voudrais que je réagisse comment ?! C’était juste éclatant pour moi ! Excuse moi de ne pas être à cent pour cent attentif à tout ce que tu me dis !! Puis merde !! Après tout ce qu’on a vécu ces dernières semaines, j’estime que j’avais le droit de prendre un peu du bon temps moi aussi !! Et t’as pas de dire que je lui ai fait un gosse… déjà on en sait rien et même si c’était le cas, Rachel est bien la dernière personne au monde avec qui je voudrais des gamins !! Je comprends que tu sois en colère contre moi mais putain ouvres les yeux !! Si y’a bien un moment dans ma putain de vie où j’ai besoin de toi, c’est maintenant !! C’est ça, appelle ton père, descends toi une bouteille de vodka, flingue ton foie et on sera revenu à la case départ comme ça ! Lise… j’ai besoin de toi… J’ai la trouille tu comprends ? "Son ton sur cette dernière phrase avait radicalement changé, sans doute parce qu’effectivement, Aaron était mort de peur. C’était bien la première fois de sa vie qu’il éprouvait un tel sentiment, il avait l’impression d’être impuissant et que la situation lui échappait totalement. Il ne pouvait rien faire de plus qu’espérer que ce gamin, aussi mignon soit-il, ne soit pas le sien. Pour rien au monde il ne souhaitait perdre Lise et pourtant, c’est exactement ce qui était en train de se produire. S’approchant de la bouteille de vodka, il l’empoignant avec virulence, non pas pour en boire une gorgée, mais surtout pour que Lise arrête d’y toucher. Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Ven 7 Mai - 311 Lise fut ébahie du flot de paroles qui s’échappèrent de la bouche d’Aaron…Mais celles qui la heurtèrent le plus, ce fut de toute évidence ce qui avait un rapport avec son avortement. Il l’avait dictée avec une telle colère froide que le sang de la demoiselle se serait presque glacé sur place. Elle avait peur de le perdre, peur de voir à quel point il lui en voulait encore…Fondamentalement ils étaient loin d’incarner l’image du couple parfait, puisque Aaron n’était pas capable de lui pardonner des choses qui appartenaient, selon ses dires, au passé. Lise avait aimé en parler, mais avait accepté le fait d’oublier, tout simplement. Le fait qu’il lui balance ça dans les gencives l’anesthésia soudainement, tandis qu’elle sortait encore une fois des toilettes, prête à appeler son père. Jusqu’au moment où elle vit Aaron se saisir de la bouteille de vodka, espérant qu’elle allait arrêter d’en boire. Mais pour l’instant, ce qui occupait toujours son esprit, c’était la phrase qu’il avait dite alors qu’elle avait la tête dans la cuvette. Ca, elle ne parvenait tout bonnement pas à le digérer…Tout comme lui, d’après ce qu’elle avait pu comprendre. Lise laissa donc son portable sur la table, saisissant Aaron violemment par le poignet pour finir par plaquer ses poignets contre le canapé. Elle était très en colère...Mais les mots lui manquaient. Cela dit, ils étaient en train de se monter l’un contre l’autre, et Lise ne voyait pas l’intérêt. Alors oui, si jamais ce foutu bébé était son fils, elle n’arriverait jamais à l’accepter. Elle serait probablement détruite par cette nouvelle, mais elle disparaîtrait de sa vie uniquement à sa demande, c’était chose certaine. Seulement, elle ne doutait pas que cette fille avait qui il avait couché et qui clamait être la mère de son enfant cherche à tout prix à rayer Lise de la vie d’Aaron, elle en mettrait facilement sa main à couper. Mais maintenant qu’elle le maintenant par les poignets, qu’elle le regardait dans les yeux pour la première fois depuis plusieurs minutes, elle était prête à s’effondrer. Elle trouvait tout bonnement monstrueux ce qu’il venait de dire…Même si elle était grandement en tort dans l’affaire, le fait de lui rappeler n’était pas forcément utile. C’est monstrueux ce que tu viens de dire…Ai-je rêvé ou as-tu dit que l’on faisait table rase du passé ? Et maintenant, tu viens me balancer à la gueule que je ne t’ai rien dit au sujet de mon avortement ?! Tu te fous de moi, Aaron ?! J’ai fais une grossière erreur, mais j’ai essayé de tout te dire et tu m’as rétorqué que le passé appartenait au passé, et qu’il fallait avancer. Ah bah ouais, on a vachement avancé ! Je te balance pas de vieux dossiers à la gueule moi ! J’analyse la situation, pas de la meilleure manière c’est vrai, mais toi tu me balances la pire erreur de ma vie à la gueule ! Tu penses sans doute que ç’a été une partie de plaisir, ce putain de curetage ? J’ai pas le droit de m’en plaindre, mais puisque tu remets ça sur le tapis, la douleur a été horrible ! Aussi bien celle de ton absence dont j’étais la seule cause que l’intervention elle-même ! Alors la FERME alors que tu ne sais rien de cet instant là ! »Lise avait lâché son emprise, se laissa retomber sur le même fauteuil que tout à l’heure. Elle était encore au point de départ, décidément…Il avait besoin d’elle, autant qu’elle avait besoin de lui, mais la colère les dominait l’un comme l’autre. Encore un peu et Lise retournerait se cacher aux toilettes, pour la troisième fois depuis son arrivée. Son regard était pointé vers le bas, elle semblait réfléchir mais ce n’était pas le cas. Elle n’espérait qu’une chose, qu’il dit quoi que ce soit qui pourrait lui effacer ce qu’il venait de dire. Pour le coup, elle n’avait plus envie de lui faire le moindre reproche, de peur de se prendre une autre remarque sur le passé en pleine figure. C’était lâche, mais il avait bien réussi à lui couper le sifflet…Puisqu’elle ne pouvait pas conduire et qu’elle n’était pas en état d’appeler son père à l’aide, elle restait là, comme inerte, le visage toujours aussi pâle que la neige. Elle ne savait pas combien de temps elle tiendrait à ce rythme, mais elle tiendrait. Elle se leva donc pour aller ranger son cellulaire dans son sac, plaçant de la même occasion le shooter qu’elle avait utilisé dans l’évier. Tout ça sans un mot…Juste avant de retourner illico aux toilettes. Cette fois, elle y resta un certain temps…Quinze bonnes minutes au moins, d’une part pour vomir certes, mais pour se plonger la tête sous l’eau, histoire de se remettre les idées en place. Elle prit le temps de s’essuyer, et lorsqu’elle ressortit, la sentence fut sans appel Très bien, je reste. Tu as besoin de moi alors je reste…Mais je n’oublie pas ce que tu viens de dire. Ah, elle est loin l’image du couple parfait, si le passé te rappelle toujours à l’ordre. Bah, je ne vais pas me plaindre. Je vais attendre que sa putain de mère revienne, puis je reprendrais la voiture si j’en suis capable. Aucune envie de subir les foudres de mon père en plus de tout le reste. Faut que je rentre soigner cette grippe après. »Juste à ce moment là, le bébé pleurait à nouveau. Il était réglé comme une horloge, celui là ! Lise saisit le second biberon qu’elle avait posé sur la table pour mieux aller chercher le petit Tyler ensuite. Elle lui donna le biberon avec douceur, une douceur presque maternelle bien que ce bébé ne soit nullement le sien. Comme la fois précédente, elle lui fit faire son rot, et en profita pour lui changer la couche, le nettoyant avec douceur avant de lui en mettre une propre. Quand tout ceci fut fait, elle le recoucha doucement, le berçant en chantonnant la première chanson qui lui vint à l’esprit Au clair de la lune. Bateau comme chanson, mais ô combien efficace ! Il s’endormit en à peine cinq minutes, et Lise pu réapparaître dans le salon, se rasseyant toujours sur le même fauteuil. Pour info, je n’ai pas de problème avec la voiture. Tu en as juste parlé tout le weekend, c’est tout. Mais bon, oublie, je suppose que c’était normal. Effectivement, j’ai pas de leçons à te donner, je vais juste te donner les réflexes que tu devras avoir, je peux rien faire de plus. J’ai élevé Kathryn avec Sam, je sais très bien ce qu’il faut faire. Alors monsieur buté numéro un, t’auras qu’à suivre à la lettre ce que je vais t’écrire. Oh, et n’essaye même pas de m’empêcher de lui défoncer la tronche à celle là. Avant de partir, je peux t’assurer que je vais faire en sorte qu’elle se souvienne de moi ! Quand je pense que je m'occupe d'un gamin qui est même pas le mien...Putain Lise, tu te ramollis ma pauvre, c'est pathétique. »Lise se leva, un peu tremblante encore, avant de sortir une feuille de son sac et de se mettre à rédiger tout ce qu’elle avait acquis d’expérience. Il pourrait toujours brûler la feuille, elle s’en foutait…Elle n’avait plus la capacité de se mettre en colère après tout ça. Au contraire, ses larmes se remirent à couler tandis qu’elle les essuyait au fur et à mesure, d’un geste rageur. Ce n’était pas le moment de craquer, non vraiment pas. Il fallait qu’elle ait toute sa force pour mettre son poing dans la gueule de cette saloperie dès qu’elle passerait le pas de la porte. Elle ne doutait pas qu’Aaron allait l’en empêcher, mais il ne pourrait pas l’empêcher longtemps. Lise avait de la ressource et de l’expérience en la matière ! Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Ven 7 Mai - 1414 Effectivement, c’était monstrueux et d’ailleurs, Aaron avait parfaitement conscience du poids de ses mots et de l’effet qu’ils auraient sur Lizzie. Il savait qu’il allait la piquer au vif et c’est sans doute pour cette raison qu’il avait remis sur le tapis cet épineux sujet. C’était peut-être facile de ressortir les vieux dossiers du passé, cependant, il n’en restait pas moins qu’il n’appréciait guère la façon dont elle avait mis en doute sa réaction dans l’hypothèse où elle serait enceinte. Il ne serait jamais parti, c’était l’évidence même à ses yeux et à dire vrai, il était particulièrement peiné que Lise ne s’en rende pas compte. Puis il faut dire que vu les circonstances, le jeune homme n’était plus vraiment dans son état normal, ses pensées avaient du mal à se faire nettes dans son esprit, il avait l’impression d’être au beau milieu d’un cauchemar et n’osait même pas imaginer ce qui pourrait se passer dans l’éventualité où Tyler serait bel et bien son enfant. Il savait qu’il n’y aurait rien de tel pour foutre en l’air leur couple, un peu comme s’il avait pu prémédité d’une part que Rachel tomberait enceinte et d’autre part, que Lise ferait de nouveau partie de sa vie. Non mais tu t’es entendu ?! Ca t’étonne que je ressorte les vieux dossiers du passé vu les circonstances ? Tu te demandes quelle aurait été ma réaction alors que tu sais très bien ce que j’aurais fait et la manière dont j’aurais réagi ! Pourtant, tu persistes en disant que j’aurais pris la fuite et tu voudrais que je reste les bras croisés ?! Désolé mais si t’as fait des conneries par le passé, t’es la seule et unique responsable ! Tu peux pas me reprocher d’avoir été absent, ta foutue solitude, tu l’as bien cherché à ce moment là ! J’en ai marre de faire comme si tout ça ne m’atteignait pas car c’est faux ! T’as foutu en l’air ce qu’on avait, t’as foutu en l’air nos fiançailles et t’as choisi d’avorter de MON enfant alors les leçons de vie, tu te les gardes. »Aaron regretta aussitôt mais il avait toujours eu une manière extrêmement stupide de répondre aux attaques on le blessait, il blessait en retour en tâchant de faire bien plus de mal qu’on ne lui en avait fait. Lise était pourtant la dernière personne au monde qu’il souhaitait rayer de sa vie, il l’aimait plus que tout et bon sang, ce qu’il pouvait se sentir nul de lui faire ce genre de reproches, pourtant, il fallait bien que ça sorte à un moment donné. C’était le seul moyen qu’il avait trouvé de l’atteindre directement, car il savait pertinemment que cela marcherait. Pitoyable. Absolument pitoyable. Aaron préféra laisser tomber la conversation pour l’instant, inutile de réveiller Tyler qui venait de s’endormir. C’était trop facile d’attaquer Lise sur ce sujet mais Aaron n’avait pas réfléchi ni à ce qu’il disait, ni à ce qu’il faisait. Cela dit, ça ne l’empêcha pas de remarquer les incessants allers-retours de Lise aux toilettes et inutile de dire qu’il avait la certitude qu’il ne s’agissait pas de la grippe. Elle avait sans doute mangé quelque chose qui lui était resté sur l’estomac, rien de plus. Appuyé contre la table du salon, il ne tarda pas à voir Lise refaire son apparition, affirmant qu’elle allait rester et aussitôt, il sentit une vague de soulagement l’envahir. Il avait envie de s’excuser, de lui dire qu’il ne pensait pas un traître mot de ce qu’il venait tout juste de lui jeter à la figure mais c’était trop tard. Le mal était déjà fait et s’il voulait se faire pardonner, c’était loin d’être gagné. Quand le bébé se remit à pleurer, il s’apprêta à aller dans la chambre mais Lise le devança, ce qui, à dire vrai, le soulagea bien plus qu’il ne l’aurait imaginé. Aaron ne s’était encore jamais occupé d’un bébé de toute sa vie, il ne savait pas comment s’y prendre et à dire vrai, ça l’effrayait un peu. De là où il se trouvait, il lui était possible d’entendre Lise calmer le bébé, lui parler, lui fredonner une chanson… elle ferait une mère fabuleuse, il n’y avait aucun doute. La pensée qu’ils pourraient avoir déjà un enfant à l’heure actuelle lui traversa de nouveau l’esprit, jusqu’au moment où il se trouva ridicule d’avoir pu remettre ça sur le tapis. A croire qu’il n’avait rien trouvé d’autre à dire à ce moment là et qu’il ferait bien de respecter un peu le proverbe qui dit qu’il vaut mieux tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. Peu à peu, les pleurs de Tyler diminuèrent jusqu’au moment où Lise fut de nouveau à ses côtés. Se calmant à son tour, Aaron secoua légèrement la tête face aux reproches de Lise et comprit qu’il avait peut-être exagéré le week end dernier… Non ce n’était pas normal. Si tu m’en parles aujourd’hui, c’est qu’effectivement, cette situation t’a dérangé. Je ne pensais pas que tu percevais les choses de cette manière et que mon engouement pour ce fabuleux cadeau puisse être aussi envahissant pour toi. J’étais comme un gamin, c’était le plus beau cadeau que tu pouvais me faire et j’ai voulu en profiter.»Aaron ne préféra même pas relever sa remarque concernant la mère du petit Tyler. A dire vrai, il n’avait pas envie de se lancer dans ce genre de conversation qui ne mènerait nulle part. Rachel était bien moins à blâmer qu’il ne l’était lui-même. Elle n’était qu’une gamine qui était tombée enceinte de celui dont elle était amoureuse. C’était lui le salaud dans l’histoire, il lui avait toujours fait comprendre qu’il n’éprouvait aucun sentiment à son égard pourtant, ça ne l’avait pas empêché de coucher avec elle à maintes reprises. Tout ceci n’était qu’un jeu pour lui, pour Rachel, c’était tout autre chose. Aaron se tenait à distance, il observait Lise écrire ses instructions et il avait mal de la voir aussi triste et dans un tel état de rage. Tu as parfaitement le droit de m’en vouloir, après tout, c’est pas rien. Je n’ai pas changé entre hier et aujourd’hui, je suis toujours le même et je suis toujours aussi amoureux de toi Lise. La seule différence c’est que désormais, j’ai peur de te perdre. Pire, je suis même totalement terrorisé car je me rends compte que malgré moi, j’arrive encore à te faire souffrir et que quoi que l’on puisse en dire, les erreurs du passé finissent toujours par refaire surface. Je suis tout aussi perdu que toi face à cette situation, tu peux me croire. Rachel, c’était rien de plus qu’une histoire sans lendemain comme tu as pu en avoir de ton côté aussi. J’ai jamais envisagé de la revoir après ça et encore moins qu’on aurait un gamin ensemble. A moins que ma mémoire ne me fasse défaut, je me souviens pourtant qu’on avait fait attention. Je n’ai aucune envie d’être le père de ce gosse. Je sais que ça ne suffit pas de dire ça mais ce que j’essaie de te faire comprendre c’est que le jour où je deviendrais père, j’ai toujours rêvé que ce serait un évènement merveilleux que je partagerais avec toi… pas avec une fille qui est presque une étrangère pour moi et pour qui je n’aurais pas l’ombre d’un sentiment. Lise… je t’aime… je veux pas que cette situation te fasse douter de quoi que ce soit. Puis… on a encore aucune certitude qu’il soit bel et bien mon fils et crois moi, j’ai pas l’intention d’endosser une paternité s’il s’avère que Tyler n’a rien en commun avec moi. Comprends juste que si Rachel a vu juste, je ne peux pas le laisser… c’est une chose que je ne pourrai jamais faire, je sais trop ce que c’est de grandir sans père ou avec un père dont le mépris et l’indifférence sont les maîtres mots. J’en conviens, c’est difficile à comprendre et à admettre, surtout pour toi. Ca remettrait en question pas mal de choses nous concernant et je doute fort que tu puisses me pardonner. »Lise était toujours en train d’écrire et Aaron préféra couper court à la conversation. Il n’avait pas la force de l’affronter de nouveau, d’autant qu’il connaissait la virulence de ses propos et que malgré lui, il n’était bon qu’à la faire souffrir. S’éloignant d’elle, il alla faire un tour dans la chambre où Tyler dormait paisiblement. Aaron s’installa près du bébé et l’observa attentivement… pauvre petit bout, il n’y était pour rien dans toute cette histoire. Mais que faire ?! Choisir entre son fils –si Tyler l’était bel et bien- et Lise, était une chose totalement impossible. Lise passait en priorité mais il ne pouvait se résoudre à laisser Rachel se débrouiller seule, après tout, ils avaient été deux pour le faire,non ?! Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Ven 7 Mai - 1448 Lise était en train d’écrire mais elle n’avait pas perdu un traître mot de ce qu’Aaron avait pu dire. Elle n’aurait jamais imaginé qu’il puisse avoir une telle opinion d’elle mais ça la faisait souffrir atrocement de voir à quel point il n’avait rien oublié…Pire, il semblait se torturer avec ces idées qui ne devraient plus avoir autant d’importance, ou en tout cas qui ne devaient pas justifier une colère pareille mais plutôt une discussion adulte. Cela dit, adultes, ils ne l’étaient pas…L’un comme l’autre avaient tendance à agir plutôt égoïstement, comme s’ils cherchaient à se protéger l’un de l’autre. Lise ne savait même pas pourquoi elle écrivait tout ce qu’elle était en train d’écrire. Après tout, ce n’était pas son gamin, et elle faisait des efforts considérables pour lui. Pas seulement parce qu’elle était en train de noter tout un tas de conseils et de marches à suivre, mais aussi parce qu’elle se battait littéralement contre elle-même pour ne pas craquer. C’était tellement plus facile de fuir, de pleurer toutes les larmes de son corps et de tenter de passer à autre chose…Mais cette fois, elle n’était pas capable de fuir, pas encore. Quelque chose la retenait ici, sans qu’elle sache quoi. Mais elle ne répondit rien face aux tirades d’Aaron. Non pas par fierté, mais parce qu’elle ne pouvait pas détacher si facilement ses pensées de ce qu’il lui avait balancé en plein dans les gencives. Le fait qu’il ait une telle image d’elle la détruisait…Et tandis qu’elle finissait tout juste d’écrire ses instructions, son cellulaire se mit à sonner comme pour la sauver. Lise décrocha…C’était Kitty, en pleurs. Kitty, calme toi, qu’est-ce qui s’est passé ? DE QUOI ?! Et elle n’a rien fait ?! Comment que je vais lui coller un procès à celle là ! Tu ne bouges pas de l’entrée de l’école, j’arrive pour te chercher illico ! Tu m’entends ?! Tu ne bouges surtout pas ! Je serais là d’ici une vingtaine de minutes si ça roule bien. »Lise était tentée d’ajouter et si je suis capable de conduire sans m’emboutir un mur » mais ce n’était pas la peine de rajouter cette phrase lourde de sens à une petite Kitty déjà bien paniquée. Ni une ni deux, elle raccrocha, replaça son cellulaire dans son sac à main et prit le papier dans les mais pour aller le donner à Aaron. De toute manière, il ne pleurerait pas avant deux heures…Il était donc plus ou moins tranquille, étant donné qu’il semblait réglé comme une horloge. Aussi, l’espace de quelques secondes, Lise prit la main d’Aaron pour y déposer le papier plié. Elle ne savait pas s’il avait entendu sa conversation, aussi se força-t-elle de synthétiser la chose, en murmurant afin de ne pas réveiller le bébé. Voilà les instructions…Il ne se réveillera pas avant deux heures, et si jamais c’est le cas, bah…Tu n’auras qu’à m’appeler. Sinon tout est noté ici. Je dois aller chercher Kitty, des idiotes de son école l’ont attaquée et lui ont coupé les cheveux…Elle est en pleurs et sous le choc, elle a besoin de moi. De toute manière, je crois que tu m’as tout dit, n’est-ce pas ? Je suis désolée que tu aies une si piètre image de moi, et que je n’ai pas réussi à te prouver qu’en trois ans, j’avais changé…Mais bon, je suppose que je ne mérite pas ton pardon. Je te souhaite bon courage, si tu as besoin de conseils, tu as toujours mon numéro et mon adresse. »Lise ne s’attendait pas du tout à ce qu’il en fasse le moindre usage, mais sait-on jamais, c’était toujours bon de le rappeler. Elle se mit ensuite sur la pointe des pieds, et déposa la mort dans l’âme un baiser sur sa joue. Cela sonnait comme un baiser d’adieu et ça la déchirait que cela se passe comme ça…Mais s’il n’était pas capable de lui pardonner ou même de s’expliquer avec elle calmement, ce n’était peut-être pas la peine qu’elle insiste. Elle partit donc…Se dirigeant vers sa voiture, la démarrant en même temps que ses fichues larmes recommençaient à couler. Fichues larmes pourries ! Elles allaient jamais s’arrêter celles là…Quoi qu’il en soit, elle récupéra Kitty complètement bouleversée, tout un côté de sa chevelure coupée. Elle monta en voiture, et en peu de temps, elles furent à nouveau à l’appartement. Il fallait d’abord qu’elle s’occupe d’elle et ensuite, Jenny viendrait la chercher…Mais pour l’instant, Lise s’appliqua à lui couper soigneusement les cheveux, pour égaliser la chose, lui donnant mouchoir sur mouchoir pour qu’elle sèche ses larmes. Pour sûr, ça ne resterait pas impuni ! Elle allait s’occuper personnellement des choses, et pour sûr, elle allait mêler son père à ça, parce qu’elle estimait qu’il était également responsable de Kitty, même s’il n’était pas très présent. Lorsqu’elle eut fini la coupe de sa petite sœur, elle lui montra le résultat dans une glace, elle lui avait fait un joli carré dégradé sans frange, afin qu’elle n’ait pas l’impression d’avoir un casque sur la tête. Après, elle la serra doucement dans ses bras, en un geste purement maternel et se mit à la bercer doucement. Kitty était sous le choc et ça lui faisait mal de la voir souffrir…Elle passa donc près d’une heure à la câliner avant que Jenny n’arrive, prête à la gâter toute la journée pour qu’elle se sente mieux. Lise la remercia, d’ailleurs…Si elle n’était pas là, elle ne savait vraiment pas ce qu’elle ferait. Prends soin d’elle Jenny, elle est vraiment sous le choc. J’irais l’amener à l’école et j’irais la chercher demain. J’ai à discuter avec ses petites…Et je passerais un peu de temps avec elle si je le peux demain. En attendant, je vais faire intervenir mon père, je veux qu’il sache ce qu’il se passe. Bonne journée à vous deux les filles ! »Lise embrassa sa petite sœur et salua Jenny de la main, les laissant partir à regret. A vrai dire, elle aurait presque aimé que sa petite sœur ne parte pas, parce que sa présence l’aurait empêchée de penser aux paroles d’Aaron…Mais elle se défendit d’être aussi égoïste. A la place, elle mangea quelques fraises juste après être allée aux toilettes, afin de ne pas avoir le ventre vide. Pour sûr, elle finirait par vomir, mais pour l’instant, ça l’empêchait d’avoir le ventre horriblement gargouillant. Sitôt après, Lise refusa de rester toute seule chez elle à ruminer…Elle reprit donc le volant. Elle allait se donner un peu de sensations fortes pour une fois…Elle se dirigea donc vers une ligne droite et fit des essais de vitesse plutôt concluants, mais qui eurent pour effet final de lui faire vomir ce qu’elle avait mangé. Retour à la case départ, il fallait qu’elle rentre avant de souffrir d’hypoglycémie. La mort dans l’âme, elle du laisser de côté son petit délire de vitesse, retournant chez elle sans grande envie. Toutes les cinq minutes, elle contrôlait son cellulaire pour voir si Aaron ne l’avait pas contactée…Elle se maudissait d’être partie, mais elle n’avait pas le choix. Elle ne pouvait pas laisser Kitty seule ni Jenny s’en occuper sans intervenir ! En rentrant, elle poussa un long et pénible soupir, s’empêchant de justesse de pleurer. Elle partit ensuite dans la cuisine pour se faire des spaghettis. Incroyable, même de simples pâtes lui faisait penser à Aaron. Elle eut du mal à les avaler une fois cuites, d’ailleurs…Elle du se faire violence, et but pour la peine un verre de grand bordeaux, pour faire passer le tout. Juste un verre, parce qu’elle n’avait aucune envie de se souler avec un grand cru pareil, ce serait pêcher, et elle n’avait plus aucune vodka sous la main. Une fois qu’elle eut finit de manger, Lise avait quand même la tête qui tourne. Pourtant, hors de question de s’allonger…Elle comptait bien veiller son cellulaire tout le restant de l’après midi et même la nuit entière s’il le fallait. Pour l’instant, elle était assise sur son sofa, son portable posé sur la table basse devant elle, paniquant toute seule. Et si Aaron ne voulait plus jamais lui adresser la parole ? C’était quelque chose qu’elle n’envisageait pas. Elle ressortit donc illico de chez elle reprenant sa voiture. Il fallait qu’elle lui parle, juste une toute petite fois, et après elle s’en irait. Elle parvint en un temps record devant son immeuble, du reste, et elle ne prit pas la peine de prendre l’ascenseur Elle monta les étages aussi vite qu’elle le pu, s’apercevant qu’elle n’avait pas la clef. Elle n’eut donc qu’une solution Frapper à la porte, et prier pour qu’il lui ouvre…Sans lui balancer d’autres vérités à la figure. Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Ven 7 Mai - 1549 Outre le fait d’avoir passé la majeure partie de son temps à se poser des questions, à essayer de faire le point et d’envisager ce qu’il conviendrait de faire dans l’hypothèse où les tests confirmeraient bel et bien sa paternité, Aaron n’avait cessé de se blâmer concernant son attitude envers Lise. Ce n’était pas en agissant de la sorte qu’ils allaient trouver des solutions. Lui qui prônait toujours la discussion pour résoudre les conflits avait démontré une fois encore combien il était impulsif et surtout, qu’il n’était pas vraiment doué pour faire preuve de sang froid face à une telle situation. La vérité dans tout ça, c’est qu’il ne savait vraiment plus quoi penser. Il aurait aimé avoir une discussion claire avec Rachel, afin d’en savoir davantage, de comprendre pourquoi elle ne l’avait prévenu avant, pourquoi elle avait décidé de refaire son apparition après tout ce temps et surtout, comprendre exactement ce qu’elle attendait de lui. Dans tous les cas, Aaron n’était pas prêt à être père, pas dans ces conditions en tout cas. Et Lise dans tout ça ?! Il ne cessait d’y songer encore et encore, tant il imaginait la douleur et la peine qu’elle devait ressentir. Il n’avait pas été tendre avec elle et dans un moment pareil, un moment où ils étaient censés se soutenir et mettre leur amour à l’épreuve, ils s’étaient simplement contentés de se déchirer. Aaron repensa brièvement à ce couple rencontré à l’hôtel et qui clamait haut et fort les bienfaits du mariage et leur amour solide de ces cinquante dernières années. Conneries tout ça !! Berçant désormais Tyler dans ses bras, Aaron avait coincé son téléphone portable entre sa joue et son épaule, essayant désespérément de joindre Rachel depuis plus d’une heure maintenant. Il pensait que son entretien d’embauche devait durer une partie de l’après midi seulement et voila qu’il était désormais huit heures passées et qu’il n’avait toujours aucune nouvelle d’elle. Rachel, c’est encore moi… je commence vraiment à m’inquiéter là, j’aimerais beaucoup que tu prennes la peine de m’appeler pour que je sache ce que je dois faire… Tyler ne pourra pas rester ici éternellement et… il faut impérativement qu’on se parle… rappelle moi. »Aaron lança son portable en direction du canapé et croisa le regard du petit Tyler, qui dans ses bras, semblait plutôt à son aise et apaisé. Se pouvait-il réellement qu’il soit son fils ?! Encore et toujours cette éternelle question. C’est alors qu’on frappa à la porte et Aaron ressentit une vague de soulagement en imaginant que Rachel avait enfin décidé de venir chercher son fils. Il déposa délicatement le bébé dans son couffin, celui-ci s’agita, n’apprécia visiblement pas qu’Aaron le délaisse pour quelques secondes. Ouvrant la porte presque brusquement pour que Rachel vienne vite récupérer ce qui lui appartenait, Aaron prit les devants Quand même, j’ai cru que tu n’allais jamais… Lise ?! … Entre je t’en prie. »A dire vrai, après son départ digne d’un adieu cinématographique, Aaron ne s’attendait pas à la revoir de sitôt. En réalité, il avait plutôt imaginé qu’elle essaierait de le fuir durant quelques jours, juste le temps de comprendre et d’analyser la situation. Après tout, c’était à lui de se sortir de cette galère et surtout, de faire le premier pas pour discuter avec elle et s’excuser. Lorsque Lise entra dans la pièce, le visage du petit Tyler s’illumina et il agita mains et pieds depuis son couffin, tout en observant la jeune femme, à croire qu’elle était sa mère. Tout en refermant la porte, Aaron reprit Sa mère devait venir le chercher mais je ne sais pas ce qu’elle fait. Je lui ai laissé trois messages sur son répondeur mais elle ne m’a toujours pas appelé. Au fait, merci beaucoup pour tes instructions, ça m’a beaucoup aidé. Je pensais pas que changer une couche pouvait être aussi barbare et sans toi, je serais encore en train de me demander dans quel sens ça s’enfile. »Il esquissa un léger sourire toutefois visiblement gêné. Leur dernière conversation n’avait fait que leur faire du mal, aussi bien à l’un, qu’à l’autre et désormais, il était difficile de savoir par quel bout commencer afin de réparer les erreurs qui avait été commises. Aaron s’avança dans le salon et se baissa pour prendre Tyler dans ses bras puisqu’il s’agitait toujours, cependant, le bébé émit quelques sons de protestation, bien trop préoccupé par Lise pour avoir envie qu’Aaron le prenne dans ses bras. J’aimerais qu’on prenne le temps de discuter calmement si tu es d’accord. C’était pas très malin de ma part de te dire tout ça tout à l’heure, je n’en pensais pas un mot. Tu as faim ? Soif peut-être ?! Tu as avalé quelque chose depuis ton départ ? Tu es toute pâle… »Non, ce n’était décidément pas la grippe. Aaron aurait besoin d’en savoir davantage pour déterminer la cause exact de ses vomissements à répétition mais il savait que ce n’était sans doute pas le moment de jouer aux apprentis médecins. Doucement, il tapota dans le dos de Tyler pour qu’il se calme avant que celui-ci ne tende les bras vers Lise, essayant d’échapper à l’emprise d’Aaron. Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Ven 7 Mai - 1621 Pendant quelques secondes, Lise était on ne peut plus tentée de faire marche arrière, afin d’éviter de se prendre à nouveau un mur de froideur en pleine figure. Mais alors qu’elle était prête à partir, ce fut à ce moment là que Aaron décida d’ouvrir la porte, visiblement surprise que ce soit elle. Pour un peu, elle se serait excusée d’être venue tiens…Elle ne savait vraiment pas ce qu’elle faisait ici, en plus. Le message qu’il avait fait passer quelques heures auparavant était très clair, il ne lui avait toujours pas pardonné ce qu’elle avait fait et d’après ce qu’elle avait cru comprendre, ce n’était pas prêt d’arriver. Elle ne pouvait pas lui en vouloir, même si elle était désespérée que cela se passe ainsi. Ce n’était pourtant pas faute de faire des efforts, mais parfois, les erreurs passées finissent toujours par avoir le dessus…Le point positif dans tout ça, c’était qu’Aaron semblait s’être calmé. Tant mieux, elle n’avait aucune énergie pour une joute verbale de toute manière. Ce qui l’amusait, c’était que le bébé semblait plus que ravi de la voir…Il remuait joyeusement dans son couffin, comme si elle était sa mère. Pour un peu, Lise en aurait rit, si seulement elle avait eu le cœur à rire. Elle eut toutefois un léger sourire amusé tandis qu’Aaron la remerciait de lui avoir laissé des instructions…C’était un mec après tout, il n’y en avait pas beaucoup qui avait un sens iné pour changer une couche. Voilà la seule raison pour laquelle elle lui avait laissé une liste de conseils. D’ailleurs, il les avait appliquées à la lettre, puisqu’il tenait le bébé d’une très bonne manière. Là encore, elle sourit, mais de manière plus triste…Elle ne pouvait que déplorer le fait que ce bébé ne soit pas le sien à elle. Comment faire partie de la vie d’Aaron si de toute évidence il était papa d’un bébé appartenant à une autre ? Lise préférait ne pas y penser pour l’instant. De toute façon, c’était Beyrouth dans ses idées, elle était incapable de se remémorer combien faisaient deux plus deux…Alors parvenir à mettre un pied devant l’autre tomber semblait être une véritable expédition. Elle soupira doucement en prenant le bébé dans ses bras, puisque à l’évidence il la réclamait. Une fois qu’elle se mit à lui tapoter doucement le dos, il se mit à rire doucement, comme si c’était la chose la plus hilarante de l’année. A croire qu’il l’adorait cet enfant ! Et dire que pour beaucoup, Lise n’était qu’une tête brûlée irresponsable, beaucoup tomberaient de haut s’ils la voyaient portant un bébé aussi mignon que Tyler, sans avoir de mauvais gestes. Elle se mit à marcher dans la pièce, caressant doucement le dos du petit bout de chou dans ses bras, constatant seulement maintenant qu’elle n’avait toujours pas répondu à Aaron. Oh non ne me parle pas de manger…Avant de venir je me suis fait des spaghettis et un verre de vin, mais je sens que mes nausées vont pas me lâcher de sitôt, alors je vais éviter d’ingurgiter quoi que ce soit d’autre si c’est pour tout rendre. Disons que c’est une rude journée, on va dire que c’est pour ça que je suis pâle. Je dois couver quelque chose. »Lise se mit à soupirer tandis qu’elle constatait que Tyler s’était endormi dans ses bras. Et bien, elle avait un drôle d’effet calmant sur celui là ! Elle le reposa délicatement dans le couffin pour mieux le remettre dans la chambre, afin que son sommeil ne soit pas perturbé. Pour un peu, on aurait pu la prendre pour la mère du bébé…Mais ce n’était pas elle, et à sa mine déconfite, ça se sentait aisément. Elle referma la porte de la chambre pour mieux revenir s’asseoir doucement, le visage effectivement très pâle. Oh, elle mourrait de faim, mais elle n’avait aucune envie de manger quoi que ce soit, de peur de passer encore une heure aux toilettes à vomir sa vie. Dur d’être patraque à ce point là dans un moment pareil ! J’ai mangé des fraises aussi, mais elles n’ont pas fini dans mon estomac, c’est une tragédie…Quant à ce que tu as dit tout à l’heure, tu es sûr que tu n’en pensais pas un mot ? Moi je n’en suis pas si sûre. Sinon, tu n’aurais pas balancé ces vérités. Tu m’en veux encore et voilà, pas de quoi mourir. Je m’en doutais que ça allait me retomber dessus à un moment donné, c’est logique. Quand on agit aussi connement aussi longtemps, on finit toujours par le payer un de ces quatre. Te mets pas la rate au cour bouillon, c’est vraiment pas la peine. »Façon maladroite de Lise pour dire qu’elle n’avait aucune envie d’en parler. Elle savait pertinemment qu’il le fallait et qu’elle ne se rendait pas service en refusant d’en parler maintenant, mais elle savait que quoi qu’il pourrait dire, ça lui ferait mal. Qu’est-ce qu’elle n’aurait pas donné pour être dans un trou de souris à ce moment précis ! Ne jamais ressortir de son trou, hiberner pendant des mois et surtout oublier cette fichue situation. Comme quoi, il n’avait pas fallut grand-chose pour que leurs anciens problèmes refassent surface…Et à cette idée, Lise soupira, prise encore une fois d’une nausée. Elle essayait de se contrôler, mais le moment où elle devrait mettre la tête dans la cuvette n’était pas loin. Elle se mit à en rire, d’ailleurs…La situation était tellement cocasse qu’elle trouvait ça comique, à défaut d’être capable d’en pleurer. Lise n’avait plus une seule larme en stock, et elle était trop fatiguée pour parvenir à pleurer encore. Tu m’excuses, je trouve la déco de tes toilettes tellement à chier, je vais aller la refaire, la repeindre, tout ça quoi. »Pour un peu, Lise aurait rit encore…Mais il y avait urgence. Cette fois, elle n’avait pas rien à rendre, c’était bien tout le problème…Elle demeura donc encore un bon quart d’heure dans ces toilettes, qu’elle avait l’impression d’avoir vues toute la journée. A croire qu’elle les adorait, qu’elle allait se marier avec. Sauf qu’elle ne tiendrait pas longtemps à ce rythme. Déjà, pouvoir conduire comme elle l’avait fait était un véritable miracle…Elle se demandait encore comment elle avait pu tenir le volant sans s’évanouir. Déjà, à la tête qu’elle eut en ressortant de la petite pièce, il ne fallait pas être médecin pour savoir qu’elle n’allait pas bien. Mais elle se rassit, comme si de rien n’était, ne souhaitant surtout pas qu’Aaron se mette à lui dire qu’elle avait une quelconque maladie grave. Ce serait vraiment le pompon ! J’ai du couper les cheveux de Kitty…Demain, j’irais faire leur fête à ces sales gamines, et je peux t’assurer que mon père va m’accompagner ! J’irais le chercher par la peau du cul s’il le faut, mais il viendra. Puis après, je suis allée sur mon terrain préféré et j’ai conduis. Je sais pas comment j’ai fais…Je dois avoir de bonnes ressources pour ne pas m’écrouler, que veux-tu. C’est marrant, la mère du petit bout, je la déteste déjà. Il a fallut qu’elle débarque et c’est le bordel…Mais on avait sûrement besoin de ça pour se déchirer encore, je suppose. A croire que je suis bonne qu’à ça, déchirer…Néanmoins, il y a quelque chose que j’ai oublié de dire tout à l’heure. »Lise prit une intense inspiration, comme si elle avait du mal à respirer alors que ce n’était pas le cas. Elle avait même moins la tête qui tournait, ça allait sans doute mieux après tout. Elle s’accorda quelques secondes de répit avant de poursuivre, le visage plus marqué par la tristesse que jamais Je ne savais pas que tu comptais me demander en mariage. Donc je n’ai pas rompu nos fiançailles…Je sais que je suis partie, mais ne me mets pas sur le dos quelque chose dont je n’étais même pas au courant. Je sais que je suis la seule fautive dans l’affaire, mais je ne veux pas non plus que tu me prennes pour un punching-ball et que tu en profites pour m’en mettre plein la tronche parce que tu es mal. Parce que laisser quelqu’un qu’on dit aimer derrière soi, ce n’est pas aimer, mais le marteler de paroles blessantes, ce n’est pas aimer non plus. Et si j’ai avorté, c’est parce qu’un jour tu m’as dit que tous ceux qui s’apprêtaient à mettre un enfant au monde faisaient un acte de grande cruauté. J’aurais jamais pensé que tu aurais pu le vouloir avec moi, ce bébé…Sinon jamais j’aurais avorté. Tu te souviens, quand j’avais mis ça sur le tapis, mine de rien ? Bah ta réponse m’avait éclairée soudainement. J’étais déjà enceinte à ce moment là. J’ai paniqué…J’ai fais une connerie. J’ai souffert toute seule. Fin de l’histoire. »Lise ramena ses genoux vers elle, en cette position défensive qu’elle adorait tant. Après tout, il n’y avait rien d’autre à dire…Jamais elle n’aurait imaginé qu’il puisse le vouloir, ce bébé. Elle soupira à cette pensée…Il n’y avait peut-être rien d’autre à dire, mais elle ne se sentait pas mieux en le sachant. Faudrait peut-être que je parte avant que sa mère revienne…Sinon tu vas avoir un meurtre sur les bras. Puis je voudrais pas perturber ce qu’elle pourrait t’apprendre, tout ça. Je fais partie de tout ça, moi, j'ai rien à voir là dedans et j'ai pas à m'immiscer. Conduire va sûrement me faire du bien, du reste. »Lise tenta de se lever, avec du mal c'est vrai. Dieu qu'elle avait soif...Elle était complètement déshydratée avec tout ça. Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Ven 7 Mai - 1707 Effectivement, ils n’avaient jamais été fiancés et ça, Aaron ne le savait que trop bien, inutile de le lui rappeler. Ce que Lise ne comprenait visiblement pas, c’est qu’à ses yeux, c’était tout comme étant donné qu’à l’époque déjà, il n’envisageait pas sa vie sans elle. Il avait longtemps imaginé ce que serait leur vie à présent si elle… si ils n’avaient pas tout détruit. Aaron lui aurait demandé de l’épouser, ils seraient parents… par conséquent, il n’aurait jamais eu la moindre aventure avec Rachel et ils n’en seraient probablement pas là aujourd’hui. C’était ça son point de vue à lui, il ne voulait pas chercher à comprendre le pourquoi du comment. Lise avait déjà pris soin de lui exposer clairement la situation et à vrai dire, il avait plutôt bien saisi ce qui l’avait poussé à agir de la sorte. Cela dit, comprendre et pardonner sont deux choses différentes et en dépit des apparences, Aaron avait toujours du mal à accepter que trois ans de leur vie aient pu voler en éclats de la sorte. Alors oui, il tâchait de reprendre le dessus, de dire que tout ceci n’appartenait qu’au passé et qu’il fallait aller de l’avant, mais pouvait-on vraiment lui reprocher d’éprouver de la rancœur vis-à-vis du passé ? Aaron s’installa face à elle et secoua doucement la tête tout en réfléchissant le plus posément possible. Il n’avait pas envie que la situation dégénère de nouveau, aussi, il tâcha de rester le plus calme possible, prenant le temps de réfléchir à ce qu’il disait sans se laisser envahir par les émotions et les affects négatifs de cette journée merdique. J’ai pas dit que tu avais rompu nos fiançailles, juste tout foutu en l’air... ce qui n’est pas forcément vrai mais c’est ce que j’ai voulu dire. Je ne cherche pas à reporter mon mal sur toi, j’aurais simplement espéré un peu plus de soutien de ta part. Tu as le droit d’en douter mais, je suis tout aussi perdu que toi, si ce n’est plus, tu peux me croire. C’est pas comme si je t’avais trompé et que ma maîtresse se pointait comme une fleur avec notre gamin entre les bras. La situation n’a rien à voir avec ça. C’est un accident, les aléas de la vie comme on dit, rien de plus. C’est pénible pour moi car je sais que cette situation est en train de te faire du mal, je vois bien que tu es malheureuse et je me sens totalement impuissant car ça me tombe sur le coin de la tronche sans avoir pu anticiper quoi que ce soit. Comment j’aurais pu prévoir ?! J’étais même pas au courant que Rachel était enceinte. C’est pas comme si je t’avais menti ou trahi Lise, pourtant, tu as réagi comme si c’était le cas. » Aaron continuait de croire que s’il y a bien un moment dans sa vie où il avait besoin d’elle, c’était maintenant mais visiblement, il ne fallait pas trop en demander. C’était déjà assez surprenant qu’elle se tienne face à lui, qu’elle s’occupe de cet enfant alors qu’elle n’en été pas obligée et surtout, qu’elle soit revenue. Le jeune homme avait bien entendu ses paroles concernant l’avortement, il compris que ses propres paroles avaient pu influencer son choix à l’époque cependant, elle ne savait rien de la réaction qu’il aurait eu si elle lui avait clairement énoncé à voix haute qu’elle était enceinte. Inutile de revenir sur ce point, ils étaient visiblement incapable de s’accorder là-dessus. Au contraire, je pense que tu devrais rester. Cette histoire te concerne tout autant que moi… du moins, c’est ce que je pensais. Un jour tu m’as dit qu’à partir du moment où nous étions ensemble, nous serions capables de surmonter n’importe quelle épreuve… c’était des paroles en l’air ?! Ce qu’on dit pour se rassurer l’un l’autre quant à la solidité du couple, c’est ça ?! Tu as pensé ne serait-ce qu’un instant que Tyler pouvait ne pas être mon fils ? Une erreur n’est pas impossible, c’est pas comme si j’avais été le seul à fréquenter Rachel à l’époque. Tu ne m’as pas laissé le bénéfice du doute Lise. Et même quand je te dis que je sais tout au fond de moi que ce gamin n’est pas le mien, tu continues à en douter. Ta réaction ressemble à celle d’une femme trahie, trompée. Y’a rien de tout ça. Je t’aime… je t’ai toujours aimé… et je continuerai de t’aimer quoi qu’il arrive. Reste assise, t’es pas vraiment en état de te lever et je doute fort que conduire soit une excellente idée. »Aaron se leva et alla vers la cuisine afin de lui servir un grand verre d’eau fraîche. La fatigue n’expliquait pas tout et il demeurait convaincu qu’elle n’avait pas la grippe. Au moment même où il lui tendait son verre d’eau, le portable du jeune homme se mit à sonner et il vit le numéro de Rachel s’afficher sur l’écran. Quand même, j’ai cru que tu n’allais jamais me rappeler… tu fais quoi bon sang ?! … Quoi ?! … Non Rachel, c’est pas possible… n’insiste pas, c’est non !! … tant que les tests n’ont rien prouvé je ne suis rien du tout tu as bien entendu ? … Bien sur que j’ai l’intention de les faire, tu pensais pas que ta parole allait me suffire quand même ? … Entendu… je t’attends alors. »Il raccrocha et soupira doucement. Impossible de lui faire entendre raison, Rachel était persuadée qu’Aaron était le père de son enfant. Ou alors, c’était simplement ce qu’elle se confortait à croire étant donné qu’elle avait toujours clamé haut et fort qu’elle était éperdument amoureuse de lui et qu’elle comptait bien lui mettre le grappin dessus. Aaron reprit place sur le fauteuil tout en expliquant la situation à Lizzie. Elle arrive… vu le bordel qu’il y avait autour d’elle, je présume qu’elle travaille toujours au même endroit et que son histoire d’entretien d’embauche c’était du pipeau… à l’époque elle bossait dans une boite de nuit assez… spéciale on va dire. Pas besoin de te faire un dessin. Elle m’a dit que j’étais rien de plus qu’une ordure si je faisais des tests pour reconnaître mon propre fils, que j’étais un vrai salaud de ne pas avoir confiance en elle. Mais j’en ai rien à foutre, je veux des preuves formelles !! Elle arrive d’ici une heure ou deux au plus tard. Je te force pas à rester si tu n’en as pas envie, cependant, je refuse que tu prennes ta voiture ou que tu restes seule. A part les vomissements, tu as de la fièvre ?! Maux de ventre ?» Invité Empire State of MindInvité Sujet Re Comme un air de déja vu... {PV Lise} Ven 7 Mai - 1739 Situation plutôt compliquée à gérer pour Lise, qui en avait assez d’avoir des problèmes. Réaction quelque peu égoïste, mais pour une fois, elle n’avait pas envie de batailler pour rien. Alors oui, elle agissait comme une femme trahie alors qu’elle ne l’était pas…Mais comment réagir d’une meilleure façon ? Elle n’était pas infaillible après tout. Il le savait ça, elle avait toujours eu du mal avec les responsabilités, depuis que sa mère était morte et qu’elle assumait tout. En somme, son arrivée à San Francisco n’était qu’une fuite de plus…Qui s’était soldée par la rencontre d’Aaron et deux ans merveilleux, c’est vrai, mais c’était une fuite quoi qu’il en soit. Cela étant, elle n’allait pas lui dire une chose pareille, d’autant plus qu’il avait du s’en douter quand elle lui avait raconté son histoire. Il était intelligent, et elle n’avait jamais eu besoin de lui faire un dessin pour qu’il comprenne. Sauf que cette fois, elle n’était pas dans la capacité de fuir…Elle arrivait à peine à se mettre debout, alors conduire était tout bonnement exclus. Oh, elle pourrait toujours appeler Jenny à la rescousse, mais cela revenait à dire qu’il faudrait lui expliquer pourquoi elle n’arrivait pas à se déplacer toute seule, et pourquoi elle était dans un état de tristesse aussi intense. Pourquoi les choses ne pouvaient-elles pas être simples entre eux ? Paul avait raison, leur couple était chaotique, toujours au bord de l’irruption volcanique…Pourtant, ils s’aimaient comme deux fous. Et ce sentiment qu’elle ressentait, s’il la faisait souffrir, c’était lui et lui seul qui l’avait poussée à venir ici. Sans quoi, elle serait restée chez elle à ruminer sa peine, à passer du salon aux toilettes, et probablement à boire le restant de la bouteille de vin qu’elle avait entamée. Pas cul sec, mais elle l’aurait fini seule, petit à petit. Lise n’était pas idiote…Pourtant elle ne comprenait pas ce qu’elle faisait là, hormis s’occuper d’un gamin qui n’était pas le sien. Pour un peu, elle culpabiliserait presque d’être là, Aaron n’en avait pas la moindre idée…Mais pour l’instant, il s’engueulait avec la mère de Tyler, qui visiblement était une égoïste finie elle aussi. A croire qu’il faisait collection ! Mais pour l’instant, l’heure n’était pas au jugement. Elle n’écoutait pas vraiment la conversation, se contentant de rester assise comme une élève sage en buvant son verre d’eau. Et quand il se rassit à côté d’elle, Lise soupira doucement en posant le verre à peine entamé sur la petite table en face d’elle. A croire que l’eau était bien plus difficile à boire que l’alcool…Mais il fallait dire aussi qu’elle avait du mal à avaler quoi que ce soit aujourd’hui. De mieux en mieux dis moi…Pauvre gosse. Effectivement, pas la peine de me faire un dessin. Tu as couché plusieurs fois avec une pute, et puis voilà le tableau, j’ai vraiment pas besoin ni envie d’en savoir davantage. Seulement voilà…Tu as beau dire que tu connais les femmes, visiblement ce n’est pas le cas. Elle va te mettre une pression folle…Tout faire pour te mettre le grappin dessus et les femmes sont très fortes en la matière. Si elle y arrive, je la démonte, c’est tout. Je ne sais même pas si je vais me retenir de la frapper déjà quand elle va arriver. Mais bon dieu, pourquoi tu veux que je reste ?! Pour qu’elle s’attaque à moi ?! Remarque, je pense pas qu’elle pourra me faire autant de mal que je pourrais lui en faire, mais c’est dommage que je puisse pas rentrer, parce que pour le coup, je vais vraiment avoir une irrépressible envie de la détruire. Crois moi Aaron, si je t’aimais pas, je ne serais pas là. Tu peux me reprocher ce que tu veux, mais pas de ne pas t’aimer. »Puis vint la question des symptômes…Excellente question. Lise n’avait jamais été très douée pour décrire ce qu’elle ressentait lorsqu’elle était malade. Bien sûr, il y avait les évidences, à savoir nausées et vertiges, typiques de la grippe, mais elle se trompait peut-être. Après tout, elle était future archéologue, pas médecin. Ce n’était pas un milieu pour elle, elle n’avait pas assez de sang froid pour supporter tout ce qu’un médecin peut avoir à supporter. Mais Lise était parfois étonnée qu’Aaron ait choisi cette voie…Lui qui était si sanguin quand il s’y mettait ! La question n’était pas là c’est vrai, mais il n’y avait rien de honteux à se la poser. Puis Lise soupira à nouveau, paniquée à l’idée de rencontrer la mère de ce bout de chou adorable, qui démarrait bien mal dans la vie. Surtout si Tyler montrait un intérêt particulier pour elle en présence de sa mère, elle osait à peine imaginer la chose. Je sais pas…Je pense pas avoir de fièvre, mais j’ai de violents vomissements toutes les cinq minutes, un mal de crâne horrible, des courbatures dans les bras et les seins…De légères crampes au ventre aussi, par moments. Ca doit être une grippe intestinale, je te dis, j’irais voir un toubib demain et voilà ! Pas de quoi s’inquiéter. »Lise reprit le verre d’eau pour en boire à nouveau une gorgée, fermant les yeux tout en buvant. Elle avait du mal à fixer son attention, pour tout dire. Mais qui n’aurait pas été dans le même état qu’elle ? Elle avait sûrement du manger un truc qui n’était passé, ajoutez à cela l’épisode d’aujourd’hui et c’était l’apocalypse dans sa tête et dans son corps. Après tout, ce n’était pas comme si elle était dans une forme olympique d’ordinaire. Elle reposa le verre d’eau à nouveau, ramenant à nouveau ses genoux vers elle. Lise allait rester, la mort dans l’âme…Elle le faisait pour Aaron, bien qu’elle soit légèrement morte de trouille à l’idée de l’entrevue avec l’ancienne maîtresse. Je n’ai pas dit que c’était des paroles en l’air…La preuve, je suis là. Mais imagine ta réaction si un de mes anciens amants revenait avec mon fils sous le bras ! Tu serais ravi, tu serais prêt à me serrer dans tes bras et à faire comme si de rien n’était ? Tu es déjà incapable de me pardonner pour des évènements qui ont
\n combien de temps dure un saut en parachute
Unsaut en parachute unique au cœur des Alpes Suisses, entouré de sommets de 4'000m avec le Cervin face à vous. Réservation; Infos pratiques; Instructeurs; Contact ; Français. English; Deutsch; Menu. Réservation; Infos pratiques; Instructeurs; Contact; Français. English; Deutsch; Sautez depuis un hélicoptère et chutez face au Cervin ! Un saut unique au cœur des Alpes Suisses FAQ Nous répondons à toutes vos questions ! Qui peut voler chez Airfly64 ? PARTICIPANT DE 5 À 89 ANS L'activité en simulateur de chute libre est très accessible, de 5 ans à 89 ans ! ENFANT 5-14 ANS Dès 5 ans, vous pouvez pratiquer la chute libre avec Airfly64 ! Les enfants mineurs doivent cependant être accompagnés par un parent ou tuteur. ADULTE 15-89 ANS Vous pouvez profiter de l'expérience incroyable en simulateur de chute libre jusqu'à 89* ans ! *Certificat médical obligatoire pour les plus de 60 ans. AMATEUR OU PROFESSIONNEL Nous accueillons les amateurs, les curieux, les initiés, les professionnels, ceux qui se retrouvent entre amis, en famille ou entre collègues ! AMATEUR Vous n'avez jamais testé la simulation de chute libre ? Rassurez-vous, nos vols ne requièrent aucune expérience et nos formateurs vous accompagneront pour vous faire pleinement profiter de cette activité unique ! PROFESSIONNEL Vous êtes un professionnel de la chute libre ou souhaitez le devenir ? Nous proposons des stages spécialisés pour vous mettre à niveau et pouvoir profiter d'offres exclusives, réservées aux pros flyers. PERSONNE PRÉSENTANT UN HANDICAP La chute libre s'adapte aussi aux personnes présentant un handicap. Notre volonté est de rendre la chute libre accessible à tous et de partager notre passion, toujours dans une démarche pédagogique. Contre-indications santé ÂGE, POIDS & TAILLE Être âgé de 5 ans minimum et de 89 ans maximum. Mesurer moins d'1m95 Peser minimum 20kg et maximum 105 kg 125kg possible, selon le moniteur. Certificat médical obligatoire pour les plus de 60 ans. En cas de doute, n’hésitez pas à demander l'avis de votre médecin traitant. CONDITIONS PARTICULIERES Ne PAS être enceinte. Ne PAS avoir de luxation d'épaule non opérée. Ne PAS être sous l'influence de drogue ni d'alcool le jour du vol. Ne PAS souffrir de problèmes de dos. Ne PAS souffrir de maladies ophtalmiques décollement de rétine récent. Ne PAS souffrir de maladies du squelette et des membres, dont hyperlaxité ligamentaire, spondylolisthésis instable entraînant des douleurs aigües ou chroniques, hernie discale avec douleurs ou troubles de la sensibilité, lumbago ou sciatique récente, névralgie cervico-brachiale récente, ostéoporose importante... Ne PAS souffrir de maladies du cœur ou des poumons ou porter un pacemaker/défibrillateur implanté. Ne PAS souffrir d'une maladie pour laquelle le sport est interdit. Préparer sa visite AVANT DE PARTIR Venir 10 min avant votre vol Prévoir des chaussures fermées. Tenue adaptée jogging, short, jean ou pantalon confortable... Évitez d'amenez tous bijoux, montres ou objets de valeurs Airfly 64 ne sera être responsable de toutes pertes ou casses SUR PLACE Présentez vous à l’accueil pour valider votre venue. Remplissez notre formulaire électronique de "déclaration de risque". Rencontrez votre moniteur qui sera en charge de vous équiper et de vous énoncer le briefing. DANS LES AIRS Le moniteur débriefera vos vols. Récupérez la vidéo de votre vol si vous l'avez réservé. N’oubliez pas de régler vos vols supplémentaires avant de partir. DE RETOUR À LA MAISON Partagez vos impressions sur nos réseaux Facebook et Instagram. Restez connecté à notre plateforme pour découvrir nos prochains événements. Mesures Sanitaires COVID COVID Aucunes restrictions pour le moment Questions générales sur votre vol COMBIEN DE TEMPS DURE UN VOL ? Les futurs parachutistes ne demandent jamais combien de temps dure un saut en parachute mais l'altitude du saut. Nous proposons une expérience exaltante qui ne peut pas être mesurée en termes de temps ! La soufflerie reproduit EXACTEMENT l'expérience et les sensations de chute libre que vous pouvez vivre lors d'un saut en parachute. Vous êtes réellement en train de "tomber" en chute libre et c'est le vent produit par AirFly64 qui vous empêche de tomber... Afin de vous garantir encore plus de sensations, nos vols en soufflerie durent plus de temps que la chute libre d'un saut en tandem et en plus vous pouvez réaliser plusieurs vols. Tableau des durées des vols équivalent à un saut en parachute de 3000 mètres = 35 secondes de chute libre 4000 mètres = 55 secondes de chute libre 5000 mètres = 80 secondes de chute libre 6000 mètres = 110 secondes de chute libre IL PLEUT MON VOL EST-IL ANNULÉ ? Nous faisons des vols en soufflerie par presque tous les temps. Les conditions météorologiques qui peuvent nous empêcher de faire des vols sont très grand vent, orages… EST-CE QU’IL EST DIFFICILE DE RESPIRER PENDANT UN VOL ? NON, c'est comme respirer normalement, il suffit tout simplement de se détendre et la respiration viendra naturellement. Si vous souffrez de difficultés respiratoires comme l'asthme, ne vous inquiétez pas, vous pourrez encore voler, profiter d’une expérience confortable et être capable de respirer normalement. Cependant, nous vous recommandons de nous contacter avant toute réservation, ainsi nous pouvons vous fournir d’avantage de conseils. J’AI DES LUNETTES DE VUE JE PEUX LES GARDER ? OUI, vous pouvez porter vos lunettes. Nous avons des sur-lunettes qui couvrent vos lunettes. Vous n'avez pas besoin de lire dans la soufflerie donc si c'est simplement des lunettes pour la lecture, pour votre confort, nous vous conseillons de les retirer. COMMENT FONCTIONNE LA SOUFFLERIE ? Airfly64, c’est où les rêves de vol en chute libre deviennent une réalité, car vous allez vraiment découvrir comment voler exactement comme lors d'un saut en parachute. La soufflerie est une discipline officielle du parachutisme et il existe des compétitions internationales de soufflerie. Le vol en soufflerie c'est sans parachute mais aussi sans câbles comme dans les "simulateurs"! Préparez-vous à "flotter" sur une colonne d'air qui reproduit exactement les conditions et sensations de la chute libre. La soufflerie AirFly64 ou aussi simulateur de chute libre fait circuler de l'air à des vitesses dépassant les 270km/h dans la chambre de vol. LES SENSATIONS SONT-ELLES LES MÊMES QU’UN SAUT EN PARACHUTE ? OUI, les sensations de vol en soufflerie sont identiques à la chute libre en parachute mais sans le "stress" de départ de l'avion et l'ouverture du parachute. La soufflerie est tellement vraie que c'est utilisé par une majorité de parachutistes et les équipes de France pour parfaire leur technique. Actualités Posté le 22/07/2022 à 13:10 Sauts en parachute en tandem à 4000 M. Ouverture du 22 au 26 Août 2022, saut à prix réduit. - Lire la suite Posté le 09/05/2022 à 17:45 Offre promo du moment le saut en parachute tandem à 269 Euros ( offre valable tout l’été), achetez votre saut maintenant pour sauter cet été, valable en semaine et week-end.
Le saut en parachute est une expérience unique et intense. Si vous avez l’occasion de le faire, vous ne le regretterez pas ! Voici comment se déroule un baptême de saut en parachute Après vous être inscrit pour le saut, vous serez briefé par un instructeur sur les consignes de sécurité. Ensuite, vous enfilerez votre combinaison et vous vous équiperez de votre casque et de vos lunettes. Vous monterez dans l’avion avec l’instructeur et d’autres parachutistes, et l’avion décollera. Une fois en hauteur, l’instructeur vous attachera à lui et vous vous approcherez de la porte de l’avion. Vous sauterez ensemble et, une fois en chute libre, l’instructeur ouvrira le parachute. Vous flotterez ensemble jusqu’au sol, où vous atterrirez en douceur. La préparation d’un saut en parachute Le saut en parachute est une activité extrême qui nécessite une préparation en amont, tant sur le plan physique que mental. Avant de sauter, il est important de se renseigner sur les conditions météorologiques, de choisir un équipement adapté et de suivre les consignes de sécurité. Le saut en parachute est une activité extrême qui nécessite une préparation en amont, tant sur le plan physique que mental. Avant de sauter, il est important de se renseigner sur les conditions météorologiques, de choisir un équipement adapté et de suivre les consignes de sécurité. Il existe différents types de sauts en parachute, mais le plus courant est le saut en tandem, où l’on est attaché à un moniteur expérimenté. Le saut en solo est possible mais il est plus risqué et requiert une formation préalable. Le jour du saut, il est important de bien écouter les consignes du moniteur et de se détendre. Lorsque l’on saute, il faut inspirer profondément et expirer lentement. Il ne faut surtout pas paniquer, car cela pourrait entraîner des accidents. L’atterrissage se fait en général en douceur, mais il peut y avoir quelques secousses. Il est important de bien suivre les instructions du moniteur pour réaliser une bonne landing et éviter les blessures. L’équipement nécessaire pour un saut en parachute Un saut en parachute est une expérience unique et mémorable. Cependant, il est important de se préparer adéquatement et d’utiliser le bon équipement pour garantir une expérience sécuritaire. Voici ce dont vous aurez besoin pour votre saut en parachute – Un parachute Bien sûr, vous aurez besoin d’un parachute certifié et en bon état pour réaliser votre saut. Votre instructeur vous aidera à choisir le bon parachute en fonction de votre expérience, de votre poids et de vos objectifs. – Une combinaison de saut Il est important de porter une combinaison de saut pour protéger votre corps contre le froid et les éléments. Votre instructeur vous aidera à choisir la combinaison qui vous convient le mieux. – Des lunettes de saut Les lunettes de saut protègent vos yeux du vent et des éclaboussures. Votre instructeur vous aidera à choisir des lunettes qui vous conviennent le mieux. – Des gants de saut Les gants de saut protègent vos mains contre le froid et les éléments. Votre instructeur vous aidera à choisir des gants qui vous conviennent le mieux. – Un casque de saut Le port d’un casque de saut est obligatoire pour tous les sauts en parachute. Votre instructeur vous aidera à choisir le casque qui vous convient le mieux. Les consignes de sécurité avant un saut en parachute Avant de vous lancer dans l’aventure d’un saut en parachute, il est important de bien connaître les consignes de sécurité. En effet, un saut en parachute est une activité extrêmement dangereuse et il est important de suivre scrupuleusement les consignes pour minimiser les risques. Voici donc quelques conseils à suivre avant de sauter Assurez-vous d’être en bonne condition physique et psychique. En effet, un saut en parachute est une activité physique et mentale exigeante et il est important d’être en forme pour pouvoir l’affronter. Si vous avez des doutes, n’hésitez pas à en parler à votre instructeur avant le saut. Informez-vous sur les conditions météorologiques avant le saut. En effet, les conditions météorologiques peuvent être un facteur déterminant dans la réussite ou l’échec d’un saut. Prenez donc le temps de vous renseigner avant de sauter. Suivez scrupuleusement les consignes de votre instructeur. En effet, c’est lui qui est le plus à même de vous guider et de vous conseiller. Écoutez-le et suivez-le à la lettre. Respectez les limites de poids et de taille. En effet, chaque parachute est conçu pour un poids et une taille précis et il est important de respecter ces limites pour éviter tout accident. Portez les vêtements et les chaussures appropriés. En effet, il est important de porter des vêtements confortables et des chaussures stables pour éviter tout risque de blessure. Prenez le temps de bien vous équiper. En effet, il est important de bien vérifier que tout votre équipement est en bon état avant de sauter. Prenez le temps de bien vous équiper et de vérifier que tout est en ordre. En suivant ces quelques conseils, vous serez paré pour effectuer votre saut en toute sécurité. N’oubliez pas que le saut en parachute est une activité extrêmement dangereuse et qu’il faut donc suivre scrupuleusement les consignes pour minimiser les risques. Prenez le temps de vous préparer et de bien vous équiper avant de sauter, et suivez les consignes de votre instructeur à la lettre. Le déroulement d’un saut en parachute Le déroulement d’un saut en parachute Le saut en parachute est une activité extrême qui peut être très impressionnante pour les spectateurs, mais aussi pour les participants. Cependant, il est important de se rappeler que les sauts en parachute sont extrêmement sûrs et que les accidents sont extrêmement rares. De plus, les professionnels du saut en parachute ont toutes les formations et les équipements nécessaires pour assurer la sécurité des participants. Avant le saut, les participants rencontreront leur moniteur de saut qui leur expliquera comment se passera le saut. Ils apprendront également comment utiliser l’équipement de saut et comment se préparer pour le saut. Une fois que toutes les explications seront terminées, ils seront habillés avec un harnais de saut et un casque, puis ils seront attachés à un moniteur de saut. Lorsque tout le monde est prêt, l’avion décollera et commencera à monter à une altitude de 4 000 mètres. À ce stade, les portes de l’avion s’ouvriront et les participants se prépareront à sauter. Le moniteur de saut donnera alors le signal et les participants sauteront ensemble de l’avion. Le saut en parachute est une expérience incroyable et inoubliable. La sensation de tomber librement pendant quelques minutes est quelque chose que tout le monde devrait essayer au moins une fois dans sa vie. L’arrivée après un saut en parachute Le saut en parachute est une activité extrême qui requiert une grande concentration et une bonne condition physique. Avant de sauter, il est important de suivre les instructions de l’instructeur et de bien se préparer mentally et physiquement. Lorsque vous arrivez au lieu du saut, vous devrez signer un formulaire de consentement et de responsabilité. Vous revêtirez ensuite votre combinaison de saut et votre casque. L’instructeur passera ensuite en revue les dernières instructions avec vous avant de vous attacher à lui. Une fois que vous serez prêt, vous monterez dans l’avion et l’instructeur vous briefera sur ce qui va se passer durant le saut. L’avion montera à une altitude d’environ 4000 mètres et lorsque vous serez prêt, l’instructeur ouvrira la porte de l’avion et vous sauterez ensemble. Le saut en parachute est une expérience extrêmement intense et exhilarante. Vous ressentirez une sensation de chute libre pendant environ 30 secondes avant que l’instructeur n’ouvre le parachute. Vous flotterez ensuite jusqu’au sol en douceur, où vous serez accueilli par l’équipe de secours. Le baptême de saut en parachute est une expérience unique et inoubliable. C’est un moment où vous pouvez vous sentir libre et vivre pleinement. C’est une aventure qui vous permettra de découvrir de nouvelles sensations et de vous dépasser. Blogueur et Journaliste Pratiquant le parachutisme depuis plus de 10 ans Je vous parage ce que j’en sais !
Combiende temps dure le saut ? La partie chute libre (où vous atteignez 200 km/h en moins de 10 secondes) dure entre 50 et 60 secondes et c'est la meilleure partie de l'expérience car c'est là que vous obtenez le plus d'adrénaline et de sensations fortes. A environ 1500 mètres du sol, votre moniteur activera votre parachute, ce qui BALZAC HISTOIRE DES TREIZE II LA DUCHESSE DE LANGEAIS À FRANTZ LISTZ. Il existe dans une ville espagnole située sur une Ãle de la Méditerranée, un couvent de Carmélites Déchaussées où la règle de l’Ordre institué par sainte Thérèse s’est conservée dans la rigueur primitive de la réformation due à cette illustre femme. Ce fait est vrai, quelque extraordinaire qu’il puisse paraÃtre. Quoique les maisons religieuses de la Péninsule et celles du Continent aient été presque toutes détruites ou bouleversées par les éclats de la révolution française et des guerres napoléoniennes, cette Ãle ayant été constamment protégée par la marine anglaise, son riche couvent et ses paisibles habitants se trouvèrent à l’abri des troubles et des spoliations générales. Les tempêtes de tout genre qui agitèrent les quinze premières années du dix-neuvième siècle se brisèrent donc devant ce rocher, peu distant des côtes de l’Andalousie. Si le nom de l’Empereur vint bruire jusque sur cette plage, il est douteux que son fantastique cortége de gloire et les flamboyantes majestés de sa vie météorique aient été comprises par les saintes filles agenouillées dans ce cloÃtre. Une rigidité conventuelle que rien n’avait altérée recommandait cet asile dans toutes les mémoires du monde catholique. Aussi, la pureté de sa règle y attira-t-elle, des points les plus éloignés de l’Europe, de tristes femmes dont l’âme, dépouillée de tous liens humains, soupirait après ce long suicide accompli dans le sein de Dieu. Nul couvent n’était d’ailleurs plus favorable au détachement complet des choses d’ici-bas, exigé par la vie religieuse. Cependant, il se voit sur le Continent un grand nombre de ces maisons magnifiquement bâties au gré de leur destination. Quelques-unes sont ensevelies au fond des vallées les plus solitaires ; d’autres suspendues au-dessus des montagnes les plus escarpées, ou jetées an bord des précipices ; partout l’homme a cherché les poésies de l’infini, la solennelle horreur du silence ; partout il a voulu se mettre au plus près de Dieu il l’a quêté sur les cimes, au fond des abÃmes, au bord des falaises, et l’a trouvé partout. Mais nulle autre part que sur ce rocher à demi européen, africain à demi, ne pouvaient se rencontrer autant d’harmonies différentes qui toutes concourussent à si bien élever l’âme, à en égaliser les impressions les plus douloureuses, à en attiédir les plus vives, à faire aux peines de la vie un lit profond. Ce monastère a été construit à l’extrémité de l’Ãle, au point culminant du rocher, qui, par un effet de la grande révolution du globe, est cassé net du côté de la mer, où, sur tous les points, il présente les vives arêtes de ses tables légèrement rongées à la hauteur de l’eau, mais infranchissables. Ce roc est protégé de toute atteinte par des écueils dangereux qui se prolongent au loin, et dans lesquels se joue le flot brillant de la Méditerranée. Il faut donc être en mer pour apercevoir les quatre corps du bâtiment carré dont la forme, la hauteur, les ouvertures ont été minutieusement prescrites par les lois monastiques. Du côté de la ville, l’église masque entièrement les solides constructions du cloÃtre, dont les toits sont couverts de larges dalles qui les rendent invulnérables aux coups de vent, aux orages et à l’action du soleil. L’église, due aux libéralités d’une famille espagnole, couronne la ville. La façade hardie, élégante, donne une grande et belle physionomie à cette petite cité maritime. N’est-ce pas un spectacle empreint de toutes nos sublimités terrestres que l’aspect d’une ville dont les toits pressés, presque tous disposés en amphithéâtre devant un joli port, sont surmontés d’un magnifique portail à triglyphe gothique, à campaniles, à tours menues, à flèches découpées ? La religion dominant la vie, en en offrant sans cesse aux hommes la fin et les moyens, image tout espagnole d’ailleurs ! Jetez ce paysage au milieu de la Méditerranée, sous un ciel brûlant ; accompagnez-le de quelques palmiers, de plusieurs arbres rabougris, mais vivaces qui mêlaient leurs vertes frondaisons agitées aux feuillages sculptés de l’architecture immobile ! Voyez les franges de la mer blanchissant les rescifs, et s’opposant au bleu saphir des eaux ; admirez les galeries, les terrasses bâties en haut de chaque maison et où les habitants viennent respirer l’air du soir parmi les fleurs, entre la cime des arbres de leurs petits jardins. Puis, dans le port, quelques voiles. Enfin, par la sérénité d’une nuit qui commence, écoutez la musique des orgues, le chant des offices, et les sons admirables des cloches en pleine mer. Partout du bruit et du calme ; mais plus souvent le calme partout. Intérieurement, l’église se partageait en trois nefs sombres et mystérieuses. La furie des vents ayant sans doute interdit à l’architecte de construire latéralement ces arcs-boutants qui ornent presque partout les cathédrales, et entre lesquels sont pratiquées des chapelles, les murs qui flanquaient les deux petites nefs et soutenaient ce vaisseau, n’y répandaient aucune lumière. Ces fortes murailles présentaient à l’extérieur l’aspect de leurs masses grisâtres, appuyées, de distance en distance, sur d’énormes contreforts. La grande nef et ses deux petites galeries latérales étaient donc uniquement éclairées par la rose à vitraux coloriés, attachée avec un art miraculeux au-dessus du portail, dont l’exposition favorable avait permis le luxe des dentelles de pierre et des beautés particulières à l’ordre improprement nommé gothique. La plus grande portion de ces trois nefs était livrée aux habitants de la ville, qui venaient y entendre la messe et les offices. Devant le chÅ“ur, se trouvait une grille derrière laquelle pendait un rideau brun à plis nombreux, légèrement entr’ouvert au milieu, de manière à ne laisser voir que l’officiant et l’autel. La grille était séparée, à intervalles égaux, par des piliers qui soutenaient une tribune intérieure et les orgues. Cette construction, en harmonie avec les ornements de l’église, figurait extérieurement, en bois sculpté, les colonnettes des galeries supportées par les piliers de la grande nef. Il eût donc été impossible à un curieux assez hardi pour monter sur l’étroite balustrade de ces galeries de voir dans le chÅ“ur autre chose que les longues fenêtres octogones et coloriées qui s’élevaient par pans égaux, autour du maÃtre-autel. Lors de l’expédition française faite en Espagne pour rétablir l’autorité du roi Ferdinand VII, et après la prise de Cadix, un général français, venu dans cette Ãle pour y faire reconnaÃtre le gouvernement royal, y prolongea son séjour, dans le but de voir ce couvent, et trouva moyen de s’y introduire. L’entreprise était certes délicate. Mais un homme de passion, un homme dont la vie n’avait été, pour ainsi dire, qu’une suite de poésies en action, et qui avait toujours fait des romans au lieu d’en écrire, un homme d’exécution surtout, devait être tenté par une chose en apparence impossible. S’ouvrir légalement les portes d’un couvent de femmes ? A peine le pape ou l’archevêque métropolitain l’eussent-ils permis. Employer la ruse ou la force ? en cas d’indiscrétion, n’était-ce pas perdre son état, toute sa fortune militaire, et manquer le but ? Le duc d’Angoulême était encore en Espagne, et de toutes les fautes que pouvait impunément commettre un homme aimé par le généralissime, celle-là seule l’eût trouvé sans pitié. Ce général avait sollicité sa mission afin de satisfaire une secrète curiosité, quoique jamais curiosité n’ait été plus désespérée. Mais cette dernière tentative était une affaire de conscience. La maison de ces Carmélites était le seul couvent espagnol qui eût échappé à ses recherches. Pendant la traversée, qui ne dura pas une heure, il s’éleva dans son âme un pressentiment favorable à ses espérances. Puis, quoique du couvent il n’eût vu que les murailles, que de ces religieuses il n’eût pas même aperçu les robes, et qu’il n’eût écouté que les chants de la Liturgie, il rencontra sous ces murailles et dans ces chants de légers indices qui justifièrent son frêle espoir. Enfin, quelque légers que fussent des soupçons si bizarrement réveillés, jamais passion humaine ne fut plus violemment intéressée que ne l’était alors la curiosité du général. Mais il n’y a point de petits événements pour le cÅ“ur ; il grandit tout ; il met dans les mêmes balances la chute d’un empire de quatorze ans et la chute d’un gant de femme, et presque toujours le gant y pèse plus que l’empire. Or, voici les faits dans toute leur simplicité positive. Après les faits viendront les émotions. Une heure après que le général eut abordé cet Ãlot, l’autorité royale y fut rétablie. Quelques Espagnols constitutionnels, qui s’y étaient nuitamment réfugiés après la prise de Cadix, s’embarquèrent sur un bâtiment que le général leur permit de fréter pour s’en aller à Londres. Il n’y eut donc là ni résistance ni réaction. Cette petite Restauration insulaire n’allait pas sans une messe, à laquelle durent assister les deux compagnies commandées pour l’expédition. Or, ne connaissant pas la rigueur de la clôture chez les Carmélites Déchaussées, le général avait espéré pouvoir obtenir, dans l’église, quelques renseignements sur les religieuses enfermées dans le couvent, dont une d’elles peut-être lui était plus chère que la vie et plus précieuse que l’honneur. Ses espérances furent d’abord cruellement déçues. La messe fut, à la vérité, célébrée avec pompe. En faveur de la solennité, les rideaux qui cachaient habituellement le chÅ“ur furent ouverts, et en laissèrent voir les richesses, les précieux tableaux et les chasses ornées de pierreries dont l’éclat effaçait celui des nombreux ex-voto d’or et d’argent attachés par les marins de ce port aux piliers de la grande nef. Les religieuses s’étaient toutes réfugiées dans la tribune de l’orgue. Cependant, malgré ce premier échec, durant la messe d’actions de grâces, se développa largement le drame le plus secrétement intéressant qui jamais ait fait battre un cÅ“ur d’homme. La sÅ“ur qui touchait l’orgue excita un si vif enthousiasme qu’aucun des militaires ne regretta d’être venu à l’office. Les soldats même y trouvèrent du plaisir, et tous les officiers furent dans le ravissement. Quant au général, il resta calme et froid en apparence. Les sensations que lui causèrent les différents morceaux exécutés par la religieuse sont du petit nombre de choses dont l’expression est interdite à la parole, et la rend impuissante, mais qui, semblables à la mort, à Dieu, à l’Eternité, ne peuvent s’apprécier que dans le léger point de contact qu’elles ont avec les hommes. Par un singulier hasard, la musique des orgues paraissait appartenir à l’école de Rossini, le compositeur qui a transporté le plus de passion humaine dans l’art musical, et dont les Å“uvres inspireront quelque jour, par leur nombre et leur étendue, un respect homérique. Parmi les partitions dues à ce beau génie, la religieuse semblait avoir plus particulièrement étudié celle du Mosè, sans doute parce que le sentiment de la musique sacrée s’y trouve exprimé au plus haut degré. Peut-être ces deux esprits, l’un si glorieusement européen, l’autre inconnu, s’étaient-ils rencontrés dans l’intuition d’une même poésie. Cette opinion était celle de deux officiers, vrais dilettanti, qui regrettaient sans doute en Espagne le théâtre Favart. Enfin, au Te Deum, il fut impossible de ne pas reconnaÃtre une âme française dans le caractère que prit soudain la musique. Le triomphe du Roi Très-Chrétien excitait évidemment la joie la plus vive au fond du cÅ“ur de cette religieuse. Certes elle était Française. Bientôt le sentiment de la patrie éclata, jaillit comme une gerbe de lumière dans une réplique des orgues où la sÅ“ur introduisit des motifs qui respirèrent toute la délicatesse du goût parisien, et auxquels se mêlèrent vaguement les pensées de nos plus beaux airs nationaux. Des mains espagnoles n’eussent pas mis, à ce gracieux hommage fait aux armes victorieuses, la chaleur qui acheva de déceler l’origine de la musicienne. — Il y a donc de la France partout ? dit un soldat. Le général était sorti pendant le Te Deum, il lui avait été impossible de l’écouter. Le jeu de la musicienne lui dénonçait une femme aimée avec ivresse, et qui s’était si profondément ensevelie au cÅ“ur de la religion et si soigneusement dérobée aux regards du monde, qu’elle avait échappé jusqu’alors à des recherches obstinées adroitement faites par des hommes qui disposaient et d’un grand pouvoir et d’une intelligence supérieure. Le soupçon réveillé dans le cÅ“ur du général fut presque justifié par le vague rappel d’un air délicieux de mélancolie, l’air de Fleuve du Tage, romance française dont souvent il avait entendu jouer le prélude dans un boudoir de Paris à la personne qu’il aimait, et dont cette religieuse venait alors de se servir pour exprimer, au milieu de la joie des triomphateurs, les regrets d’une exilée. Terrible sensation ! Espérer la résurrection d’un amour perdu, le retrouver encore perdu, l’entrevoir mystérieusement, après cinq années pendant lesquelles la passion s’était irritée dans le vide, et agrandie par l’inutilité des tentatives faites pour la satisfaire ! Qui, dans sa vie, n’a pas, une fois au moins, bouleversé son chez-soi, ses papiers, sa maison, fouillé sa mémoire avec impatience en cherchant un objet précieux, et ressenti l’ineffable plaisir de le trouver, après un jour ou deux consumés en recherches vaines ; après avoir espéré, désespéré de le rencontrer ; après avoir dépensé les irritations les plus vives de l’âme pour ce rien important qui causait presque une passion ? Eh ! bien, étendez cette espèce de rage sur cinq années ; mettez une femme, un cÅ“ur, un amour à la place de ce rien ; transportez la passion dans les plus hautes régions du sentiment ; puis supposez un homme ardent, un homme à cÅ“ur et face de lion, un de ces hommes à crinière qui imposent et communiquent à ceux qui les envisagent une respectueuse terreur ! Peut-être comprendrez-vous alors la brusque sortie du général pendant le Te Deum, au moment où le prélude d’une romance jadis écoutée avec délices par lui, sous des lambris dorés, vibra sous la nef de cette église marine. Il descendit la rue montueuse qui conduisait à cette église, et ne s’arrêta qu’au moment où les sons graves de l’orgue ne parvinrent plus à son oreille. Incapable de songer à autre chose qu’à son amour, dont la volcanique éruption lui brûlait le cÅ“ur, le général français ne s’aperçut de la fin du Te Deum qu’au moment où l’assistance espagnole descendit par flots. Il sentit que sa conduite ou son attitude pouvaient paraÃtre ridicules, et revint prendre sa place à la tête du cortége, en disant à l’alcade et au gouverneur de la ville qu’une subite indisposition l’avait obligé d’aller prendre l’air. Puis, afin de pouvoir rester dans l’Ãle, il songea soudain à tirer parti de ce prétexte d’abord insouciamment donné. Objectant l’aggravation de son malaise, il refusa de présider le repas offert par les autorités insulaires aux officiers français ; il se mit au lit, et fit écrire au major général pour lui annoncer la passagère maladie qui le forçait de remettre à un colonel le commandement des troupes. Cette ruse si vulgaire, mais si naturelle, le rendit libre de tout soin pendant le temps nécessaire à l’accomplissement de ses projets. En homme essentiellement catholique et monarchique, il s’informa de l’heure des offices et affecta le plus grand attachement aux pratiques religieuses, piété qui, en Espagne, ne devait surprendre personne. Le lendemain même, pendant le départ de ses soldats, le général se rendit au couvent pour assister aux vêpres. Il trouva l’église désertée par les habitants qui, malgré leur dévotion, étaient allés voir sur le port l’embarcation des troupes. Le Français, heureux de se trouver seul dans l’église, eut soin d’en faire retentir les voûtes sonores du bruit de ses épérons ; il y marcha bruyamment, il toussa, il se parla tout haut à lui-même pour apprendre aux religieuses, et surtout à la musicienne, que, si les Français partaient, il en restait un. Ce singulier avis fut-il entendu, compris ?… le général le crut. Au Magnificat, les orgues semblèrent lui faire une réponse qui lui fut apportée par les vibrations de l’air. L’âme de la religieuse vola vers lui sur les ailes de ses notes, et s’émut dans le mouvement des sons. La musique éclata dans toute sa puissance ; elle échauffa l’église. Ce chant de joie, consacré par la sublime liturgie de la Chrétienté Romaine pour exprimer l’exaltation de l’âme en présence des splendeurs du Dieu toujours vivant, devint l’expression d’un cÅ“ur presque effrayé de son bonheur, en présence des splendeurs d’un périssable amour qui durait encore et venait l’agiter au delà de la tombe religieuse où s’ensevelissent les femmes pour renaÃtre épouses du Christ. L’orgue est certes le plus grand, le plus audacieux, le plus magnifique de tous les instruments créés par le génie humain. Il est un orchestre entier, auquel une main habile peut tout demander, il peut tout exprimer. N’est-ce pas, en quelque sorte, un piédestal sur lequel l’âme se pose pour s’élancer dans les espaces lorsque, dans son vol, elle essaie de tracer mille tableaux, de peindre la vie, de parcourir l’infini qui sépare le ciel de la terre ? Plus un poète en écoute les gigantesques harmonies, mieux il conçoit qu’entre les hommes agenouillés et le Dieu caché par les éblouissants rayons du Sanctuaire les cent voix de ce chÅ“ur terrestre peuvent seules combler les distances, et sont le seul truchement assez fort pour transmettre au ciel les prières humaines dans l’omnipotence de leurs modes, dans la diversité de leurs mélancolies, avec les teintes de leurs méditatives extases, avec les jets impétueux de leurs repentirs et les mille fantaisies de toutes les croyances. Oui, sous ces longues voûtes, les mélodies enfantées par le génie des choses saintes trouvent des grandeurs inouïes dont elles se parent et se fortifient. Là , le jour affaibli, le silence profond, les chants qui alternent avec le tonnerre des orgues, font à Dieu comme un voile à travers lequel rayonnent ses lumineux attributs. Toutes ces richesses sacrées semblèrent être jetées comme un grain d’encens sur le frêle autel de l’Amour à la face du trône éternel d’un Dieu jaloux et vengeur. En effet, la joie de la religieuse n’eut pas ce caractère de grandeur et de gravité qui doit s’harmonier avec les solennités du Magnificat ; elle lui donna de riches, de gracieux développements, dont les différents rhythmes accusaient une gaieté humaine. Ses motifs eurent le brillant des roulades d’une cantatrice qui tâche d’exprimer l’amour, et ses chants sautillèrent comme l’oiseau près de sa compagne. Puis, par moments, elle s’élançait par bonds dans le passé pour y folâtrer, pour y pleurer tour à tour. Son mode changeant avait quelque chose de désordonné comme l’agitation de la femme heureuse du retour de son amant. Puis, après les fugues flexibles du délire et les effets merveilleux de cette reconnaissance fantastique, l’âme qui parlait ainsi fit un retour sur elle-même. La musicienne, passant du majeur au mineur, sut instruire son auditeur de sa situation présente. Soudain elle lui raconta ses longues mélancolies et lui dépeignit sa lente maladie morale. Elle avait aboli chaque jour un sens, retranché chaque nuit quelque pensée, réduit graduellement son cÅ“ur en cendres. Après quelques molles ondulations, sa musique prit, de teinte en teinte, une couleur de tristesse profonde. Bientôt les échos versèrent les chagrins à torrents. Enfin tout à coup les hautes notes firent détonner un concert de voix angéliques, comme pour annoncer à l’amant perdu, mais non pas oublié, que la réunion des deux âmes ne se ferait plus que dans les cieux touchante espérance ! Vint l’ Amen. Là , plus de joie ni de larmes dans les airs ; ni mélancolie, ni regrets. L’ Amen fut un retour à Dieu ; ce dernier accord fut grave, solennel, terrible. La musicienne déploya tous les crêpes de la religieuse, et, après les derniers grondements des basses, qui firent frémir les auditeurs jusque dans leurs cheveux, elle sembla s’être replongée dans la tombe d’où elle était pour un moment sortie. Quand les airs eurent, par degrés, cessé leurs vibrations oscillatoires, vous eussiez dit que l’église, jusque là lumineuse, rentrait dans une profonde obscurité. Le général avait été rapidement emporté par la course de ce vigoureux génie, et l’avait suivi dans les régions qu’il venait de parcourir. Il comprenait, dans toute leur étendue, les images dont abonda cette brûlante symphonie, et pour lui ces accords allaient bien loin. Pour lui, comme pour la sÅ“ur, ce poème était l’avenir, le présent et le passé. La musique, même celle du théâtre, n’est-elle pas, pour les âmes tendres et poétiques, pour les cÅ“urs souffrants et blessés, un texte qu’ils développent au gré de leurs souvenirs ? S’il faut un cÅ“ur de poète pour faire un musicien, ne faut-il pas de la poésie et de l’amour pour écouter, pour comprendre les grandes Å“uvres musicales ? La Religion, l’Amour et la Musique ne sont-ils pas la triple expression d’un même fait, le besoin d’expansion dont est travaillée toute âme noble ? Ces trois poésies vont toutes à Dieu, qui dénoue toutes les émotions terrestres. Aussi cette sainte Trinité humaine participe-t-elle des grandeurs infinies de Dieu, que nous ne configurons jamais sans l’entourer des feux de l’amour, des sistres d’or de la musique, de lumière et d’harmonie. N’est-il pas le principe et la fin de nos Å“uvres ? Le Français devina que, dans ce désert, sur ce rocher entouré par la mer, la religieuse s’était emparée de la musique pour y jeter le surplus de passion qui la dévorait. Etait-ce un hommage fait à Dieu de son amour, était-ce le triomphe de l’amour sur Dieu ? questions difficiles à décider. Mais, certes, le général ne put douter qu’il ne retrouvât en ce cÅ“ur mort au monde une passion tout aussi brûlante que l’était la sienne. Les vêpres finies, il revint chez l’alcade, où il était logé. Restant d’abord en proie aux mille jouissances que prodigue une satisfaction long-temps attendue, péniblement cherchée, il ne vit rien au delà . Il était toujours aimé. La solitude avait grandi l’amour dans ce cÅ“ur, autant que l’amour avait été grandi dans le sien par les barrières successivement franchies et mises par cette femme entre elle et lui ! Cet épanouissement de l’âme eut sa durée naturelle. Puis vint le désir de revoir cette femme, de la disputer à Dieu, de la lui ravir, projet téméraire qui plut à cet homme audacieux. Après le repas, il se coucha pour éviter les questions, pour être seul, pour pouvoir penser sans trouble, et resta plongé dans les méditations les plus profondes, jusqu’au lendemain matin. Il ne se leva que pour aller à la messe. Il vint à l’église, il se plaça près de la grille ; son front touchait le rideau ; il aurait voulu le déchirer, mais il n’était pas seul son hôte l’avait accompagné par politesse, et la moindre imprudence pouvait compromettre l’avenir de sa passion, en ruiner les nouvelles espérances. Les orgues se firent entendre, mais elles n’étaient plus touchées par les mêmes mains. La musicienne des deux jours précédents ne tenait plus le clavier. Tout fut pâle et froid pour le général. Sa maÃtresse était-elle accablée par les mêmes émotions sous lesquelles succombait presque un vigoureux cÅ“ur d’homme ? Avait-elle si bien partagé, compris un amour fidèle et désiré, qu’elle en fût mourante sur son lit dans sa cellule ? Au moment où mille réflexions de ce genre s’élevaient dans l’esprit du Français, il entendit résonner près de lui la voix de la personne qu’il adorait, il en reconnut le timbre clair. Cette voix, légèrement altérée par un tremblement qui lui donnait toutes les grâces que prête aux jeunes filles leur timidité pudique, tranchait sur la masse du chant, comme celle d’une prima donna sur l’harmonie d’un finale. Elle faisait à l’âme l’effet que produit aux yeux un filet d’argent ou d’or dans une frise obscure. C’était donc bien elle ! Toujours Parisienne, elle n’avait pas dépouillé sa coquetterie, quoiqu’elle eût quitté les parures du monde pour le bandeau, pour la dure étamine des Carmélites. Après avoir signé son amour la veille, au milieu des louanges adressées au Seigneur, elle semblait dire à son amant — Oui, c’est moi, je suis là , j’aime toujours mais je suis à l’abri de l’amour. Tu m’entendras, mon âme t’enveloppera, et je resterai sous le linceul brun de ce chÅ“ur d’où nul pouvoir ne saurait m’arracher. Tu ne me verras pas. — C’est bien elle ! se dit le général en relevant son front, en le dégageant de ses mains, sur lesquelles il l’avait appuyé ; car il n’avait pu d’abord soutenir l’écrasante émotion qui s’éleva comme un tourbillon dans son cÅ“ur quand cette voix connue vibra sous les arceaux, accompagnée par le murmure des vagues. L’orage était au dehors, et le calme dans le sanctuaire. Cette voix si riche continuait à déployer toutes ses câlineries, elle arrivait comme un baume sur le cÅ“ur embrasé de cet amant, elle fleurissait dans l’ air, qu’on désirait mieux aspirer pour y reprendre les émanations d’une âme exhalée avec amour dans les paroles de la prière. L’alcade vint rejoindre son hôte, il le trouva fondant en larmes à l’Elévation, qui fut chantée par la religieuse, et l’emmena chez lui. Surpris de rencontrer tant de dévotion dans un militaire français, l’alcade avait invité à souper le confesseur du couvent, et il en prévint le général, auquel jamais nouvelle n’avait fait autant de plaisir. Pendant le souper, le confesseur fut l’objet des attentions du Français, dont le respect intéressé confirma les Espagnols dans la haute opinion qu’ils avaient prise de sa piété. Il demanda gravement le nombre des religieuses, des détails sur les revenus du couvent et sur ses richesses, en homme qui paraissait vouloir entretenir poliment le bon vieux prêtre des choses dont il devait être le plus occupé. Puis il s’informa de la vie que menaient ces saintes filles. Pouvaient-elles sortir ? les voyait-on ? — Seigneur, dit le vénérable ecclésiastique, la règle est sévère. S’il faut une permission de Notre Saint-Père pour qu’une femme vienne dans une maison de Saint-Bruno, ici même rigueur. Il est impossible à un homme d’entrer dans un couvent de Carmélites Déchaussées, à moins qu’il ne soit prêtre et attaché par l’archevêque au service de la Maison. Aucune religieuse ne sort. Cependant LA GRANDE SAINTE la mère Thérèse a souvent quitté sa cellule. Le Visiteur ou les Mères Supérieures peuvent seules permettre à une religieuse, avec l’autorisation de l’archevêque, de voir des étrangers, surtout en cas de maladie. Or nous sommes un Chef d’Ordre, et nous avons conséquemment une Mère Supérieure au Couvent. Nous avons, entre autres étrangères, une Française, la sÅ“ur Thérèse, celle qui dirige la musique de la Chapelle. — Ah ! répondit le général en feignant la surprise. Elle a dû être satisfaite du triomphe des armes de la maison de Bourbon ? — Je leur ai dit l’objet de la messe, elles sont toujours un peu curieuses. — Mais la sÅ“ur Thérèse peut avoir des intérêts en France, elle voudrait peut-être y faire savoir quelque chose, en demander des nouvelles ? — Je ne le crois pas, elle se serait adressée à moi pour en savoir. — En qualité de compatriote, dit le général, je serais bien curieux de la voir… Si cela est possible, si la Supérieure y consent, si… — A la grille, et même en présence de la Révérende Mère, une entrevue serait impossible pour qui que ce soit ; mais en faveur d’un libérateur du trône catholique et de la sainte religion, malgré la rigidité de la Mère, la règle peut dormir un moment, dit le confesseur en clignant les yeux. J’en parlerai. — Quel âge a la sÅ“ur Thérèse ? demanda l’amant qui n’osa pas questionner le prêtre sur la beauté de la religieuse. — Elle n’a plus d’âge, répondit le bonhomme avec une simplicité qui fit frémir le général. Le lendemain matin, avant la sieste, le confesseur vint annoncer au Français que la sÅ“ur Thérèse et la Mère consentaient à le recevoir à la grille du parloir, avant l’heure des vêpres. Après la sieste, pendant laquelle le général dévora le temps en allant se promener sur le port, par la chaleur du midi, le prêtre revint le chercher, et l’introduisit dans le couvent ; il le guida sous une galerie qui longeait le cimetière, et dans laquelle quelques fontaines, plusieurs arbres verts et des arceaux multipliés entretenaient une fraÃcheur en harmonie avec le silence du lieu. Parvenus au fond de cette longue galerie, le prêtre fit entrer son compagnon dans une salle partagée en deux parties par une grille couverte d’un rideau brun. Dans la partie en quelque sorte publique, où le confesseur laissa le général, régnait, le long du mur, un banc de bois ; quelques chaises également en bois se trouvaient près de la grille. Le plafond était composé de solives saillantes, en chêne vert, et sans nul ornement. Le jour ne venait dans cette salle que par deux fenêtres situées dans la partie affectée aux religieuses, en sorte que cette faible lumière, mal reflétée par un bois à teintes brunes, suffisait à peine pour éclairer le grand Christ noir, le portrait de sainte Thérèse et un tableau de la Vierge qui décoraient les parois grises du parloir. Les sentiments du général prirent donc, malgré leur violence, une couleur mélancolique. Il devint calme dans ce calme domestique. Quelque chose de grand comme la tombe le saisit sous ces frais planchers. N’était-ce pas son silence éternel, sa paix profonde, ses idées d’infini ? Puis, la quiétude et la pensée fixe du cloÃtre, cette pensée qui se glisse dans l’air, dans le clair-obscur, dans tout, et qui, n’étant tracée nulle part, est encore agrandie par l’imagination, ce grand mot la paix dans le Seigneur, entre là , de vive force, dans l’âme la moins religieuse. Les couvents d’hommes se conçoivent peu ; l’homme y semble faible il est né pour agir, pour accomplir une vie de travail à laquelle il se soustrait dans sa cellule. Mais dans un monastère de femmes, combien de vigueur virile et de touchante faiblesse ! Un homme peut être poussé par mille sentiments au fond d’une abbaye, il s’y jette comme dans un précipice ; mais la femme n’y vient jamais qu’entraÃnée par un seul sentiment elle ne s’y dénature pas, elle épouse Dieu. Vous pouvez dire aux religieux Pourquoi n’avez-vous pas lutté ? Mais la réclusion d’une femme n’est-elle pas toujours une lutte sublime ? Enfin, le général trouva ce parloir muet et ce couvent perdu dans la mer tout pleins de lui. L’amour arrive rarement à la solennité ; mais l’amour encore fidèle au sein de Dieu, n’était-ce pas quelque chose de solennel, et plus qu’un homme n’avait le droit d’espérer au dix-neuvième siècle, par les mÅ“urs qui courent ? Les grandeurs infinies de cette situation pouvaient agir sur l’âme du général, il était précisément assez élevé pour oublier la politique, les honneurs, l’Espagne, le monde de Paris, et monter jusqu’à la hauteur de ce dénoûment grandiose. D’ailleurs, quoi de plus véritablement tragique ? Combien de sentiments dans la situation des deux amants seuls réunis au milieu de la mer sur un banc de granit, mais séparés par une idée, par une barrière infranchissable ! Voyez l’homme se disant — Triompherai-je de Dieu dans ce cÅ“ur ? Un léger bruit fit tressaillir cet homme, le rideau brun se tira ; puis il vit dans la lumière une femme debout, mais dont la figure lui était cachée par le prolongement du voile plié sur la tête suivant la règle de la maison, elle était vêtue de cette robe dont la couleur est devenue proverbiale. Le général ne put apercevoir les pieds nus de la religieuse, qui lui en auraient attesté l’effrayante maigreur ; cependant, malgré les plis nombreux de la robe grossière qui couvrait et ne parait plus cette femme, il devina que les larmes, la prière, la passion, la vie solitaire l’avaient déjà desséchée. La main glacée d’une femme, celle de la Supérieure sans doute, tenait encore le rideau ; et le général, ayant examiné le témoin nécessaire de cet entretien, rencontra le regard noir et profond d’une vieille religieuse, presque centenaire, regard clair et jeune, qui démentait les rides nombreuses par lesquelles le pâle visage de cette femme était sillonné. — Madame la duchesse, demanda-t-il d’une voix fortement émue à la religieuse qui baissait la tête, votre compagne entend-elle le français ? — Il n’y a pas de duchesse répondit la religieuse. Vous êtes devant la sÅ“ur Thérèse. La femme, celle que vous nommez ma compagne, est ma Mère en Dieu, ma Supérieure ici-bas. Ces paroles, si humblement prononcées par la voix qui jadis s’harmoniait avec le luxe et l’élégance au milieu desquels avait vécu cette femme, reine de la mode à Paris, par une bouche dont le langage était jadis si léger, si moqueur, frappèrent le général comme l’eût fait un coup de foudre. — Ma sainte mère ne parle que le latin et l’espagnol, ajouta-t-elle. — Je ne sais ni l’un ni l’autre. Ma chère Antoinette, excusez-moi près d’elle. En entendant son nom doucement prononcé par un homme naguère si dur pour elle, la religieuse éprouva une vive émotion intérieure que trahirent les légers tremblements de son voile, sur lequel la lumière tombait en plein. — Mon frère, dit-elle en portant sa manche sous son voile pour s’essuyer les yeux peut-être, je me nomme la sÅ“ur Thérèse… Puis elle se tourna vers la mère, et lui dit, en espagnol, ces paroles que le général entendait parfaitement ; il en savait assez pour le comprendre, et peut-être aussi pour le parler — Ma chère mère, ce cavalier vous présente ses respects, et vous prie de l’excuser de ne pouvoir les mettre lui-même à vos pieds ; mais il ne sait aucune des deux langues que vous parlez… La vieille inclina la tête lentement, sa physionomie prit une expression de douceur angélique, rehaussée néanmoins par le sentiment de sa puissance et de sa dignité. — Tu connais ce cavalier ? lui demanda la Mère en lui jetant un regard pénétrant. — Oui, ma mère. — Rentre dans ta cellule, ma fille ! dit la Supérieure d’un ton impérieux. Le général s’effaça vivement derrière le rideau, pour ne pas laisser deviner sur son visage les émotions terribles qui l’agitaient ; et, dans l’ombre, il croyait voir encore les yeux perçants de la Supérieure. Cette femme, maÃtresse de la fragile et passagère félicité dont la conquête coûtait tant de soins, lui avait fait peur, et il tremblait, lui qu’une triple rangée de canons n’avait jamais effrayé. La duchesse marchait vers la porte, mais elle se retourna — Ma Mère, dit-elle d’un ton de voix horriblement calme, ce Français est un de mes frères. — Reste donc, ma fille ! répondit la vieille femme après une pause. Cet admirable jésuitisme accusait tant d’amour et de regrets, qu’un homme moins fortement organisé que ne l’était le général se serait senti défaillir en éprouvant de si vifs plaisirs au milieu d’un immense péril, pour lui tout nouveau. De quelle valeur étaient donc les mots, les regards, les gestes dans une scène où l’amour devait échapper à des yeux de lynx, à des griffes de tigre ! La sÅ“ur Thérèse revint. — Vous voyez, mon frère, ce que j’ose faire pour vous entretenir un moment de votre salut, et des vÅ“ux que mon âme adresse pour vous chaque jour au ciel. Je commets un péché mortel. J’ai menti. Combien de jours de pénitence pour effacer ce mensonge ! mais ce sera souffrir pour vous. Vous ne savez pas, mon frère, quel bonheur est d’aimer dans le ciel, de pouvoir s’avouer ses sentiments alors que la religion les a purifiés, les a transportés dans les régions les plus hautes, et qu’il nous est permis de ne plus regarder qu’à l’âme. Si les doctrines, si l’esprit de la sainte à laquelle nous devons cet asile ne m’avaient pas enlevée loin des misères terrestres, et ravie bien loin de la sphère où elle est, mais certes au-dessus du monde, je ne vous eusse pas revu. Mais je puis vous voir, vous entendre et demeurer calme…. — Hé ! bien, Antoinette, s’écria le général en l’interrompant à ces mots, faites que je vous voie, vous que j’aime maintenant avec ivresse, éperdûment, comme vous avez voulu être aimée par moi. — Ne m’appelez pas Antoinette, je vous en supplie. Les souvenirs du passé me font mal. Ne voyez ici que la sÅ“ur Thérèse, une créature confiante en la miséricorde divine. Et, ajouta-t-elle après une pause, modérerez-vous, mon frère. Notre Mère nous séparerait impitoyablement, si votre visage trahissait des passions mondaines, ou si vos yeux laissaient tomber des pleurs. Le général inclina la tête comme pour se recueillir. Quand il leva les yeux sur la grille, il aperçut, entre deux barreaux, la figure amaigrie, pâle, mais ardente encore de la religieuse. Son teint, où jadis fleurissaient tous les enchantements de la jeunesse, où l’heureuse opposition d’un blanc mat contrastait avec les couleurs de la rose du Bengale, avait pris le ton chaud d’une coupe de porcelaine sous laquelle est enfermée une faible lumière. La belle chevelure dont cette femme était si fière avait été rasée. Un bandeau ceignait son front et enveloppait son visage. Ses yeux, entourés d’une meurtrissure due aux austérités de cette vie, lançaient, par moments, des rayons fiévreux, et leur calme habituel n’était qu’un voile. Enfin, de cette femme il ne restait que l’âme. — Ah ! vous quitterez ce tombeau, vous qui êtes devenue ma vie ! Vous m’apparteniez, et n’étiez pas libre de vous donner, même à Dieu. Ne m’avez-vous pas promis de sacrifier tout au moindre de mes commandements ? Maintenant vous me trouverez peut-être digne de cette promesse, quand vous saurez ce que j’ai fait pour vous. Je vous ai cherchée dans le monde entier. Depuis cinq ans, vous êtes ma pensée de tous les instants, l’occupation de ma vie. Mes amis, des amis bien puissants, vous le savez, m’ont aidé de toute leur force à fouiller les couvents de France, d’Italie, d’Espagne, de Sicile, de l’Amérique. Mon amour s’allumait plus vif à chaque recherche vaine ; j’ai souvent fait de longs voyages sur un faux espoir, j’ai dépensé ma vie et les plus larges battements de mon cÅ“ur autour des murailles de plusieurs cloÃtres. Je ne vous parle pas d’une fidélité sans bornes, qu’est-ce ? un rien en comparaison des vÅ“ux infinis de mon amour. Si vous avez été vraie jadis dans vos remords, vous ne devez pas hésiter à me suivre aujourd’hui. — Vous oubliez que je ne suis pas libre. — Le duc est mort, répondit-il vivement. La sÅ“ur Thérèse rougit. — Que le ciel lui soit ouvert, dit-elle avec une vive émotion, il a été généreux pour moi. Mais je ne parlais pas de ces liens, une de mes fautes a été de vouloir les briser tous sans scrupule pour vous. — Vous parlez de vos vÅ“ux, s’écria le général en fronçant les sourcils. Je ne croyais pas que quelque chose vous pesât au cÅ“ur plus que votre amour. Mais n’en doutez pas, Antoinette, j’obtiendrai du Saint-Père un bref qui déliera vos serments. J’irai certes à Rome, j’implorerai toutes les puissances de la terre ; et si Dieu pouvait descendre, je le… — Ne blasphémez pas. — Ne vous inquiétez donc pas de Dieu ! Ah ! j’aimerais bien mieux savoir que vous franchiriez pour moi ces murs ; que, ce soir même, vous vous jetteriez dans une barque au bas des rochers. Nous irions être heureux je ne sais où, au bout du monde ! Et, près de moi, vous reviendriez à la vie, à la santé, sous les ailes de l’Amour. — Ne parlez pas ainsi, reprit la sÅ“ur Thérèse, vous ignorez ce que vous êtes devenu pour moi. Je vous aime bien mieux que je ne vous ai jamais aimé. Je prie Dieu tous les jours pour vous et je ne vous vois plus avec les yeux du corps. Si vous connaissiez, Armand, le bonheur de pouvoir se livrer sans honte à une amitié pure que Dieu protége ! Vous ignorez combien je suis heureuse d’appeler les bénédictions du ciel sur vous. Je ne prie jamais pour moi Dieu fera de moi suivant ses volontés. Mais vous, je voudrais, au prix de mon éternité, avoir quelque certitude que vous êtes heureux en ce monde, et que vous serez heureux en l’autre, pendant tous les siècles. Ma vie éternelle est tout ce que le malheur m’a laissé à vous offrir. Maintenant, je suis vieillie dans les larmes, je ne suis plus ni jeune ni belle ; d’ailleurs vous mépriseriez une religieuse devenue femme, qu’aucun sentiment, même l’amour maternel, n’absoudrait pas…. Que me direz-vous qui puisse balancer les innombrables réflexions accumulées dans mon cÅ“ur depuis cinq années, et qui l’ont changé, creusé, flétri ? J’aurais dû le donner moins triste à Dieu ! — Ce que je dirai, ma chère Antoinette ! je dirai que je t’aime ; que l’affection, l’amour, l’amour vrai, le bonheur de vivre dans un cÅ“ur tout à nous, entièrement à nous, sans réserve, est si rare et si difficile à rencontrer, que j’ai douté de toi, que je t’ai soumise à de rudes épreuves ; mais aujourd’hui je t’aime de toute les puissances de mon âme si tu me suis dans la retraite, je n’entendrai plus d’autre voix que la tienne, je ne verrai plus d’autre visage que le tien… — Silence, Armand ! Vous abrégez le seul instant pendant lequel il nous sera permis de nous voir ici-bas. — Antoinette, veux-tu me suivre ? — Mais je ne vous quitte pas. Je vis dans votre cÅ“ur, mais autrement que par un intérêt de plaisir mondain, de vanité, de jouissance égoïste ; je vis ici pour vous, pâle et flétrie, dans le sein de Dieu ! S’il est juste, vous serez heureux… — Phrases que tout cela ! Et si je te veux pâle et flétrie ? Et si je ne puis être heureux qu’en te possédant ? Tu connaÃtras donc toujours des devoirs en présence de ton amant ? Il n’est donc jamais au-dessus de tout dans ton cÅ“ur ? Naguère, tu lui préférais la société, toi, je ne sais quoi ; maintenant, c’est Dieu, c’est mon salut. Dans la sÅ“ur Thérèse, je reconnais toujours la duchesse ignorante des plaisirs de l’amour, et toujours insensible sous les apparences de la sensibilité. Tu ne m’aimes pas, tu n’as jamais aimé… — Ha, mon frère… — Tu ne veux pas quitter cette tombe, tu aimes mon âme, dis-tu ? Eh ! bien, tu la perdras à jamais, cette âme, je me tuerai… — Ma mère, cria la sÅ“ur Thérèse en espagnol, je vous ai menti, cet homme est mon amant ! Aussitôt le rideau tomba. Le général, demeuré stupide, entendit à peine les portes intérieures se fermant avec violence. — Ah ! elle m’aime encore ! s’écria-t-il en comprenant tout ce qu’il y avait de sublime dans le cri de la religieuse. Il faut l’enlever d’ici… Le général quitta l’Ãle, revint au quartier-général, il allégua des raison de santé, demanda un congé et retourna promptement en France. Voici maintenant l’aventure qui avait déterminé la situation respective où se trouvaient alors les deux personnages de cette scène. Ce que l’on nomme en France le faubourg Saint-Germain n’est ni un quartier, ni une secte, ni une institution, ni rien qui se puisse nettement exprimer. La place Royale, le faubourg Saint-Honoré, la Chaussée-d’Antin possèdent également des hôtels où se respire l’air du faubourg Saint-Germain. Ainsi, déjà tout le faubourg n’est pas dans le faubourg. Des personnes nées fort loin de son influence peuvent la ressentir et s’agréger à ce monde, tandis que certaines autres qui y sont nées peuvent en être à jamais bannies. Les manières, le parler, en un mot la tradition faubourg Saint-Germain est à Paris, depuis environ quarante ans, ce que la Cour y était jadis, ce qu’était l’hôtel Saint-Paul dans le quatorzième siècle, le Louvre au quinzième, le Palais, l’hôtel Rambouillet, la place Royale au seizième, puis Versailles au dix-septième et au dix-huitième siècle. A toutes les phases de l’histoire, le Paris de la haute classe et de la noblesse a eu son centre, comme le Paris vulgaire aura toujours le sien. Cette singularité périodique offre une ample matière aux réflexions de ceux qui veulent observer ou peindre les différentes zones sociales ; et peut-être ne doit-on pas en rechercher les causes seulement pour justifier le caractère de cette aventure, mais aussi pour servir à de graves intérêts, plus vivaces dans l’avenir que dans le présent, si toutefois l’expérience n’est pas un non-sens pour les partis comme pour la jeunesse. Les grands seigneurs et les gens riches, qui singeront toujours les grands seigneurs, ont, à toutes les époques, éloigné leurs maisons des endroits très habités. Si le duc d’Uzès se bâtit, sous le règne de Louis XIV, le bel hôtel à la porte duquel il mit la fontaine de la rue Montmartre, acte de bienfaisance qui le rendit, outre ses vertus, l’objet d’une vénérations si populaire que le quartier suivit en masse son convoi, ce coin de Paris était alors désert. Mais aussitôt que les fortifications s’abattirent, que les marais situés au delà des boulevards s’emplirent de maisons, la famille d’Uzès quitta ce bel hôtel, habité de nos jours par un banquier. Puis la noblesse, compromise au milieu des boutiques, abandonna la place Royale, les alentours du centre parisien, et passa la rivière afin de pouvoir respirer à son aise dans le faubourg Saint-Germain, où déjà des palais s’étaient élevés autour de l’hôtel bâti par Louis XIV au duc du Maine, le Benjamin de ses légitimés. Pour les gens accoutumés aux splendeurs de la vie, est-il en effet rien de plus ignoble que le tumulte, la boue, les cris, la mauvaise odeur, l’étroitesse des rues populeuses ? Les habitudes d’un quartier marchand ou manufacturier ne sont-elles pas constamment en désaccord avec les habitudes des Grands ? Le commerce et le Travail se couchent au moment où l’aristocratie songe à dÃner, les uns s’agitent bruyamment quand l’autre se repose ; leurs calculs ne se rencontrent jamais, les uns sont la recette, et l’autre est la dépense. De là des mÅ“urs diamétralement opposées. Cette observation n’a rien de dédaigneux. Une aristocratie est en quelque sorte la pensée d’une société, comme la bourgeoisie et les prolétaires en sont l’organisme et l’action. De là des siéges différents pour ces forces ; et, de leur antagonisme, vient une antipathie apparente que produit la diversité de mouvements faits néanmoins dans un but commun. Ces discordances sociales résultent si logiquement de toute charte constitutionnelle, que le libéral le plus disposé à s’en plaindre, comme d’un attentat envers les sublimes idées sous lesquelles les ambitieux des classes inférieures cachent leurs desseins, trouverait prodigieusement ridicule à monsieur le prince de Montmorency de demeurer rue Saint-Martin, au coin de la rue qui porte son nom, ou à monsieur le duc de Fitz-James, le descendant de la race royale écossaise, d’avoir son hôtel rue Marie-Stuart, au coin de la rue Montorgueil. Sint ut sunt, aut non sint, ces belles paroles pontificales peuvent servir de devise aux Grands de tous les pays. Ce fait, patent à chaque époque, et toujours accepté par le peuple, porte en lui des raisons d’état il est à la fois un effet et une cause, un principe et une loi. La masses ont un bon sens qu’elles ne désertent qu’au moment où les gens de mauvaise foi les passionnent. Ce bon sens repose sur des vérités d’un ordre général, vraies à Moscou comme à Londres, vraies à Genève comme à Calcutta. Partout, lorsque vous rassemblerez des familles d’inégale fortune sur un espace donné, vous verrez se former des cercles supérieurs, des patriciens, des première, seconde et troisième sociétés. L’égalité sera peut-être un droit, mais aucune puissance humaine ne saura le convertir en fait. Il serait bien utile pour le bonheur de la France d’y populariser cette pensée. Aux masses les moins intelligentes se révèlent encore les bienfaits de l’harmonie politique. L’harmonie la poésie de l’ordre, et les peuples ont un vif besoin d’ordre. La concordance des choses entre elles, l’unité, pour tout dire en un mot, n’est-elle pas la plus simple expression de l’ordre ? L’Architecture, la musique, la poésie, tout dans la France s’appuie, plus qu’en aucun autre pays, sur ce principe, qui d’ailleurs est écrit au fond de son clair et pur langage, et la langue sera toujours la plus infaillible formule d’une nation. Aussi, voyez-vous le peuple y adoptant les airs les plus poétiques, les mieux modulés ; s’attachant aux idées les plus simples ; aimant les motifs incisifs qui contiennent le plus de pensées. La France est le seul pays où quelque petite phrase puisse faire une grande révolution. Les masses ne s’y sont jamais révoltées que pour essayer de mettre d’accord les hommes, les choses et les principes. Or, nulle autre nation ne sent mieux la pensée d’unité qui doit exister dans la vie aristocratique, peut-être parce que nulle autre n’a mieux compris les nécessités politiques l’histoire ne la trouvera jamais en arrière. La France est souvent trompée, mais comme une femme l’est, par des idées généreuses, par des sentiments chaleureux dont la portée échappe d’abord au calcul. Ainsi déjà , pour premier trait caractéristique, le faubourg Saint-Germain a la splendeur de ses hôtels, ses grands jardins, leur silence, jadis en harmonie avec la magnificence de ses fortunes territoriales. Cet espace mis entre une classe et toute une capitale n’est-il pas une consécration matérielle des distances morales qui doivent les séparer ? Dans toutes les créations, la tête a sa place marquée. Si par hasard une nation fait tomber son chef à ses pieds, elle s’aperçoit tôt ou tard qu’elle s’est suicidée. Comme les nations ne veulent pas mourir, elles travaillent alors à se refaire une tête. Quand la nation n’en a plus la force, elle périt, comme ont péri Rome, Venise et tant d’autres. La distinction introduite par la différence des mÅ“urs entre les autres sphères d’activité sociale et la sphère supérieure implique nécessairement une valeur réelle, capitale, chez les sommités aristocratiques. Dès qu’en tout l’État, sous quelque forme qu’affecte le Gouvernement, les patriciens manquent à leurs conditions de supériorité complète, ils deviennent sans force, et le peuple les renverse aussitôt. Le peuple veut toujours leur voir aux mains, au cÅ“ur et à la tête, la fortune, le pouvoir et l’action ; la parole, l’intelligence et la gloire. Sans cette triple puissance, tout privilége s’évanouit. Les peuples, comme les femmes, aiment la force en quiconque les gouverne, et leur amour ne va pas sans le respect ; ils n’accordent point leur obéissance à qui ne l’impose pas. Une aristocratie mésestimée est comme un roi fainéant, un mari en jupon ; elle est nulle avant de n’être rien. Ainsi, la séparation des Grands, leurs mÅ“urs tranchées ; en un mot, le costume général des castes patriciennes est tout à la fois le symbole d’une puissance réelle, et les raisons de leur mort quand elles ont perdu la puissance. Le faubourg Saint-Germain s’est laissé momentanément abattre pour n’avoir pas voulu reconnaÃtre les obligations de son existence qu’il lui était encore facile de perpétuer. Il devait avoir la bonne foi de voir à temps, comme le vit l’aristocratie anglaise, que les institutions ont leurs années climatériques où les mêmes mots n’ont plus les mêmes significations, où les idées prennent d’autres vêtements, et où les conditions de la vie politique changent totalement de forme, sans que le fond soit essentiellement altéré. Ces idées veulent des développements qui appartiennent essentiellement à cette aventure, dans laquelle ils entrent, et comme définition des causes, et comme explication des faits. Le grandiose des châteaux et des palais aristocratiques, le luxe de leurs détails, la somptuosité constante des ameublements, l’ aire dans laquelle s’y meut sans gêne, et sans éprouver de froissement, l’heureux propriétaire, riche avant de naÃtre ; puis l’habitude de ne jamais descendre au calcul des intérêts journaliers et mesquins de l’existence, le temps dont il dispose, l’instruction supérieure peut prématurément acquérir ; enfin les traditions patriciennes qui lui donnent des forces sociales que ses adversaires compensent à peine par des études, par une volonté, par une vocation tenaces ; tout devrait élever l’âme de l’homme qui, dès le jeune âge, possède de tels priviléges, lui imprimer ce haut respect de lui-même dont la moindre conséquence est une noblesse de cÅ“ur en harmonie avec la noblesse du nom. Cela est vrai pour quelques familles. Cà et là , dans le faubourg Saint-Germain, se rencontrent de beaux caractères, exceptions qui prouvent contre l’égoïsme général qui a causé la perte de ce monde à part. Ces avantages sont acquis à l’aristocratie française, comme à toutes les efflorescences patriciennes qui se produiront à la surface des nations aussi long-temps qu’elles assiéront leur existence sur le domaine, le domaine-sol comme le domaine-argent, seule base solide d’une société régulière ; mais ces avantages ne demeurent aux patriciens de toute sorte qu’autant qu’ils maintiennent les conditions auxquelles le peuple les leur laisse. C’est des espèces de fiefs moraux dont la tenure oblige envers le souverain, et ici le souverain est certes aujourd’hui le peuple. Les temps sont changés, et aussi les armes. Le Banneret à qui suffisait jadis de porter la cotte de maille, le haubert, de bien manier la lance et de montrer son pennon, doit aujourd’hui faire preuve d’intelligence ; et là où il n’était besoin que d’un grand cÅ“ur, il faut, de nos jours, un large crâne. L’art, la science et l’argent forment le triangle social où s’inscrit l’écu du pouvoir, et d’où doit procéder la moderne aristocratie. Un beau théorème vaut un grand nom. Les Fugger modernes sont princes de fait. Un grand artiste est réellement un oligarque, il représente tout un siècle, et devient presque toujours une loi. Ainsi, le talent de la parole, les machines à haute pression de l’écrivain, le génie du poète, la constance du commerçant, la volonté de l’homme d’état qui concentre en lui mille qualités éblouissantes, le glaive du général, ces conquêtes personnelles faites par un seul sur toute la société pour lui imposer, la classe aristocratique doit s’efforcer d’en avoir aujourd’hui le monopole, comme jadis elle avait celui de la force matérielle. Pour rester à la tête d’un pays, ne faut-il pas être toujours digne de le conduire ; en être l’âme et l’esprit, pour en faire agir les mains ? Comment mener un peuple sans avoir les puissances qui font le commandement ? Que serait le bâton des maréchaux sans la force intrinsèque du capitaine qui le tient à la main ? Le faubourg Saint-Germain a joué avec des bâtons, en croyant qu’ils étaient tout le pouvoir. Il avait renversé les termes de la proposition qui commande son existence. Au lieu de jeter les insignes qui choquaient le peuple et de garder secrètement la force, il a laissé saisir la force à la bourgeoisie, s’est cramponné fatalement aux insignes, et a constamment oublié les lois que lui imposait sa faiblesse numérique. Une aristocratie, qui personnellement fait à peine le millième d’une société, doit aujourd’hui, comme jadis, y multiplier ses moyens d’action pour y opposer, dans les grandes crises, un poids égal à celui des masses populaires. De nos jours, les moyens d’action doivent être des forces réelles, et non des souvenirs historiques. Malheureusement, en France, la noblesse, encore grosse de son ancienne puissance évanouie, avait contre elle une sorte de présomption dont il était difficile qu’elle se défendÃt. Peut-être est-ce un défaut national. Le Français, plus que tout autre homme, ne conclut jamais en dessous de lui, il va du degré sur lequel il se trouve au degré supérieur il plaint rarement les malheureux au-dessus desquels il s’élève, il gémit toujours de voir tant d’heureux au-dessus de lui. Quoiqu’il ait beaucoup de cÅ“ur, il préfère trop souvent écouter son esprit. Cet instinct national qui fait toujours aller les Français en avant, cette vanité qui ronge leurs fortunes et les régit aussi absolument que le principe d’économie régit les Hollandais, a dominé depuis trois siècles la noblesse, qui, sous ce rapport, fut éminemment française. L’homme du faubourg Saint-Germain a toujours conclu de sa supériorité matérielle en faveur de sa supériorité intellectuelle. Tout, en France, l’en a convaincu, parce que depuis l’établissement du faubourg Saint-Germain, révolution aristocratique commencée le jour où la monarchie quitta Versailles, le faubourg Saint-Germain s’est, sauf quelques lacunes, toujours appuyé sur le pouvoir, qui sera toujours en France plus ou moins faubourg Saint-Germain de là sa défaite en 1830. A cette époque, il était comme une armée opérant sans avoir de base. Il n’avait point profité de la paix pour s’implanter dans le cÅ“ur de la nation. Il péchait par un défaut d’instruction et par un manque total de vue sur l’ensemble de ses intérêts. Il tuait un avenir certain, au profit d’un présent douteux. Voici peut-être la raison de cette fausse politique. La distance physique et morale que ces supériorités s’efforçaient de maintenir elles et le reste de la nation, a fatalement eu pour tout résultat, depuis quarante ans, d’entretenir dans la haute classe le sentiment personnel en tuant le patriotisme de caste. Jadis, alors que la noblesse française était grande, riche et puissante, les gentilshommes savaient, dans le danger, se choisir des chefs et leur obéir. Devenus moindres, ils se sont montrés indisciplinables ; et, comme dans le Bas-Empire, chacun d’eux voulait être empereur ; en se voyant tous égaux par leur faiblesse, ils se crurent tous supérieurs. Chaque famille ruinée par la révolution, ruinée par le partage égal des biens, ne pensa qu’à elle, au lieu de penser à la grande famille aristocratique, et il leur semblait que si toutes s’enrichissaient, le parti serait fort. Erreur. L’argent aussi n’est qu’un signe de la puissance. Composées de personnes qui conservaient les hautes traditions de bonne politesse, d’élégance vraie, de beau langage, de pruderie et d’orgueil nobiliaires, en harmonie avec leurs existences, occupations mesquines quand elles sont devenues le principal d’une vie de laquelle elles ne doivent être que l’accessoire, toutes ces familles avaient une certaine valeur intrinsèque, qui, mise en superficie, ne leur laisse qu’une valeur nominale. Aucune de ces familles n’a eu le courage de se dire Sommes-nous assez fortes pour porter le pouvoir ? Elle se sont jetées dessus comme firent les avocats en 1830. Au lieu de se montrer protecteur comme un Grand, le faubourg Saint-Germain fut avide comme un parvenu. Du jour où il fut prouvé à la nation la plus intelligente du monde, que la noblesse restaurée organisait le pouvoir et le budget à son profit, ce jour, elle fut mortellement malade. Elle voulait être une aristocratie quand elle ne pouvait plus être qu’une oligarchie, deux systèmes bien différents, et que comprendra tout homme assez habile pour lire attentivement les noms patronymiques des lords de la chambre haute. Certes, le gouvernement royal eut de bonnes intentions ; mais il oubliait constamment qu’il faut tout faire vouloir au peuple, même son bonheur, et que la France, femme capricieuse, veut être heureuse ou battue à son gré. S’il y avait eu beaucoup de ducs de Laval, que sa modestie a fait digne de son nom, le trône de la branche aÃnée serait devenu solide autant que l’est celui de la maison de Hanovre. En 1814, mais surtout en 1820, la noblesse française avait à dominer l’époque la plus instruite, la bourgeoisie la plus aristocratique, le pays le plus femelle du monde. Le faubourg Saint-Germain pouvait bien facilement conduire et amuser une classe moyenne, ivre de distinctions, amoureuse d’art et de science. Mais les mesquins meneurs de cette grande époque intelligentielle haïssaient tous l’art et la science. Ils ne surent même pas présenter la religion, dont ils avaient besoin, sous les poétiques couleurs qui l’eussent fait aimer. Quand Lamartine, La Mennais, Montalembert et quelques autres écrivains de talent doraient de poésie, rénovaient ou agrandissaient les idées religieuses, tous ceux qui gâchaient le gouvernement faisaient sentir l’amertume de la religion. Jamais nation ne fut plus complaisante, elle était alors comme une femme fatiguée qui devient facile ; jamais pouvoir ne fit alors plus de maladresses la France et la femme aiment mieux les fautes. Pour se réintégrer, pour fonder un grand gouvernement oligarchique, la noblesse du faubourg devait se fouiller avec bonne foi afin de trouver en elle-même la monnaie de Napoléon, s’éventrer pour demander aux creux de ses entrailles un Richelieu constitutionnel ; si ce génie n’était pas en elle, aller le chercher jusque dans le froid grenier où il pouvait être en train de mourir, et se l’assimiler, comme la chambre des lords anglais s’assimile constamment les aristocrates de hasard. Puis, ordonner à cet homme d’être implacable, de retrancher les branches pourries, de recéper l’arbre aristocratique. Mais d’abord, le grand système du torysme anglais était trop immense pour de petites têtes ; et son importation demandait trop de temps aux Français, pour lesquels une réussite lente vaut un fiasco. D’ailleurs, loin d’avoir cette politique rédemptrice qui va chercher la force là où Dieu l’a mise, ces grandes petites gens haïssaient toute force qui ne venait pas d’eux ; enfin, loin de se rajeunir, le faubourg Saint-Germain s’est avieilli. L’étiquette, institution de seconde nécessité, pouvait être maintenue si elle n’eût paru que dans les grandes occasions ; mais l’étiquette devint une lutte quotidienne, et au lieu d’être une question d’art ou de magnificence, elle devint une question de pouvoir. S’il manqua d’abord au trône un de ces conseillers aussi grands que les circonstances étaient grandes, l’aristocratie manqua surtout de la connaissance de ses intérêts généraux, qui aurait pu suppléer à tout. Elle s’arrêta devant le mariage de monsieur de Talleyrand, le seul homme qui eût une de ces têtes métalliques où se forgent à neuf les systèmes politiques par lesquels revivent glorieusement les nations. Le faubourg se moqua des ministres qui n’étaient pas gentilshommes, et ne donnait pas de gentilshommes assez supérieurs pour être ministres ; il pouvait rendre des services véritables au pays en ennoblissant les justices de paix, en fertilisant le sol, en construisant des routes et des canaux, en se faisant puissance territoriale agissante ; mais il vendait ses terres pour jouer à la Bourse. Il pouvait priver la bourgeoisie de ses hommes d’action et de talent dont l’ambition minait le pouvoir, en leur ouvrant ses rangs ; il a préféré les combattre, et sans armes ; car il n’avait plus qu’en tradition ce qu’il possédait jadis en réalité. Pour le malheur de cette noblesse, il lui restait précisément assez de ses diverses fortunes pour soutenir sa morgue. Contente de ses souvenirs, aucune de ces familles ne songea sérieusement à faire prendre des armes à ses aÃnés, parmi le faisceau que le dix-neuvième siècle jetait sur la place publique. La jeunesse, exclue des affaires, dansait chez Madame, au lieu de continuer à Paris, par l’influence de talents jeunes, consciencieux, innocents de l’Empire et de la République, l’œuvre que les clefs de chaque famille auraient commencées dans les départements en y conquérant la reconnaissance de leurs titres par de continuels plaidoyers en faveur des intérêts locaux, en s’y conformant à l’esprit du siècle, en refondant la caste au goût du temps. Concentrée dans son faubourg Saint-Germain, où vivait l’esprit des anciennes oppositions féodales mêlé à celui de l’ancienne cour, l’aristocratie, mal unie au château des Tuileries, fut plus facile à vaincre, n’existant que sur un point et surtout aussi mal constituée qu’elle l’était dans la Chambre des Pairs. Tissue dans le pays, elle devenait indestructible ; acculée dans son faubourg, adossée au château, étendue dans le budget, il suffisait d’un coup de hache pour trancher le fil de sa vie agonisante, et la plate figure d’un petit avocat s’avança pour donner ce coup de hache. Malgré l’admirable discours de monsieur Royer-Collard, l’hérédité de la pairie et ses majorats tombèrent sous les pasquinades d’un homme qui se vantait d’avoir adroitement disputé quelques têtes au bourreau, mais qui tuait maladroitement de grandes institutions. Il se trouve là des exemples et des enseignements pour l’avenir. Si l’oligarchie française n’avait pas une vie future, il y aurait je ne sais quelle cruauté triste à la gehenner après son décès, et alors il ne faudrait plus que penser à son sarcophage ; mais si le scalpel des chirurgiens est dur à sentir, il rend parfois la vie aux mourants. Le faubourg Saint-Germain peut se trouver pluspuissant persécuté qu’il ne l’était triomphant, s’il veut avoir un chef et un système. Maintenant il est facile de résumer cet aperçu semi-politique. Ce défaut de vues larges et ce vaste ensemble de petites fautes ; l’envie de rétablir de hautes fortunes dont chacun se préoccupait ; un besoin réel de religion pour soutenir la politique ; une soif de plaisir, qui nuisait à l’esprit religieux, et nécessita des hypocrisies ; les résistances partielles de quelques esprits élevés qui voyaient juste et que contrarièrent les rivalités de cour ; la noblesse de province, souvent plus pure de race que ne l’est la noblesse de cour, mais qui, trop souvent froissée, se désaffectionna ; toutes ces causes se réunirent pour donner au faubourg Saint-Germain les mÅ“urs les plus discordantes. Il ne fut ni compacte dans son système, ni conséquent dans ses actes, ni complétement moral, ni franchement licencieux, ni corrompu ni corrupteur ; il n’abandonna pas entièrement les questions qui lui nuisaient et n’adopta pas les idées qui l’eussent sauvé. Enfin, quelque débiles que fussent les personnes, le parti s’était néanmoins armé de tous les grands principes qui font la vie des nations. Or, pour périr dans sa force, que faut-il être ? Il fut difficile dans le choix des personnes présentées ; il eut du bon goût, du mépris élégant ; mais sa chute n’eut certes rien d’éclatant ni de chevaleresque. L’émigration de 89 accusait encore des sentiments ; en 1830, l’émigration à l’intérieur n’accuse plus que des intérêts. Quelques hommes illustres dans les lettres, les triomphes de la tribune, monsieur de Talleyrand dans les congrès, la conquête d’Alger, et plusieurs noms redevenus historiques sur les champs de bataille, montrent à l’aristocratie française les moyens qui lui restent de se nationaliser et de faire encore reconnaÃtre ses titres, si toutefois elle daigne. Chez les êtres organisés il se fait un travail d’harmonie intime. Un homme est-il paresseux, la paresse se trahit en chacun de ses mouvements. De même, la physionomie d’une classe d’hommes se conforme à l’esprit général, à l’âme qui en anime le corps. Sous la Restauration, la femme du faubourg Saint-Germain ne déploya ni la fière hardiesse que les dames de la cour portaient jadis dans leurs écarts, ni la modeste grandeur des tardives vertus par lesquelles elles expiaient leurs fautes, et qui répandaient autour d’elles un si vif éclat. Elle n’eut rien de bien léger, rien de bien grave. Ses passions, sauf quelques exceptions, furent hypocrites ; elle transigea pour ainsi dire avec leurs jouissances. Quelques-unes de ces familles menèrent la vie bourgeoise de la duchesse d’Orléans, dont le lit conjugal se montrait si ridiculement aux visiteurs du Palais-Royal ; deux ou trois à peine continuèrent les mÅ“urs de la Régence, et inspirèrent une sorte de dégoût à des femmes plus habiles. Cette nouvelle grande dame n’eut aucune influence sur les mÅ“urs elle pouvait néanmoins beaucoup, elle pouvait, en désespoir de cause, offrir le spectacle imposant des femmes de l’aristocratie anglaise ; mais elle hésita niaisement entre d’anciennes traditions, fut dévote de force, et cacha tout, même ses belles qualités. Aucune de ces Françaises ne put créer de salon où les sommités sociales vinssent prendre des leçons de goût et d’élégance. Leur voix, jadis si imposante en littérature, cette vivante expression des sociétés, y fut tout à fait nulle. Or, quand une littérature n’a pas de système général, elle ne fait pas corps et se dissout avec son siècle. Lorsque, dans un temps quelconque, il se trouve au milieu d’une nation un peuple à part ainsi constitué, l’historien y rencontre presque toujours une figure principale qui résume les vertus et les défauts de la masse à laquelle elle appartient Coligny chez les huguenots, le Coadjuteur au sein de la Fronde, le maréchal de Richelieu sous Louis XV, Danton dans la Terreur. Cette identité de physionomie entre un homme et son cortége historique est dans la nature des choses. Pour mener un parti ne faut-il pas concorder à ses idées, pour briller dans une époque ne faut-il pas la représenter ? De cette obligation constante où se trouve la tête sage et prudente des partis d’obéir aux préjugés et aux folies des masses qui en font la queue dérivent les actions que reprochent certains historiens aux chefs de parti, quand, à distance des terribles ébullitions populaires, ils jugent à froid les passions les plus nécessaires à la conduite des grandes luttes séculaires. Ce qui est vrai dans la comédie historique des siècles est également vrai dans la sphère plus étroite des scènes partielles du drame national appelé les MÅ“urs. Au commencement de la vie éphémère que mena le faubourg Saint-Germain pendant la Restauration, et à laquelle, si les considérations précédentes sont vraies, il ne sut pas donner de consistance, une jeune femme fut passagèrement le type le plus complet de la nature à la fois supérieure et faible, grande et petite, de sa caste. C’était une femme artificiellement instruite, réellement ignorante ; pleine de sentiments élevés, mais manquant d’une pensée qui les coordonnât ; dépensant les plus riches trésors de l’âme à obéir aux convenances ; prête à braver la société, mais hésitant et arrivant à l’artifice par suite de ses scrupules ; ayant plus d’entêtement que de caractère, plus d’engouement que d’enthousiasme, plus de tête que de cÅ“ur ; souverainement femme et souverainement coquette, Parisienne surtout ; aimant l’éclat, les fêtes ne réfléchissant pas, ou réfléchissant trop tard ; d’une imprudence qui arrivait presque à de la poésie ; insolente à ravir, mais humble au fond du cÅ“ur ; affichant la force comme un roseau bien droit, mais, comme ce roseau, prête à fléchir sous une main puissante ; parlant beaucoup de la religion, mais ne l’aimant pas, et cependant prête à l’accepter comme un dénoûment. Comment expliquer une créature véritablement multiple, susceptible d’héroïsme, et oubliant d’être héroïque pour dire une méchanceté ; jeune et suave, moins vieille de cÅ“ur que vieillie par les maximes de ceux qui l’entouraient, et comprenant leur philosophie égoïste sans l’avoir appliquée ; ayant tous les vices du courtisan et toutes les noblesses de la femme adolescente ; se défiant de tout, et néanmoins se laissant parfois aller à tout croire ? Ne serait-ce pas toujours un portrait inachevé que celui de cette femme en qui les teintes les plus chatoyantes se heurtaient, mais en produisant une confusion poétique, parce qu’il y avait une lumière divine, un éclat de jeunesse qui donnait à ces traits confus une sorte d’ensemble ? La grâce lui servait d’unité. Rien n’était joué. Ces passions, ces demi-passions, cette velléité de grandeur, cette réalité de petitesse, ces sentiments froids et ces élans chaleureux étaient naturels et ressortaient de sa situation autant que de celle de l’aristocratie à laquelle elle appartenait. Elle se comprenait toute seule et se menait orgueilleusement au-dessus du monde, à l’abri de son nom. Il y avait du moi de Médée dans sa vie, comme dans celle de l’aristocratie, qui se mourait sans vouloir ni se mettre sur son séant, ni tendre la main à quelque médecin politique, ni toucher, ni être touchée, tant elle se sentait faible ou déjà poussière. La duchesse de Langeais, ainsi se nommait-elle, était mariée depuis environ quatre ans quand la Restauration fut consommée, c’est-à -dire en 1816, époque à laquelle Louis XVIII, éclairé par la révolution des Cent Jours, comprit sa situation et son siècle, malgré son entourage, qui, néanmoins, triompha plus tard de ce Louis XI moins la hache, lorsqu’il fut abattu par la maladie. La duchesse de Langeais était une Navarreins, famille ducale, qui, depuis Louis XIV, avait pour principe de ne point abdiquer son titre dans ses alliances. Les filles de cette maison devaient avoir tôt ou tard, de même que leur mère, un tabouret à la cour. A l’âge de dix-huit ans, Antoinette de Navarreins sortit de la profonde retraite où elle avait vécu pour épouser le fils aÃné du duc de Langeais. Les deux familles étaient alors éloignées du monde ; mais l’invasion de la France faisait présumer aux royalistes le retour des Bourbons comme la seule conclusion possible aux malheurs de la guerre. Les ducs de Navarreins et de Langeais, restés fidèles aux Bourbons, avaient noblement résisté à toutes les séductions de la gloire impériale, et, dans les circonstances où ils se trouvaient lors de cette union, ils durent naturellement obéir à la vieille politique de leurs familles. Mademoiselle Antoinette de Navarreins épousa donc, belle et pauvre, monsieur le marquis de Langeais, dont le père mourut quelques mois après ce mariage. Au retour des Bourbons, les deux familles reprirent leur rang, leurs charges, leurs dignités à la cour, et rentrèrent dans le mouvement social, en dehors duquel elles s’étaient tenues jusqu’alors. Elles devinrent les plus éclatantes sommités de ce nouveau monde politique. Dans ce temps de lâchetés et de fausses conversions, la conscience publique se plut à reconnaÃtre en ces deux familles la fidélité sans tache, l’accord entre la vie privée et le caractère politique, auxquels tous les partis rendent involontairement hommage. Mais, par un malheur assez commun dans les temps de transaction, les personnes les plus pures et qui, par l’élévation de leurs vues, la sagesse de leurs principes, auraient fait croire en France à la générosité d’une politique neuve et hardie, furent écartées des affaires, qui tombèrent entre les mains de gens intéressés à porter les principes à l’extrême, pour faire preuve de dévouement. Les familles de Langeais et de Navarreins restèrent dans la haute sphère de la cour, condamnées aux devoirs de l’étiquette ainsi qu’aux reproches et aux moqueries du libéralisme, accusées de se gorger d’honneurs et de richesses, tandis que leur patrimoine ne s’augmenta point, et que les libéralités de la Liste Civile se consumèrent en frais de représentation, nécessaires à toute monarchie européenne, fût-elle même républicaine. En 1818, monsieur le duc de Langeais commandait une division militaire, et la duchesse avait, près d’une princesse, une place qui l’autorisait à demeurer à Paris, loin de son mari, sans scandale. D’ailleurs, le duc avait, outre son commandement, une charge à la cour, où il venait, en laissant, pendant son quartier, le commandement à un maréchal-de-camp. Le duc et la duchesse vivaient donc entièrement séparés, de fait et de cÅ“ur, à l’insu du monde. Ce mariage de convention avait eu le sort assez habituel de ces pactes de famille. Les deux caractères les plus antipathiques du monde s’étaient trouvés en présence, s’étaient froissés secrètement, secrètement blessés, désunis à jamais. Puis, chacun d’eux avait obéi à sa nature et aux convenances. Le duc de Langeais, esprit aussi méthodique que pouvait l’être le chevalier de Folard, se livra méthodiquement à ses goûts, à ses plaisirs, et laissa sa femme libre de suivre les siens, après avoir reconnu chez elle un esprit éminemment orgueilleux, un cÅ“ur froid, une grande soumission aux usages du monde, une loyauté jeune, et qui devait rester pure sous les yeux des grands parents, à la lumière d’une cour prude et religieuse. Il fit donc à froid le grand seigneur du siècle précédent, abandonnant à elle-même une femme de vingt-deux ans, offensée gravement, et qui avait dans le caractère une épouvantable qualité, celle de ne jamais pardonner une offense quand toutes ses vanités de femme, quand son amour-propre, ses vertus peut-être, avaient été méconnus, blessés occultement. Quand un outrage est public, une femme aime à l’oublier, elle a des chances pour se grandir, elle est femme dans sa clémence ; mais les femmes n’absolvent jamais de secrètes offenses, parce qu’elles n’aiment ni les lâchetés, ni les vertus, ni les amours secrètes. Telle était la position, inconnue du monde, dans laquelle se trouvait madame la duchesse de Langeais, et à laquelle ne réfléchissait pas cette femme, lorsque vinrent des fêtes données à l’occasion du mariage du duc de Berri. En ce moment, la cour et le faubourg Saint-Germain sortirent de leur atonie et de leur réserve. Là , commença réellement cette splendeur inouïe qui abusa le gouvernement de la Restauration. En ce moment, la duchesse de Langeais, soit calcul, soit vanité, ne paraissait jamais dans le monde sans être entourée ou accompagnée de trois ou quatre femmes aussi distinguées par leur nom que par leur fortune. Reine de la mode, elle avait ses dames d’atours, qui reproduisaient ailleurs ses manières et son esprit. Elle les avait habilement choisies parmi quelques personnes qui n’étaient encore ni dans l’intimité de la cour, ni dans le cÅ“ur du faubourg Saint-Germain, et qui avaient néanmoins la prétention d’y arriver ; simples Dominations qui voulaient s’élever jusqu’aux environs du trône et se mêler aux séraphiques puissances de la haute sphère nommée le petit château. Ainsi posée, la duchesse de Langeais était plus forte, elle dominait mieux, elle était plus en sûreté. Ses dames la défendaient contre la calomnie, et l’aidaient à jouer le détestable rôle de femme à la mode. Elle pouvait à son aise se moquer des hommes, des passions, les exciter, recueillir les hommages dont se nourrit toute nature féminine, et rester maÃtresse d’elle-même. A Paris et dans la plus haute compagnie, la femme est toujours femme ; elle vit d’encens, de flatteries, d’honneurs. La plus réelle beauté, la figure la plus admirable n’est rien si elle n’est admirée un amant, des flagorneries sont les attestations de sa puissance. Qu’est un pouvoir inconnu ? Rien. Supposez la plus jolie femme seule dans le coin d’un salon, elle y est triste. Quand une de ces créatures se trouve au sein des magnificences sociales, elle veut donc régner sur tous les cÅ“urs, souvent faute de pouvoir être souveraine heureuse dans un seul. Ces toilettes, ces apprêts, ces coquetteries étaient faites pour les plus pauvres êtres qui se soient rencontrés, des fats sans esprit, des hommes dont le mérite consistait dans une jolie figure, et pour lesquels toutes les femmes se compromettaient sans profit, de véritables idoles de bois doré qui, malgré quelques exceptions, n’avaient ni les antécédents des petits-maÃtres du temps de la Fronde, ni la bonne grosse valeur des héros de l’empire, ni l’esprit et les manières de leurs grands-pères, mais qui voulaient être gratis quelque chose d’approchant ; qui étaient braves comme l’est la jeunesse française, habiles sans doute s’ils eussent été mis à l’épreuve, et qui ne pouvaient rien être par le règne des vieillards usés qui les tenaient en lisière. Ce fut une époque froide, mesquine et sans poésie. Peut-être faut-il beaucoup de temps à une restauration pour devenir une monarchie. Depuis dix-huit mois, la duchesse de Langeais menait cette vie creuse, exclusivement remplie par le bal, par les visites faites pour le bal, par des triomphes sans objet, par des passions éphémères, nées et mortes pendant une soirée. Quand elle arrivait dans un salon, les regards se concentraient sur elle, elle moissonnait des mots flatteurs, quelques expressions passionnées qu’elle encourageait du geste, du regard, et qui ne pouvaient jamais aller plus loin que l’épiderme. Son ton, ses manières, tout en elle faisait autorité. Elle vivait dans une sorte de fièvre de vanité, de perpétuelle jouissance qui l’étourdissait. Elle allait assez loin en conversation, elle écoutait tout, et se dépravait, pour ainsi dire, à la surface du cÅ“ur. Revenue chez elle, elle rougissait souvent de ce dont elle avait ri, de telle histoire scandaleuse dont les détails l’aidaient à discuter les théories de l’amour qu’elle ne connaissait pas, et les subtiles distinctions de la passion moderne, que de complaisantes hypocrites lui commentaient ; car les femmes, sachant se tout dire entre elles, en perdent plus que n’en corrompent les hommes. Il y eut un moment où elle comprit que la créature aimée était la seule dont la beauté, dont l’esprit pût être universellement reconnu. Que prouve un mari ? Que, jeune fille, une femme était ou richement dotée, ou bien élevée, avait une mère adroite, ou satisfaisait aux ambitions de l’homme ; mais un amant est le constant programme de ses perfections personnelles. Madame de Langeais apprit, jeune encore, qu’une femme pouvait se laisser aimer ostensiblement sans être complice de l’amour, sans l’approuver, sans le contenter autrement que par les plus maigres redevances de l’amour, et plus d’une Sainte-n’y-touche lui révéla les moyens de jouer ces dangereuses comédies. La duchesse eut donc sa cour, et le nombre de ceux qui l’adoraient ou la courtisaient fut une garantie de sa vertu. Elle était coquette, aimable, séduisante jusqu’à la fin de la fête, du bal, de la soirée ; puis, le rideau tombé, elle se retrouvait seule, froide, insouciante, et néanmoins revivait le lendemain pour d’autres émotions également superficielles. Il y avait deux ou trois jeunes gens complétement abusés qui l’aimaient véritablement, et dont elle se moquait avec une parfaite insensibilité. Elle se disait — Je suis aimée, il m’aime ! Cette certitude lui suffisait. Semblable à l’avare satisfait de savoir que ses caprices peuvent être exaucés ; elle n’allait peut-être même plus jusqu’au désir. Un soir elle se trouva chez une de ses amies intimes, madame la vicomtesse de Fontaine, une de ses humbles rivales, qui la haïssaient cordialement et l’accompagnaient toujours espèce d’amitié armée dont chacun se défie, et où les confidences sont habilement discrètes, quelquefois perfides. Après avoir distribué de petits saluts protecteurs, affectueux ou dédaigneux de l’air naturel à la femme qui connaÃt toute la valeur de ses sourires, ses yeux tombèrent sur un homme qui lui était conplétement inconnu, mais dont la physionomie large et grave la surprit. Elle sentit en le voyant une émotion assez semblable à celle de la peur. — Ma chère, demanda-t-elle à madame de Maufrigneuse, quel est ce nouveau venu ? — Un homme dont vous avez sans doute entendu parler, le marquis de Montriveau. — Ah ! c’est lui. Elle prit son lorgnon et l’examina fort impertinemment, comme elle eût fait d’un portrait qui reçoit des regards et n’en rend pas. — Présentez-le-moi donc, il doit être amusant. — Personne n’est plus ennuyeux ni plus sombre, ma chère, mais il est à la mode. Monsieur Armand de Montriveau se trouvait en ce moment, sans le savoir, l’objet d’une curiosité générale, et le méritait plus qu’aucune de ces idoles passagères dont Paris a besoin et dont il s’amourache pour quelques jours, afin de satisfaire cette passion d’engouement et d’enthousiasme factice dont il est périodiquement travaillé. Armand de Montriveau était le fils unique du général de Montriveau, un de ces ci-devant qui servirent noblement la République, et qui périt, tué près de Joubert, à Novi. L’orphelin avait été placé par les soins de Bonaparte à l’école de Châlons, et mis, ainsi que plusieurs autres fils de généraux morts sur le champ de bataille, sous la protection de la République française. Après être sorti de cette école sans aucune espèce de fortune, il entra dans l’artillerie, et n’était encore que chef de bataillon lors du désastre de Fontainebleau. L’arme à laquelle appartenait Armand de Montriveau lui avait offert peu de chances d’avancement. D’abord le nombre des officiers y est plus limité que dans les autres corps de l’armé ; puis, les opinions libérales et presque républicaines que professait l’artillerie, les craintes inspirées à l’Empereur par une réunion d’hommes savants accoutumés à réfléchir, s’opposaient à la fortune militaire de la plupart d’entre eux. Aussi, contrairement aux lois ordinaires, les officiers parvenus au généralat ne furent-ils pas toujours les sujets les plus remarquables de l’arme, parce que, médiocres, ils donnaient peu de craintes. L’artillerie faisait un corps à part dans l’armée, et n’appartenait à Napoléon que sur les champs de bataille. A ces causes générales, qui peuvent expliquer les retards éprouvés dans sa carrière par Armand de Montriveau, il s’en joignait d’autres inhérentes à sa personne et à son caractère. Seul dans le monde, jeté dès l’âge de vingt ans à travers cette tempête d’hommes au sein de laquelle vécut Napoléon, et n’ayant aucun intérêt en dehors de lui-même, prêt à périr chaque jour, il s’était habitué à n’exister que par une estime intérieure et par le sentiment du devoir accompli. Il était habituellement silencieux comme le sont tous les hommes timides ; mais sa timidité ne venait point d’un défaut de courage, c’était une sorte de pudeur qui lui interdisait toute démonstration vaniteuse. Son intrépidité sur les champs de bataille n’était point fanfaronne ; il y voyait tout, pouvait donner tranquillement un bon avis à ses camarades, et allait au-devant des boulets tout en se baissant à propos pour les éviter. Il était bon, mais sa contenance le faisait passer pour hautain et sévère. D’une rigueur mathématique en toute chose, il n’admettait aucune composition hypocrite ni avec les devoirs d’une position, ni avec les conséquences d’un fait. Il ne se prêtait à rien de honteux, ne demandait jamais rien pour lui ; enfin, c’était un de ces grands hommes inconnus, assez philosophes pour mépriser la gloire, et qui vivent sans s’attacher à la vie, parce qu’ils ne trouvent pas à y développer leur force ou leurs sentiments dans toute leur étendue. Il était craint, estimé, peu aimé. Les hommes nous permettent bien de nous élever au-dessus d’eux, mais ils ne nous pardonnent jamais de ne pas descendre aussi bas qu’eux. Aussi le sentiment qu’ils accordent aux grands caractères ne va-t-il pas sans un peu de haine et de crainte. Trop d’honneur est pour eux une censure tacite qu’ils ne pardonnent ni aux vivants ni aux morts. Après les adieux de Fontainebleau, Montriveau, quoique noble et titré, fut mis en demi-solde. Sa probité antique effraya le Ministère de la Guerre, où son attachement aux serments faits à l’aigle impériale était connu. Lors des Cent-Jours il fut nommé colonel de la garde et resta sur le champ de bataille de Waterloo. Ses blessures l’ayant retenu en Belgique, il ne se trouva pas à l’armée de la Loire ; mais le gouvernement royal ne voulut pas reconnaÃtre les grades donnés pendant les Cent-Jours, et Armand de Montriveau quitta la France. EntraÃné par son génie entreprenant, par cette hauteur de pensée que, jusqu’alors, les hasards de la guerre avaient satisfaite, et passionné par sa rectitude instinctive pour les projets d’une grande utilité, le général Montriveau s’embarqua dans le dessein d’explorer la Haute-Égypte et les parties inconnues de l’Afrique, les contrées du centre surtout, qui excitent aujourd’hui tant d’intérêt parmi les savants. Son expédition scientifique fut longue et malheureuse. Il avait recueilli des notes précieuses destinées à résoudre les problèmes géographiques ou industriels si ardemment cherchés, et il était parvenu, non sans avoir surmonté bien des obstacles, jusqu’au cÅ“ur de l’Afrique, lorsqu’il tomba par trahison au pouvoir d’une tribu sauvage. Il fut dépouillé de tout, mis en esclavage et promené pendant deux années à travers les déserts, menacé de mort à tout moment et plus maltraité que ne l’est un animal dont s’amusent d’impitoyables enfants. Sa force de corps et sa constance d’âme lui firent supporter toutes les horreurs de sa captivité ; mais il épuisa presque toute son énergie dans son évasion, qui fut miraculeuse. Il atteignit la colonie française du Sénégal, demi-mort, en haillons, et n’ayant plus que d’informes souvenirs. Les immenses sacrifices de son voyage, l’étude des dialectes de l’Afrique, ses découvertes et ses observations, tout fut perdu. Un seul fait fera comprendre ses souffrances. Pendant quelques jours les enfants du scheik de la tribu dont il était l’esclave s’amusaient à prendre sa tête pour but dans un jeu qui consistait à jeter loin des osselets de cheval, et à les y faire tenir. Montriveau revint à Paris vers le milieu de l’année 1818, il s’y trouva ruiné, sans protecteurs, et n’en voulant pas. Il serait mort vingt fois avant de solliciter quoi que ce fût, même la reconnaissance de ses droits acquis. L’adversité, ses douleurs avaient développé son énergie jusque dans les petites choses, et l’habitude de conserver sa dignité d’homme en face de cet être moral que nous nommons la conscience, donnait pour lui du prix aux actes en apparence les plus indifférents. Cependant ses rapports avec les principaux savants de Paris et quelques militaires instruits firent connaÃtre et son mérite et ses aventures. Les particularités de son évasion et de sa captivité, celles de son voyage attestaient tant de sang-froid, d’esprit et de courage, qu’il acquit, sans le savoir, cette célébrité passagère dont les salons de Paris sont si prodigues, mais qui demande des efforts inouïs aux artistes quand ils veulent la perpétuer. Vers la fin de cette année, sa position changea subitement. De pauvre, il devint riche, ou du moins il eut extérieurement tous les avantages de la richesse. Le gouvernement royal, qui cherchait à s’attacher les hommes de mérite afin de donner de la force à l’armée, fit alors quelques concessions aux anciens officiers dont la loyauté et le caractère connu offraient des garanties de fidélité. Monsieur de Montriveau fut rétabli sur les cadres, dans son grade, reçut sa solde arriérée et fut admis dans la Garde royale. Ces faveurs arrivèrent successivement au marquis de Montriveau sans qu’il eût fait la moindre demande. Des amis lui épargnèrent les démarches personnelles auxquelles il se serait refusé. Puis, contrairement à ses habitudes, qui se modifièrent tout à coup, il alla dans le monde, où il fut accueilli favorablement, et où il rencontra partout les témoignages d’une haute estime. Il semblait avoir trouvé quelque dénoûment pour sa vie ; mais chez lui tout se passait en l’homme, il n’y avait rien d’extérieur. Il portait dans la société une figure grave et recueillie, silencieuse et froide. Il y eut beaucoup de succès, précisément parce qu’il tranchait fortement sur la masse des physionomies convenues qui meublent les salons de Paris, où il fut effectivement tout neuf. Sa parole avait la concision du langage des gens solitaires ou des sauvages. Sa timidité fut prise pour de la hauteur et plut beaucoup. Il était quelque chose d’étrange et de grand, et les femmes furent d’autant plus généralement éprises de ce caractère original, qu’il échappait à leurs adroites flatteries, à ce manège par lequel elles circonviennent les hommes les plus puissants, et corrodent les esprits les plus inflexibles. Monsieur de Montriveau ne comprenait rien à ces petites singeries parisiennes, et son âme ne pouvait répondre qu’aux sonores vibrations des beaux sentiments. Il eût promptement été laissé là , sans la poésie qui résultait de ses aventures et de sa vie, sans les prôneurs qui le vantaient à son insu, sans le triomphe d’amour propre qui attendait la femme dont il s’occuperait. Aussi la curiosité de la duchesse de Langeais était-elle vive autant que naturelle. Par un effet du hasard, cet homme l’avait intéressée la veille, car elle avait entendu raconter la veille une des scènes qui, dans le voyage de monsieur de Montriveau, produisaient le plus d’impression sur les mobiles imaginations de femme. Dans une excursion vers les sources du Nil, monsieur de Montriveau eut avec un de ses guides le débat le plus extraordinaire qui se connaisse dans les annales des voyages. Il avait un désert à traverser, et ne pouvait aller qu’à pied au lieu qu’il voulait explorer. Un seul guide était capable de l’y mener. Jusqu’alors aucun voyageur n’avait pu pénétrer dans cette partie de la contrée, où l’intrépide officier présumait devoir trouver la solution de plusieurs problèmes scientifiques. Malgré les représentations que lui firent et les vieillards du pays et son guide, il entreprit ce terrible voyage. S’armant de tout son courage aiguisé déjà par l’annonce d’horribles difficultés à vaincre, il partit au matin. Après avoir marché pendant une journée entière, il se coucha le soir sur le sable, éprouvant une fatigue inconnue, causée par la mobilité du sol, qui semblait à chaque pas fuir sous lui. Cependant il savait que le lendemain il lui faudrait, dès l’aurore, se remettre en route ; mais son guide lui avait promis de lui faire atteindre, vers le milieu du jour, le but de son voyage. Cette promesse lui donna du courage, lui fit retrouver des forces, et, malgré ses souffrances, il continua sa route, en maudissant un peu la science ; mais honteux de se plaindre devant son guide, il garda le secret de ses peines. Il avait déjà marché pendant le tiers du jour lorsque, sentant ses forces épuisées et ses pieds ensanglantés par la marche, il demanda s’il arriverait bientôt. — Dans une heure, lui dit le guide. Armand trouva dans son âme pour une heure de force et continua. L’heure s’écoula sans qu’il aperçût, même à l’horizon, horizon de sables aussi vaste que l’est celui de la pleine mer, les palmiers et les montagnes dont les cimes devaient annoncer le terme de son voyage. Il s’arrêta, menaça le guide, refusa d’aller plus loin, lui reprocha d’être son meurtrier, de l’avoir trompé ; puis des larmes de rage et de fatigue roulèrent sur ses joues enflammées ; il était courbé par la douleur renaissante de la marche, et son gosier lui semblait coagulé par la soif du désert. Le guide, immobile, écoutait ses plaintes d’un air ironique, tout en étudiant, avec l’apparente indifférence des Orientaux, les imperceptibles accidents de ce sable presque noirâtre comme est l’or bruni. — Je me suis trompé, reprit-il froidement. Il y a trop long-temps que j’ai fait ce chemin pour que je puisse reconnaÃtre les traces ; nous y sommes bien, mais il faut encore marcher pendant deux heures. — Cet homme a raison, pensa monsieur de Montriveau. Puis il se remit en route, suivant avec peine l’Africain impitoyable, auquel il semblait lié par un fil, comme un condamné l’est invisiblement au bourreau. Mais les deux heures se passent, le Français a dépensé ses dernières gouttes d’énergie, et l’horizon est pur, et il n’y voit ni palmiers ni montagnes. Il ne trouve plus ni cris ni gémissements, il se couche alors sur le sable pour mourir ; mais ses regards eussent épouvanté l’homme le plus intrépide, il semblait annoncer qu’il ne voulait pas mourir seul. Son guide, comme un vrai démon, lui répondait par un coup d’œil calme, empreint de puissance, et le laissait étendu, en ayant soin de se tenir à une distance qui lui permÃt d’échapper au désespoir de sa victime. Enfin monsieur de Montriveau trouva quelques forces pour une dernière imprécation. Le guide se rapprocha de lui, le regarda fixement, lui imposa silence et lui dit — N’as-tu pas voulu, malgré nous, aller là ou je te mène ? Tu me reproches de te tromper si je ne l’avais pas fait, tu ne serais pas venu jusqu’ici. Veux-tu la vérité, la voici. Nous avons encore cinq heures de marche, et nous ne pouvons plus retourner sur nos pas. Sonde ton cÅ“ur, si tu n’as pas assez de courage, voici mon poignard. Surpris par cette effroyable entente de la douleur et de la force humaine, monsieur de Montriveau ne voulut pas se trouver au-dessous d’un barbare ; et puisant dans son orgueil d’Européen une nouvelle dose de courage, il se releva pour suivre son guide. Les cinq heures étaient expirées, monsieur de Montriveau n’apercevait rien encore, il tourna vers le guide un Å“il mourant ; mais alors le Nubien le prit sur ses épaules, l’éleva de quelques pieds, et lui fit voir à une centaine de pas un lac entouré de verdure et d’une admirable forêt, qu’illuminaient les feux du soleil couchant. Ils étaient arrivés à quelque distance d’une espèce de banc de granit immense, sous lequel ce paysage sublime se trouvait comme enseveli. Armand crut renaÃtre, et son guide, ce géant d’intelligence et de courage, acheva son Å“uvre de dévouement en le portant à travers les sentiers chauds et polis à peine tracés sur le granit. Il voyait d’un côté l’enfer des sables, et de l’autre le paradis terrestre de la plus belle oasis qui fût en ces déserts. La duchesse, déjà frappée par l’aspect de ce poétique personnage, le fut encore bien plus en apprenant qu’elle voyait en lui le marquis de Montriveau, de qui elle avait rêvé pendant la nuit. S’être trouvée dans les sables brûlants du désert avec lui, l’avoir eu pour compagnon de cauchemar, n’était-ce pas chez une femme de cette nature un délicieux présage d’amusement ? Jamais homme n’eut mieux qu’Armand la physionomie de son caractère, et ne pouvait plus justement intriguer les regards. Sa tête, grosse et carrée, avait pour principal trait caractéristique une énorme et abondante chevelure noire qui lui enveloppait la figure de manière à rappeler parfaitement le général Kléber auquel il ressemblait par la vigueur de son front, par la coupe de son visage, par l’audace tranquille des yeux, et par l’espèce de fougue qu’exprimaient ses traits saillants. Il était petit, large de buste, musculeux comme un lion. Quand il marchait, sa pose, sa démarche, le moindre geste trahissait et je ne sais quelle sécurité de force qui imposait, et quelque chose de despotique. Il paraissait savoir que rien ne pouvait s’opposer à sa volonté, peut-être parce qu’il ne voulait rien que de juste. Néanmoins, semblable à tous les gens réellement forts, il était doux dans son parler, simple dans ses manières, et naturellement bon. Seulement toutes ces belles qualités semblaient devoir disparaÃtre dans les circonstances graves où l’homme devient implacable dans ses sentiments, fixe dans ses résolutions, terrible dans ses actions. Un observateur aurait pu voir dans la commissure de ses lèvres un retroussement habituel qui annonçait des penchants vers l’ironie. La duchesse de Langeais, sachant de quel prix passager était la conquête de cet homme, résolut, pendant le peu de temps que mit la duchesse de Maufrigneuse à l’aller prendre pour le lui présenter, d’en faire un de ses amants, de lui donner le pas sur tous les autres, de l’attacher à sa personne, et de déployer pour lui toutes ses coquetteries. Ce fut une fantaisie, pur caprice de duchesse avec lequel Lope de Véga ou Calderon a fait le Chien du jardinier. Elle voulut que cet homme ne fût à aucune femme, et n’imagina pas d’être à lui. La duchesse de Langeais avait reçu de la nature les qualités nécessaires pour jouer les rôles de coquette, et son éducation les avait encore perfectionnées. Les femmes avaient raison de l’envier, et les hommes de l’aimer. Il ne lui manquait rien de ce qui peut inspirer l’amour, de ce qui le justifie et de ce qui le perpétue. Son genre de beauté, ses manières, son parler, sa pose s’accordaient pour la douer d’une coquetterie naturelle, qui, chez une femme, semble être la conscience de son pouvoir. Elle était bien faite, et décomposait peut-être ses mouvements avec trop de complaisance, seule affectation qu’on lui pût reprocher. Tout en elle s’harmoniait, depuis le plus petit geste jusqu’à la tournure particulière de ses phrases, jusqu’à la manière hypocrite dont elle jetait son regard. Le caractère prédominant de sa physionomie était une noblesse élégante, que ne détruisait pas la mobilité toute française de sa personne. Cette attitude incessamment changeante avait un prodigieux attrait pour les hommes. Elle paraissait devoir être la plus délicieuse des maÃtresses en déposant son corset et l’attirail de sa représentation. En effet, toutes les joies de l’amour existaient en germe dans la liberté de ses regards expressifs, dans les câlineries de sa voix, dans la grâce de ses paroles. Elle faisait voir qu’il y avait en elle une noble courtisane, que démentaient vainement les religions de la duchesse. Qui s’asseyait près d’elle pendant une soirée, la trouvait tour à tour gaie, mélancolique, sans qu’elle eût l’air de jouer ni la mélancolie ni la gaieté. Elle savait être à son gré affable, méprisante, ou impertinente, ou confiante. Elle semblait bonne et l’était. Dans sa situation, rien ne l’obligeait à descendre à la méchanceté. Par moments, elle se montrait tour à tour sans défiance et rusée, tendre à émouvoir, puis dure et sèche à briser le cÅ“ur. Mais pour la bien peindre ne faudrait-il pas accumuler toutes les antithèses féminines ; en un mot, elle était ce qu’elle voulait être ou paraÃtre. Sa figure un peu trop longue avait de la grâce, quelque chose de fin, de menu qui rappelait les figures du moyen âge. Son teint était pâle, légèrement rosé. Tout en elle péchait pour ainsi dire par un excès de délicatesse. Monsieur de Montriveau se laissa complaisamment présenter à la duchesse de Langeais, qui, suivant l’habitude des personnes auxquelles un goût exquis fait éviter les banalités, l’accueillit sans l’accabler ni de questions ni de compliments, mais avec une sorte de grâce respectueuse qui devait flatter un homme supérieur, car la supériorité suppose chez un homme un peu de ce tact qui fait deviner aux femmes tout ce qui est sentiment. Si elle manifesta quelque curiosité, ce fut par ses regards ; si elle complimenta, ce fut par ses manières ; et elle déploya cette chatterie de paroles, cette fine envie de plaire qu’elle savait montrer mieux que personne. Mais toute sa conversation ne fut en quelque sorte que le corps de la lettre, il devait y avoir un post-scriptum où la pensée principale allait être dite. Quand, après une demi-heure de causeries insignifiantes, et dans lesquelles l’accent, les sourires, donnaient seuls de la valeur aux mots, monsieur de Montriveau parut vouloir discrètement se retirer, la duchesse le retint par un geste expressif. — Monsieur, lui dit-elle, je ne sais si le peu d’instants pendant lesquels j’ai eu le plaisir de causer avec vous vous a offert assez d’attrait pour qu’il me soit permis de vous inviter à venir chez moi ; j’ai peur qu’il n’y ait beaucoup d’égoïsme à vouloir vous y posséder. Si j’étais assez heureuse pour que vous vous y plussiez, vous me trouveriez toujours le soir jusqu’à dix heures. Ces phrases furent dites d’un ton si coquet, que monsieur de Montriveau ne pouvait se défendre d’accepter l’invitation. Quand il se rejeta dans les groupes d’hommes qui se tenaient à quelque distance des femmes, plusieurs de ses amis le félicitèrent, moitié sérieusement, moitié plaisamment, sur l’accueil extraordinaire que lui avait fait la duchesse de Langeais. Cette difficile, cette illustre conquête, était décidément faite, et la gloire en avait été réservée à l’artillerie de la Garde. Il est facile d’imaginer les bonnes et mauvaises plaisanteries que ce thème, une fois admis, suggéra dans un de ces salons parisiens où l’on aime tant à s’amuser, et où les railleries ont si peu de durée que chacun s’empresse d’en tirer toute la fleur. Ces niaiseries flattèrent à son insu le général. De la place où il s’était mis, ses regards furent attirés par mille réflexions indécises vers la duchesse ; et il ne put s’empêcher de s’avouer à lui-même que, de toutes les femmes dont la beauté avait séduit ses yeux, nulle ne lui avait offert une plus délicieuse expression des vertus, des défauts, des harmonies que l’imagination la plus juvénile puisse vouloir en France à une maÃtresse. Quel homme, en quelque rang que le sort l’ait placé, n’a pas senti dans son âme une jouissance indéfinissable en rencontrant, chez une femme qu’il choisit, même rêveusement, pour sienne, les triples perfections morales, physiques et sociales qui lui permettent de toujours voir en elle tous ses souhaits accomplis ? Si ce n’est pas une cause d’amour, cette flatteuse réunion est certes un des plus grands véhicules du sentiment. Sans la vanité, disait un profond moralise du siècle dernier, l’amour est un convalescent. Il y a certes, pour l’homme comme pour la femme, un trésor de plaisirs dans la supériorité de la personne aimée. N’est-ce pas beaucoup, pour ne pas dire tout, de savoir que notre amour-propre ne souffrira jamais en elle ; qu’elle est assez noble pour ne jamais recevoir les blessures d’un coup d’œil méprisant, assez riche pour être entourée d’un éclat égal à celui dont s’environnent même les rois éphémères de la finance, assez spirituelle pour ne jamais être humiliée par une fine plaisanterie, et assez belle pour être la rivale de tout son sexe ? Ces réflexions, un homme les fait en un clin d’œil. Mais si la femme qui les lui inspire lui présente en même temps, dans l’avenir de sa précoce passion, les changeantes délices de la grâce, l’ingénuité d’une âme vierge, les mille plis du vêtement des coquettes, les dangers de l’amour, n’est-ce pas à remuer le cÅ“ur de l’homme le plus froid ? Voici dans quelle situation se trouvait en ce moment monsieur de Montriveau, relativement à la femme, et le passé de sa vie garantit en quelque sorte la bizarrerie du fait. Jeté jeune dans l’ouragan des guerres françaises, ayant toujours vécu sur les champs de bataille, il ne connaissait de la femme que ce qu’un voyageur pressé, qui va d’auberge en auberge, peut connaÃtre d’un pays. Peut-être aurait-il pu dire de sa vie ce que Voltaire disait à quatre-vingts ans de la sienne, et n’avait-il pas trente-sept sottises à se reprocher ? Il était, à son âge, aussi neuf en amour que l’est un jeune homme qui vient de lire Faublas en cachette. De la femme, il savait tout ; mais de l’amour, il ne savait rien ; et sa virginité de sentiment lui faisait ainsi des désirs tout nouveaux. Quelques hommes, emportés par les travaux auxquels les ont condamnés la misère ou l’ambition, l’art ou la science, comme monsieur de Montriveau avait été emporté par le cours de la guerre et les événements de sa vie, connaissent cette singulière situation, et l’avouent rarement. A Paris, tous les hommes doivent avoir aimé. Aucune femme n’y veut de ce dont aucune n’a voulu. De la crainte d’être pris pour un sot, procèdent les mensonges de la fatuité générale en France, où passer pour un sot, c’est ne pas être du pays. En ce moment, monsieur de Montriveau fut à la fois saisi par un violent désir, un désir grandi dans la chaleur des déserts, et par un mouvement de cÅ“ur dont il n’avait pas encore connu la bouillante étreinte. Aussi fort qu’il était violent, cet homme sut réprimer ses émotions ; mais, tout en causant de choses indifférentes, il se retirait en lui-même, et se jurait d’avoir cette femme, seule pensée par laquelle il pouvait entrer dans l’amour. Son désir devint un serment fait à la manière des Arabes avec lesquels il avait vécu, et pour lesquels un serment est un contrat passé entre eux et toute leur destinée, qu’ils subordonnent à la réussite de l’entreprise consacrée par le serment, et dans laquelle ils ne comptent même plus leur mort que comme un moyen de plus pour le succès. Un jeune homme se serait dit — Je voudrais bien avoir la duchesse de Langeais pour maÃtresse ! un autre — Celui qui sera aimé de la duchesse de Langeais sera un bien heureux coquin ! Mais le général se dit — J’aurai pour maÃtresse madame de Langeais. Quand un homme vierge de cÅ“ur, et pour qui l’amour devient une religion, conçoit une semblable pensée, il ne sait pas dans quel enfer il vient de mettre le pied. Monsieur de Montriveau s’échappa brusquement du salon, et revint chez lui dévoré par les premiers accès de sa première fièvre amoureuse. Si, vers milieu de l’âge, un homme garde encore les croyances, les illusions, les franchises, l’impétuosité de l’enfance, son premier geste est pour ainsi dire d’avancer la main pour s’emparer de ce qu’il désire ; puis, quand il a sondé les distances presque impossibles à franchir qui l’en séparent, il est saisi, comme les enfants, d’une sorte d’étonnement ou d’impatience qui communique de la valeur à l’objet souhaité, il tremble ou il pleure. Aussi le lendemain, après les plus orageuses réflexions qui lui eussent bouleversé l’âme, Armand de Montriveau se trouva-t-il sous le joug de ses sens, que concentra la pression d’un amour vrai. Cette femme si cavalièrement traitée la veille était devenue le lendemain le plus saint, le plus redouté des pouvoirs. Elle fut dès lors pour lui le monde et la vie. Le seul souvenir des plus légères émotions qu’elle lui avait données faisait pâlir ses plus grandes joies, ses plus vives douleurs jadis ressenties. Les révolutions les plus rapides ne trompent que les intérêts de l’homme, tandis qu’une passion en renverse les sentiments. Or, pour ceux qui vivent plus par le sentiment que par l’intérêt, pour ceux qui ont plus d’âme et de sang que d’esprit et de lymphe, un amour réel produit un changement complet d’existence. D’un seul trait, par une seule réflexion, Armand de Montriveau effaça donc toute sa vie passée. Après s’être vingt fois demandé, comme un enfant — Irai-je ? N’irai-je pas ? il s’habilla, vint à l’hôtel de Langeais vers huit heures du soir, et fut admis auprès de la femme, non pas de la femme, mais de l’idole qu’il avait vue la veille, aux lumières, comme une fraÃche et pure jeune fille vêtue de gaze, de blondes et de voiles. Il arrivait impétueusement pour lui déclarer son amour, comme s’il s’agissait du premier coup de canon sur un champ de bataille. Pauvre écolier ! Il trouva sa vaporeuse sylphide enveloppée d’un peignoir de cachemire brun habilement bouillonné, languissamment couchée sur le divan d’un obscur boudoir. Madame de Langeais ne se leva même pas, elle ne montra que sa tête, dont les cheveux étaient en désordre, quoique retenus dans un voile. Puis d’une main qui, dans le clair obscur produit par la tremblante lueur d’une seule bougie placée loin d’elle, parut aux yeux de Montriveau blanche comme une main de marbre, elle lui fit signe de s’asseoir, et lui dit d’une voix aussi douce que l’était la lueur si ce n’eût pas été vous, monsieur le marquis, si c’eût été un ami avec lequel j’eusse pu agir sans façon, ou un indifférent qui m’eût légèrement intéressée, je vous aurais renvoyé. Vous me voyez affreusement souffrante. Armand se dit en lui-même — Je vais m’en aller. — Mais, reprit-elle en lui lançant un regard dont l’ingénu militaire attribua le feu à la fièvre, je ne sais si c’est un pressentiment de votre bonne visite à l’empressement de laquelle je suis on ne peut pas plus sensible, depuis un instant je sentais ma tête se dégager de ses vapeurs. — Je puis donc rester, lui dit Montriveau. — Ah ! je serais bien fâchée de vous voir partir. Je me disais déjà ce matin que je ne devais pas avoir fait sur vous la moindre impression ; que vous aviez sans doute pris mon invitation pour une de ces phrases banales prodiguées au hasard par les Parisiennes, et je pardonnais d’avance à votre ingratitude. Un homme qui arrive des déserts n’est pas tenu de savoir combien notre faubourg est exclusif dans ses amitiés. Ces gracieuses paroles, à demi murmurées, tombèrent une à une, et furent comme chargées du sentiment joyeux qui paraissait les dicter. La duchesse voulait avoir tous les bénéfices de sa migraine, et sa spéculation eut un plein succès. Le pauvre militaire souffrait réellement de la fausse souffrance de cette femme. Comme Crillon entendant le récit de la passion de Jésus-Christ, il était prêt à tirer son épée contre les vapeurs. Hé ! comment alors oser parler à cette malade de l’amour qu’elle inspirait ? Armand comprenait déjà qu’il était ridicule de tirer son amour à brûle-pourpoint sur une femme si supérieure. Il entendit par une seule pensée toutes les délicatesses du sentiment et les exigences de l’âme. Aimer, n’est-ce pas savoir bien plaider, mendier, attendre ? Cet amour ressenti, ne fallait-il pas le prouver ? Il se trouva la langue immobile, glacée par les convenances du noble faubourg, par la majesté de la migraine, et par les timidités de l’amour vrai. Mais nul pouvoir au monde ne put voiler les regards de ses yeux dans lesquels éclataient la chaleur, l’infini du désert, des yeux calmes comme ceux des panthères, et sur lesquels ses paupières ne s’abaissaient que rarement. Elle aima beaucoup ce regard fixe qui la baignait de lumière et d’amour. — Madame la duchesse, répondit-il, je craindrais de vous mal dire la reconnaissance que m’inspirent vos bontés. En ce moment je ne souhaite qu’une seule chose, le pouvoir de dissiper vos souffrances. — Permettez que je me débarrasse de ceci, j’ai maintenant trop chaud, dit-elle en faisant sauter par un mouvement plein de grâce le coussin qui lui couvrait les pieds, qu’elle laissa voir dans toute leur clarté. — Madame, en Asie, vos pieds vaudraient presque dix mille sequins. — Compliment de voyageur, dit-elle en souriant. Cette spirituelle personne prit plaisir à jeter le rude Montriveau dans une conversation pleine de bêtises, de lieux communs et de non-sens, où il manÅ“uvra, militairement parlant, comme eût fait le prince Charles aux prises avec Napoléon. Elle s’amusa malicieusement à reconnaÃtre l’étendue de cette passion commencée, d’après le nombre de sottises arrachées à ce débutant, qu’elle amenait à petits pas dans un labyrinthe inextricable où elle voulait le laisser honteux de lui-même. Elle débuta donc par se moquer de cet homme, à qui elle se plaisait néanmoins à faire oublier le temps. La longueur d’une première visite est souvent une flatterie, mais Armand n’en fut pas complice. Le célèbre voyageur était dans ce boudoir depuis une heure, causant de tout, n’ayant rien dit, sentant qu’il n’était qu’un instrument dont jouait cette femme, quand elle se dérangea, s’assit, se mit sur le cou le voile qu’elle avait sur la tête, s’accouda, lui fit les honneurs d’une complète guérison, et sonna pour faire allumer les bougies du boudoir. A l’inaction absolue dans laquelle elle était restée, succédèrent les mouvements les plus gracieux. Elle se tourna vers monsieur de Montriveau, et lui dit, en réponse à une confidence qu’elle venait de lui arracher et qui parut la vivement intéresser — Vous voulez vous moquer de moi en tâchant de me donner à penser que vous n’avez jamais aimé. Voilà la grande prétention des hommes auprès de nous. Nous les croyons. Pure politesse ! Ne savons-nous pas à quoi nous en tenir là -dessus par nous-mêmes ? Où est l’homme qui n’a pas rencontré dans sa vie une seule occasion d’être amoureux ! Mais vous aimez nous tromper, et nous vous laissons faire, pauvres sottes que nous sommes, parce que vos tromperies sont encore des hommages rendus à la supériorité de nos sentiments, qui sont tout pureté. Cette dernière phrase fut prononcée avec un accent plein de hauteur et de fierté qui fit de cet amant novice une balle jetée au fond d’un abÃme, et de la duchesse un ange revolant vers son ciel particulier. — Diantre ! s’écriait en lui-même Armand de Montriveau, comment s’y prendre pour dire à cette créature sauvage que je l’aime ? Il l’avait déjà dit vingt fois, ou plutôt la duchesse l’avait vingt fois lu dans ses regards, et voyait, dans la passion de cet homme vraiment grand, un amusement pour elle, un intérêt à mettre dans sa vie sans intérêt. Elle se préparait donc déjà fort habilement à élever autour d’elle une certaine quantité de redoutes qu’elle lui donnerait à emporter avant de lui permettre l’entrée de son cÅ“ur. Jouet de ses caprices, Montriveau devait rester stationnaire tout en sautant de difficultés en difficultés comme un de ces insectes tourmenté par un enfant saute d’un doigt sur un autre en croyant avancer, tandis que son malicieux bourreau le laisse au même point. Néanmoins, la duchesse reconnut avec un bonheur inexprimable que cet homme de caractère ne mentait pas à sa parole. Armand n’avait, en effet, jamais aimé. Il allait se retirer mécontent de lui, plus mécontent d’elle encore ; mais elle vit avec joie une bouderie qu’elle savait pouvoir dissiper par un mot, d’un regard, d’un geste. — Viendrez-vous demain soir ? lui dit-elle. Je vais au bal, je vous attendrai jusqu’à dix heures. Le lendemain Montriveau passa la plus grande partie de la journée assis à la fenêtre de son cabinet, et occupé à fumer une quantité indéterminée de cigares. Il put atteindre ainsi l’heure de s’habiller et d’aller à l’hôtel de Langeais. C’eût été grande pitié pour l’un de ceux qui connaissaient la magnifique valeur de cet homme, de le voir devenu si petit, si tremblant, de savoir cette pensée dont les rayons pouvaient embrasser des mondes, se rétrécir aux proportions du boudoir d’une petite-maÃtresse. Mais il se sentait lui-même déjà si déchu dans son bonheur, que, pour sauver sa vie, il n’aurait pas confié son amour à l’un de ses amis intimes. Dans la pudeur qui s’empare d’un homme quand il aime, n’y a-t-il pas toujours un peu de honte, et ne serait-ce pas sa petitesse qui fait l’orgueil de la femme ? Enfin ne serait-ce pas une foule de motifs de ce genre, mais que les femmes ne s’expliquent pas, qui les porte presque toutes à trahir les premières le mystère de leur amour, mystère dont elles se fatiguent peut-être ? — Monsieur, dit le valet de chambre, madame la duchesse n’est pas visible, elle s’habille, et vous prie de l’attendre ici. Armand se promena dans le salon en étudiant le goût répandu dans les moindres détails. Il admira madame de Langeais, en admirant les choses qui venaient d’elle et en trahissaient les habitudes, avant qu’il pût en saisir la personne et les idées. Après une heure environ, la duchesse sortit de sa chambre sans faire de bruit. Montriveau se retourna, la vit marchant avec la légèreté d’une ombre, et tressaillit. Elle vint à lui, sans lui dire bourgeoisement — Comment me trouvez-vous ? Elle était sûre d’elle, et son regard fixe disait — Je me suis ainsi parée pour vous plaire. Une vieille fée, marraine de quelque princesse méconnue, avait seule pu tourner autour du cou de cette coquette personne le nuage d’une gaze dont les plis avaient des tons vifs que soutenait encore l’éclat d’une peau satinée. La duchesse était éblouissante. Le bleu clair de sa robe, dont les ornements se répétaient dans les fleurs de sa coiffure, semblait donner, par la richesse de la couleur, un corps à ses formes frêles devenues tout aériennes ; car, en glissant avec rapidité vers Armand, elle fit voler les deux bouts de l’écharpe qui pendait à ses côtés, et le brave soldat ne put alors s’empêcher de la comparer aux jolis insectes bleus qui voltigent au-dessus des eaux, parmi les fleurs, avec lesquelles ils paraissent se confondre. — Je vous ai fait attendre, dit-elle de la voix que savent prendre les femmes pour l’homme auquel elles veulent plaire. — J’attendrais patiemment une éternité, si je savais trouver la Divinité belle comme vous l’êtes ; mais ce n’est pas un compliment que de vous parler de votre beauté, vous ne pouvez plus être sensible qu’à l’adoration. Laissez-moi donc seulement baiser votre écharpe. — Ah, fi ! dit-elle en faisant un geste d’orgueil, je vous estime assez pour vous offrir ma main. Et elle lui tendit à baiser sa main encore humide. Une main de femme, au moment où elle sort de son bain de senteur, conserve je ne sais quelle fraÃcheur douillette, une mollesse veloutée dont la chatouilleuse impression va des lèvres à l’âme. Aussi, chez un homme épris qui a dans les sens autant de volupté qu’il a d’amour au cÅ“ur, ce baiser, chaste en apparence, peut-il exciter de redoutables orages. — Me la tendrez-vous toujours ainsi ? dit humblement le général en baisant avec respect cette main dangereuse. — Oui ; mais nous en resterons là , dit-elle en souriant. Elle s’assit et parut fort maladroite à mettre ses gants, en voulant en faire glisser la peau d’abord trop étroite le long de ses doigts, et regarder en même temps monsieur de Montriveau, qui admirait alternativement la duchesse et la grâce de ses gestes réitérés. — Ah ! c’est bien, dit-elle, vous avez été exact, j’aime l’exactitude. Sa Majesté dit qu’elle est la politesse des rois ; mais, selon moi, de vous à nous, je la crois la plus respectueuse des flatteries. Hé ! n’est-ce pas ? Dites donc. Puis elle le guigna de nouveau pour lui exprimer une amitié décevante, en le trouvant muet de bonheur, et tout heureux de ces riens. Ah ! la duchesse entendait à merveille son métier de femme, elle savait admirablement rehausser un homme à mesure qu’il se rapetissait, et le récompenser par de creuses flatteries à chaque pas qu’il faisait pour descendre aux niaiseries de la sentimentalité. — Vous n’oublierez jamais de venir à neuf heures. — Oui, mais irez-vous donc au bal tous les soirs ? — Le sais-je ? répondit-elle en haussant les épaules par un petit geste enfantin comme pour avouer qu’elle était toute caprice et qu’un amant devait la prendre ainsi. — D’ailleurs, reprit-elle, que vous importe ? vous m’y conduirez. — Pour ce soir, dit-il, ce serait difficile, je ne suis pas mis convenablement. — Il me semble, répondit-elle en le regardant avec fierté, que si quelqu’un doit souffrir de votre mise, c’est moi. Mais sachez, monsieur le voyageur, que l’homme dont j’accepte le bras est toujours au-dessus de la mode, personne n’oserait le critiquer. Je vois que vous ne connaissez pas le monde, je vous en aime davantage. Et elle le jetait déjà dans les petitesses du monde, en tâchant de l’initier aux vanités d’une femme à la mode. — Si elle veut faire une sottise pour moi, se dit en lui-même Armand, je serais bien niais de l’en empêcher. Elle m’aime sans doute, et, certes, elle ne méprise pas le monde plus que je ne le méprise moi-même ! ainsi va pour le bal ! La duchesse pensait sans doute qu’en voyant le général la suivre au bal en bottes et en cravate noire, personne n’hésiterait à le croire passionnément amoureux d’elle. Heureux de voir la reine du monde élégant vouloir se compromettre pour lui, le général eut de l’esprit en ayant de l’espérance. Sûr de plaire, il déploya ses idées et ses sentiments, sans ressentir la contrainte qui, la veille, lui avait gêné le cÅ“ur. Cette conversation substantielle, animée, remplie par ces premières confidences aussi douces à dire qu’à entendre, séduisit-elle madame de Langeais, ou avait-elle imaginé cette ravissante coquetterie ; mais elle regarda malicieusement la pendule quand minuit sonna. — Ah ! vous me faites manquer le bal ! dit-elle en exprimant de la surprise et du dépit de s’être oubliée. Puis, elle se justifia le changement de ses jouissances par un sourire qui fit bondir le cÅ“ur d’Armand. — J’avais bien promis à madame de Beauséant, ajouta-t-elle. Ils m’attendent tous. — Hé ! bien, allez. — Non, continuez, dit-elle. Je reste. Vos aventures en Orient me charment. Racontez-moi bien toute votre vie. J’aime à participer aux souffrances ressenties par un homme de courage, car je les ressens, vrai ! Elle jouait avec son écharpe, la tordait, la déchirait par des mouvements d’impatience qui semblaient accuser un mécontentement intérieur et de profondes réflexions. — Nous ne valons rien, nous autres, reprit-elle. Ah ! nous sommes d’indignes personnes, égoïstes, frivoles. Nous ne savons que nous ennuyer à force d’amusements. Aucune de nous ne comprend le rôle de sa vie. Autrefois, en France, les femmes étaient des lumières bienfaisantes, elles vivaient pour soulager ceux qui pleurent, encourager les grandes vertus, récompenser les artistes et en animer la vie par de nobles pensées. Si le monde est devenu si petit, à nous la faute. Vous me faites haïr ce monde et le bal. Non, je ne vous sacrifie pas grand’chose. Elle acheva de détruire son écharpe, comme un enfant qui, jouant avec une fleur, finit par en arracher tous les pétales ; elle la roula, la jeta loin d’elle, et put ainsi montrer son cou de cygne. Elle sonna. — Je ne sortirai pas, dit-elle à son valet de chambre. Puis elle reporta timidement ses longs yeux bleus sur Armand, de manière à lui faire accepter, par la crainte qu’ils exprimaient, cet ordre pour un aveu, pour une première, pour une grande faveur. — Vous avez eu bien des peines, dit-elle après une pause pleine de pensées et avec cet attendrissement qui souvent est dans la voix des femmes sans être dans le cÅ“ur. — Non, répondit Armand. Jusqu’aujourd’hui, je ne savais pas ce qu’était le bonheur. — Vous le savez donc, dit-elle en le regardant en dessous d’un air hypocrite et rusé. — Mais, pour moi désormais, le bonheur, n’est-ce pas de vous voir, de vous entendre… Jusqu’à présent je n’avais que souffert, et maintenant je comprends que je puis être malheureux… — Assez, assez, dit-elle, allez-vous-en, il est minuit, respectons les convenances. Je ne suis pas allée au bal, vous étiez là . Ne faisons pas causer. Adieu. Je ne sais ce que je dirai, mais la migraine est bonne personne et ne nous donne jamais de démentis. — Y a-t-il bal demain ? demanda-t-il. — Vous vous y accoutumeriez, je crois. Hé ! bien, oui, demain nous irons encore au bal. Armand s’en alla l’homme le plus heureux du monde, et vint tous les soirs chez madame de Langeais à l’heure qui, par une sorte de convention tacite, lui fut réservée. Il serait fastidieux et ce serait pour une multitude de jeunes gens qui ont de ces beaux souvenirs une redondance que de faire marcher ce récit pas à pas, comme marchait le poème de ces conversations secrètes dont le cours avance ou retarde au gré d’une femme par une querelle de mots quand le sentiment va trop vite, par une plainte sur les sentiments quand les mots ne répondent plus à sa pensée. Aussi, pour marquer le progrès de cet ouvrage à la Pénélope, peut-être faudrait-il s’en tenir aux expressions matérielles du sentiment. Ainsi, quelques jours après la première rencontre de la duchesse et d’Armand de Montriveau, l’assidu général avait conquis en toute propriété le droit de baiser les insatiables mains de sa maÃtresse. Partout où allait madame de Langeais, se voyait inévitablement monsieur de Montriveau, que certaines personnes nommèrent, en plaisantant, le planton de la duchesse. Déjà la position d’Armand lui avait fait des envieux, des jaloux, des ennemis. Madame de Langeais avait atteint à son but. Le marquis se confondait parmi ses nombreux admirateurs, et lui servait à humilier ceux qui se vantaient d’être dans ses bonnes grâces, en lui donnant publiquement le pas sur tous les autres. — Décidément, disait madame de Sérizy, monsieur de Montriveau est l’homme que la duchesse distingue le plus. Qui ne sait pas ce que veut dire, à Paris, être distingué par une femme ? Les choses étaient ainsi parfaitement en règle. Ce qu’on se plaisait à raconter du général le rendit si redoutable, que les jeunes gens habiles abdiquèrent tacitement leurs prétentions sur la duchesse, et ne restèrent dans sa sphère que pour exploiter l’importance qu’ils y prenaient, pour se servir de son nom, de sa personne, pour s’arranger au mieux avec certaines puissances du second ordre, enchantées d’enlever un amant à madame de Langeais. La duchesse avait l’œil assez perspicace pour apercevoir ces désertions et ces traités dont son orgueil ne lui permettait pas d’être la dupe. Alors elle savait, disait monsieur le prince de Talleyrand, qui l’aimait beaucoup, tirer un regain de vengeance par un mot à deux tranchants dont elle frappait ces épousailles morganatiques. Sa dédaigneuse raillerie ne contribuait pas médiocrement à la faire craindre et passer pour une personne excessivement spirituelle. Elle consolidait ainsi sa réputation de vertu, tout en s’amusant des secrets d’autrui, sans laisser pénétrer les siens. Néanmoins, après deux mois d’assiduités, elle eut, au fond. de l’âme, une sorte de peur vague en voyant que monsieur de Montriveau ne comprenait rien aux finesses de la coquetterie Faubourg-Saint-Germanesque, et prenait au sérieux les minauderies parisiennes. — Celui-là , ma chère duchesse, lui avait dit le vieux vidame de Pamiers, est cousin germain des aigles, vous ne l’apprivoiserez pas, et il vous emportera dans son aire, si vous n’y prenez garde. Le lendemain du soir où le rusé vieillard lui avait dit ce mot, dans lequel madame de Langeais craignit de trouver une prophétie, elle essaya de se faire haïr, et se montra dure, exigeante, nerveuse, détestable pour Armand, qui la désarma par une douceur angélique. Cette femme connaissait si peu la bonté large des grands caractères, qu’elle fut pénétrée des gracieuses plaisanteries par lesquelles ses plaintes furent d’abord accueillies. Elle cherchait une querelle et trouva des preuves d’affection. Alors elle persista. — En quoi, lui dit Armand, un homme qui vous idolâtre a-t-il pu vous déplaire ? — Vous ne me déplaisez pas, répondit-elle en devenant tout à coup douce et soumise ; mais pourquoi voulez-vous me compromettre ? Vous ne devez être qu’un ami pour moi. Ne le savez-vous pas ? Je voudrais vous voir l’instinct, les délicatesses de l’amitié vraie, afin de ne perdre ni votre estime, ni les plaisirs que je ressens près de vous. — N’être que votre ami s’écria monsieur de Montriveau à la tête de qui ce terrible mot donna des secousses électriques. Sur la foi des heures douces que vous m’accordez, je m’endors et me réveille dans votre cÅ“ur ; et aujourd’hui, sans motif, vous vous plaisez gratuitement à tuer les espérances secrètes qui me font vivre. Voulez-vous, après m’avoir fait promettre tant de constance, et avoir montré tant d’horreur pour les femmes qui n’ont que des caprices, me faire entendre que, semblable à toutes les femmes de Paris, vous avez des passions, et point d’amour ? Pourquoi donc m’avez-vous demandé ma vie, et pourquoi l’avez-vous acceptée ? — J’ai eu tort, mon ami. Oui, une femme a tort de se laisser aller à de tels enivrements quand elle ne peut ni ne doit les récompenser. — Je comprends, vous n’avez été que légèrement coquette, et… — Coquette ?… je hais la coquetterie. Etre coquette, Armand, mais c’est se promettre à plusieurs hommes et ne pas se donner. Se donner à tous est du libertinage. Voilà ce que j’ai cru comprendre de nos mÅ“urs. Mais se faire mélancolique avec les humoristes, gaie avec les insouciants, politique avec les ambitieux ; écouter avec une apparente admiration les bavards, s’occuper de guerre avec les militaires, être passionnée pour le bien du pays avec les philanthropes, accorder à chacun sa petite dose de flatterie, cela me paraÃt aussi nécessaire que de mettre des fleurs dans nos cheveux, des diamants, des gants et des vêtements. Le discours est la partie morale de la toilette, il se prend et se quitte avec la toque à plumes. Nommez-vous ceci coquetterie ? Mais je ne vous ai jamais traité comme je traite tout le monde. Avec vous, mon ami, je suis vraie. Je n’ai pas toujours partagé vos idées, et quand vous m’avez convaincue, après une discussion, ne m’en avez-vous pas vue tout heureuse ? Enfin, je vous aime, mais seulement comme il est permis à une femme religieuse et pure d’aimer. J’ai fait des réflexions. Je suis mariée, Armand. Si la manière dont je vis avec monsieur de Langeais me laisse la disposition de mon cÅ“ur, les lois, les convenances m’ont ôté le droit de disposer de ma personne. En quelque rang qu’elle soit placée, une femme déshonorée se voit chassée du monde, et je ne connais encore aucun exemple d’un homme qui ait su ce à quoi l’engageaient alors nos sacrifices. Bien mieux, la rupture que chacun prévoit entre madame de Beauséantet monsieur d’Ajuda, qui, dit-on, épouse mademoiselle de Rochefide, m’a prouvé que ces mêmes sacrifices sont presque toujours les causes de votre abandon. Si vous m’aimiez sincèrement, vous cesseriez de me voir pendant quelque temps ! Moi, je dépouillerai pour vous toute vanité ; n’est-ce pas quelque chose ? Que ne dit-on pas d’une femme à laquelle aucun homme ne s’attache ? Ah ! elle est sans cÅ“ur, sans esprit, sans âme, sans charme surtout. Oh ! les coquettes ne me feront grâce de rien, elles me raviront les qualités qu’elles sont blessées de trouver en moi. Si ma réputation me reste, que m’importe de voir contester mes avantages par des rivales ? elles n’en hériteront certes pas. Allons, mon ami, donnez quelque chose à qui vous sacrifie tant ! Venez moins souvent, je ne vous en aimerai pas moins. — Ah ! répondit Armand avec la profonde ironie d’un cÅ“ur blessé, l’amour, selon les écrivassiers, ne se repaÃt que d’illusions ! Rien n’est plus vrai, je le vois, il faut que je m’imagine être aimé. Mais tenez, il est des pensées comme des blessures dont on ne revient pas vous étiez une de mes dernières croyances, et je m’aperçois en ce moment que tout est faux ici bas. Elle se prit à sourire. — Oui, reprit Montriveau d’une voix altérée, votre foi catholique à laquelle vous voulez me convertir est un mensonge que les hommes se font, l’espérance est un mensonge appuyé sur l’avenir, l’orgueil est un mensonge de nous à nous, la pitié, la sagesse, la terreur sont des calculs mensongers. Mon bonheur sera donc aussi quelque mensonge, il faut que je m’attrape moi-même et consente à toujours donner un louis contre un écu. Si vous pouvez si facilement vous dispenser de me voir, si vous ne m’avouez ni pour ami, ni pour amant, vous ne m’aimez pas ! Et moi, pauvre fou, je me dis cela, je le sais, et j’aime. — Mais, mon Dieu, mon pauvre Armand, vous vous emportez. — Je m’emporte ? — Oui, vous croyez que tout est en question, parce que je vous parle de prudence. Au fond, elle était enchantée de la colère qui débordait dans les yeux de son amant. En ce moment, elle le tourmentait ; mais elle le jugeait, et remarquait les moindres altérations de sa physionomie. Si le général avait eu le malheur de se montrer généreux sans discussion, comme il arrive quelquefois à certaines âmes candides, il eût été forbanni pour toujours, atteint et convaincu de ne pas savoir aimer. La plupart des femmes veulent se sentir le moral violé. N’est-ce pas une de leurs flatteries de ne jamais céder qu’à la force ? Mais Armand n’était pas assez instruit pour apercevoir le piége habilement préparé par la duchesse. Les hommes forts qui aiment ont tant d’enfance dans l’âme ! — Si vous ne voulez que conserver les apparences, dit-il avec naïveté, je suis prêt à …. — Ne conserver que les apparences, s’écria-t-elle en l’interrompant, mais quelles idées vous faites-vous donc de moi ? Vous ai-je donné le moindre droit de penser que je puisse être à vous ? — Ah çà , de quoi parlons-nous donc ? demanda Montriveau. — Mais, monsieur, vous m’effrayez. Non, pardon, merci, reprit-elle d’un ton froid, merci, Armand vous m’avertissez à temps d’une imprudence bien involontaire, croyez-le, mon ami. Vous savez souffrir, dites-vous ? Moi aussi, je saurai souffrir. Nous cesserons de nous voir ; puis, quand l’un et l’autre nous aurons su recouvrer un peu de calme, eh ! bien, nous aviserons à nous arranger un bonheur approuvé par le monde. Je suis jeune, Armand, un homme sans délicatesse ferait faire bien des sottises et des étourderies à une femme de vingt-quatre ans. Mais, vous ! vous serez mon ami, promettez-le moi. — La femme de vingt-quatre ans, répondit-il, sait calculer. Il s’assit sur le divan du boudoir, et resta la tête appuyée dans ses mains. — M’aimez-vous, madame ? demanda-t-il en relevant la tête et lui montrant un visage plein de résolution. Dites hardiment oui ou non. La duchesse fut plus épouvantée de cette interrogation qu’elle ne l’aurait été d’une menace de mort, ruse vulgaire dont s’effraient peu de femmes au dix-neuvième siècle, en ne voyant plus les hommes porter l’épée au coté ; mais n’y a-t-il pas des effets de cils, de sourcils, des contractions dans le regard, des tremblements de lèvres qui communiquent la terreur qu’ils expriment si vivement, si magnétiquement ? — Ah ! dit-elle, si j’étais libre, si…. — Eh ! n’est-ce que votre mari qui nous gêne ? s’écria joyeusement le général en se promenant à grands pas dans le boudoir. Ma chère Antoinette, je possède un pouvoir plus absolu que ne l’est celui de l’autocrate de toutes les Russies. Je m’entends avec la Fatalité ; je puis, socialement parlant, l’avancer ou la retarder à ma fantaisie, comme on fait d’une montre. Diriger la Fatalité, dans notre machine politique, n’est-ce pas tout simplement en connaÃtre les rouages ? Dans peu, vous serez libre, souvenez-vous alors de votre promesse. — Armand, s’écria-t-elle, que voulez-vous dire ? Grand Dieu ! croyez-vous que je puisse être le gain d’un crime ? voulez-vous ma mort ? Mais vous n’avez donc pas du tout de religion ? Moi, je crains Dieu. Quoique monsieur de Langeais m’ait donné le droit de le haïr, je ne lui souhaite aucun mal. Monsieur de Montriveau, qui battait machinalement la retraite avec ses doigts sur le marbre de la cheminée, se contenta de regarder la duchesse d’un air calme. — Mon ami, dit-elle en continuant, respectez-le. Il ne m’aime pas, il n’est pas bien pour moi, mais j’ai des devoirs à remplir envers lui. Pour éviter les malheurs dont vous le menacez, que ne ferais-je pas ? — Ecoutez, reprit-elle après une pause, je ne vous parlerai plus de séparation, vous viendrez ici comme par le passé, je vous donnerai toujours mon front à baiser ; si je vous le refusais quelquefois, c’était pure coquetterie, en vérité. Mais, entendons-nous, dit-elle en le voyant s’approcher. Vous me permettrez d’augmenter le nombre de mes poursuivants, d’en recevoir dans la matinée encore plus que par le passé je veux redoubler de légèreté, je veux vous traiter fort mal en apparence, feindre une rupture ; vous viendrez un peu moins souvent ; et puis, après… En disant ces mots, elle se laissa prendre par la taille, parut sentir, ainsi pressée par Montriveau, le plaisir excessif que trouvent la plupart des femmes à cette pression, dans laquelle tous les plaisirs de l’amour semblent promis ; puis, elle désirait sans doute se faire faire quelque confidence, car elle se haussa sur la pointe des pieds pour apporter son front sous les lèvres bûlantes d’Armand. — Après, reprit Montriveau, vous ne me parlerez plus de votre mari vous n’y devez plus penser. Madame de Langeais garda le silence. — Au moins, dit-elle après une pause expressive, vous ferez tout ce que je voudrai, sans gronder, sans être mauvais, dites, mon ami ? N’avez-vous pas voulu m’effrayer ? Allons, avouez-le ?… vous êtes trop bon pour jamais concevoir de criminelles pensées. Mais auriez-vous donc des secrets que je ne connusse point ? Comment pouvez-vous donc maÃtriser le sort ? — Au moment où vous confirmez le don que vous m’avez déjà fait de votre cÅ“ur, je suis trop heureux pour bien savoir ce que je vous répondrais. J’ai confiance en vous, Antoinette, je n’aurai ni soupçons, ni fausses jalousies. Mais, si le hasard vous rendait libre, nous sommes unis… — Le hasard, Armand, dit-elle en faisant un de ces jolis gestes de tête qui semblent pleins de choses et que ces sortes de femmes jettent à la légère, comme une cantatrice joue avec sa voix. Le pur hasard, reprit-elle. Sachez-le bien s’il arrivait, par votre faute, quelque malheur à monsieur de Langeais, je ne serais jamais à vous. Ils se séparèrent contents l’un et l’autre. La duchesse avait fait un pacte qui lui permettait de prouver au monde, par ses paroles et ses actions, que monsieur de Montriveau n’était point son amant. Quant à lui, la rusée se promettait bien de le lasser en ne lui accordant d’autres faveurs que celles surprises dans ces petites luttes dont elle arrêtait le cours à son gré. Elle savait si joliment le lendemain révoquer les concessions consenties la veille, elle était si sérieusement déterminée à rester physiquement vertueuse, qu’elle ne voyait aucun danger pour elle à des préliminaires redoutables seulement aux femmes bien éprises. Enfin, une duchesse séparée de son mari offrait peu de chose à l’amour, en lui sacrifiant un mariage annulé depuis long-temps. De son côté, Montriveau, tout heureux d’obtenir la plus vague des promesses, et d’écarter à jamais les objections qu’une épouse puise dans la foi conjugale pour se refuser à l’amour, s’applaudissait d’avoir conquis encore un peu plus de terrain. Aussi, pendant quelque temps, abusa-t-il des droits d’usufruit qui lui avaient été si difficilement octroyés. Plus enfant qu’il ne l’avait jamais été, cet homme se laissait aller à tous les enfantillages qui font du premier amour la fleur de la vie. Il redevenait petit en répandant et son âme et toutes les forces trompées que lui communiquait sa passion sur les mains de cette femme, sur ses cheveux blonds dont il baisait les boucles floconneuses, sur ce front éclatant qu’il voyait pur. Inondée d’amour, vaincue par les effluves magnétiques d’un sentiment si chaud, la duchesse hésitait à faire naÃtre la querelle qui devait les séparer à jamais. Elle était plus femme qu’elle ne le croyait, cette chétive créature, en essayant de concilier les exigences de la religion avec les vivaces émotions de vanité, avec les semblants de plaisir dont s’affolent les Parisiennes. Chaque dimanche elle entendait la messe, ne manquait pas un office ; puis, le soir, elle se plongeait dans les enivrantes voluptés que procurent des désirs sans cesse réprimés. Armand et madame de Langeais ressemblaient à ces faquirs de l’Inde qui sont récompensés de leur chasteté par les tentations qu’elle leur donne. Peut-être aussi, la duchesse avait-elle fini par résoudre l’amour dans ces caresses fraternelles, qui eussent paru sans doute innocentes à tout le monde, mais auxquelles les hardiesses de sa pensée prêtaient d’excessives dépravations. Comment expliquer autrement le mystére incompréhensible de ses perpétuelles fluctuations ? Tous les matins elle se proposait de fermer sa porte au marquis de Montriveau ; puis, tous les soirs, à l’heure dite, elle se laissait charmer par lui. Après une molle défense, elle se faisait moins méchante ; sa conversation devenait douce, onctueuse ; deux amants pouvaient seuls être ainsi. La duchesse déployait son esprit le plus scintillant, ses coquetteries les plus entraÃnantes ; puis quand elle avait irrité l’âme et les sens de son amant, s’il la saisissait, elle voulait bien se laisser briser et tordre par lui, mais elle avait son nec plus ultra de passion ; et, quand il en arrivait là , elle se fâchait toujours si, maÃtrisé par sa fougue, il faisait mine d’en franchir les barrières. Aucune femme n’ose se refuser sans motif à l’amour, rien n’est plus naturel que d’y céder ; aussi madame de Langeais s’entoura-t-elle bientôt d’une seconde ligne de fortifications plus difficile à emporter que ne l’avait été la première. Elle évoqua les terreurs de la religion. Jamais le Père de l’Église le plus éloquent ne plaida mieux la cause de Dieu ; jamais les vengeances du Très-Haut ne furent mieux justifiées que par la voix de la duchesse. Elle n’employait ni phrases de sermon, ni amplifications de rhétorique. Non, elle avait son pathos à elle. A la plus ardente supplique d’Armand elle répondait par un regard mouillé de larmes, par un geste qui peignait une affreuse plénitude de sentiments ; elle le faisait taire en lui demandant grâce ; un mot de plus, elle ne voulait pas l’entendre, elle succomberait, et la mort lui semblait préférable à un bonheur criminel. — N’est-ce donc rien que de désobéir à Dieu ! lui disait-elle en retrouvant une voix affaiblie par des combats intérieurs sur lesquels cette jolie comédienne paraissait prendre difficilement un empire passager. Les hommes, la terre entière, je vous les sacrifierais volontiers ; mais vous êtes bien égoïste de me demander tout mon avenir pour un moment de plaisir. Allons ! voyons, n’êtes-vous pas heureux ? ajoutait-elle en lui tendant la main et se montrant à lui dans un négligé qui certes offrait à son amant des consolations dont il se payait toujours. Si, pour retenir un homme dont l’ardente passion lui donnait des émotions inaccoutumées, ou si, par faiblesse, elle se laissait ravir quelque baiser rapide, aussitôt elle feignait la peur, elle rougissait et bannissait Armand de son canapé au moment où le canapé devenait dangereux pour elle. — Vos plaisirs sont des péchés que j’expie, Armand ; ils me coûtent des pénitences, des remords, s’écriait-elle. Quand Montriveau se voyait à deux chaises de cette jupe aristocratique, il se prenait à blasphémer, il maugréait Dieu. La duchesse se fâchait alors. — Mais, mon ami, disait-elle sèchement, je ne comprends pas pourquoi vous refusez de croire en Dieu, car il est impossible de croire aux hommes. Taisez-vous, ne parlez pas ainsi ; vous avez l’âme trop grande pour épouser les sottises du libéralisme, qui a la prétention de tuer Dieu. Les discussions théologiques et politiques lui servaient de douches pour calmer Montriveau, qui ne savait plus revenir à l’amour quand elle excitait sa colère, en le jetant à mille lieues de ce boudoir dans les théories de l’absolutisme qu’elle défendait à merveille. Peu de femmes osent être démocrates, elles sont alors trop en contradiction avec leur despotisme en fait de sentiments. Mais souvent aussi le général secouait sa crinière, laissait la politique, grondait comme un lion, se battait les flancs, s’élançait sur sa proie, revenait terrible d’amour à sa maÃtresse, incapable de porter long-temps son cÅ“ur et sa pensée en flagrance. Si cette femme se sentait piquée par une fantaisie assez incitante pour la compromettre, elle savait alors sortir de son boudoir elle quittait l’air chargé de désirs qu’elle y respirait, venait dans son salon, s’y mettait au piano, chantait les airs les plus délicieux de la musique moderne, et trompait ainsi l’amour des sens, qui parfois ne lui faisait pas grâce, mais qu’elle avait la force de vaincre. En ces moments elle était sublime aux yeux d’Armand elle ne feignait pas, elle était vraie, et le pauvre amant se croyait aimé. Cette résistance égoïste la lui faisait prendre pour une sainte et vertueuse créature, et il se résignait, et il parlait d’amour platonique, le général d’artillerie ! Quand elle eut assez joué de la religion dans son intérêt personnel, madame de Langeais en joua dans celui d’Armand elle voulut le ramener à des sentiments chrétiens, elle lui refit le Génie du Christianisme à l’usage des militaires. Montriveau s’impatienta, trouva son joug pesant. Oh ! alors, par esprit de contradiction, elle lui cassa la tête de Dieu pour voir si Dieu la débarrasserait d’un homme qui allait à son but avec une constance dont elle commençait à s’effrayer. D’ailleurs, elle se plaisait à prolonger toute querelle qui paraissait éterniser la lutte morale, après laquelle venait une lutte matérielle bien autrement dangereuse. Mais si l’opposition faite au nom des lois du mariage représente l’ époque civile de cette guerre sentimentale, celle-ci en constituerait l’ époque religieuse, et elle eut, comme la précédente, une crise après laquelle sa rigueur devait décroÃtre. Un soir, Armand, venu fortuitement de très bonne heure, trouva monsieur l’abbé Gondrand, directeur de conscience de madame de Langeais, établi dans un fauteuil au coin de la cheminée, comme un homme en train de digérer son dÃner et les jolis péchés de sa pénitente. La vue de cet homme au teint frais et reposé, dont le front était calme, la bouche ascétique, le regard malicieusement inquisiteur, qui avait dans son maintien une véritable noblesse ecclésiastique, et déjà dans son vêtement violet épiscopal, rembrunit singulièrement le visage de Montriveau qui ne salua personne et resta silencieux. Sorti de son amour, le général ne manquait pas de tact ; il devina donc, en échangeant quelques regards avec le futur évêque, que cet homme était le promoteur des difficultés dont s’armait pour lui l’amour de la duchesse. Qu’un ambitieux abbé bricolât et retint le bonheur d’un homme trempé comme l’était Montriveau ? cette pensée bouillonna sur sa face, lui crispa les doigts, le fit lever, marcher, piétiner ; puis, quand il revenait à sa place, avec l’intention de faire un éclat, un seul regard de la duchesse suffisait à le calmer. Madame de Langeais, nullement embarrassée du noir silence de son amant, par lequel toute autre femme eût été gênée, continuait à converser fort spirituellement avec monsieur Gondrand sur la nécessité de rétablir la religion dans son ancienne splendeur. Elle exprimait mieux que ne le faisait l’abbé pourquoi l’Église devait être un pouvoir à la fois temporel et spirituel, et regrettait que la chambre des Pairs n’eût pas encore son banc des évêques, comme la chambre des Lords avait le sien. Néanmoins l’abbé, sachant que le carême lui permettait de prendre sa revanche, céda la place au général et sortit. A peine la duchesse se leva-t-elle pour rendre à son directeur l’humble révérence qu’elle en reçut, tant elle était intriguée par l’attitude de Montriveau. — Qu’avez-vous, mon ami ? — Mais j’ai votre abbé sur l’estomac. — Pourquoi ne preniez-vous pas un livre ? lui dit-elle sous se soucier d’être ou non entendue par l’abbé qui fermait la porte. Montriveau resta muet pendant un moment, car la duchesse accompagna ce mot d’un geste qui en relevait encore la profonde impertinence. — Ma chère Antoinette, je vous remercie de donner à l’Amour le pas sur l’Église ; mais, de grâce, souffrez que je vous adresse une question. — Ah ! vous m’interrogez. Je le veux bien, reprit-elle. N’êtes-vous pas mon ami ? je puis, certes, vous montrer le fond de mon cÅ“ur, vous n’y verrez qu’une image. — Parlez-vous à cet homme de notre amour ? — Il est mon confesseur. — Sait-il que je vous aime ? — Monsieur de Montriveau, vous ne prétendez pas, je pense, pénétrer les secrets de ma confession ? — Ainsi cet homme connaÃt toutes nos querelles et mon amour pour vous… — Un homme, monsieur ! dites Dieu. — Dieu ! Dieu ! je dois être seul dans votre cÅ“ur. Mais laissez Dieu tranquille là où il est, pour l’amour de lui et de moi. Madame, vous n’irez plus à confesse, ou… — Ou ? dit-elle en souriant. — Ou je ne reviendrai plus ici. — Partez, Armand. Adieu, adieu pour jamais. Elle se leva et s’en alla dans son boudoir, sans jeter un seul regard à Montriveau, qui resta debout, la main appuyée sur une chaise. Combien de temps resta-t-il ainsi, jamais il ne le sut lui-même. L’âme a le pouvoir inconnu d’étendre comme de resserrer l’espace. Il ouvrit la porte du boudoir, il y faisait nuit. Une voixfaible devint forte pour dire aigrement — Je n’ai pas sonné. D’ailleurs pourquoi donc entrer sans ordre ? Suzette, laissez-moi. — Tu souffres donc ? s’écria Montriveau. — Levez-vous, monsieur, reprit-elle en sonnant, et sortez d’ici, au moins pour un moment. — Madame la duchesse demande de la lumière, dit-il au valet de chambre, qui vint dans le boudoir y allumer les bougies. Quand les deux amants furent seuls, madame de Langeais demeura couchée sur son divan, muette, immobile, absolument comme si Montriveau n’eût pas été là . — Chère, dit-il avec un accent de douleur et de bonté sublime, j’ai tort. Je ne te voudrais certes pas sans religion… — Il est heureux, répliqua-t-elle sans le regarder et d’une voix dure, que vous reconnaissiez la nécessité de la conscience. Je vous remercie pour Dieu. Ici le général, abattu par l’inclémence de cette femme, qui savait devenir à volonté une étrangère ou une sÅ“ur pour lui, fit, vers la porte, un pas de désespoir, et allait l’abandonner à jamais sans lui dire un seul mot. Il souffrait, et la duchesse riait en elle-même des souffrances causées par une torture morale bien plus cruelle que ne l’était jadis la torture judiciaire. Mais cet homme n’était pas maÃtre de s’en aller. En toute espèce de crise, une femme est en quelque sorte grosse d’une certaine quantité de paroles ; et quand elle ne les a pas dites, elle éprouve la sensation que donne la vue d’une chose incomplète. Madame de Langeais, qui n’avait pas tout dit, reprit la parole. — Nous n’avons pas les mêmes convictions, général, j’en suis peinée. Il serait affreux pour la femme de ne pas croire à une religion qui permet d’aimer au delà du tombeau. Je mets à part les sentiments chrétiens, vous ne les comprenez pas. Laissez-moi vous parler seulement des convenances. Voulez-vous interdire à une femme de la cour la sainte table quand il est reçu de s’en approcher à Pâques ? mais il faut pourtant bien savoir faire quelque chose pour son parti. Les Libéraux ne tueront pas, malgré leur désir, le sentiment religieux. La religion sera toujours une nécessité politique Vous chargeriez-vous de gouverner un peuple de raisonneurs ! Napoléon ne l’osait pas, il persécutait les idéologues. Pour empêcher les peuples de raisonner, il faut leur imposer des sentiments. Acceptons donc la religion catholique avec toutes ses conséquences. Si nous voulons que la France aille à la messe, ne devons nous pas commencer par y aller nous-mêmes ? La religion, Armand, est, vous le voyez, le lien des principes conservateurs qui permettent aux riches de vivre tranquilles. La religion est intimement liée à la propriété. Il est certes plus beau de conduire les peuples par des idées morales que par des échafauds, comme au temps de la Terreur, seul moyen que votre détestable révolution ait inventé pour se faire obéir. Le prêtre et le roi, mais c’est vous, c’est moi, c’est la princesse ma voisine ; c’est en un mot tous les intérêts des honnêtes gens personnifiés. Allons, mon ami, veuillez donc être de votre parti, vous qui pourriez en devenir le Sylla, si vous aviez la moindre ambition. J’ignore la politique, moi, j’en raisonne par sentiment ; mais j’en sais néanmoins assez pour deviner que la société serait renversée si l’on en faisait mettre à tout moment les bases en question…. — Si votre cour, si votre gouvernement pensent ainsi, vous me faites pitié, dit Montriveau. La Restauration, madame, doit se dire comme Catherine de Médicis, quand elle crut la bataille de Dreux perdue — Eh ! bien, nous irons au prêche ! Or, 1815 est votre bataille de Dreux. Comme le trône de ce temps-là , vous l’avez gagnée en fait, mais perdue en droit. Le protestantisme politique est victorieux dans les esprits. Si vous ne voulez pas faire un Edit de Nantes ; ou si, le faisant, vous le révoquez ; si vous êtes un jour atteints et convaincus de ne plus vouloir de la Charte, qui n’est qu’un gage donné au maintien des intérêts révolutionnaires, la Révolution se relèvera terrible, et ne vous donnera qu’un seul coup ; ce n’est pas elle qui sortira de France ; elle y est le sol même. Les hommes se laissent tuer, mais non les intérêts…. Eh ! mon Dieu, que nous font la France, le trône, la légitimité, le monde entier ? Ce sont des billevesées auprès de mon bonheur. Régnez, soyez renversés, peu m’importe. Où suis-je donc ? — Mon ami, vous êtes dans le boudoir de madame la duchesse de Langeais. — Non, non, plus de duchesse, plus de Langeais, je suis près de ma chère Antoinette ! — Voulez-vous me faire le plaisir de rester où vous êtes, dit-elle en riant et en le repoussant, mais sans violence. — Vous ne m’avez donc jamais aimé, dit-il avec une rage qui jaillit de ses yeux par des éclairs. — Non, mon ami. — Ce non valait un oui. — Je suis un grand sot, reprit-il en baisant la main de cette terrible reine redevenue femme. — Antoinette, reprit-il s’appuyant la tête sur ses pieds, tu es trop chastement tendre pour dire nos bonheurs à qui que ce soit au monde. — Ah ! vous êtes un grand fou, dit-elle en se levant par un mouvement gracieux quoique vif. Et sans ajouter une parole, elle courut dans le salon. — Qu’a-t-elle donc ? demanda le général, qui ne savait pas deviner la puissance des commotions que sa tête brûlante avait électriquement communiquées des pieds à la tête de sa maÃtresse. Au moment où il arrivait furieux dans le salon, il y entendit de célestes accords. La duchesse était à son piano. Les hommes de science ou de poésie qui peuvent à la fois comprendre et jouir sans que la réflexion nuise à leurs plaisirs, sentent que l’alphabet et la phraséologie musicale sont les instruments intimes du musicien, comme le bois ou le cuivre sont ceux de l’exécutant. Pour eux, il existe une musique à part au fond de la double expression de ce sensuel langage des âmes. Andiamo mio ben peut arracher des larmes de joie ou faire rire de pitié, selon la cantatrice. Souvent, çà et là , dans le monde, une jeune fille expirant sous le poids d’une peine inconnue, un homme dont l’âme vibre sous les pincements d’une passion, prennent un thème musical et s’entendent avec le ciel, ou se parlent à eux-mêmes dans quelque sublime mélodie, espèce de poème perdu. Or, le général écoutait en ce moment une de ces poésies inconnues autant que peut l’être la plainte solitaire d’un oiseau mort sans compagne dans une forêt vierge. — Mon Dieu, que jouez-vous donc là ? dit-il d’une voix émue. — Le prélude d’une romance appelée, je crois, Fleuve du Tage. — Je ne savais pas ce que pouvait être une musique de piano, reprit-il. — Hé, mon ami, dit-elle en lui jetant pour la première fois un regard de femme amoureuse, vous ne savez pas non plus que je vous aime, que vous me faites horriblement souffrir, et qu’il faut bien que je me plaigne sans trop me faire comprendre, autrement je serais à vous… Mais vous ne voyez rien. — Et vous ne voulez pas me rendre heureux ! — Armand, je mourrais de douleur le lendemain. Le général sortit brusquement ; mais quand il se trouva dans la rue, il essuya deux larmes qu’il avait eu la force de contenir dans ses yeux. La religion dura trois mois. Ce terme expiré, la duchesse, ennuyée de ses redites, livra Dieu pieds et poings liés à son amant. Peut-être craignait-elle, à force de parler éternité, de perpétuer l’amour du général en ce monde et dans l’autre. Pour l’honneur de cette femme, il est nécessaire de la croire vierge, même de cÅ“ur ; autrement elle serait trop horrible. Encore bien loin de cet âge où mutuellement l’homme et la femme se trouvent trop près de l’avenir pour perdre du temps et se chicaner leurs jouissances, elle en était, sans doute, non pas à son premier amour, mais à ses premiers plaisirs. Faute de pouvoir comparer le bien au mal, faute de souffrances qui lui eussent appris la valeur des trésors jetés à ses pieds, elle s’en jouait. Ne connaissant pas les éclatantes délices de la lumière, elle se complaisait à rester dans les ténèbres. Armand, qui commençait à entrevoir cette bizarre situation, espérait dans la première parole de la nature. Il pensait, tous les soirs, en sortant de chez madame de Langeais, qu’une femme n’acceptait pas pendant sept mois les soins d’un homme et les preuves d’amour les plus tendres, les plus délicates, ne s’abandonnait pas aux exigences superficielles d’une passion pour la tromper en un moment, et il attendait patiemment la saison du soleil, ne doutant pas qu’il n’en recueillÃt les fruits dans leur primeur. Il avait parfaitement conçu les scrupules de la femme mariée et les scrupules religieux. Il était même joyeux de ces combats. Il trouvait la duchesse pudique là où elle n’était qu’horriblement coquette ; et il ne l’aurait pas voulue autrement. Il aimait donc à lui voir inventer des obstacles ; n’en triomphait-il pas graduellement ? Et chaque triomphe n’augmentait-il pas la faible somme des privautés amoureuses long-temps défendues, puis concédées par elle avec tous les semblants de l’amour ? Mais il avait si bien dégusté les menues et processives conquêtes dont se repaissent les amants timides, qu’elles étaient devenues des habitudes pour lui. En fait d’obstacles, il n’avait donc plus que ses propres terreurs à vaincre ; car il ne voyait plus à son bonheur d’autre empêchement que les caprices de celle qui se laissait appeler Antoinette. Il résolut alors de vouloir plus, de vouloir tout. Embarrassé comme un amant jeune encore qui n’ose pas croire à l’abaissement de son idole, il hésita long-temps, et connut ces terribles réactions de cÅ“ur, ces volontés bien arrêtées qu’un mot anéantit, ces décisions prises qui expirent au seuil d’une porte. Il se méprisait de ne pas avoir la force de dire un mot, et ne le disait pas. Néanmoins un soir il procéda par une sombre mélancolie à la demande farouche de ses droits illégalement légitimes. La duchesse n’attendit pas la requête de son esclave pour en deviner le désir. Un désir d’homme est-il jamais secret ? les femmes n’ont-elles pas toutes la science infuse de certains bouleversements de physionomie ? — Hé quoi ! voulez-vous cesser d’être mon ami ? dit-elle en l’interrompant au premier mot et lui jetant des regards embellis par une divine rougeur qui coula comme un sang nouveau sur son teint diaphane. Pour me récompenser de mes générosités, vous voulez me déshonorer. Réfléchissez donc un peu. Moi, j’ai beaucoup réfléchi ; je pense toujours à nous. Il existe une probité de femme à laquelle nous ne devons pas plus manquer que vous ne devez faillir à l’honneur. Moi, je ne sais pas tromper. Si je suis à vous, je ne pourrai plus être en aucune manière la femme de monsieur de Langeais. Vous exigez donc le sacrifice de ma position, de mon rang, de ma vie, pour un douteux amour qui n’a pas eu sept mois de patience. Comment ! déjà vous voudriez me ravir la libre disposition de moi-même. Non, non, ne me parlez plus ainsi. Non, ne me dites rien. Je ne veux pas, je ne peux pas vous entendre. Là , madame de Langeais prit sa coiffure à deux mains pour reporter en arrière les touffes de boucles qui lui échauffaient le front, et parut très animée. — Vous venez chez une faible créature avec des calculs bien arrêtés, en vous disant Elle me parlera de son mari pendant un certain temps, puis de Dieu, puis des suites inévitables de l’amour ; mais j’userai, j’abuserai de l’influence que j’aurai conquise ; je me rendrai nécessaire ; j’aurai pour moi les liens de l’habitude, les arrangements tout faits par le public ; enfin, quand le monde aura fini par accepter notre liaison, je serai le maÃtre de cette femme. Soyez franc, ce sont là vos pensées…. Ah ! vous calculez, et vous dites aimer, fi ! Vous êtes amoureux, ha ! je le crois bien ! Vous me désirez, et voulez m’avoir pour maÃtresse, voilà tout. Hé ! bien, non, la duchesse de Langeais ne descendra pas jusque-là . Que de naïves bourgeoises soient les dupes de vos faussetés ; moi, je ne le serai jamais. Rien ne m’assure de votre amour. Vous me parlez de ma beauté, je puis devenir laide en six mois, comme la chère princesse ma voisine. Vous êtes ravi de mon esprit, de ma grâce ; mon Dieu, vous vous y accoutumerez comme vous vous accoutumeriez au plaisir. Ne vous êtes-vous pas habitué depuis quelques mois aux faveurs que j’ai eu la faiblesse de vous accorder ? Quand je serai perdue, un jour, vous ne me donnerez d’autre raison de votre changement que le mot décisif Je n’aime plus. Rang, fortune, honneur, toute la duchesse de Langeais se sera engloutie dans une espérance trompée. J’aurai des enfants qui attesteront ma honte, et… mais, reprit-elle en laissant échapper un geste d’impatience, je suis trop bonne de vous expliquer ce que vous savez mieux que moi. Allons ! restons-en là . Je suis trop heureuse de pouvoir encore briser les liens que vous croyez si forts. Y a-t-il donc quelque chose de si héroïque à être venu à l’hôtel de Langeais passer tous les soirs quelques instants auprès d’une femme dont le babil vous plaisait, de laquelle vous vous amusiez comme d’un joujou ? Mais quelques jeunes fats arrivent chez moi, de trois heures à cinq heures, aussi régulièrement que vous venez le soir. Ceux-là sont donc bien généreux. Je me moque d’eux, ils supportent assez tranquillement mes boutades, mes impertinences, et me font rire ; tandis que vous, à qui j’accorde les plus précieux trésors de mon âme, vous voulez me perdre, et me causez mille ennuis. Taisez-vous, assez, assez, dit-elle en le voyant prêt à parler, vous n’avez ni cÅ“ur, ni âme, ni délicatesse. Je sais ce que vous voulez me dire. Eh ! bien, oui. J’aime mieux passer à vos yeux pour une femme froide, insensible, sans dévouement, sans cÅ“ur même, que de passer aux yeux du monde pour une femme ordinaire, que d’être condamnée à des peines éternelles après avoir été condamnée à vos prétendus plaisirs, qui vous lasseront certainement. Votre égoïste amour ne vaut pas tant de sacrifices… Ces paroles représentent imparfaitement celles que fredonna la duchesse avec la vive prolixité d’une serinette. Certes, elle put parler long-temps, le pauvre Armand n’opposait pour toute réponse à ce torrent de notes flûtées qu’un silence plein de sentiments horribles. Pour la première fois, il entrevoyait la coquetterie de cette femme, et devinait instinctivement que l’amour dévoué, l’amour partagé ne calculait pas, ne raisonnait pas ainsi chez une femme vraie. Puis il éprouvait une sorte de honte en se souvenant d’avoir involontairement fait les calculs dont les odieuses pensées lui étaient reprochées. Puis, en s’examinant avec une bonne foi tout angélique, il ne trouvait que de l’égoïsme dans ses paroles, dans ses idées, dans ses réponses conçues et non exprimées. Il se donna tort, et, dans son désespoir, il eut l’envie de se précipiter par la fenêtre. Le moi le tuait. Que dire, en effet, à une femme qui ne croit pas à l’amour ? -. Laissez-moi vous prouver combien je vous aime. " Toujours moi. Montriveau ne savait pas, comme en ces sortes de circonstances le savent les héros de boudoir, imiter le rude logicien marchant devant les Pyrrhoniens, qui niaient le mouvement. Cet homme audacieux manquait précisément de l’audace habituelle aux amants qui connaissent les formules de l’algèbre féminine. Si tant de femmes, et même les plus vertueuses, sont la proie des gens habiles en amour auxquels le vulgaire donne un méchant nom, peut-être est-ce parce qu’ils sont de grands prouveurs, et que l’amour veut, malgré sa délicieuse poésie de sentiment, un peu plus de géométrie qu’on ne le pense. Or, la duchesse et Montriveau se ressemblaient en ce point qu’ils étaient également inexperts en amour. Elle en connaissait très-peu la théorie, elle en ignorait la pratique, ne sentait rien et réfléchissait à tout. Montriveau connaissait peu de pratique, ignorait la théorie, et sentait trop pour réfléchir. Tous deux subissaient donc le malheur de cette situation bizarre. En ce moment suprême, ses myriades de pensées pouvaient se réduire à celle-ci " Laissez-vous posséder. " Phrase horriblement égoïste pour une femme chez qui ces mots n’apportaient aucun souvenir et ne réveillaient aucune image. Néanmoins, il fallait répondre. Quoiqu’il eût le sang fouetté par ces petites phrases en forme de flèches, bien aiguÃs, bien froides, bien acérées, décochées coup sur coup, Montriveau devait aussi cacher sa rage, pour ne pas tout perdre par une extravagance. — Madame la duchesse, je suis au désespoir que Dieu n’ait pas inventé pour la femme une autre façon de confirmer le don de son cÅ“ur que d’y ajouter celui de sa personne. Le haut prix que vous attachez à vous-même me montre que je ne dois pas en attacher un moindre. Si vous me donnez votre âme et tous vos sentiments, comme vous me le dites, qu’importe donc le reste ? D’ailleurs, si mon bonheur vous est un si pénible sacrifice, n’en parlons plus. Seulement, vous pardonnerez à un homme de cÅ“ur de se trouver humilié en se voyant pris pour un épagneul. Le ton de cette dernière phrase eût peut-être effrayé d’autres femmes ; mais quand une de ces porte-jupes s’est mise au-dessus de tout en se laissant diviniser, aucun pouvoir ici-bas n’est orgueilleux comme elle sait être orgueilleuse. — Monsieur le marquis, je suis au désespoir que Dieu n’ait pas inventé pour l’homme une plus noble façon de confirmer le don de son cÅ“ur que la manifestation de désirs prodigieusement vulgaires. Si, en donnant notre personne, nous devenons esclaves, un homme ne s’engage à rien en nous acceptant. Qui m’assurera que je serai toujours aimée ? L’amour que je déploierais à tout moment pour vous mieux attacher à moi serait peut-être une raison d’être abandonnée. Je ne veux pas faire une seconde édition de madame de Beauséant. Sait-on jamais ce qui vous retient près de nous ? Notre constante froideur est le secret de la constante passion de quelques-uns d’entre vous ; à d’autres, il faut un dévouement perpétuel, une adoration de tous les moments ; à ceux-ci, la douceur ; à ceux-là , le despotisme. Aucune femme n’a encore pu bien déchiffrer vos cÅ“urs. Il y eut une pause, après laquelle elle changea de ton. — Enfin, mon ami, vous ne pouvez pas empêcher une femme de trembler à cette question Serai-je aimée toujours ? Quelque dures qu’elles soient, mes paroles me sont dictées par la crainte de vous perdre. Mon Dieu ! ce n’est pas moi, cher, qui parle, mais la raison ; et comment s’en trouve-t-il chez une personne aussi folle que je le suis ? En vérité, je n’en sais rien. Entendre cette réponse commencée par la plus déchirante ironie, et terminée par les accents les plus mélodieux dont une femme se soit servie pour peindre l’amour dans son ingénuité, n’était-ce pas aller en un moment du martyre au ciel ? Montriveau pâlit, et tomba pour la première fois de sa vie aux genoux d’une femme. Il baisa le bas de la robe de la duchesse, les pieds, les genoux ; mais, pour l’honneur du faubourg Saint-Germain, il est nécessaire de ne pas révéler les mystères de ses boudoirs, où l’on voulait tout de l’amour, moins ce qui pouvait attester l’amour. — Chère Antoinette, s’écria Montriveau dans le délire où le plongea l’entier abandon de la duchesse qui se crut généreuse en se laissant adorer ; oui, tu as raison, je ne veux pas que tu conserves de doutes. En ce moment, je tremble aussi d’être quitté par l’ange de ma vie, et je voudrais inventer pour nous des liens indissolubles. — Ah ! dit-elle tout bas, tu vois, j’ai donc raison. — Laisse-moi finir, reprit Armand, je vais d’un seul mot dissiper toutes tes craintes. Ecoute, si je t’abandonnais, je mériterais mille morts. Sois toute à moi, je te donnerai le droit de me tuer si je te trahissais. J’écrirai moi-même une lettre par laquelle je déclarerai certains motifs qui me contraindraient à me tuer ; enfin, j’y mettrai mes dernières dispositions. Tu posséderas ce testament qui légitimerait ma mort, et pourras ainsi te venger sans avoir rien à craindre de Dieu ni des hommes. — Ai-je besoin de cette lettre ? Si j’avais perdu ton amour, que me ferait la vie ? Si je voulais te tuer, ne saurais-je pas te suivre ? Non, je te remercie de l’idée, mais je ne veux pas de la lettre. Ne pourrais-je pas croire que tu m’es fidèle par crainte, ou le danger d’une infidélité ne pourrait-il pas être un attrait pour celui qui livre ainsi sa vie ? Armand, ce que je demande est seul difficile à faire. — Et que veux-tu donc ? — Ton obéissance et ma liberté. — Mon Dieu, s’écria-t-il, je suis comme un enfant. — Un enfant volontaire et bien gâté, dit-elle en caressant l’épaisse chevelure de cette tête qu’elle garda sur ses genoux. Oh ! oui, bien plus aimé qu’il ne le croit, et cependant bien désobéissant. Pourquoi ne pas rester ainsi ? pourquoi ne pas me sacrifier des désirs qui m’offensent ? pourquoi ne pas accepter ce que j’accorde, si c’est tout ce que je puis honnêtement octroyer ? N’êtes-vous donc pas heureux ? — Oh ! oui, dit-il, je suis heureux quand je n’ai point de doutes. Antoinette, en amour, douter, n’est-ce pas mourir ? Et il se montra tout à coup ce qu’il était et ce que sont tous les hommes sous le feu des désirs, éloquent, insinuant. Après avoir goûté les plaisirs permis sans doute par un secret et jésuitique oukase, la duchesse éprouva ces émotions cérébrales dont l’habitude lui avait rendu l’amour d’Armand nécessaire autant que l’étaient le monde, le bal et l’opéra. Se voir adorée par un homme dont la supériorité, le caractère inspirent de l’effroi ; en faire un enfant ; jouer, comme Poppée, avec un Néron ; beaucoup de femmes, comme firent les épouses d’Henri VIII, ont payé ce périlleux bonheur de tout le sang de leurs veines. Hé ! bien, pressentiment bizarre ! en lui livrant les jolis cheveux blanchement blonds dans lesquels il aimait à promener ses doigts, en sentant la petite main de cet homme vraiment grand la presser, en jouant elle-même avec les touffes noires de sa chevelure, dans ce boudoir où elle régnait, la duchesse se disait — Cet homme est capable de me tuer, s’il s’aperçoit que je m’amuse de lui. Monsieur de Montriveau resta jusqu’à deux heures du matin près de sa maÃtresse, qui, dès ce moment, ne lui parut plus ni une duchesse, ni une Navarreins Antoinette avait poussé le déguisement jusqu’à paraÃtre femme. Pendant cette délicieuse soirée, la plus douce préface que jamais Parisienne ait faite pour ce que le monde appelle une faute, il fut permis au général de voir en elle, malgré les minauderies d’une pudeur jouée, toute la beauté des jeunes filles. Il put penser avec quelque raison que tant de querelles capricieuses formaient des voiles avec lesquels une âme céleste s’était vêtue, et qu’il fallait lever un à un, comme ceux dont elle enveloppait son adorable personne. La duchesse fut pour lui la plus naïve, la plus ingénue des maÃtresses, et il en fit la femme de son choix ; il s’en alla tout heureux de l’avoir enfin amenée à lui donner tant de gages d’amour, qu’il lui semblait impossible de ne pas être désormais, pour elle, un époux secret dont le choix était approuvé par Dieu. Dans cette pensée, avec la candeur de ceux qui sentent toutes les obligations de l’amour en en savourant les plaisirs, Armand revint chez lui lentement. Il suivit les quais, afin de voir le plus grand espace possible de ciel, il voulait élargir le firmament et la nature en se trouvant le cÅ“ur agrandi. Ses poumons lui paraissaient aspirer plus d’air qu’ils n’en prenaient la veille. En marchant, il s’interrogeait, et se promettait d’aimer si religieusement cette femme qu’elle pût trouver tous les jours une absolution de ses fautes sociales dans un constant bonheur. Douces agitations d’une vie pleine ! Les hommes qui ont assez de force pour teindre leur âme d’un sentiment unique ressentent des jouissances infinies en contemplant par échappées toute une vie incessamment ardente, comme certains religieux pouvaient contempler la lumière divine dans leurs extases. Sans cette croyance en sa perpétuité, l’amour ne serait rien ; la constance le grandit. Ce fut ainsi qu’en s’en allant en proie à son bonheur, Montriveau comprenait la passion. — Nous sommes donc l’un à l’autre à jamais ! Cette pensée était pour cet homme un talisman qui réalisait les vÅ“ux de sa vie. Il ne se demandait pas si la duchesse changerait, si cet amour durerait ; non, il avait la foi, l’une des vertus sans laquelle il n’y a pas d’avenir chrétien, mais qui peut-être est encore plus nécessaire aux Sociétés. Pour la première fois, il concevait la vie par les sentiments, lui qui n’avait encore vécu que par l’action la plus exorbitante des forces humaines, le dévouement quasi-corporel du soldat. Le lendemain, monsieur de Montriveau se rendit de bonne heure au faubourg Saint-Germain. Il avait un rendez-vous dans une maison voisine de l’hôtel de Langeais, où, quand ses affaires furent faites, il alla comme on va chez soi. Le général marchait alors de compagnie avec un homme pour lequel il paraissait avoir une sorte d’aversion quand il le rencontrait dans les salons. Cet homme était le marquis de Ronquerolles, dont la réputation devint si grande dans les boudoirs de Paris ; homme d’esprit, de talent, homme de courage surtout, et qui donnait le ton à toute la jeunesse de Paris ; un galant homme dont les succès et l’expérience étaient également enviés, et auquel ne manquaient ni la fortune, ni la naissance, qui ajoutent à Paris tant de lustre aux qualités des gens à la mode. — Où vas-tu ? dit monsieur de Ronquerolles à Montriveau. — Chez madame de Langeais. — Ah ! c’est vrai, j’oubliais que tu t’es laissé prendre à sa glu. Tu perds chez elle un amour que tu pourrais bien mieux employer ailleurs. J’avais à te donner dans la Banque dix femmes qui valent mille fois mieux que cette courtisane titrée, qui fait avec sa tête ce que d’autres femmes plus franches font… — Que dis-tu là , mon cher, dit Armand en interrompant Ronquerolles, la duchesse est un ange de candeur. Ronquerolles se prit à rire. — Puisque tu en es là , mon cher, dit-il, je dois t’éclairer. Un seul mot ! entre nous, il est sans conséquence. La duchesse t’appartient-elle ? En ce cas, je n’aurai rien à dire. Allons, fais-moi tes confidences. Il s’agit de ne pas perdre ton temps à greffer ta belle âme sur une nature ingrate qui doit laisser avorter les espérances de ta culture. Quand Armand eut naïvement fait une espèce d’état de situation dans lequel il mentionna minutieusement les droits qu’il avait si péniblement obtenus, Ronquerolles partit d’un éclat de rire si cruel, qu’à tout autre il aurait coûté la vie. Mais à voir de quelle manière ces deux êtres se regardaient et se parlaient seuls au coin d’un mur, aussi loin des hommes qu’ils eussent pu l’être au milieu d’un désert, il était facile de présumer qu’une amitié sans bornes les unissait et qu’aucun intérêt humain ne pouvait les brouiller. — Mon cher Armand, pourquoi ne m’as-tu pas dit que tu t’embarrassais de la duchesse ? je t’aurais donné quelques conseils qui t’auraient fait mener à bien cette intrigue. Apprends d’abord que les femmes de notre faubourg aiment, comme toutes les autres, à se baigner dans l’amour ; mais elles veulent posséder sans être possédées. Elles ont transigé avec la nature. La jurisprudence de la paroisse leur a presque tout permis, moins le péché positif. Les friandises dont te régale ta jolie duchesse sont des péchés véniels dont elle se lave dans les eaux de la pénitence. Mais si tu avais l’impertinence de vouloir sérieusement le grand péché mortel auquel tu dois naturellement attacher la plus haute importance, tu verrais avec quel profond dédain la porte du boudoir et de l’hôtel te serait incontinent fermée. La tendre Antoinette aurait tout oublié, tu serais moins que zéro pour elle. Tes baisers, mon cher ami, seraient essuyés avec l’indifférence qu’une femme met aux choses de sa toilette. La duchesse épongerait l’amour sur ses joues comme elle en ôte le rouge. Nous connaissons ces sortes de femmes, la Parisienne pure. As-tu jamais vu dans les rues une grisette trottant menu ? sa tête vaut un tableau joli bonnet, joues fraÃches, cheveux coquets, fin sourire, le reste est à peine soigné. N’en est-ce pas bien le portrait ? Voilà la Parisienne, elle sait que sa tête seule sera vue ; à sa tête, tous les soins, les parures, les vanités. Hé ! bien, la duchesse est tout tête, elle ne sent que par sa tête, elle a un cÅ“ur dans la tête, une voix de tête, elle est friande par la tête. Nous nommons cette pauvre chose une Laïs intellectuelle. Tu es joué comme un enfant. Si tu en doutes, tu en auras la preuve ce soir, ce matin, à l’instant. Monte chez elle, essaie de demander, de vouloir impérieusement ce que l’on te refuse ; quand même tu t’y prendrais comme feu monsieur le maréchal de Richelieu, néant au placet. Armand était hébêté. — La désires-tu au point d’en être devenu sot ? — Je la veux à tout prix, s’écria Montriveau déséspéré. — Hé ! bien, écoute. Sois aussi implacable qu’elle le sera, tâche de l’humilier, de piquer sa vanité ; d’intéresser non pas le cÅ“ur, non pas l’âme, mais les nerfs et la lymphe de cette femme à la fois nerveuse et lymphatique. Si tu peux lui faire naÃtre un désir, tu es sauvé. Mais quitte tes belles idées d’enfant. Si, l’ayant pressée dans tes serres d’aigle, tu cèdes, si tu recules, si l’un de tes sourcils remue, si elle croit pouvoir encore te dominer, elle glissera de tes griffes comme un poisson et s’échappera pour ne plus se laisser prendre. Sois inflexible comme la loi. N’aie pas plus de charité que n’en a le bourreau. Frappe. Quand tu auras frappé, frappe encore. Frappe toujours, comme si tu donnais le knout. Les duchesses sont dures, mon cher Armand, et ces natures de femme ne s’amollissent que sous les coups ; la souffrance leur donne un cÅ“ur, et c’est Å“uvre de charité que de les frapper. Frappe donc sans cesse. Ah ! quand la douleur aura bien attendri ces nerfs, ramolli ces fibres que tu crois douces et molles ; fait battre un cÅ“ur sec, qui, à ce jeu, reprendra de l’élasticité ; quand la cervelle aura cédé, la passion entrera peut-être dans les ressorts métalliques de cette machine à larmes, à manières, à évanouissements, à phrases fondantes ; et tu verras le plus magnifique des incendies, si toutefois la cheminée prend feu. Ce système d’acier femelle aura le rouge du fer dans la forge ! une chaleur plus durable que tout, et cette incandescence deviendra peut-être de l’amour. Néanmoins, j’en doute. Puis, la duchesse vaut-elle tant de peines ? Entre nous, elle aurait besoin d’être préalablement formée par un homme comme moi, j’en ferais une femme charmante, elle a de la race ; tandis qu’à vous deux, vous en resterez à l’A B C de l’amour. Mais tu aimes, et tu ne partagerais pas en ce moment mes idées sur cette matière. — Bien du plaisir, mes enfants, ajouta Ronquerolles en riant et après une pause. Je me suis prononcé, moi, en faveur des femmes faciles ; au moins, elles sont tendres, elles aiment au naturel, et non avec les assaisonnements sociaux. Mon pauvre garçon, une femme qui se chicane, qui ne veut qu’inspirer de l’amour ? eh, mais il faut en avoir une comme on a un cheval de luxe ; voir, dans le combat du confessionnal contre le canapé, ou du blanc contre le noir, de la reine contre le fou, des scrupules contre le plaisir, une partie d’échecs fort divertissante à jouer. Un homme tant soit peu roué, qui sait le jeu, donne le mat en trois coups, à volonté. Si j’entreprenais une femme de ce genre, je me donnerais pour but de….. Il dit un mot à l’oreille d’Armand et le quitta brusquement pour ne pas entendre de réponse. Quant à Montriveau, d’un bond il sauta dans la cour de l’hôtel de Langeais, monta chez la duchesse et, sans se faire annoncer, il entra chez elle, dans sa chambre à coucher. — Mais cela ne se fait pas, dit-elle en croisant à la hâte son peignoir, Armand, vous êtes un homme abominable. Allons, laissez-moi, je vous prie. Sortez, sortez donc. Attendez-moi dans le salon. Allez. — Chère ange, lui dit-il, un époux n’a-t-il donc aucun privilége ? — Mais c’est d’un goût détestable, monsieur, soit à un époux, soit à un mari, de surprendre ainsi sa femme. Il vint à elle, la prit, la serra dans ses bras — Pardonne, ma chère Antoinette, mais mille soupçons mauvais me travaillent le cÅ“ur. — Des soupçons, fi ! Ah ! fi, fi donc ! — Des soupçons presque justifiés. Si tu m’aimais, me ferais-tu cette querelle ? N’aurais-tu pas été contente de me voir ? n’aurais-tu pas senti je ne sais quel mouvement au cÅ“ur ? Mais moi qui ne suis pas femme, j’éprouve des tressaillements intimes au seul son de ta voix. L’envie de te sauter au cou m’a souvent pris au milieu d’un bal. — Ah ! si vous avez des soupçons tant que je ne vous aurai pas sauté au cou devant tout le monde, je crois que je serai soupçonnée pendant toute ma vie ; mais, auprès de vous, Othello n’est qu’un enfant ! — Ha ! dit-il au désespoir, je ne suis pas aimé. — Du moins, en ce moment, convenez que vous n’êtes pas aimable. — J’en suis donc encore à vous plaire ? — Ah ! je le crois. Allons, dit-elle d’un petit air impératif, sortez, laissez-moi. Je ne suis pas comme vous, moi je veux toujours vous plaire… Jamais aucune femme ne sut, mieux que madame de Langeais, mettre tant de grâce dans son impertinence ; et n’est-ce pas en doubler l’effet ? n’est-ce pas à rendre furieux l’homme le plus froid ? En ce moment ses yeux, le son de sa voix, son attitude attestèrent une sorte de liberté parfaite qui n’est jamais chez la femme aimante, quand elle se trouve en présence de celui dont la seule vue doit la faire palpiter. Déniaisé par les avis du marquis de Ronquerolles, encore aidé par cette rapide intus-susception dont sont doués momentanément les êtres les moins sagaces par la passion, mais qui se trouve si complète chez les hommes forts, Armand devina la terrible vérité que trahissait l’aisance de la duchesse, et son cÅ“ur se gonfla d’un orage comme un lac prêt à se soulever. — Si tu disais vrai hier, sois à moi, ma chère Antoinette, s’écria-t-il, je veux… — D’abord, dit-elle en le repoussant avec force et calme, lorsqu’elle le vit s’avancer, ne me compromettez pas. Ma femme de chambre pourrait vous entendre. Respectez-moi, je vous prie. Votre familiarité est très-bonne, le soir, dans mon boudoir ; mais ici, point. Puis, que signifie votre je veux ? Je veux ! Personne ne m’a dit encore ce mot. Il me semble très-ridicule, parfaitement ridicule. — Vous ne me céderiez rien sur ce point ? dit-il. — Ah ! vous nommez un point, la libre disposition de nous-mêmes un point très-capital, en effet ; et vous me permettrez d’être, en ce point, tout à fait la maÃtresse. — Et si, me fiant en vos promesses, je l’exigeais ? — Ah ! vous me prouveriez que j’aurais eu le plus grand tort de vous faire la plus légère promesse, je ne serais pas assez sotte pour la tenir, et je vous prierais de me laisser tranquille. Montriveau pâlit, voulut s’élancer ; la duchesse sonna, sa femme de chambre parut, et cette femme lui dit en souriant avec une grâce moqueuse — Ayez la bonté de revenir quand je serai visible. Armand de Montriveau sentit alors la dureté de cette femme froide et tranchante autant que l’acier, elle était écrasante de mépris. En un moment, elle avait brisé des liens qui n’étaient forts que pour son amant. La duchesse avait lu sur le front d’Armand les exigences secrètes de cette visite, et avait jugé que l’instant était venu de faire sentir à ce soldat impérial que les duchesses pouvaient bien se prêter à l’amour, mais ne s’y donnaient pas, et que leur conquête était plus difficile à faire que ne l’avait été celle de l’Europe. — Madame, dit Armand, je n’ai pas le temps d’attendre. Je suis, vous l’avez dit vous-même, un enfant gâté. Quand je voudrai sérieusement ce dont nous parlions tout à l’heure, je l’aurai. — Vous l’aurez ? dit-elle d’un air de hauteur auquel se mêla quelque surprise. — Je l’aurai. — Ah ! vous me feriez bien plaisir de le vouloir. Pour la curiosité du fait, je serais charmée de savoir comment vous vous y prendriez… — Je suis enchanté, répondit Montriveau en riant de façon à effrayer la duchesse, de mettre un intérêt dans votre existence. Me permettrez-vous de venir vous chercher pour aller au bal ce soir ? — Je vous rends mille grâces, monsieur de Marsay vous a prévenu, j’ai promis. Montriveau salua gravement et se retira. — Ronquerolles a donc raison, pensa-t-il, nous allons jouer maintenant une partie d’échecs. Dès lors il cacha ses émotions sous un calme complet. Aucun homme n’est assez fort pour pouvoir supporter ces changements, qui font passer rapidement l’âme du plus grand bien à des malheurs suprêmes. N’avait-il donc aperçu la vie heureuse que pour mieux sentir le vide de son existence précédente ? Ce fut un terrible orage ; mais il savait souffrir, et reçut l’assaut de ses pensées tumultueuses, comme un rocher de granit reçoit les lames de l’Océan courroucé. — Je n’ai rien pu lui dire ; en sa présence, je n’ai plus d’esprit. Elle ne sait pas à quel point elle est vile et méprisable. Personne n’a osé mettre cette créature en face d’elle-même. Elle a sans doute joué bien des hommes, je les vengerai tous. Pour la première fois peut-être, dans un cÅ“ur d’homme, l’amour et la vengeance se mêlèrent si également qu’il était impossible à Montriveau lui-même de savoir qui de l’amour, qui de la vengeance l’emporterait. Il se trouva le soir même au bal où devait être la duchesse de Langeais, et désespéra presque d’atteindre cette femme à laquelle il fut tenté d’attribuer quelque chose de démoniaque elle se montra pour lui gracieuse et pleine d’agréables sourires, elle ne voulait pas sans doute laisser croire au monde qu’elle s’était compromise avec monsieur de Montriveau. Une mutuelle bouderie trahit l’amour. Mais que la duchesse ne changeât rien à ses manières, alors que le marquis était sombre et chagrin, n’était-ce pas faire voir qu’Armand n’avait rien obtenu d’elle ? Le monde sait bien deviner le malheur des hommes dédaignés, et ne le confond point avec les brouilles que certaines femmes ordonnent à leurs amants d’affecter dans l’espoir de cacher un mutuel amour. Et chacun se moqua de Montriveau qui, n’ayant pas consulté son cornac, resta rêveur, souffrant ; tandis que monsieur de Ronquerolles lui eût prescrit peut-être de compromettre la duchesse en répondant à ses fausses amitiés par des démonstrations passionnées. Armand de Montriveau quitta le bal, ayant horreur de la nature humaine, et croyant encore à peine à de si complètes perversités. — S’il n’y a pas de bourreaux pour de semblables crimes, dit-il en regardant les croisées lumineuses des salons où dansaient, causaient et riaient les plus séduisantes femmes de Paris, je te prendrai par le chignon du cou, madame la duchesse, et t’y ferai sentir un fer plus mordant que ne l’est le couteau de la Grève. Acier contre acier, nous verrons quel cÅ“ur sera plus tranchant. Pendant une semaine environ, madame de Langeais espéra revoir le marquis de Montriveau ; mais Armand se contenta d’envoyer tous les matins sa carte à l’hôtel de Langeais. Chaque fois que cette carte était remise à la duchesse, elle ne pouvait s’empêcher de tressaillir, frappée par de sinistres pensées, mais indistinctes comme l’est un pressentiment de malheur. En lisant ce nom, tantôt elle croyait sentir dans ses cheveux la main puissante de cet homme implacable, tantôt ce nom lui pronostiquait des vengeances que son mobile esprit lui faisait atroces. Elle l’avait trop bien étudié pour ne pas le craindre. Serait-elle assassinée ? Cet homme à cou de taureau l’éventrerait-il en la lançant au-dessus de sa tête ? la foulerait-il aux pieds ? Quand, où, comment la saisirait-il ? la ferait-il bien souffrir, et quel genre de souffrance méditait-il de lui imposer ? Elle se repentait. A certaines heures, s’il était venu, elle se serait jetée dans ses bras avec un complet abandon. Chaque soir, en s’endormant, elle revoyait la physionomie de Montriveau sous un aspect différent. Tantôt son sourire amer ; tantôt la contraction jupitérienne de ses sourcils, son regard de lion, ou quelque hautain mouvement d’épaules, le lui faisaient terrible. Le lendemain, la carte lui semblait couverte de sang. Elle vivait agitée par ce nom, plus qu’elle ne l’avait été par l’amant fougueux, opiniâtre, exigeant. Puis ses appréhensions grandissaient encore dans le silence, elle était obligée de se préparer, sans secours étranger, à une lutte horrible dont il ne lui était pas permis de parler. Cette âme, fière et dure, était plus sensible aux titillations de la haine qu’elle ne l’avait été naguère aux caresses de l’amour. Ha ! si le général avait pu voir sa maÃtresse au moment où elle amassait les plis de son front entre ses sourcils, en se plongeant dans d’amères pensées, au fond de ce boudoir où il avait savouré tant de joies, peut-être eût-il conçu de grandes espérances. La fierté n’est-elle pas un des sentiments humains qui ne peuvent enfanter que de nobles actions ? Quoique madame de Langeais gardât le secret de ses pensées, il est permis de supposer que monsieur de Montriveau ne lui était plus indifférent. N’est-ce pas une immense conquête pour un homme que d’occuper une femme ? Chez elle, il doit nécessairement se faire un progrès dans un sens ou dans l’autre. Mettez une créature féminine sous les pieds d’un cheval furieux, en face de quelque animal terrible ; elle tombera, certes, sur les genoux, elle attendra la mort ; mais si la bête est clémente et ne la tue pas entièrement, elle aimera le cheval, le lion, le taureau, elle en parlera tout à l’aise. La duchesse se sentait sous les pieds du lion elle tremblait, elle ne haïssait pas. Ces deux personnes, si singulièrement posées l’une en face de l’autre, se rencontrèrent trois fois dans le monde durant cette semaine. Chaque fois, en réponse à de coquettes interrogations, la duchesse reçut d’Armand des saluts respectueux et des sourires empreints d’une ironie si cruelle, qu’ils confirmaient toutes les appréhensions inspirées le matin par la carte de visite. La vie n’est que ce que nous la font les sentiments, les sentiments avaient creusé des abÃmes entre ces deux personnes. La comtesse de Sérizy, sÅ“ur du marquis de Ronquerolles, donnait au commencement de la semaine suivante un grand bal auquel devait venir madame de Langeais. La première figure que vit la duchesse en entrant fut celle d’Armand, Armand l’attendait cette fois, elle le pensa du moins. Tous deux échangèrent un regard. Une sueur froide sortit soudain de tous les pores de cette femme. Elle avait cru Montriveau capable de quelque vengeance inouïe, proportionnée à leur état ; cette vengeance était trouvée, elle était prête, elle était chaude, elle bouillonnait. Les yeux de cet amant trahi lui lancèrent les éclairs de la foudre et son visage rayonnait de haine heureuse. Aussi, malgré la volonté qu’avait la duchesse d’exprimer la froideur et l’impertinence, son regard resta-t-il morne. Elle alla se placer près de la comtesse de Sérizy, qui ne put s’empêcher de lui dire — Qu’avez-vous, ma chère Antoinette ? Vous êtes à faire peur. — Une contredanse va me remettre, répondit-elle en donnant la main à un jeune homme qui s’avançait. Madame de Langeais se mit à valser avec une sorte de fureur et d’emportement que redoubla le regard pesant de Montriveau. Il resta debout, en avant de ceux qui s’amusaient à voir les valseurs. Chaque fois que sa maÃtresse passait devant lui, ses yeux plongeaient sur cette tête tournoyante, comme ceux d’un tigre sûr de sa proie. La valse finie, la duchesse vint s’asseoir près de la comtesse, et le marquis ne cessa de la regarder en s’entretenant avec un inconnu. — Monsieur, lui disait-il, l’une des choses qui m’ont le plus frappé dans ce voyage… La duchesse était tout oreilles. … Est la phrase que prononce le gardien de Westminster en vous montrant la hache avec laquelle un homme masqué trancha, dit-on, la tête de Charles Ier en mémoire du roi qui les dit à un curieux. — Que dit-il ? demanda madame de Sérizy. — Ne touchez pas à la hache, répondit Montriveau d’un son de voix où il y avait de la menace. — En vérité, monsieur le marquis, dit la duchesse de Langeais, vous regardez mon cou d’un air si mélodramatique en répétant cette vieille histoire, connue de tous ceux qui vont à Londres, qu’il me semble vous voir une hache à la main. Ces derniers mots furent prononcés en riant, quoiqu’une sueur froide eût saisi la duchesse. — Mais cette histoire est, par circonstance, très-neuve, répondit-il. — Comment cela ? je vous prie, de grâce, en quoi ? — En ce que, madame, vous avez touché à la hache, lui dit Montriveau à voix basse. — Quelle ravissante prophétie ! reprit-elle en souriant avec une grâce affectée. Et quand doit tomber ma tête ? — Je ne souhaite pas de voir tomber votre jolie tête, madame. Je crains seulement pour vous quelque grand malheur. Si l’on vous tondait, ne regretteriez-vous pas ces cheveux si mignonnement blonds, et dont vous tirez si bien parti… — Mais il est des personnes auxquelles les femmes aiment à faire de ces sacrifices, et souvent même à des hommes qui ne savent pas leur faire crédit d’un mouvement d’humeur. — D’accord. Eh ! bien, si tout à coup, par un procédé chimique, un plaisant vous enlevait votre beauté, vous mettait à cent ans, quand vous n’en avez pour nous que dix-huit ? — Mais, monsieur, dit-elle en l’interrompant, la petite-vérole est notre bataille de Waterloo. Le lendemain nous connaissons ceux qui nous aiment véritablement. — Vous ne regretteriez pas cette délicieuse figure qui… — Ha, beaucoup ; mais moins pour moi que pour celui dont elle ferait la joie. Cependant, si j’étais sincèrement aimée, toujours, bien, que m’importerait la beauté ? Qu’en dites-vous, Clara ? — C’est une spéculation dangereuse, répondit madame de Sérizy. — Pourrait-on demander à sa majesté le roi des sorciers, reprit madame de Langeais, quand j’ai commis la faute de toucher à la hache, moi qui ne suis pas encore allée à Londres… — Non so, fit-il en laissant échapper un rire moqueur. — Et quand commencera le supplice ? Là , Montriveau tira froidement sa montre et vérifia l’heure avec une conviction réellement effrayante. — La journée ne finira pas sans qu’il vous arrive un horrible malheur… — Je ne suis pas un enfant qu’on puisse facilement épouvanter, ou plutôt je suis un enfant qui ne connaÃt pas le danger, dit la duchesse, et vais danser sans crainte au bord de l’abÃme. — Je suis enchanté, madame, de vous savoir tant de caractère, répondit-il en la voyant aller prendre sa place à un quadrille. Malgré son apparent dédain pour les noires prédictions d’Armand, la duchesse était en proie à une véritable terreur. A peine l’oppression morale et presque physique sous laquelle la tenait son amant cessa-t-elle lorsqu’il quitta le bal. Néanmoins, après avoir joui pendant un moment du plaisir de respirer à son aise, elle se surprit à regretter les émotions de la peur, tant la nature femelle est avide de sensations extrêmes. Ce regret n’était pas de l’amour, mais il appartenait certes aux sentiments qui le préparent. Puis, comme si la duchesse eût de nouveau ressenti l’effet que monsieur Montriveau lui avait fait éprouver, elle se rappela l’air de conviction avec lequel il venait de regarder l’heure, et, saisie d’épouvante, elle se retira. Il était alors environ minuit. Celui de ses gens qui l’attendait lui mit sa pelisse et marcha devant elle pour faire avancer sa voiture ; puis, quand elle y fut assise, elle tomba dans une rêverie assez naturelle, provoquée par la prédiction de monsieur de Montriveau. Arrivée dans sa cour, elle entra dans un vestibule presque semblable à celui de son hôtel ; mais tout à coup elle ne reconnut pas son escalier ; puis au moment où elle se retourna pour appeler ses gens, plusieurs hommes l’assaillirent avec rapidité, lui jetèrent un mouchoir sur la bouche, lui lièrent les mains, les pieds, et l’enlevèrent. Elle jeta de grands cris. — Madame, nous avons ordre de vous tuer si vous criez, lui dit-on à l’oreille. La frayeur de la duchesse fut si grande, qu’elle ne put jamais s’expliquer par où ni comment elle fut transportée. Quand elle reprit ses sens, elle se trouva les pieds et les poings liés, avec des cordes de soie, couchée sur le canapé d’une chambre de garçon. Elle ne put retenir un cri en rencontrant les yeux d’Armand de Montriveau, qui, tranquillement assis dans un fauteuil, et enveloppé dans sa robe de chambre, fumait un cigare. — Ne criez pas, madame la duchesse, dit-il en s’ôtant froidement son cigare de la bouche, j’ai la migraine. D’ailleurs je vais vous délier. Mais écoutez bien ce que j’ai l’honneur de vous dire. Il dénoua délicatement les cordes qui serraient les pieds de la duchesse. — A quoi vous serviraient vos cris ? personne ne peut les entendre. Vous êtes trop bien élevée pour faire des grimaces inutiles. Si vous ne vous teniez pas tranquille, si vous vouliez lutter avec moi, je vous attacherais de nouveau les pieds et les mains. Je crois, que, tout bien considéré, vous vous respecterez assez pour demeurer sur ce canapé, comme si vous étiez chez vous, sur le vôtre ; froide encore, si vous voulez… Vous m’avez fait répandre, sur ce canapé, bien des pleurs que je cachais à tous les yeux. Pendant que Montriveau lui parlait, la duchesse jeta autour d’elle ce regard de femme, regard furtif qui sait tout voir en paraissant distrait. Elle aima beaucoup cette chambre assez semblable à la cellule d’un moine. L’âme et la pensée de l’homme y planaient. Aucun ornement n’altérait la peinture grise des parois vides. A terre était un tapis vert. Un canapé noir, une table couverte de papiers, deux grands fauteuils, une commode ornée d’un réveil, un lit très-bas sur lequel était jeté un drap rouge bordé d’une grecque noire annonçaient par leur contexture les habitudes d’une vie réduite à sa plus simple expression. Un triple flambeau posé sur la cheminée rappelait, par sa forme égyptienne, l’immensité des déserts où cet homme avait long-temps erré. A côté du lit, entre le pied que d’énormes pattes de sphinx faisaient deviner sous les plis de l’étoffe et l’un des murs latéraux de la chambre, se trouvait une porte cachée par un rideau vert à franges rouges et noires que de gros anneaux rattachaient sur une hampe. La porte par laquelle les inconnus étaient entrés avait une portière pareille, mais relevée par une embrasse. Au dernier regard que la duchesse jeta sur les deux rideaux pour les comparer, elle s’aperçut que la porte voisine du lit était ouverte, et que des lueurs rougeâtres allumées dans l’autre pièce se dessinaient sous l’effilé d’en bas. Sa curiosité fut naturellement excitée par cette lumière triste, qui lui permit à peine de distinguer dans les ténèbres quelques formes bizarres ; mais, en ce moment, elle ne songea pas que son danger pût venir de là , et voulut satisfaire un plus ardent intérêt. — Monsieur, est-ce une indiscrétion de vous demander ce que vous comptez faire de moi ? dit-elle avec une impertinence et une moquerie perçante. La duchesse croyait deviner un amour excessif dans les paroles de Montriveau. D’ailleurs, pour enlever une femme, ne faut-il pas l’adorer ? — Rien du tout, madame, répondit-il en soufflant avec grâce sa dernière bouffée de tabac. Vous êtes ici pour peu de temps. Je veux d’abord vous expliquer ce que vous êtes, et ce que je suis. Quand vous vous tortillez sur votre divan, dans votre boudoir, je ne trouve pas de mots pour mes idées. Puis chez vous, à la moindre pensée qui vous déplaÃt, vous tirez le cordon de votre sonnette, vous criez bien fort et mettez votre amant à la porte comme s’il était le dernier des misérables. Ici, j’ai l’esprit libre. Ici, personne ne peut me jeter à la porte. Ici, vous serez ma victime pour quelques instants, et vous aurez l’extrême bonté de m’écouter. Ne craignez rien. Je ne vous ai pas enlevée pour vous dire des injures, pour obtenir de vous par violence ce que je n’ai pas su mériter, ce que vous n’avez pas voulu m’octroyer de bonne grâce. Ce serait une indignité. Vous concevez peut-être le viol ; moi, je ne le conçois pas. Il lança, par un mouvement sec, son cigare au feu. — Madame, la fumée vous incommode sans doute ? Aussitôt il se leva, prit dans le foyer une cassolette chaude, y brûla des parfums,et purifia l’air. L’étonnement de la duchesse ne pouvait se comparer qu’à son humiliation. Elle était au pouvoir de cet homme, et cet homme ne voulait pas abuser de son pouvoir. Ces yeux jadis si flamboyants d’amour, elle les voyait calmes et fixes comme des étoiles. Elle trembla. Puis la terreur qu’Armand lui inspirait fut augmentée par une de ces sensations pétrifiantes, analogues aux agitations sans mouvement ressenties dans le cauchemar. Elle resta clouée par la peur, en croyant voir la lueur placée derrière le rideau prendre de l’intensité sous les aspirations d’un soufflet. Tout à coup les reflets devenus plus vifs avaient illuminé trois personnes masquées. Cet aspect horrible s’évanouit si promptement qu’elle le prit pour une fantaisie d’optique. — Madame, reprit Armand en la contemplant avec une méprisante froideur, une minute, une seule me suffira pour vous atteindre dans tous les moments de votre vie, la seule éternité dont je puisse disposer, moi. Je ne suis pas Dieu. Ecoutez-moi bien, dit-il, en faisant une pause pour donner de la solennité à son discours. L’amour viendra toujours à vos souhaits ; vous avez sur les hommes un pouvoir sans bornes ; mais souvenez-vous qu’un jour vous avez appelé l’amour il est venu pur et candide, autant qu’il peut l’être sur cette terre ; aussi respectueux qu’il était violent ; caressant, comme l’est l’amour d’une femme dévouée, ou comme l’est celui d’une mère pour son enfant ; enfin, si grand, qu’il était une folie. Vous vous êtes jouée de cet amour, vous avez commis un crime. Le droit de toute femme est de se refuser à un amour qu’elle sent ne pouvoir partager. L’homme qui aime sans se faire aimer ne saurait être plaint, et n’a pas le droit de se plaindre. Mais, madame la duchesse, attirer à soi, en feignant le sentiment, un malheureux privé de toute affection, lui faire comprendre le bonheur dans toute sa plénitude, pour le lui ravir ; lui voler son avenir de félicité ; le tuer non-seulement aujourd’hui, mais dans l’éternité de sa vie, en empoisonnant toutes ses heures et toutes ses pensées, voilà ce que je nomme un épouvantable crime ! — Monsieur… — Je ne puis encore vous permettre de me répondre. Ecoutez-moi donc toujours. D’ailleurs, j’ai des droits sur vous ; mais je ne veux que de ceux du juge sur le criminel, afin de réveiller votre conscience. Si vous n’aviez pas de conscience, je ne vous blâmerais point ; mais vous êtes si jeune ! vous devez vous sentir encore de la vie au cÅ“ur, j’aime à le penser. Si je vous crois assez dépravée pour commettre un crime impuni par les lois, je ne vous fais pas assez dégradée pour ne pas comprendre la portée de mes paroles. Je reprends. En ce moment, la duchesse entendit le bruit sourd d’un soufflet, avec lequel les inconnus qu’elle venait d’entrevoir attisaient sans doute le feu dont la clarté se projeta sur le rideau ; mais le regard fulgurant de Montriveau la contraignit à rester palpitante et les yeux fixes devant lui. Quelle que fût sa curiosité, le feu des paroles d’Armand l’intéressait plus encore que la voix de ce feu mystérieux. — Madame, dit-il après une pause, lorsque, dans Paris, le bourreau devra mettre la main sur un pauvre assassin, et le couchera sur la planche où la loi veut qu’un assassin soit couché pour perdre la tête… Vous savez, les journaux en préviennent les riches et les pauvres, afin de dire aux uns de dormir tranquilles, et aux autres de veiller pour vivre. Eh ! bien, vous qui êtes religieuse, et même un peu dévote, allez faire dire des messes pour cet homme vous êtes de la famille ; mais vous êtes de la branche aÃnée. Celle-là peut trôner en paix, exister heureuse et sans soucis. Poussé par la misère ou par la colère, votre frère de bagne n’a tué qu’un homme ; et vous ! vous avez tué le bonheur d’un homme, sa plus belle vie, ses plus chères croyances. L’autre a tout naïvement attendu sa victime ; il l’a tuée malgré lui, par peur de l’échafaud ; mais vous !… vous avez entassé tous les forfaits de la faiblesse contre une force innocente ; vous avez apprivoisé votre patient pour en mieux dévorer le cÅ“ur ; vous l’avez appâté de caresses ; vous n’en avez omis aucune de celles qui pouvaient lui faire supposer, rêver, désirer les délices de l’amour. Vous lui avez demandé mille sacrifices pour les refuser tous. Vous lui avez bien fait voir la lumière avant de lui crever les yeux. Admirable courage ! De telles infamies sont un luxe que ne comprennent pas ces bourgeoises desquelles vous vous moquez. Elles savent se donner et pardonner ; elles savent aimer et souffrir. Elles nous rendent petits par la grandeur de leurs dévouements. A mesure que l’on monte en haut de la société, il s’y trouve autant de boue qu’il y en a par le bas ; seulement elle s’y durcit et se dore. Oui, pour rencontrer la perfection dans l’ignoble, il faut une belle éducation, un grand nom, une jolie femme, une duchesse. Pour tomber au-dessous de tout, il fallait être au-dessus de tout. Je vous dis mal ce que je pense, je souffre encore trop des blessures que vous m’avez faites ; mais ne croyez pas que je me plaigne ! Non. Mes paroles ne sont l’expression d’aucune espérance personnelle, et ne contiennent aucune amertume. Sachez-le bien, madame, je vous pardonne, et ce pardon est assez entier pour que vous ne vous plaigniez point d’être venue le chercher malgré vous… Seulement, vous pourriez abuser d’autres cÅ“urs aussi enfants que l’est le mien, et je dois leur épargner des douleurs. Vous m’avez donc inspiré une pensée de justice. Expiez votre faute ici-bas, Dieu vous pardonnera peut-être, je le souhaite ; mais il est implacable, et vous frappera. A ces mots, les yeux de cette femme abattue, déchirée, se remplirent de pleurs. — Pourquoi pleurez-vous ? Restez fidèle à votre nature. Vous avez contemplé sans émotion les tortures du cÅ“ur que vous brisiez. Assez, madame, consolez-vous. Je ne puis plus souffrir. D’autres vous diront que vous leur avez donné la vie, moi je vous dis avec délices que vous m’avez donné le néant. Peut-être devinez-vous que je ne m’appartiens pas, que je dois vivre pour mes amis, et qu’alors j’aurai la froideur de la mort et les chagrins de la vie à supporter ensemble. Auriez-vous tant de bonté ? Seriez-vous comme les tigres du désert, qui font d’abord la plaie, et puis la lèchent ? La duchesse fondit en larmes. — Epargnez-vous donc ces pleurs, madame. Si j’y croyais, ce serait pour m’en défier. Est-ce ou n’est-ce pas un de vos artifices ? Après tous ceux que vous avez employés, comment penser qu’il peut y avoir en vous quelque chose de vrai ? Rien de vous n’a désormais la puissance de m’émouvoir. J’ai tout dit. Madame de Langeais se leva par un mouvement à la fois plein de noblesse et d’humilité. — Vous êtes en droit de me traiter durement, dit-elle en tendant à cet homme une main qu’il ne prit pas, vos paroles ne sont pas assez dures encore, et je mérite cette punition. — Moi, vous punir, madame ! mais punir, n’est-ce pas aimer ? N’attendez de moi rien qui ressemble à un sentiment. Je pourrais me faire, dans ma propre cause, accusateur et juge, arrêt et bourreau ; mais non. J’accomplirai tout à l’heure un devoir, et nullement un désir de vengeance. La plus cruelle vengeance est, selon moi, le dédain d’une vengeance possible. Qui sait ! je serai peut- être le ministre de vos plaisirs. Désormais, en portant élégamment la triste livrée dont la société revêt les criminels, peut-être serez vous forcée d’avoir leur probité. Et alors vous aimerez ! La duchesse écoutait avec une soumission qui n’était plus jouée ni coquettement calculée ; elle ne prit la parole qu’après un intervalle de silence. — Armand, dit-elle, il me semble qu’en résistant à l’amour, j’obéissais à toutes les pudeurs de la femme, et ce n’est pas de vous que j’eusse attendu de tels reproches. Vous vous armez de toutes mes faiblesses pour m’en faire des crimes. Comment n’avez-vous pas supposé que je pusse être entraÃnée au delà de mes devoirs par toutes les curiosités de l’amour, et que le lendemain je fusse fâchée, désolée d’être allée trop loin ? Hélas ! c’était pécher par ignorance. Il y avait, je vous le jure, autant de bonne foi dans mes fautes que dans mes remords. Mes duretés trahissaient bien plus d’amour que n’en accusaient mes complaisances. Et d’ailleurs, de quoi vous plaignez-vous ? Le don de mon cÅ“ur ne vous a pas suffi, vous avez exigé brutalement ma personne… — Brutalement ! s’écria monsieur de Montriveau. Mais il se dit à lui-même — Je suis perdu, si je me laisse prendre a des disputes de mots. — Oui, vous êtes arrivé chez moi comme chez une de ces mauvaises femmes, sans le respect, sans aucune des attentions de l’amour. N’avais-je pas le droit de réfléchir ? Eh ! bien, j’ai réfléchi. L’inconvenance de votre conduite est excusable l’amour en est le principe ; laissez-moi le croire et vous justifier à moi-même. Hé bien ! Armand, au moment même où ce soir vous me prédisiez le malheur, moi je croyais à notre bonheur. Oui, j’avais confiance en ce caractère noble et fier dont vous m’avez donné tant de preuves… Et j’étais toute à toi, ajouta-t-elle en se penchant à l’oreille de Montriveau. Oui, j’avais je ne sais quel désir de rendre heureux un homme si violemment éprouvé par l’adversité. MaÃtre pour maÃtre, je voulais un homme grand. Plus je me sentais haut, moins je voulais descendre. Confiante en toi, je voyais toute une vie d’amour au moment où tu me montrais la mort…. La force ne va pas sans la bonté. Mon ami, tu es trop fort pour te faire méchant contre une pauvre femme qui t’aime. Si j’ai eu des torts, ne puis-je donc obtenir un pardon ? ne puis-je les réparer ? Le repentir est la grâce de l’amour, je veux être bien gracieuse pour toi. Comment moi seule ne pouvais-je partager avec toutes les femmes ces incertitudes, ces craintes, ces timidités qu’il est si naturel d’éprouver quand on se lie pour la vie, et que vous brisez si facilement ces sortes de liens ! Ces bourgeoises, auxquelles vous me comparez, se donnent, mais elles combattent. Hé ! bien, j’ai combattu, mais me voilà … - Mon Dieu ! il ne m’écoute pas ! s’écria-t-elle en s’interrompant. Elle se tordit les mains en criant — Mais je t’aime ! mais je suis à toi ! Elle tomba aux genoux d’Armand. — A toi ! à toi, mon unique, mon seul maÃtre ! — Madame, dit Armand en voulant la relever, Antoinette ne peut plus sauver la duchesse de Langeais. Je ne crois plus ni à l’une ni à l’autre. Vous vous donnerez aujourd’hui, vous vous refuserez peut-être demain. Aucune puissance ni dans les cieux ni sur la terre ne saurait me garantir la douce fidélité de votre amour. Les gages en étaient dans le passé nous n’avons plus de passé. En ce moment, une lueur brilla si vivement, que la duchesse ne put s’empêcher de tourner la tête vers la portière, et revit distinctement les trois hommes masqués. — Armand ; dit-elle, je ne voudrais pas vous mésestimer. Comment se trouve-t-il là des hommes ? Que préparez-vous donc contre moi ? — Ces hommes sont aussi discrets que je le serai moi-même sur ce qui va se passer ici, dit-il. Ne voyez en eux que mes bras et mon cÅ“ur. L’un d’eux est un chirurgien… — Un chirurgien, dit-elle. Armand, mon ami, l’incertitude est la plus cruelle des douleurs. Parlez donc, dites-moi si vous voulez ma vie je vous la donnerai, vous ne la prendrez pas… — Vous ne m’avez donc pas compris ? répliqua Montriveau. Ne vous ai-je pas parlé de justice ? Je vais, ajouta-t-il froidement, en prenant un morceau d’acier qui était sur la table, pour faire cesser vos appréhensions, vous expliquer ce que j’ai décidé de vous. Il lui montra une croix de Lorraine adaptée au bout d’une tige d’acier. — Deux de mes amis font rougir en ce moment une croix dont voici le modèle. Nous vous l’appliquerons au front, là , entre les deux yeux, pour que vous ne puissiez pas la cacher par quelques diamants, et vous soustraire ainsi aux interrogations du monde. Vous aurez enfin sur le front la marque infamante appliquée sur l’épaule de vos frères les forçats. La souffrance est peu de chose,mais je craignais quelque crise nerveuse, ou de la résistance…… — De la résistance, dit-elle en frappant de joie dans ses mains, non, non, je voudrais maintenant voir ici la terre entière. Ah ! mon Armand, marque, marque vite ta créature comme une pauvre petite chose à toi ! Tu demandais des gages à mon amour ; mais les voilà tous dans un seul. Ah ! je ne vois que clémence et pardon, que bonheur éternel en ta vengeance… Quand tu auras ainsi désigné une femme pour la tienne, quand tu auras une âme serve qui portera ton chiffre rouge, eh ! bien, tu ne pourras jamais l’abandonner, tu seras à jamais à moi. En m’isolant sur la terre, tu seras chargé de mon bonheur, sous peine d’être un lâche, et je te sais noble, grand ! Mais la femme qui aime se marque toujours elle-même. Venez, messieurs, entrez et marquez, marquez la duchesse de Langeais. Elle est à jamais à monsieur de Montriveau. Entrez vite, et tous, mon front brûle plus que votre fer. Armand se retourna vivement pour ne pas voir la duchesse palpitante, agenouillée. Il dit un mot qui fit disparaÃtre ses trois amis. Les femmes habituées à la vie des salons connaissent le jeu des glaces. Aussi la duchesse, intéressée à bien lire dans le cÅ“ur d’Armand, était tout yeux. Armand, qui ne se défiait pas de son miroir, laissa voir deux larmes rapidement essuyées. Tout l’avenir de la duchesse était dans ces deux larmes. Quand il revint pour relever madame de Langeais, il la trouva debout, elle se croyait aimée. Aussi dut-elle vivement palpiter en entendant Montriveau lui dire avec cette fermeté qu’elle savait si bien prendre jadis quand elle se jouait de lui — Je vous fais grâce, madame. Vous pouvez me croire, cette scène sera comme si elle n’eût jamais été. Mais ici, disons-nous adieu. J’aime à penser que vous avez été franche sur votre canapé dans vos coquetteries, franche ici dans votre effusion de cÅ“ur. Adieu. Je ne me sens plus la foi. Vous me tourmenteriez encore, vous seriez toujours duchesse. Et… mais adieu, nous ne nous comprendrons jamais. Que souhaitez-vous maintenant ? dit-il en prenant l’air d’un maÃtre de cérémonies. Rentrer chez vous ; ou revenir au bal de madame de Sérizy ? J’ai employé tout mon pouvoir à laisser votre réputation intacte. Ni vos gens, ni le monde ne peuvent rien savoir de ce qui s’est passé entre nous depuis un quart d’heure. Vos gens vous croient au bal ; votre voiture n’a pas quitté la cour de madame de Sérizy ; votre coupé peut se trouver aussi dans celle de votre hôtel. Où voulez-vous être ? — Quel est votre avis, Armand ? — Il n’y a plus d’Armand, madame la duchesse. Nous sommes étrangers l’un à l’autre. — Menez-moi donc au bal, dit-elle curieuse encore de mettre à l’épreuve le pouvoir d’Armand. Rejetez dans l’enfer du monde une créature qui y souffrait, et qui doit continuer d’y souffrir, si pour elle il n’est plus de bonheur. Oh ! mon ami, je vous aime pourtant, comme aiment vos bourgeoises. Je vous aime à vous sauter au cou dans le bal, devant tout le monde, si vous le demandiez. Ce monde horrible, il ne m’a pas corrompue. Va, je suis jeune et viens de me rajeunir encore. Oui, je suis une enfant, ton enfant, tu viens de me créer. Oh ! ne me bannis pas de mon Eden ! Armand fit un geste. — Ah ! si je sors, laisse-moi donc emporter d’ici quelque chose, un rien ! ceci, pour le mettre ce soir sur mon cÅ“ur, dit-elle en s’emparant du bonnet d’Armand, qu’elle roula dans son mouchoir… — Non, reprit-elle, je ne suis pas de ce monde de femmes dépravées ; tu ne le connais pas, et alors tu ne peux m’apprécier ; sache-le donc ! quelques-unes se donnent pour des écus ; d’autres sont sensibles aux présents ; tout y est infâme. Ah ! je voudrais être une simple bourgeoise, une ouvrière, si tu aimes mieux une femme au-dessous de toi, qu’une femme en qui le dévouement s’allie aux grandeurs humaines. Ah ! mon Armand, il est parmi nous de nobles, de grandes, de chastes, de pures femmes, et alors elles sont délicieuses. Je voudrais posséder toutes les noblesses pour te les sacrifier toutes ; le malheur m’a faite duchesse ; je voudrais être née près du trône, il ne me manquerait rien à te sacrifier. Je serais grisette pour toi et reine pour les autres. Il écoutait en humectant ses cigares. — Quand vous voudrez partir, dit-il, vous me préviendrez… — Mais je voudrais rester… — Autre chose, ça ! fit-il. — Tiens, il était mal arrangé, celui-là ! s’écria-t-elle en s’emparant d’un cigare, et y dévorant ce que les lèvres d’Armand y avaient laissé. — Tu fumerais ? lui dit-il. — Oh ! que ne ferais-je pas pour te plaire ! — Eh ! bien, allez-vous-en, madame… — J’obéis, dit-elle en pleurant. — Il faut vous couvrir la figure pour ne point voir les chemins par lesquels vous allez passer. — Me voilà prête, Armand, dit-elle en se bandant les veux. — Y voyez-vous ? — Non. Il se mit doucement à ses genoux. — Ah ! je t’entends, dit-elle en laissant échapper un geste plein de gentillesse en croyant que cette feinte rigueur allait cesser. Il voulut lui baiser les lèvres, elle s’avança. — Vous y voyez, madame. — Mais je suis un peu curieuse. — Vous me trompez donc toujours ? — Ah ! dit-elle avec la rage de la grandeur méconnue, ôtez ce mouchoir et conduisez-moi, monsieur, je n’ouvrirai pas les yeux. Armand, sûr de la probité en en entendant le cri, guida la duchesse qui, fidèle à sa parole, se fit noblement aveugle ; mais, en la tenant paternellement par la main pour la faire tantôt monter, tantôt descendre, Montriveau étudia les vives palpitations qui agitaient le cÅ“ur de cette femme si promptement envahie par un amour vrai. Madame de Langeais, heureuse de pouvoir lui parler ainsi, se plut à lui tout dire, mais il demeura inflexible ; et quand la main de la duchesse l’interrogeait, la sienne restait muette. Enfin, après avoir cheminé pendant quelque temps ensemble, Armand lui dit d’avancer, elle avança, et s’aperçut qu’il empêchait la robe d’effleurer les parois d’une ouverture sans doute étroite. Madame de Langeais fut touchée de ce soin, il trahissait encore un peu d’amour ; mais ce fut en quelque sorte l’adieu de Montriveau, car il la quitta sans lui dire un mot. En se sentant dans une chaude atmosphère, la duchesse ouvrit les yeux. Elle se vit seule devant la cheminée du boudoir de la comtesse de Sérizy. Son premier soin fut de réparer le désordre de sa toilette ; elle eut promptement rajusté sa robe et rétabli la poésie de sa coiffure. — Eh ! bien, ma chère Antoinette, nous vous cherchons partout, dit la comtesse en ouvrant la porte du boudoir. — Je suis venue respirer ici, dit-elle, il fait dans les salons une chaleur insupportable. — L’on vous croyait partie ; mais mon frère Ronquerolles m’a dit avoir vu vos gens qui vous attendent. — Je suis brisée, ma chère, laissez-moi un moment me reposer ici. Et la duchesse s’assit sur le divan de son amie. — Qu’avez-vous donc ? vous êtes toute tremblante. Le marquis de Ronquerolles entra. — J’ai peur, madame la duchesse, qu’il ne vous arrive quelque accident. Je viens de voir votre cocher gris comme les Vingt-Deux Cantons. La duchesse ne répondit pas, elle regardait la cheminée, les glaces, en y cherchant les traces de son passage ; puis, elle éprouvait une sensation extraordinaire à se voir au milieu des joies du bal après la terrible scène qui venait de donner à sa vie un autre cours. Elle se prit à trembler violemment. — J’ai les nerfs agacés par la prédiction que m’a faite ici monsieur de Montriveau. Quoique ce soit une plaisanterie, je vais aller voir si sa hache de Londres me troublera jusque dans mon sommeil. Adieu donc, chère. Adieu, monsieur le marquis. Elle traversa les salons, où elle fut arrêtée par des complimenteurs qui lui firent pitié. Elle trouva le monde petit en s’en trouvant la reine, elle si humiliée, si petite. D’ailleurs, qu’étaient les hommes devant celui qu’elle aimait véritablement et dont le caractère avait repris les proportions gigantesques momentanément amoindries par elle, mais qu’alors elle grandissait peut-être outre mesure ? Elle ne put s’empêcher de regarder celui de ses gens qui l’avait accompagnée, et le vit tout endormi. — Vous n’êtes pas sorti d’ici ? lui demanda-t-elle. — Non, madame. En montant dans son carrosse, elle aperçut effectivement son cocher dans un état d’ivresse dont elle se fût effrayée en toute autre circonstance ; mais les grandes secousses de la vie ôtent à la crainte ses aliments vulgaires. D’ailleurs elle arriva sans accident chez elle ; mais elle s’y trouva changée et en proie à des sentiments tout nouveaux. Pour elle il n’y avait plus qu’un homme dans le monde, c’est-à -dire que pour lui seul elle désirait désormais avoir quelque valeur. Si les physiologistes peuvent promptement définir l’amour en s’en tenant aux lois de la nature, les moralistes sont bien plus embarrassés de l’expliquer quand ils veulent le considérer dans tous les développements que lui a donnés la société. Néanmoins il existe, malgré les hérésies des mille sectes qui divisent l’égliseamoureuse, une ligne droite et tranchée qui partage nettement leurs doctrines, une ligne que les discussions ne courberont jamais, et dont l’inflexible application explique la crise dans laquelle, comme presque toutes les femmes, la duchesse de Langeais était plongée. Elle n’aimait pas encore, elle avait une passion. L’amour et la passion sont deux différents états de l’âme que poètes et gens du monde, philosophes et niais confondent continuellement. L’amour comporte une mutualité de sentiments, une certitude de jouissances que rien n’altère, et un trop constant échange de plaisirs, une trop complète adhérence entre les cÅ“urs pour ne pas exclure la jalousie. La possession est alors un moyen et non un but ; une infidélité fait souffrir mais ne détache pas ; l’âme n’est ni plus ni moins ardente ou troublée, elle est incessamment heureuse ; enfin le désir étendu par un souffle divin d’un bout à l’autre sur l’immensité du temps nous le teint d’une même couleur la vie est bleue comme l’est un ciel pur. La passion est le pressentiment de l’amour et de son infini auquel aspirent toutes les âmes souffrantes. La passion est un espoir qui peut-être sera trompé. Passion signifie à la fois souffrance et transition ; la passion cesse quand l’espérance est morte. Hommes et femmes peuvent, sans se déshonorer, concevoir plusieurs passions ; il est si naturel de s’élancer vers le bonheur ! mais il n’est dans la vie qu’un seul amour. Toutes les discussions, écrites ou verbales, faites sur les sentiments, peuvent donc être résumées par ces deux questions Est-ce une passion ? Est-ce l’amour ? L’amour n’existant pas sans la connaissance intime des plaisirs qui le perpétuent, la duchesse était donc sous le joug d’une passion ; aussi en éprouva-t-elle les dévorantes agitations, les involontaires calculs, les desséchants désirs, enfin tout ce qu’exprime le mot passion elle souffrit. Au milieu des troubles de son âme, il se rencontrait des tourbillons soulevés par sa vanité, par son amour-propre, par son orgueil ou par sa fierté toutes ces variétés de l’égoïsme se tiennent. Elle avait dit à un homme Je t’aime, je suis à toi ! La duchesse de Langeais pouvait-elle avoir inutilement proféré ces paroles ? Elle devait ou être aimée ou abdiquer son rôle social. Sentant alors la solitude de son lit voluptueux où la volupté n’avait pas encore mis ses pieds chauds, elle s’y roulait, s’y tordait en se répétant — Je veux être aimée ! Et la foi qu’elle avait encore en elle lui donnait l’espoir de réussir. La duchesse était piquée, la vaniteuse Parisienne était humiliée, la femme vraie entrevoyait le bonheur, et son imagination, vengeresse du temps perdu pour la nature, se plaisait à lui faire flamber les feux inextinguibles du plaisir. Elle atteignait presque aux sensations de l’amour ; car, dans le doute d’être aimée qui la poignait, elle se trouvait heureuse de se dire à elle-même — Je l’aime ! Le monde et Dieu, elle avait envie de les fouler à ses pieds. Montriveau était maintenant sa religion. Elle passa la journée du lendemain dans un état de stupeur morale mêlé d’agitations corporelles que rien ne pourrait exprimer. Elle déchira autant de lettres qu’elle en écrivit, et fit mille suppositions impossibles. A l’heure où Montriveau venait jadis, elle voulut croire qu’il arriverait, et prit plaisir à l’attendre. Sa vie se concentra dans le seul sens de l’ouïe. Elle fermait parfois les yeux et s’efforçait d’écouter à travers les espaces. Puis elle souhaitait le pouvoir d’anéantir tout obstacle entre elle et son amant afin d’obtenir ce silence absolu qui permet de percevoir le bruit à d’énormes distances. Dans ce recueillement, les pulsations de sa pendule lui furent odieuses, elles étaient une sorte de bavardage sinistre qu’elle arrêta. Minuit sonna dans le salon. — Mon Dieu ! se dit-elle, le voir ici, ce serait le bonheur. Et cependant il y venait naguère, amené par le désir. Sa voix remplissait ce boudoir. Et maintenant, rien ! En se souvenant des scènes de coquetterie qu’elle avait jouées, et qui le lui avaient ravi, des larmes de désespoir coulèrent de ses yeux pendant long-temps. — Madame la duchesse, lui dit sa femme de chambre, ne sait peut-être pas qu’il est deux heures du matin, j’ai cru que madame était indisposée. — Oui, je vais me coucher ; mais rappelez-vous, Suzette, dit madame de Langeais en essuyant ses larmes, de ne jamais entrer chez moi sans ordre, et je ne vous le dirai pas une seconde fois. Pendant une semaine, madame de Langeais alla dans toutes les maisons où elle espérait rencontrer monsieur de Montriveau. Contrairement à ses habitudes, elle arrivait de bonne heure et se retirait tard ; elle ne dansait plus, elle jouait. Tentatives inutiles ! elle ne put parvenir à voir Armand, de qui elle n’osait plus prononcer le nom. Cependant un soir, dans un moment de désespérance, elle dit à madame de Sérizy, avec autant d’insouciance qu’il lui fut possible d’en affecter — Vous êtes donc brouillée avec monsieur de Montriveau ? je ne le vois plus chez vous. — Mais il ne vient donc plus ici ! répondit la comtesse en riant. D’ailleurs, on ne l’aperçoit plus nulle part, il est sans doute occupé de quelque femme. — Je croyais, reprit la duchesse avec douceur, que le marquis de Ronquerolles était un de ses amis… — Je n’ai jamais entendu dire à mon frère qu’il le connût. Madame de Langeais ne répondit rien. Madame de Sérizy crut pouvoir alors impunément fouetter une amitié discrète qui lui avait été si long-temps amère, et reprit la parole. — Vous le regrettez donc, ce triste personnage. J’en ai ouï dire des choses monstrueuses blessez-le, il ne revient jamais, ne pardonne rien ; aimez-le, il vous met à la chaÃne. A tout ce que je disais de lui, l’un de ceux qui le portent aux nues me répondait toujours par un mot Il sait aimer ! On ne cesse de me répéter Montriveau quittera tout pour son ami, c’est une âme immense. Ah, bah ! la société ne demande pas des âmes si grandes. Les hommes de ce caractère sont très-bien chez eux, qu’ils y restent, et qu’ils nous laissent à nos bonnes petitesses. Qu’en dites-vous, Antoinette ? Malgré son habitude du monde, la duchesse parut agitée, mais elle dit néanmoins avec un naturel qui trompa son amie — Je suis fâchée de ne plus le voir, je prenais à lui beaucoup d’intérêt, et lui vouais une sincère amitié. Dussiez-vous me trouver ridicule, chère amie, j’aime les grandes âmes. Se donner à un sot, n’est-ce pas avouer clairement que l’on n’a que des sens ? Madame de Sérizy n’avait jamais distingué que des gens vulgaires, et se trouvait en ce moment aimée par un bel homme, le marquis d’Aiglemont. La comtesse abrégea sa visite, croyez-le. Puis madame de Langeais voyant une espérance dans la retraite absolue d’Armand, elle lui écrivit aussitôt une lettre humble et douce qui devait le ramener à elle, s’il aimait encore. Elle fit porter le lendemain sa lettre par son valet de chambre, et, quand il fut de retour, elle lui demanda s’il l’avait remise à Montriveau lui-même ; puis, sur son affirmation, elle ne put retenir un mouvement de joie. Armand était à Paris, il y restait seul, chez lui, sans aller dans le monde ! Elle était donc aimée. Pendant toute la journée elle attendit une réponse, et la réponse ne vint pas. Au milieu des crises renaissantes que lui donna l’impatience, Antoinette se justifia ce retard Armand étaitembarrassé, la réponse viendrait par la poste ; mais, le soir, elle ne pouvait plus s’abuser. Journée affreuse, mêlée de souffrances qui plaisent, de palpitations qui écrasent, excès de cÅ“ur qui usent la vie. Le lendemain elle envoya chez Armand chercher une réponse. — Monsieur le marquis a fait dire qu’il viendrait chez madame la duchesse, répondit Julien. Elle se sauva afin de ne pas laisser voir son bonheur, elle alla tomber sur son canapé pour y dévorer ses premières émotions. — Il va venir ! Cette pensée lui déchira l’âme. Malheur, en effet, aux êtres pour lesquels l’attente n’est pas la plus horrible des tempêtes et la fécondation des plus doux plaisirs, ceux-là n’ont point en eux cette flamme qui réveille les images des choses, et double la nature en nous attachant autant à l’essence pure des objets qu’à leur réalité. En amour, attendre n’est-ce pas incessamment épuiser une espérance certaine, se livrer au fléau terrible de la passion, heureuse sans les désenchantements de la vérité ! Emanation constante de force et de désirs, l’attente ne serait-elle pas à l’âme humaine ce que sont à certaines fleurs leurs exhalations parfumées ? Nous avons bientôt laissé les éclatantes et stériles couleurs du choréopsis ou des tulipes, et nous revenons sans cesse aspirer les délicieuses pensées de l’oranger ou du volkameria, deux fleurs que leurs patries ont involontairement comparées à de jeunes fiancées pleines d’amour, belles de leur passé, belles de leur avenir. La duchesse s’instruisit des plaisirs de sa nouvelle vie en sentant avec une sorte d’ivresse ces flagellations de l’amour ; puis, en changeant de sentiments, elle trouva d’autres destinations et un meilleur sens aux choses de la vie. En se précipitant dans son cabinet de toilette, elle comprit ce que sont les recherches de la parure, les soins corporels les plus minutieux, quand ils sont commandés par l’amour et non par la vanité ; déjà , ces apprêts lui aidèrent à supporter la longueur du temps. Sa toilette finie, elle retomba dans les excessives agitations, dans les foudroiements nerveux de cette horrible puissance qui met en fermentation toutes les idées, et qui n’est peut-être qu’une maladie dont on aime les souffrances. La duchesse était prête à deux heures de l’après-midi ; monsieur de Montriveau n’était pas encore arrivé à onze heures et demie du soir. Expliquer les angoisses de cette femme, qui pouvait passer pour l’enfant gâté de la civilisation, ce serait vouloir dire combien le cÅ“ur peut concentrer de poésies dans une pensée ; vouloir peser la force exhalée par l’âme au bruit d’une sonnette, ou estimer ce que consomme de vie l’abattement causé par une voiture dont le roulement continue sans s’arrêter. — Se jouerait-il de moi ? dit-elle en écoutant sonner minuit. Elle pâlit, ses dents se heurtèrent, et elle se frappa les mains en bondissant dans ce boudoir, où jadis, pensait-elle, il apparaissait sans être appelé. Mais elle se résigna. Ne l’avait-elle pas fait pâlir et bondir sous les piquantes flèches de son ironie ? Madame de Langeais comprit l’horreur de la destinée des femmes, qui, privées de tous les moyens d’action que possèdent les hommes, doivent attendre quand elles aiment. Aller au-devant de son aimé est une faute que peu d’hommes savent pardonner. La plupart d’entre eux voient une dégradation dans cette céleste flatterie ; mais Armand avait une grande âme, et devait faire partie du petit nombre d’hommes qui savent acquitter par un éternel amour un tel excès d’amour. — Hé ! bien, j’irai, se dit-elle en se tournant dans son lit sans pouvoir y trouver le sommeil, j’irai vers lui, je lui tendrai la main sans me fatiguer de la lui tendre. Un homme d’élite voit dans chacun des pas que fait une femme vers lui des promesses d’amour et de constance. Oui, les anges doivent descendre des cieux pour venir aux hommes, et je veux être un ange pour lui. Le lendemain elle écrivit un de ces billets où excelle l’esprit des dix mille Sévignés que compte maintenant Paris. Cependant, savoir se plaindre sans s’abaisser, voler à plein de ses deux ailes sans se traÃner humblement, gronder sans offenser, se révolter avec grâce, pardonner sans compromettre la dignité personnelle, tout dire et ne rien avouer, il fallait être la duchesse de Langeais et avoir été élevée par madame la princesse de Blamont-Chauvry, pour écrire ce délicieux billet. Julien partit. Julien était, comme tous les valets de chambre, la victime des marches et contre-marches de l’amour. — Que vous a répondu monsieur de Montriveau ? dit-elle aussi indifféremment qu’elle le put à Julien quand il vint lui rendre compte de sa mission. — Monsieur le marquis m’a prié de dire à madame la duchesse que c’était bien. Affreuse réaction de l’âme sur elle-même ! recevoir devant de curieux témoins la question du cÅ“ur, et ne pas murmurer, et se voir forcée au silence. Une des mille douceurs du riche ! Pendant vingt-deux jours madame de Langeais écrivit à monsieur de Montriveau sans obtenir de réponse. Elle avait fini par se dire malade pour se dispenser de ses devoirs, soit envers la princesse à laquelle elle était attachée, soit envers le monde. Elle ne recevait que son père, le duc de Navarreins, sa tante, la princesse de Blamont-Chauvry, le vieux vidame de Pamiers, son grand-oncle maternel, et l’oncle de son mari, le duc de Grandlieu. Ces personnes crurent facilement à la maladie de madame de Langeais, en la trouvant de jour en jour plus abattue, plus pâle, plus amaigrie. Les vagues ardeurs d’un amour réel, les irritations de l’orgueil blessé, la constante piqûre du seul mépris qui pût l’atteindre, ses élancements vers des plaisirs perpétuellement souhaités, perpétuellement trahis ; enfin, toutes ses forces inutilement excitées, minaient sa double nature. Elle payait l’arriéré de sa vie trompée. Elle sortit enfin pour assister à une revue où devait se trouver monsieur de Montriveau. Placée sur le balcon des Tuileries, avec la famille royale, la duchesse eut une de ces fêtes dont l’âme garde un long souvenir. Elle apparut sublime de langueur, et tous les yeux la saluèrent avec admiration. Elle échangea quelques regards avec Montriveau, dont la présence la rendait belle. Le général défila presque à ses pieds dans toute la splendeur de ce costume militaire dont l’effet sur l’imagination féminine est avoué même par les plus prudes personnes. Pour une femme bien éprise, qui n’avait pas vu son amant depuis deux mois, ce rapide moment ne dut-il pas ressembler à cette phase de nos rêves où, fugitivement, notre vue embrasse une nature sans horizon ? Aussi, les femmes ou les jeunes gens peuvent-ils seuls imaginer l’avidité stupide et délirante qu’exprimèrent les yeux de la duchesse. Quant aux hommes, si, pendant leur jeunesse, ils ont éprouvé, dans le paroxysme de leurs premières passions, ces phénomènes de la puissance nerveuse, plus tard ils les oublient si complétement, qu’ils arrivent à nier ces luxuriantes extases, le seul nom possible de ces magnifiques intuitions. L’extase religieuse est la folie de la pensée dégagée de ses liens corporels ; tandis que, dans l’extase amoureuse, se confondent, s’unissent et s’embrassent les forces de nos deux natures. Quand une femme est en proie aux tyrannies furieuses sous lesquelles ployait madame de Langeais, les résolutions définitives se succèdent si rapidement, qu’il est impossible d’en rendre compte. Les pensées naissent alors les unes des autres, et courent dans l’âme comme ces nuages emportés par le vent sur un fond grisâtre qui voile le soleil. Dès lors, les faits disent tout. Voici donc les faits. Le lendemain de la revue, madame de Langeais envoya sa voiture et sa livrée attendre à la porte du marquis de Montriveau depuis huit heures du matin jusqu’à trois heures après midi. Armand demeurait rue de Seine, à quelques pas de la chambre des pairs, où il devait y avoir une séance ce jour-là . Mais long-temps avant que les pairs ne se rendissent à leur palais, quelques personnes aperçurent la voiture et la livrée de la duchesse. Un jeune officier dédaigné par madame de Langeais, et recueilli par madame de Sérizy, le marquis d’Aiglemont, fut le premier qui reconnut les gens. Il alla sur-le-champ chez sa maÃtresse lui raconter sous le secret cette étrange folie. Aussitôt, cette nouvelle fut télégraphiquement portée à la connaissance de toutes les coteries du faubourg Saint-Germain, parvint au château, à l’Elysée-Bourbon, devint le bruit du jour, le sujet de tous les entretiens, depuis midi jusqu’au soir. Presque toutes les femmes niaient le fait, mais de manière à le faire croire ; et les hommes le croyaient en témoignant à madame de Langeais le plus indulgent intérêt. — Ce sauvage de Montriveau a un caractère de bronze, il aura sans doute exigé cet éclat, disaient les uns en rejetant la faute sur Armand. — Hé ! bien, disaient les autres, madame de Langeais a commis la plus noble des imprudences ! En face de tout Paris, renoncer, pour son amant, au monde, à son rang, à sa fortune, à la considération, est un coup d’état féminin beau comme le coup de couteau de ce perruquier qui a tant ému Canning à la Cour d’Assises. Pas une des femmes qui blâment la duchesse ne ferait cette déclaration digne de l’ancien temps. Madame de Langeais est une femme héroïque de s’afficher ainsi franchement elle-même. Maintenant, elle ne peut plus aimer que Montriveau. N’y a-t-il pas quelque grandeur chez une femme à dire Je n’aurai qu’une passion ? — Que va donc devenir la société, monsieur, si vous honorez ainsi le vice, sans respect pour la vertu ? dit la femme du procureur-général, la comtesse de Grandville. Pendant que le château, le faubourg et la Chaussée-d’Antin s’entretenaient du naufrage de cette aristocratique vertu ; que d’empressés jeunes gens couraient à cheval s’assurer, en voyant la voiture dans la rue de Seine, que la duchesse était bien réellement chez monsieur de Montriveau, elle gisait palpitante au fond de son boudoir. Armand, qui n’avait pas couché chez lui, se promenait aux Tuileries avec monsieur de Marsay. Puis, les grands-parents de madame de Langeais se visitaient les uns les autres en se donnant rendez-vous chez elle pour la semondre et aviser aux moyens d’arrêter le scandale causé par sa conduite. A trois heures, monsieur le duc de Navarreins, le vidame de Pamiers, la vieille princesse de Blamont-Chauvry et le duc de Grandlieu se trouvaient réunis dans le salon de madame de Langeais, et l’y attendaient. A eux, comme à plusieurs curieux, les gens avaient dit que leur maÃtresse était sortie. La duchesse n’avait excepté personne de la consigne. Ces quatre personnages, illustres dans la sphère aristocratique dont l’almanach de Gotha consacre annuellement les révolutions et les prétentions héréditaires, veulent une rapide esquisse sans laquelle cette peinture sociale serait incomplète. La princesse de Blamont-Chauvry était, dans le monde féminin, le plus poétique débris du règne de Louis XV, au surnom duquel, durant sa belle jeunesse, elle avait, dit-on, contribué pour sa quote-part. De ses anciens agréments, il ne lui restait qu’un nez remarquablement saillant, mince, recourbé comme une lame turque, et principal ornement d’une figure semblable à un vieux gant blanc ; puis quelques cheveux crêpés et poudrés, des mules à talons, le bonnet de dentelles à coques, des mitaines noires et des parfaits contentements. Mais, pour lui rendre entièrement justice, il est nécessaire d’ajouter qu’elle avait une si haute idée de ses ruines, qu’elle se décolletait le soir, portait des gants longs, et se teignait encore les joues avec le rouge classique de Martin. Dans ses rides une amabilité redoutable, un feu prodigieux dans ses yeux, une dignité profonde dans toute sa personne, sur sa langue un esprit à triple dard, dans sa tête une mémoire infaillible faisaient de cette vieille femme une véritable puissance. Elle avait dans le parchemin de sa cervelle tout celui du cabinet des chartes et connaissait les alliances des maisons princières, ducales et comtales de l’Europe, à savoir où étaient les derniers germains de Charlemagne. Aussi nulle usurpation de titre ne pouvait-elle lui échapper. Les jeunes gens qui voulaient être bien vus, les ambitieux, les jeunes femmes lui rendaient de constants hommages. Son salon faisait autorité dans le faubourg Saint-Germain. Les mots de ce Talleyrand femelle restaient comme des arrêts. Certaines personnes venaient prendre chez elle des avis sur l’étiquette ou les usages, et y chercher des leçons de bon goût. Certes, nulle vieille femme ne savait comme elle empocher sa tabatière ; et elle avait, en s’asseyant ou en se croisant les jambes, des mouvements de jupe d’une précision, d’une grâce qui désespérait les jeunes femmes les plus élégantes. Sa voix lui était demeurée dans la tête pendant le tiers de sa vie, mais elle n’avait pu l’empêcher de descendre dans les membranes du nez, ce qui la rendait étrangement significative. De sa grande fortune il lui restait cent cinquante mille livres en bois, généreusement rendus par Napoléon. Ainsi, biens et personne, tout en elle était considérable. Cette curieuse antique était dans une bergère au coin de la cheminée et causait avec le vidame de Pamiers, autre ruine contemporaine. Ce vieux seigneur, ancien Commandeur de l’Ordre de Malte, était un homme grand, long et fluet, dont le col était toujours serré de manière à lui comprimer les joues qui débordaient légèrement la cravate et à lui maintenir la tête haute ; attitude pleine de suffisance chez certaines gens, mais justifiée chez lui par un esprit voltairien. Ses yeux à fleur de tête semblaient tout voir et avaient effectivement tout vu. Il mettait du coton dans ses oreilles. Enfin sa personne offrait dans l’ensemble un modèle parfait des lignes aristocratiques, lignes menues et frêles, souples et agréables, qui, semblables à celles du serpent, peuvent à volonté se courber, se dresser, devenir coulantes ou roides. Le duc de Navarreins se promenait de long en large dans le salon avec monsieur le duc de Grandlieu. Tous deux étaient des hommes âgés de cinquante-cinq ans, encore verts, gros et courts, bien nourris, le teint un peu rouge, les yeux fatigués, les lèvres inférieures déjà pendantes. Sans le ton exquis de leur langage, sans l’affable politesse de leurs manières, sans leur aisance qui pouvait tout à coup se changer en impertinence, un observateur superficiel aurait pu les prendre pour des banquiers. Mais toute erreur devait cesser en écoutant leur conversation armée de précautions avec ceux qu’ils redoutaient, sèche ou vide avec leurs égaux, perfide pour les inférieurs que les gens de cour ou les hommes d’état savent apprivoiser par de verbeuses délicatesses et blesser par un mot inattendu. Tels étaient les représentants de cette grande noblesse qui voulait mourir ou rester tout entière, qui méritait autant d’éloge que de blâme, et sera toujours imparfaitement jugée jusqu’à ce qu’un poète l’ait montrée heureuse d’obéir au roi en expirant sous la hache de Richelieu, et méprisant la guillotine de 89 comme une sale vengeance. Ces quatre personnages se distinguaient tous par une voix grêle, particulièrement en harmonie avec leurs idées et leur maintien. D’ailleurs, la plus parfaite égalité régnait entre eux. L’habitude prise par eux à la cour de cacher leurs émotions les empêchait sans doute de manifester le déplaisir que leur causait l’incartade de leur jeune parente. Pour empêcher les critiques de taxer de puérilité le commencement de la scène suivante, peut-être est-il nécessaire de faire observer ici que Locke se trouvant dans la compagnie de seigneurs anglais renommés pour leur esprit, distingués autant par leurs manières que par leur consistance politique, s’amusa méchamment à sténographier leur conversation par un procédé particulier, et les fit éclater de rire en la leur lisant, afin de savoir d’eux ce qu’on en pouvait tirer. En effet, les classes élevées ont en tout pays un jargon de clinquant qui, lavé dans les cendres littéraires ou philosophiques, donne infiniment peu d’or au creuset. A tous les étages de la société, sauf quelques salons parisiens, l’observateur retrouve les mêmes ridicules que différencient seulement la transparence ou l’épaisseur du vernis. Ainsi, les conversations substantielles sont l’exception sociale, et le béotianisme défraie habituellement les diverses zones du monde. Si forcément on parle beaucoup dans les hautes sphères, on y pense peu. Penser est une fatigue, et les riches aiment à voir couler la vie sans grand effort. Aussi est-ce en comparant le fond des plaisanteries par échelons, depuis le gamin de Paris jusqu’au pair de France, que l’observateur comprend le mot de monsieur de Talleyrand Les manières sont tout, traduction élégante de cet axiome judiciaire La forme emporte le fond. Aux yeux du poète, l’avantage restera aux classes inférieures qui ne manquent jamais à donner un rude cachet de poésie à leurs pensées. Cette observation fera peut-être aussi comprendre l’infertilité des salons, leur vide, leur peu de profondeur, et la répugnance que les gens supérieurs éprouvent à faire le méchant commerce d’y échanger leurs pensées. Le duc s’arrêta soudain, comme s’il concevait une idée lumineuse, et dit à son voisin — Vous avez donc vendu Thornthon ? — Non, il est malade. J’ai bien peur de le perdre, et j’en serais désolé ; c’est un cheval excellent à la chasse. Savez-vous comment va la duchesse de Marigny ? — Non, je n’y suis pas allé ce matin. Je sortais pour la voir, quand vous êtes venu me parler d’Antoinette. Mais elle avait été fort mal hier, l’on en désespérait, elle a été administrée. — Sa mort changera la position de votre cousin. — En rien, elle a fait ses partages de son vivant et s’était réservé une pension que lui paye sa nièce, madame de Soulanges, à laquelle elle a donné sa terre de Guébriant à rente viagère. — Ce sera une grande perte pour la société. Elle était bonne femme. Sa famille aura de moins une personne dont les conseils et l’expérience avaient de la portée. Entre nous soit dit, elle était le chef de la maison. Son fils, Marigny, est un aimable homme ; il a du trait ; il sait causer. Il est agréable, très-agréable ; oh ! pour agréable, il l’est sans contredit ; mais… aucun esprit de conduite. Eh bien ! c’est extraordinaire, il est très-fin. L’autre jour, il dÃnait au Cercle avec tous ces richards de la Chaussée-d’Antin, et votre oncle qui va toujours y faire sa partie le voit. Etonné de le rencontrer là , il lui demande s’il est du Cercle. — " Oui, je ne vais plus dans le monde, je vis avec les banquiers. " Vous savez pourquoi ? dit le marquis en jetant au duc un fin sourire. — Non. — Il est amouraché d’une nouvelle mariée, cette petite madame Keller, la fille de Grandville, une femme que l’on dit fort à la mode dans ce monde-là . — Mais Antoinette ne s’ennuie pas, à ce qu’il paraÃt, dit le vieux vidame. — L’affection que je porte à cette petite femme me fait prendre en ce moment un singulier passe-temps, lui répondit la princesse en empochant sa tabatière. — Ma chère tante, dit le duc en s’arrêtant, je suis désespéré. Il n’y avait qu’un homme de Bonaparte capable d’exiger d’une femme comme il faut de semblables inconvenances. Entre nous soit dit, Antoinette aurait dû choisir mieux. — Mon cher, répondit la princesse, les Montriveau sont anciens et fort bien alliés, ils tiennent à toute la haute noblesse de Bourgogne. Si les Rivaudoult d’Arschoot, de la branche Dulmen, finissaient en Gallicie, les Montriveau succéderaient aux biens et aux titres d’Arschoot ; ils en héritent par leur bisaïeul. — Vous en êtes sûre ?… — Je le sais mieux que ne le savait le père de celui-ci, que je voyais beaucoup et à qui je l’ai appris. Quoique chevalier des ordres, il s’en moqua ; c’était un encyclopédiste. Mais son frère en a bien profité dans l’émigration. J’ai ouï dire que ses parents du nord avaient été parfaits pour lui… — Oui, certes. Le comte de Montriveau est mort à Pétersbourg où je l’ai rencontré, dit le vidame. C’était un gros homme qui avait une incroyable passion pour les huÃtres. — Combien en mangeait-il donc ? dit le duc de Grandlieu. — Tous les jours dix douzaines. — Sans être incommodé ? — Pas le moins du monde. — Oh ! mais c’est extraordinaire ! Ce goût ne lui a donné ni la pierre, ni la goutte, ni aucune incommodité ? — Non ; il s’est parfaitement porté, il est mort par accident. — Par accident ! La nature lui avait dit de manger des huÃtres, elles lui étaient probablement nécessaires ; car, jusqu’à un certain point, nos goûts prédominants sont des conditions de notre existence. — Je suis de votre avis, dit la princesse en souriant. — Madame, vous entendez toujours malicieusement les choses, dit le marquis. — Je veux seulement vous faire comprendre que ces choses seraient très mal entendues par une jeune femme, répondit-elle. Elle s’interrompit pour dire — Mais ma nièce ! ma nièce ! — Chère tante, dit monsieur de Navarreins ; je ne peux pas encore croire qu’elle soit allée chez monsieur de Montriveau. — Bah ! fit la princesse. — Quelle est votre idée, vidame ? demanda le marquis. — Si la duchesse était naïve, je croirais… — Mais une femme qui aime devient naïve, mon pauvre vidame. Vous vieillissez donc ? — Enfin, que faire ? dit le duc. — Si ma chère nièce est sage, répondit la princesse, elle ira ce soir à la Cour, puisque, par bonheur, nous sommes un lundi, jour de réception ; vous verrez à la bien entourer et à démentir ce bruit ridicule. Il y a mille moyens d’expliquer les choses ; et si le marquis de Montriveau est un galant homme, il s’y prêtera. Nous ferons entendre raison à ces enfants-là … — Mais il est difficile de rompre en visière à monsieur de Montriveau, chère tante, c’est un élève de Bonaparte, et il a une position. Comment donc ! c’est un seigneur du jour, il a un commandement important dans la Garde, où il est très-utile. Il n’a pas la moindre ambition. Au premier mot qui lui déplairait, il est homme à dire au roi — Voilà ma démission, laissez-moi tranquille. — Comment pense-t-il donc ? — Très-mal. — Vraiment, dit la princesse, le roi reste ce qu’il a toujours été, un jacobin fleurdelisé. — Oh ! un peu modéré, dit le vidame. — Non, je le connais de longue date. L’homme qui disait à sa femme, le jour où elle assista au premier grand couvert " Voilà nos gens ! " en lui montrant la cour, ne pouvait être qu’un noir scélérat. Je retrouve parfaitement MONSIEUR dans le Roi. Le mauvais frère qui votait si mal dans son bureau de l’Assemblée constituante doit pactiser avec les Libéraux, les laisser parler, discuter. Ce cagot de philosophie sera tout aussi dangereux pour son cadet qu’il l’a été pour l’aÃné ; car je ne sais si son successeur pourra se tirer des embarras que se plaÃt à lui créer ce gros homme de petit esprit ; d’ailleurs il l’exècre, et serait heureux de se dire en mourant Il ne régnera pas long-temps. — Ma tante, c’est le Roi, j’ai l’honneur de lui appartenir, et… — Mais, mon cher, votre charge vous ôte-t-elle votre franc-parler ! Vous êtes d’aussi bonne maison que les Bourbons. Si les Guise avaient eu un peu plus de résolution, Sa Majesté serait un pauvre sire aujourd’hui. Je m’en vais de ce monde à temps, la noblesse est morte. Oui, tout est perdu pour vous, mes enfants ; dit-elle en regardant le vidame. Est-ce que la conduite de ma nièce devrait occuper la ville ? Elle a eu tort, je ne l’approuve pas, un scandale inutile est une faute aussi douté-je encore de ce manque aux convenances, je l’ai élevée et je sais que… En ce moment la duchesse sortit de son boudoir. Elle avait reconnu la voix de sa tante et entendu prononcer le nom de Montriveau. Elle était dans un déshabillé du matin, et, quand elle se montra, monsieur de Grandlieu, qui regardait insouciamment par la croisée, vit revenir la voiture de sa nièce sans elle. — Ma chère fille, lui dit le duc en lui prenant la tête et l’embrassant au front, tu ne sais donc pas ce qui se passe ? — Que se passe-t-il d’extraordinaire, cher père ? — Mais tout Paris te croit chez monsieur de Montriveau. — Ma chère Antoinette, tu n’es pas sortie, n’est-ce pas ? dit la princesse en lui tendant la main que la duchesse baisa avec une respectueuse affection. — Non, chère mère, je ne suis pas sortie. Et, dit-elle en se retournant pour saluer le vidame et le marquis, j’ai voulu que tout Paris me crût chez monsieur de Montriveau. Le duc leva les mains au ciel, se les frappa désespérément et se croisa les bras. — Mais vous ne savez donc pas ce qui résultera de ce coup de tête ? dit-il enfin. La vieille princesse s’était subitement dressée sur ses talons, et regardait la duchesse qui se prit à rougir et baissa les yeux ; madame de Chauvry l’attira doucement et lui dit — Laissez moi vous baiser, mon petit ange. Puis, elle l’embrassa sur le front fort affectueusement, lui serra la main et reprit en souriant — Nous ne sommes plus sous les Valois, ma chère fille. Vous avez compromis votre mari, votre état dans le monde ; cependant nous allons aviser à tout réparer. — Mais, ma chère tante, je ne veux rien réparer. Je désire que tout Paris sache ou dise que j’étais ce matin chez monsieur de Montriveau. Détruire cette croyance, quelque fausse qu’elle soit, est me nuire étrangement. — Ma fille, vous voulez donc vous perdre, et affliger votre famille ? — Mon père, ma famille, en me sacrifiant à des intérêts, m’a, sans le vouloir, condamnée à d’irréparables malheurs. Vous pouvez me blâmer d’y chercher des adoucissements, mais certes vous me plaindrez. — Donnez-vous donc mille peines pour établir convenablement des filles ! dit en murmurant monsieur de Navarreins au vidame. — Chère petite, dit la princesse en secouant les grains de tabac tombés sur sa robe, soyez heureuse si vous pouvez ; il ne s’agit pas de troubler votre bonheur, mais de l’accorder avec les usages. Nous savons tous, ici, que le mariage est une défectueuse institution tempérée par l’amour. Mais est-il besoin, en prenant un amant, de faire son lit sur le Carrousel ? Voyons, ayez un peu de raison, écoutez nous. — J’écoute. — Madame la duchesse, dit le duc de Grandlieu, si les oncles étaient obligés de garder leurs nièces, ils auraient un état dans le monde ; la société leur devrait des honneurs, des récompenses, des traitements comme elle en donne aux gens du Roi. Aussi ne suis-je pas venu pour vous parler de mon neveu, mais de vos intérêts. Calculons un peu. Si vous tenez à faire un éclat, je connais le sire, je ne l’aime guère. Langeais est assez avare, personnel en diable ; il se séparera de vous, gardera votre fortune, vous laissera pauvre, et conséquemment sans considération. Les cent mille livres de rente que vous avez héritées dernièrement de votre grand’tante maternelle payeront les plaisirs de ses maÃtresses, et vous serez liée, garrottée par les lois, obligée de dire amen à ces arrangements-là . Que monsieur de Montriveau vous quitte ! Mon Dieu, chère nièce, ne nous colérons point, un homme ne vous abandonnera pas jeune et belle ; cependant nous avons vu tant de jolies femmes délaissées, même parmi les princesses, que vous me permettrez une supposition presque impossible, je veux le croire ; alors que deviendrez-vous sans mari ? Ménagez donc le vôtre au même titre que vous soignez votre beauté, qui est après tout le parachute des femmes, aussi bien qu’un mari. Je vous fais toujours heureuse et aimée ; je ne tiens compte d’aucun événement malheureux. Cela étant, par bonheur ou par malheur vous aurez des enfants ? Qu’en ferez-vous ? Des Montriveau ? — Hé ! bien, ils ne succèderont point à toute la fortune de leur père. Vous voudrez leur donner toute la vôtre et lui toute la sienne. Mon Dieu, rien n’est plus naturel. Vous trouverez les lois contre vous. Combien avons-nous vu de procès faits par les héritiers légitimes aux enfants de l’amour ! J’en entends retentir dans tous les tribunaux du monde. Aurez-vous recours à quelque fidéicommis si la personne en qui vous mettrez votre confiance vous trompe, à la vérité la justice humaine n’en saura rien ; mais vos enfants seront ruinés. Choisissez donc bien ! Voyez en quelles perplexités vous êtes. De toute manière vos enfants seront nécessairement sacrifiés aux fantaisies de votre cÅ“ur et privés de leur état. Mon Dieu, tant qu’ils seront petits, ils seront charmants ; mais ils vous reprocheront un jour d’avoir songé plus à vous qu’à eux. Nous savons tout cela, nous autres vieux gentilshommes. Les enfants deviennent des hommes, et les hommes sont ingrats. N’ai-je pas entendu le jeune de Horn, en Allemagne, disant après souper — Si ma mère avait été honnête femme, je serais prince régnant. Mais ce SI, nous avons passé notre vie à l’entendre dire aux roturiers, et il a fait la révolution. Quand les hommes ne peuvent accuser ni leur père, ni leur mère, ils s’en prennent à Dieu de leur mauvais sort. En somme, chère enfant, nous sommes ici pour vous éclairer. Hé ! bien, je me résume par un mot que vous devez méditer une femme ne doit jamais donner raison à son mari. — Mon oncle, j’ai calculé tant que je n’aimais pas. Alors je voyais comme vous des intérêts là où il n’y a plus pour moi que des sentiments, dit la duchesse. — Mais ma chère petite, la vie est tout bonnement une complication d’intérêts et de sentiments, lui répliqua le vidame ; et pour être heureux, surtout dans la position où vous êtes, il faut tâcher d’accorder ses sentiments avec ses intérêts. Qu’une grisette fasse l’amour à sa fantaisie cela se conçoit ; mais vous avez une jolie fortune, une famille, un titre, une place à la cour, et vous ne devez pas les jeter par la fenêtre. Pour tout concilier, que venons-nous vous demander ? De tourner habilement la loi des convenances au lieu de la violer. Hé, mon Dieu, j’ai bientôt quatre-vingts ans, je ne me souviens pas d’avoir rencontré, sous aucun régime, un amour qui valût le prix dont vous voulez payer celui de cet heureux jeune homme. La duchesse imposa silence au vidame par un regard ; et si Montriveau l’avait pu voir, il aurait tout pardonné… — Ceci serait d’un bel effet au théâtre, dit le duc de Grandlieu, et ne signifie rien quand il s’agit de vos paraphernaux, de votre position et de votre indépendance. Vous n’êtes pas reconnaissante, ma chère nièce. Vous ne trouverez pas beaucoup de familles où les parents soient assez courageux pour apporter les enseignements de l’expérience et faire entendre le langage de la raison à de jeunes têtes folles. Renoncez à votre salut en deux minutes, s’il vous plaÃt de vous damner ; d’accord ! Mais réfléchissez bien quand il s’agit de renoncer à vos rentes. Je ne connais pas de confesseur qui nous absolve de la misère. Je me crois le droit de vous parler ainsi ; car, si vous vous perdez, moi seul je pourrai vous offrir un asile. Je suis presque l’oncle de Langeais, et moi seul aurai raison en lui donnant tort. — Ma fille, dit le duc de Navarreins en se réveillant d’une douloureuse méditation, puisque vous parlez de sentiments, laissez moi vous faire observer qu’une femme qui porte votre nom se doit à des sentiments autres que ceux des gens du commun. Vous voulez donc donner gain de cause aux Libéraux, à ces jésuites de Robespierre qui s’efforcent de honnir la noblesse. Il est certaines choses qu’une Navarreins ne saurait faire sans manquer à toute sa maison. Vous ne seriez pas seule déshonorée. — Allons, dit la princesse, voilà le déshonneur. Mes enfants, ne faites pas tant de bruit pour la promenade d’une voiture vide, et laissez-moi seule avec Antoinette. Vous viendrez dÃner avec moi tous trois. Je me charge d’arranger convenablement les choses. Vous n’y entendez rien, vous autres hommes, vous mettez déjà de l’aigreur dans vos paroles, et je ne veux pas vous voir brouillés avec ma chère fille. Faites-moi donc le plaisir de vous en aller. Les trois gentilshommes devinèrent sans doute les intentions de la princesse, ils saluèrent leurs parentes ; et monsieur de Navarreins vint embrasser sa fille au front, en lui disant — Allons, chère enfant, sois sage. Si tu veux, il en est encore temps. — Est-ce que nous ne pourrions pas trouver dans la famille quelque bon garçon qui chercherait dispute à ce Montriveau ? dit le vidame en descendant les escaliers. — Mon bijou, dit la princesse, en faisant signe à son élève de s’asseoir sur une petite chaise basse, près d’elle, quand elles furent seules ; je ne sais rien de plus calomnié dans ce bas monde que Dieu et le dix-huitième siècle, car, en me remémorant les choses de ma jeunesse, je ne me rappelle pas qu’une seule duchesse ait foulé aux pieds les convenances comme vous venez de le faire. Les romanciers et les écrivailleurs ont déshonoré le règne de Louis XV, ne les croyez pas. La Dubarry ma chère, valait bien la veuve Scarron, et elle était meilleure personne. Dans mon temps, une femme savait, au milieu de ses galanteries, garder sa dignité. Les indiscrétions nous ont perdues. De là vient tout le mal. Les philosophes, ces gens de rien que nous mettions dans nos salons, ont eu l’inconvenance et l’ingratitude, pour prix de nos bontés, de faire l’inventaire de nos cÅ“urs, de nous décrier en masse, en détail, et de déblatérer contre le siècle. Le peuple, qui est très mal placé pour juger quoi que ce soit, a vu le fond des choses, sans en voir la forme. Mais dans ce temps-là , mon cÅ“ur, les hommes et les femmes ont été tout aussi remarquables qu’aux autres époques de la monarchie. Pas un de vos Werther, aucune de vos notabilités, comme ça s’appelle, pas un de vos hommes en gants jaunes et dont les pantalons dissimulent la pauvreté de leurs jambes, ne traverserait l’Europe, déguisé en colporteur, pour aller s’enfermer, au risque de la vie et en bravant les poignards du duc de Modène, dans le cabinet de toilette de la fille du régent. Aucun de vos petits poitrinaires à lunettes d’écaille ne se cacherait comme Lauzun, durant six semaines, dans une armoire pour donner du courage à sa maÃtresse pendant qu’elle accouchait. Il y avait plus de passion dans le petit doigt de monsieur de Jaucourt que dans toute votre race de disputailleurs qui laissent les femmes pour des amendements ! Trouvez-moi donc aujourd’hui des pages qui se fassent hacher et ensevelir sous un plancher pour venir baiser le doigt ganté d’une Konismark ? Aujourd’hui, vraiment, il semblerait que les rôles soient changés, et que les femmes doivent se dévouer pour les hommes. Ces messieurs valent moins et s’estiment davantage. Croyez-moi, ma chère, toutes ces aventures qui sont devenues publiques et dont on s’arme aujourd’hui pour assassiner notre bon Louis XV, étaient d’abord secrètes. Sans un tas de poétriaux, de rimailleurs, de moralistes qui entretenaient nos femmes de chambre et en écrivaient les calomnies, notre époque aurait eu littérairement des mÅ“urs. Je justifie le siècle et non sa lisière. Peut-être y a-t-il eu cent femmes de qualité perdues ; mais les drôles en ont mis un millier, ainsi que font les gazetiers quand ils évaluent les morts du parti battu. D’ailleurs, je ne sais pas ce que la Révolution et l’Empire peuvent nous reprocher ces temps-là ont été licencieux, sans esprit, grossiers, fi ! tout cela me révolte. Ce sont les mauvais lieux de notre histoire ! Ce préambule, ma chère enfant, reprit-elle après une pause, est pour arriver à te dire que si Montriveau te plaÃt, tu es bien la maÃtresse de l’aimer à ton aise, et tant que tu pourras. Je sais, moi, par expérience à moins de t’enfermer, mais on n’enferme plus aujourd’hui, que tu feras ce qui te plaira ; et c’est ce que j’aurais fait à ton âge. Seulement, mon cher bijou, je n’aurais pas abdiqué le droit de faire des ducs de Langeais. Ainsi comporte-toi décemment. Le vidame a raison, aucun homme ne vaut un seul des sacrifices par lesquels nous sommes assez folles pour payer leur amour. Mets-toi donc dans la position de pouvoir, si tu avais le malheur d’en être à te repentir, te trouver encore la femme de monsieur de Langeais. Quand tu seras vieille, tu seras bien aise d’entendre la messe à la cour et non dans un couvent de province, voilà toute la question. Une imprudence, c’est une pension, une vie errante, être à la merci de son amant ; c’est l’ennui causé par les impertinences des femmes qui vaudront moins que toi, précisément parce qu’elles auront été très-ignoblement adroites. Il valait cent fois mieux aller chez Montriveau, le soir, en fiacre, déguisée, que d’y envoyer ta voiture en plein jour. Tu es une petite sotte, ma chère enfant ! Ta voiture a flatté sa vanité, ta personne lui aurait pris le cÅ“ur. Je t’ai dit ce qui est juste et vrai, mais je ne t’en veux pas, moi. Tu es de deux siècles en arrière avec ta fausse grandeur. Allons, laisse-nous arranger les affaires, dire que le Montriveau aura grisé tes gens, pour satisfaire son amour propre et te compromettre…. — Au nom du ciel, ma tante, s’écria la duchesse en bondissant, ne le calomniez pas. — Oh ! chère enfant, dit la princesse dont les yeux s’animèrent, je voudrais te voir des illusions qui ne te fussent pas funestes, mais toute illusion doit cesser. Tu m’attendrirais, n’était mon âge. Allons, ne fais de chagrin à personne, ni à lui, ni à nous. Je me charge de contenter tout le monde ; mais promets-moi de ne pas te permettre désormais une seule démarche sans me consulter. Conte-moi tout, je te mènerai peut-être à bien. — Ma tante, je vous promets… — De me dire tout… — Oui, tout, tout ce qui pourra se dire. — Mais, mon cÅ“ur, c’est précisément ce qui ne pourra pas se dire que je veux savoir. Entendons-nous bien. Allons, laisse-moi appuyer mes lèvres sèches sur ton beau front. Non, laisse-moi faire, je te défends de baiser mes os. Les vieillards ont une politesse à eux… Allons, conduis-moi jusqu’à mon carrosse, dit-elle après avoir embrassé sa nièce. — Chère tante, je puis donc aller chez lui déguisée ? — Mais, oui, ça peut toujours se nier, dit la vieille. La duchesse n’avait clairement perçu que cette idée dans le sermon que la princesse venait de lui faire. Quand madame de Chauvry fut assise dans le coin de sa voiture, madame de Langeais lui dit un gracieux adieu, et remonta chez elle tout heureuse. — Ma personne lui aurait pris le cÅ“ur ; elle a raison, ma tante. Un homme ne doit pas refuser une jolie femme, quand elle sait se bien offrir. Le soir, au cercle de madame la duchesse de Berri, le duc de Navarreins, monsieur de Pamiers, monsieur de Marsay, monsieur de Grandlieu, le duc de Maufrigneuse démentirent victorieusement les bruits offensants qui couraient sur la duchesse de Langeais. Tant d’officiers et de personnes attestèrent avoir vu Montriveau se promenant aux Tuileries pendant la matinée, que cette sotte histoire fut mise sur le compte du hasard, qui prend tout ce qu’on lui donne. Aussi le lendemain la réputation de la duchesse devint-elle, malgré la station de sa voiture, nette et claire comme l’armet de Mambrin après avoir été fourbi par Sancho. Seulement, à deux heures, au bois de Boulogne, monsieur de Ronquerolles passant à côté de Montriveau dans une allée déserte, lui dit en souriant — Elle va bien, ta duchesse ! — Encore et toujours, ajouta-t-il en appliquant un coup de cravache significatif à sa jument qui fila comme un boulet. Deux jours après son éclat inutile, madame de Langeais écrivit à monsieur de Montriveau une lettre qui resta sans réponse comme les précédentes. Cette fois elle avait pris ses mesures, et corrompu Auguste, le valet de chambre d’Armand. Aussi, le soir, à huit heures, fut-elle introduite chez Armand, dans une chambre tout autre que celle où s’était passée la scène demeurée secrète. La duchesse apprit que le général ne rentrerait pas. Avait-il deux domiciles ? Le valet ne voulut pas répondre. Madame de Langeais avait acheté la clef de cette chambre, et non toute la probité de cet homme. Restée seule, elle vit ses quatorze lettres posées sur un vieux guéridon ; elles n’étaient ni froissées, ni décachetées ; elles n’avaient pas été lues. A cet aspect, elle tomba sur un fauteuil, et perdit pendant un moment toute connaissance. En se réveillant, elle aperçut Auguste, qui lui faisait respirer du vinaigre. — Une voiture, vite, dit elle. La voilure venue, elle descendit avec une rapidité convulsive, revint chez elle, se mit au lit, et fit défendre sa porte. Elle resta vingt-quatre heures couchée, ne laissant approcher d’elle que sa femme de chambre qui lui apporta quelques tasses d’infusion de feuilles d’oranger. Suzette entendit sa maÃtresse faisant quelques plaintes, et surprit des larmes dans ses yeux éclatants mais cernés. Le surlendemain, après avoir médité dans les larmes du désespoir le parti qu’elle voulait prendre, madame de Langeais eut une conférence avec son homme d’affaires, et le chargea sans doute de quelques préparatifs. Puis elle envoya chercher le vieux vidame de Pamiers. En attendant le commandeur, elle écrivit à monsieur de Montriveau. Le vidame fut exact. Il trouva sa jeune cousine pâle, abattue, mais résignée. Il était environ deux heures après-midi. Jamais cette divine créature n’avait été plus poétique qu’elle ne l’était alors dans les langueurs de son agonie. — Mon cher cousin, dit-elle au vidame, vos quatre-vingts ans vous valent ce rendez-vous. Oh ! ne souriez pas, je vous en supplie, devant une pauvre femme au comble du malheur. Vous êtes un galant homme, et les aventures de votre jeunesse vous ont, j’aime à le croire, inspiré quelque indulgence pour les femmes. — Pas la moindre, dit-il. — Vraiment ! — Elles sont heureuses de tout, reprit-il. — Ah ! Eh ! bien, vous êtes au cÅ“ur de ma famille ; vous serez peut-être le dernier parent, le dernier ami de qui j’aurai serré la main ; je puis donc réclamer de vous un bon office. Rendez-moi, mon cher vidame, un service que je ne saurais demander à mon père, ni à mon oncle Grandlieu, ni à aucune femme. Vous devez me comprendre. Je vous supplie de m’obéir, et d’oublier que vous m’avez obéi, quelle que soit l’issue de vos démarches. Il s’agit d’aller, muni de cette lettre, chez monsieur de Montriveau, de le voir, de la lui montrer, de lui demander, comme vous savez d’homme à homme demander les choses, car vous avez entre vous une probité, des sentiments que vous oubliez avec nous, de lui demander s’il voudra bien la lire, non pas en votre présence, les hommes se cachent certaines émotions. Je vous autorise, pour le décider, et si vous le jugez nécessaire, à lui dire qu’il s’en va de ma vie ou de ma mort. S’il daigne… — Daigne ! fit le commandeur. — S’il daigne la lire, reprit avec dignité la duchesse, faites-lui une dernière observation. Vous le verrez à cinq heures, il dÃne à cette heure, chez lui, aujourd’hui, je le sais ; eh ! bien, il doit, pour toute réponse, venir me voir. Si trois heures après, si à huit heures, il n’est pas sorti, tout sera dit. La duchesse de Langeais aura disparu de ce monde. Je ne serai pas morte, cher, non ; mais aucun pouvoir humain ne me retrouvera sur cette terre. Venez dÃner avec moi, j’aurai du moins un ami pour m’assister dans mes dernières angoisses. Oui, ce soir, mon cher cousin, ma vie sera décidée ; et quoi qu’il arrive, elle ne peut être que cruellement ardente. Allez, silence, je ne yeux rien entendre qui ressemble soit à des observations, soit à des avis. — Causons, rions, dit-elle en lui tendant une main qu’il baisa. Soyons comme deux vieillards philosophes qui savent jouir de la vie jusqu’au moment de leur mort. Je me parerai, je serai bien coquette pour vous. Vous serez peut-être le dernier homme qui aura vu la duchesse de Langeais. Le vidame ne répondit rien, il salua, prit la lettre et fit la commission. Il revint à cinq heures, trouva sa cousine mise avec recherche, délicieuse enfin. Le salon était paré de fleurs comme pour une fête. Le repas fut exquis. Pour ce vieillard, la duchesse fit jouer tous les brillants de son esprit, et se montra plus attrayante qu’elle ne l’avait jamais été. Le commandeur voulut d’abord voir une plaisanterie de jeune femme dans tous ces apprêts ; mais, de temps à autre, la fausse magie des séductions déployées par sa cousine pâlissait. Tantôt, il la surprenait à tressaillir émue par une sorte de terreur soudaine ; et tantôt elle semblait écouter dans le silence. Alors, s’il lui disait — Qu’avez vous ? — Chut ! répondait-elle. A sept heures elle le quitta, revint promptement, mais habillée comme aurait pu l’être sa femme de chambre pour un voyage. Elle réclama le bras du vieillard qu’elle voulut pour compagnon, se jeta dans une voiture de louage et tous deux furent, vers les huit heures moins un quart, à la porte de monsieur de Montriveau. Armand, lui, pendant ce temps, avait médité la lettre suivante " Mon ami, j’ai passé quelques moments chez vous, à votre insu ; j’y ai repris mes lettres. Oh ! Armand, de vous à moi, ce ne peut être indifférence, et la haine procède autrement. Si vous m’aimez, cessez un jeu cruel. Vous me tueriez. Plus tard, vous en seriez au désespoir, en apprenant combien vous êtes aimé. Si je vous ai malheureusement compris, si vous n’avez pour moi que de l’aversion, l’aversion comporte et mépris et dégoût ; alors, tout espoir m’abandonne les hommes ne reviennent pas de ces deux sentiments. Quelque terrible qu’elle puisse être, cette pensée apportera des consolations à ma longue douleur. Vous n’aurez pas de regrets un jour. Des regrets ! ah, mon Armand, que je les ignore. Si je vous en causais un seul ?… Non je ne veux pas vous dire quels ravages il ferait en moi. Je vivrais et ne pourrais plus être votre femme. Après m’être entièrement donnée à vous en pensée, à qui donc me donner ?… à Dieu. Oui, les yeux que vous avez aimés pendant un moment, ne verront plus aucun visage d’homme ; et puisse la gloire de Dieu les fermer ! Je n’entendrai plus de voix humaine, après avoir entendu la vôtre, si douce d’abord, si terrible hier, car je suis toujours au lendemain de votre vengeance ; puisse donc la parole de Dieu me consumer ! Entre sa colère et la vôtre, mon ami, il n’y aura pour moi que larmes et que prières. Vous vous demanderez peut-être pourquoi vous écrire ? Hélas ! ne m’en voulez pas de conserver une lueur d’espérance, de jeter encore un soupir sur la vie heureuse avant de la quitter pour un jamais. Je suis dans une horrible situation. J’ai toute la sérénité que communique à l’âme une grande résolution, et sens encore les derniers grondements de l’orage. Dans cette terrible aventure qui m’a tant attachée à vous, Armand, vous alliez du désert à l’oasis, mené par un bon guide. Eh ! bien, moi, je me traÃne de l’oasis au désert, et vous m’êtes un guide sans pitié. Néanmoins, vous seul, mon ami, pouvez comprendre la mélancolie des derniers regards que je jette au bonheur, et vous êtes le seul auquel je puisse me plaindre sans rougir. Si vous m’exaucez, je serai heureuse ; si vous êtes inexorable, j’expierai mes torts. Enfin, n’est-il pas naturel à une femme de vouloir rester dans la mémoire de son aimé, revêtue de tous les sentiments nobles ? Oh ! seul cher à moi ! laissez votre créature s’ensevelir avec la croyance que vous la trouverez grande. Vos sévérités m’ont fait réfléchir ; et depuis que je vous aime bien, je me suis trouvée moins coupable que vous ne le pensez. Ecoutez donc ma justification, je vous la dois ; et vous, qui êtes tout pour moi dans le monde, vous me devez au moins un instant de justice. " J’ai su, par mes propres douleurs, combien mes coquetteries vous ont fait souffrir ; mais alors, j’étais dans une complète ignorance de l’amour. Vous êtes, vous, dans le secret de ces tortures, et vous me les imposez. Pendant les huit premiers mois que vous m’avez accordés, vous ne vous êtes point fait aimer. Pourquoi, mon ami ? Je ne sais pas plus vous le dire, que je ne puis vous expliquer pourquoi je vous aime. Ah ! certes, j’étais flattée de me voir l’objet de vos discours passionnés, de recevoir vos regards de feu ; mais vous me laissiez froide et sans désirs. Non, je n’étais point femme, je ne concevais ni le dévouement ni le bonheur de notre sexe. A qui la faute ! Ne m’auriez-vous pas méprisée, si je m’étais livrée sans entraÃnement ? Peut-être est-ce le sublime de notre sexe, de se donner sans recevoir aucun plaisir ; peut-être n’y a-t-il aucun mérite à s’abandonner à des jouissances connues et ardemment désirées ? Hélas ! mon ami, je puis vous le dire, ces pensées me sont venues quand j’étais si coquette pour vous ; mais je vous trouvais déjà si grand, que je ne voulais pas que vous me dussiez à la pitié… Quel mot viens-je d’écrire ? Ah ! j’ai repris chez vous toutes mes lettres, je les jette au feu ! Elles brûlent. Tu ne sauras jamais ce qu’elles accusaient d’amour, de passion, de folie… Je me tais, Armand, je m’arrête, je ne veux plus rien vous dire de mes sentiments. Si mes vÅ“ux n’ont pas été entendus d’âme à âme, je ne pourrais donc plus, moi aussi, moi la femme, ne devoir votre amour qu’à votre pitié. Je veux être aimée irrésistiblement ou laissée impitoyablement. Si vous refusez de lire cette lettre, elle sera brûlée. Si, l’ayant lue, vous n’êtes pas trois heures après, pour toujours mon seul époux, je n’aurai point de honte à vous la savoir entre les mains la fierté de mon désespoir garantira ma mémoire de toute injure, et ma fin sera digne de mon amour. Vous-même, ne me rencontrant plus sur cette terre, quoique vivante, vous ne penserez pas sans frémir à une femme qui dans trois heures, ne respirera plus que pour vous accabler de sa tendresse, à une femme consumée par un amour sans espoir, et fidèle, non pas à des plaisirs partagés, mais à des sentiments méconnus. La duchesse de Lavallière pleurait un bonheur perdu, sa puissance évanouie ; tandis que la duchesse de Langeais sera heureuse de ses pleurs et restera pour vous un pouvoir. Oui, vous me regretterez. Je sens bien que je n’étais pas de ce monde, et vous remercie de me l’avoir prouvé. Adieu, vous ne toucherez point à ma hache ; la vôtre était celle du bourreau, la mienne est celle de Dieu ; la vôtre tue, et la mienne sauve. Votre amour était mortel, il ne savait supporter ni le dédain ni la raillerie ; le mien peut tout endurer sans faiblir, il est immortellement vivace. Ah ! j’éprouve une joie sombre à vous écraser, vous qui vous croyez si grand, à vous humilier par le sourire calme et protecteur des anges faibles qui prennent, en se couchant aux pieds de Dieu, le droit et la force de veiller en son nom sur les hommes. Vous n’avez eu que de passagers désirs ; tandis que la pauvre religieuse vous éclairera sans cesse de ses ardentes prières, et vous couvrira toujours des ailes de l’amour divin. Je pressens votre réponse, Armand, et vous donne rendez-vous… dans le ciel. Ami, la force et la faiblesse y sont également admises ; toutes deux sont des souffrances. Cette pensée apaise les agitations de ma dernière épreuve. Me voilà si calme, que je craindrais de ne plus t’aimer, si ce n’était pour toi que je quitte le monde. " ANTOINETTE. " — Mon cher cousin, dit la duchesse en arrivant à la maison de Montriveau, faites-moi la grâce de demander à la porte s’il est chez lui. Le commandeur, obéissant à la manière des hommes du dix-huitième siècle, descendit et revint dire à sa cousine un oui qui lui donna le frisson. A ce mot, elle prit le commandeur, lui serra la main, se laissa baiser par lui sur les deux joues, et le pria de s’en aller sans l’espionner ni vouloir la protéger. — Mais les passants ? dit-il. — Personne ne peut me manquer de respect, répondit-elle. Ce fut le dernier mot de la femme à la mode et de la duchesse. Le commandeur s’en alla. Madame de Langeais resta sur le seuil de cette porte en s’enveloppant de son manteau, et attendit que huit heures sonnassent. L’heure expira. Cette malheureuse femme se donna dix minutes, un quart d’heure ; enfin, elle voulut voir une nouvelle humiliation dans ce retard, et la foi l’abandonna. Elle ne put retenir cette exclamation — O mon Dieu ! puis quitta ce funeste seuil. Ce fut le premier mot de la carmélite. Montriveau avait une conférence avec quelques amis, il les pressa de finir, mais sa pendule retardait, et il ne sortit pour aller à l’hôtel de Langeais qu’au moment où la duchesse, emportée par une rage froide, fuyait à pied dans les rues de Paris. Elle pleura quand elle atteignit le boulevard d’Enfer. Là , pour la dernière fois, elle regarda Paris fumeux, bruyant, couvert de la rouge atmosphère produite par ses lumières ; puis elle monta dans une voiture de place, et sortit de cette ville pour n’y jamais rentrer. Quand le marquis de Montriveau vint à l’hôtel de Langeais, il n’y trouva point sa maÃtresse, et se crut joué. Il courut alors chez le vidame, et y fut reçu au moment où le bonhomme passait sa robe de chambre en pensant au bonheur de sa jolie parente. Montriveau lui jeta ce regard terrible dont la commotion électrique frappait également les hommes et les femmes. — Monsieur, vous seriez-vous prêté à quelque cruelle plaisanterie ? s’écria-t-il. Je viens de chez madame de Langeais, et ses gens la disent sortie. — Il est sans doute arrivé, par votre faute, un grand malheur, répondit le vidame. J’ai laissé la duchesse à votre porte… — A quelle heure ? — A huit heures moins un quart. — Je vous salue, dit Montriveau qui revint précipitamment chez lui pour demander à son portier s’il n’avait pas vu dans la soirée une dame à la porte. — Oui, monsieur, une belle femme qui paraissait avoir bien du désagrément. Elle pleurait comme une Madeleine, sans faire de bruit, et se tenait droit comme un piquet. Enfin, elle a dit un O mon Dieu ! en s’en allant, qui nous a, sous votre respect, crevé le cÅ“ur à mon épouse et à moi, qu’étions là sans qu’elle s’en aperçût. Ce peu de mots fit pâlir cet homme si ferme. Il écrivit quelques lignes à monsieur de Ronquerolles, chez lequel il envoya sur-le-champ, et remonta dans son appartement. Vers minuit, le marquis de Ronquerolles arriva. — Qu’as-tu, mon bon ami ? dit-il en voyant le général. Armand lui donna la lettre de la duchesse à lire. — Eh ! bien ? lui demanda Ronquerolles. — Elle était à ma porte à huit heures, et à huit heures un quart elle a disparu. Je l’ai perdue, et je l’aime ! Ah ! si ma vie m’appartenait, je me serais déjà fait sauter la cervelle ! — Bah ! bah ! dit Ronquerolles, calme-toi. Les duchesses ne s’envolent pas comme des bergeronnettes. Elle ne fera pas plus de trois lieues à l’heure ; demain, nous en ferons six, nous autres. — Ah ! peste ! reprit-il, madame de Langeais n’est pas une femme ordinaire. Nous serons tous à cheval demain. Dans la journée, nous saurons par la police où elle est allée. Il lui faut une voiture, ces anges-là n’ont pas d’ailes. Qu’elle soit en route ou cachée dans Paris, nous la trouverons. N’avons-nous pas le télégraphe pour l’arrêter sans la suivre ? Tu seras heureux. Mais, mon cher frère, tu as commis la faute dont sont plus ou moins coupables les hommes de ton énergie. Ils jugent les autres âmes d’après la leur, et ne savent pas où casse l’humanité quand ils en tendent les cordes. Que ne me disais-tu donc un mot tantôt ? Je t’aurais dit — Sois exact. — A demain, donc, ajouta-t-il en serrant la main de Montriveau qui restait muet. Dors, si tu peux. Mais les plus immenses ressources dont jamais hommes d’État, souverains, ministres, banquiers, enfin dont tout pouvoir humain se soit socialement investi, furent en vain déployées. Ni Montriveau ni ses amis ne purent trouver la trace de la duchesse. Elle s’était évidemment cloÃtrée. Montriveau résolut de fouiller ou de faire fouiller tous les couvents du monde. Il lui fallait la duchesse, quand même il en aurait coûté la vie à toute une ville. Pour rendre justice à cet homme extraordinaire, il est nécessaire de dire que sa fureur passionnée se leva également ardente chaque jour, et dura cinq années. En 1829 seulement, le duc de Navarreins apprit, par hasard, que sa fille était partie pour l’Espagne, comme femme de chambre de lady Julia Hopwood, et qu’elle avait quitté cette dame à Cadix, sans que lady Julia se fût aperçue que mademoiselle Caroline était l’illustre duchesse dont la disparition occupait la haute société parisienne. Les sentiments qui animèrent les deux amants quand ils se retrouvèrent à la grille des Carmélites et en présence d’une mère supérieure doivent être maintenant compris dans toute leur étendue, et leur violence, réveillée de part et d’autre, expliquera sans doute le dénoûment de cette aventure. Donc, en 1823, le duc de Langeais mort, sa femme était libre. Antoinette de Navarreins vivait consumée par l’amour sur un banc de la Méditerranée ; mais le pape pouvait casser les vÅ“ux de la sÅ“ur Thérèse. Le bonheur acheté par tant d’amour pouvait éclore pour les deux amants. Ces pensées firent voler Montriveau de Cadix à Marseille, de Marseille à Paris. Quelques mois après son arrivée en France, un brick de commerce armé en guerre partit du port de Marseille et fit route pour l’Espagne. Ce bâtiment était frété par plusieurs hommes de distinction, presque tous Français qui, épris de belle passion pour l’Orient, voulaient en visiter les contrées. Les grandes connaissances de Montriveau sur les mÅ“urs de ces pays en faisaient un précieux compagnon de voyage pour ces personnes, qui le prièrent d’être des leurs, et il y consentit. Le ministre de la guerre le nomma lieutenant-général et le mit au comité d’artillerie pour lui faciliter cette partie de plaisir. Le brick s’arrêta, vingt-quatre heures après son départ, au nord-ouest d’une Ãle en vue des côtes d’Espagne. Le bâtiment avait été choisi assez fin de carène, assez léger de mâture pour qu’il pût sans danger s’ancrer à une demi-lieue environ des rescifs qui, de ce côté, défendaient sûrement l’abordage de l’Ãle. Si des barques ou des habitants apercevaient le brick dans ce mouillage, ils ne pouvaient d’abord en concevoir aucune inquiétude. Puis il fut facile d’en justifier aussitôt le stationnement. Avant d’arriver en vue de l’Ãle, Montriveau fil arborer le pavillon des États-Unis. Les matelots engagés pour le service du bâtiment étaient américains et ne parlaient que la langue anglaise. L’un des compagnons de monsieur de Montriveau les embarqua tous sur une chaloupe et les amena dans une auberge de la petite ville, où il les maintint à une hauteur d’ivresse qui ne leur laissa pas la langue libre. Puis il dit que le brick était monté par des chercheurs de trésors, gens connus aux États-Unis pour leur fanatisme, et dont un des écrivains de ce pays a écrit l’histoire. Ainsi la présence du vaisseau dans les rescifs fut suffisamment expliquée. Les armateurs et les passagers y cherchaient, dit le prétendu contre-maÃtre des matelots, les débris d’un galion échoué en 1778 avec les trésors envoyés du Mexique. Les aubergistes et les autorités du pays n’en demandèrent pas davantage. Armand et les amis dévoués qui le secondaient dans sa difficile entreprise pensèrent tout d’abord que ni la ruse ni la force ne pouvaient faire réussir la délivrance ou l’enlèvement de la sÅ“ur Thérèse du côté de la petite ville. Alors, d’un commun accord, ces hommes d’audace résolurent d’attaquer le taureau par les cornes. Ils voulurent se frayer un chemin jusqu’au couvent par les lieux mêmes où tout accès y semblait impraticable, et de vaincre la nature, comme le général Lamarque l’avait vaincue à l’assaut de Caprée. En cette circonstance, les tables de granit taillées à pic, au bout de l’Ãle, leur offraient moins de prise que celles de Caprée n’en avaient offert à Montriveau, qui fut de cette incroyable expédition, et les nonnes lui semblaient plus redoutables que ne le fut sir Hudson-Lowe. Enlever la duchesse avec fracas couvrait ces hommes de honte. Autant aurait valu faire le siége de la ville, du couvent, et ne pas laisser un seul témoin de leur victoire, à la manière des pirates. Pour eux cette entreprise n’avait donc que deux faces. Ou quelque incendie, quelque fait d’armes qui effrayât l’Europe en y laissant ignorer la raison du crime ; ou quelque enlèvement aérien, mystérieux, qui persuadât aux nonnes que le diable leur avait rendu visite. Ce dernier parti triompha dans le conseil secret tenu à Paris avant le départ. Puis, tout avait été prévu pour le succès d’une entreprise qui offrait à ces hommes blasés des plaisirs de Paris un véritable amusement. Une espèce de pirogue d’une excessive légèreté, fabriquée à Marseille d’après un modèle malais, permit de naviguer dans les rescifs jusqu’à l’endroit où ils cessaient d’être praticables. Deux cordes en fil de fer, tendues parallèlement à une distance de quelques pieds sur des inclinaisons inverses, et sur lesquelles devaient glisser les paniers également en fil de fer, servirent de pont, comme en Chine, pour aller d’un rocher à l’autre. Les écueils furent ainsi unis les uns aux autres par un système de cordes et de paniers qui ressemblaient à ces fils sur lesquels voyagent certaines araignées, et par lesquels elles enveloppent un arbre ; Å“uvre d’instinct que les Chinois, ce peuple essentiellement imitateur, a copiée le premier, historiquement parlant. Ni les lames ni les caprices de la mer ne pouvaient déranger ces fragiles constructions. Les cordes avaient assez de jeu pour offrir aux fureurs des vagues cette courbure étudiée par un ingénieur, feu Cachin, l’immortel créateur du port de Cherbourg, la ligne savante au delà de laquelle cesse le pouvoir de l’eau courroucée ; courbe établie d’après une loi dérobée aux secrets de la nature par le génie de l’observation, qui est presque tout le génie humain. Les compagnons de monsieur de Montriveau étaient seuls sur ce vaisseau. Les yeux de l’homme ne pouvaient arriver jusqu’à eux. Les meilleures longues-vues braquées du haut des tillacs par les marins des bâtiments à leur passage n’eussent laissé découvrir ni les cordes perdues dans les rescifs ni les hommes cachés dans les rochers. Après onze jours de travaux préparatoires, ces treize démons humains arrivèrent au pied du promontoire élevé d’une trentaine de toises au-dessus de la mer, bloc aussi difficile à gravir par des hommes qu’il peut l’être à une souris de grimper sur les contours polis du ventre en porcelaine d’un vase uni. Cette table de granit était heureusement fendue. Sa fissure, dont les deux lèvres avaient la raideur de la ligne droite, permit d’y attacher, à un pied de distance, de gros coins de bois dans lesquels ces hardis travailleurs enfoncèrent des crampons de fer. Ces crampons, préparés à l’avance, étaient terminés par une palette trouée sur laquelle ils fixèrent une marche faite avec une planche de sapin extrêmement légère qui venait s’adapter aux entailles d’un mât aussi haut que le promontoire et qui fut assujettie dans le roc au bas de la grève. Avec une habileté digne de ces hommes d’exécution, l’un d’eux, profond mathématicien, avait calculé l’angle nécessaire pour écarter graduellement les marches en haut et en bas du mât, de manière à placer dans son milieu le point à partir duquel les marches de la partie supérieure gagnaient en éventail le haut du rocher ; figure également représentée, mais en sens inverse, par les marches d’en bas. Cet escalier, d’une légèreté miraculeuse et d’une solidité parfaite, coûta vingt-deux jours de travail. Un briquet phosphorique, une nuit et le ressac de la mer suffisaient à en faire disparaÃtre éternellement les traces. Ainsi nulle indiscrétion n’était possible, et nulle recherche contre les violateurs du couvent ne pouvait avoir de succès. Sur le haut du rocher se trouvait une plate-forme, bordée de tous côtés par le précipice taillé à pic. Les treize inconnus, en examinant le terrain avec leurs lunettes du haut de la hune, s’étaient assurés que, malgré quelques aspérités, ils pourraient facilement arriver aux jardins du couvent, dont les arbres suffisamment touffus offraient de sûrs abris. Là , sans doute, ils devaient ultérieurement décider par quels moyens se consommerait le rapt de la religieuse. Après de si grands efforts, ils ne voulurent pas compromettre le succès de leur entreprise en risquant d’être aperçus, et furent obligés d’attendre que le dernier quartier de la lune expirât. Montriveau resta, pendant deux nuits, enveloppé dans son manteau, couché sur le roc. Les chants du soir et ceux du matin lui causèrent d’inexprimables délices. Il alla jusqu’au mur, pour pouvoir entendre la musique des orgues, et s’efforça de distinguer une voix dans cette masse de voix. Mais, malgré le silence, l’espace ne laissait parvenir à ses oreilles que les effets confus de la musique. C’était de suaves harmonies où les défauts de l’exécution ne se faisaient plus sentir, et d’où la pure pensée de l’art se dégageait en se communiquant à l’âme, sans lui demander ni les efforts de l’attention ni les fatigues de l’entendement. Terribles souvenirs pour Armand, dont l’amour reflorissait tout entier dans cette brise de musique, où il voulut trouver d’aériennes promesses de bonheur. Le lendemain de la dernière nuit, il descendit avant le lever du soleil, après être resté durant plusieurs heures les yeux attachés sur la fenêtre d’une cellule sans grille. Les grilles n’étaient pas nécessaires au-dessus de ces abÃmes. Il y avait vu de la lumière pendant toute la nuit. Or, cet instinct du cÅ“ur, qui trompe aussi souvent qu’il dit vrai, lui avait crié — Elle est là ! — Elle est certainement là , et demain je l’aurai, se dit-il en mêlant de joyeuses pensées aux tintements d’une cloche qui sonnait lentement. Etrange bizarrerie du cÅ“ur ! il aimait avec plus de passion la religieuse dépérie dans les élancements de l’amour, consumée par les larmes, les jeûnes, les veilles et la prière, la femme de vingt-neuf ans fortement éprouvée, qu’il n’avait aimé la jeune fille légère, la femme de vingt-quatre ans, la sylphide. Mais les hommes d’âme vigoureuse n’ont-ils pas un penchant qui les entraÃne vers les sublimes expressions que de nobles malheurs ou d’impétueux mouvements de pensées ont gravées sur le visage d’une femme ? La beauté d’une femme endolorie n’est-elle pas la plus attachante de toutes pour les hommes qui se sentent au cÅ“ur un trésor inépuisable de consolations et de tendresses à répandre sur une créature gracieuse de faiblesse et forte par le sentiment. La beauté fraÃche, colorée, unie, le joli en un mot, est l’attrait vulgaire auquel se prend la médiocrité. Montriveau devait aimer ces visages où l’amour se réveille au milieu des plis de la douleur et des ruines de la mélancolie. Un amant ne fait-il pas alors saillir, à la voix de ses puissants désirs, un être tout nouveau, jeune, palpitant, qui brise pour lui seul une enveloppe belle pour lui, détruite pour le monde. Ne possède-t-il pas deux femmes celle qui se présente aux autres pâle, décolorée, triste ; puis celle du cÅ“ur que personne ne voit, un ange qui comprend la vie par le sentiment, et ne paraÃt dans toute sa gloire que pour les solennités de l’amour ? Avant de quitter son poste, le général entendit de faibles accords qui partaient de cette cellule, douces voix pleines de tendresse. En revenant sous le rocher au bas duquel se tenaient ses amis, il leur dit en quelques mots, empreints de cette passion communicative quoique discrète dont les hommes respectent toujours l’expression grandiose, que jamais, en sa vie, il n’avait éprouvé de si captivantes félicités. Le lendemain soir, onze compagnons dévoués se hissèrent dans l’ombre en haut de ces rochers, ayant chacun sur eux un poignard, une provision de chocolat, et tous les instruments que comporte le métier des voleurs. Arrivés au mur d’enceinte, ils le franchirent au moyen d’échelles qu’ils avaient fabriquées, et se trouvèrent dans le cimetière du couvent. Montriveau reconnut et la longue galerie voûtée par laquelle il était venu naguère au parloir, et les fenêtres de cette salle. Sur-le-champ, son plan fut fait et adopté. S’ouvrir un passage par la fenêtre de ce parloir qui en éclairait la partie affectée aux carmélites, pénétrer dans les corridors, voir si les noms étaient inscrits sur chaque cellule, aller à celle de la sÅ“ur Thérèse, y surprendre et bâillonner la religieuse pendant son sommeil, la lier et l’enlever, toutes ces parties du programme étaient faciles pour des hommes qui, à l’audace, à l’adresse des forçats, joignaient les connaissances particulières aux gens du monde, et auxquels il était indifférent de donner un coup de poignard pour acheter le silence. La grille de la fenêtre fut sciée en deux heures Trois hommes se mirent en faction au dehors, et deux autres restèrent dans le parloir. Le reste, pieds nus, se posta de distance en distance à travers le cloÃtre où s’engagea Montriveau, caché derrière un jeune homme, le plus adroit d’entre eux, Henri de Marsay, qui, par prudence, s’était vêtu d’un costume de carmélite absolument semblable à celui du couvent. L’horloge sonna trois heures quand la fausse religieuse et Montriveau parvinrent au dortoir. Ils eurent bientôt reconnu la situation des cellules. Puis, n’entendant aucun bruit, ils lurent, à l’aide d’une lanterne sourde, les noms heureusement écrits sur chaque porte, et accompagnés de ces devises mystiques, de ces portraits de saints ou de saintes que chaque religieuse inscrit en forme d’épigraphe sur le nouveau rôle de sa vie, et où elle révèle sa dernière pensée. Arrivé à la cellule de la sÅ“ur Thérèse, Montriveau lut cette inscription Sub invocatione sanctae, matris Theresae ! La devise était Adoremus in aeternum. Tout à coup son compagnon lui mit la main sur l’épaule, et lui fit voir une vive lueur qui éclairait les dalles du corridor par la fente de la porte. En ce moment, monsieur de Ronquerolles les rejoignit. — Toutes les religieuses sont à l’église et commencent l’office des morts, dit-il. — Je reste, répondit Montriveau ; repliez-vous dans le parloir, et fermez la porte de ce corridor. Il entra vivement en se faisant précéder de la fausse religieuse, qui rabattit son voile. Ils virent alors, dans l’antichambre de la cellule, la duchesse morte, posée à terre sur la planche de son lit, et éclairée par deux cierges. Ni Montriveau ni de Marsay ne dirent une parole, ne jetèrent un cri ; mais ils se regardèrent. Puis le général fit un geste qui voulait dire — Emportons-la. — Sauvez-vous, cria Ronquerolles, la procession des religieuses se met en marche, vous allez être surpris. Avec la rapidité magique que communique aux mouvements un extrême désir, la morte fut apportée dans le parloir, passée par la fenêtre et transportée au pied des murs, au moment où l’abbesse, suivie des religieuses, arrivait pour prendre le corps de la sÅ“ur Thérèse. La sÅ“ur chargée de garder la morte avait eu l’imprudence de fouiller dans sa chambre pour en connaÃtre les secrets, et s’était si fort occupée cette recherche qu’elle n’entendit rien et sortait alors épouvantée de ne plus trouver le corps. Avant que ces femmes stupéfiées n’eussent la pensée de faire des recherches, la duchesse avait été descendue par une corde en bas des rochers et les compagnons de Montriveau avaient détruit leur ouvrage. A neuf heures du matin, nulle trace n’existait ni de l’escalier ni des ponts de cordes ; le corps de la sÅ“ur Thérèse était à bord ; le brick vint au port embarquer ses matelots, et disparut dans la journée. Montriveau resta seul dans sa cabine avec Antoinette de Navarreins, dont, pendant quelques heures, le visage resplendit complaisamment pour lui des sublimes beautés dues au calme particulier que prête la mort à nos dépouilles mortelles. — Ah ! ça, dit Ronquerolles à Montriveau quand celui-ci reparut sur le tillac, c’était une femme, maintenant ce n’est rien. Attachons un boulet à chacun de ses pieds, jetons-la dans la mer, et n’y pense plus que comme nous pensons à un livre lu pendant notre enfance. — Oui, dit Montriveau, car ce n’est plus qu’un poème. — Te voilà sage. Désormais aie des passions ; mais de l’amour, il faut savoir le bien placer, et il n’y a que le dernier amour d’une femme qui satisfasse le premier amour d’un homme. Genève, au Pré-Lévêque, 26 janvier 1834.
Lorsd’un saut en parachute tandem, votre moniteur va diriger le saut d’un bout à l’autre (chute libre – vol sous voile et atterrissage). Pour faire ce type de saut, un briefing d’un petit quart d’heure suffit, vous montez ensuite dans un avion pour 15mn de vol suivi d’une minute de chute libre et 5 à 7mn sous voile environ. Cette manière de découvrir le parachutisme, reste
MARSEILLE, 27 juin 2007 AFP - 16h07 Un parachutiste français réussit une simulation d'un saut de 40 km de haut Un parachutiste français, Michel Fournier, a effectué mercredi avec succès à Marseille une simulation d'un saut de 40 kilomètres d'altitude dans un caisson recréant les conditions de pression atmosphérique, a constaté une journaliste de l'AFP. Michel Fournier, 63 ans, ambitionne d'effectuer ce "grand saut" en conditions réelles au Canada cet été et d'établir ainsi le record du monde de saut en chute libre. L'Américain Joseph Kittinger avait sauté de 31 kilomètres en 1961 mais son record n'a pas été officiellement homologué, tandis qu'un Russe qui tentait les 24 km est mort lors de sa tentative, a précisé l'équipe organisant ce défi. Le test effectué dans un caisson "hypobare" -à très basse pression- de la société marseillaise d'ingénierie en milieux extrêmes Comex, a permis de tester la fiabilité de l'équipement de Michel Fournier notamment son scaphandre pressurisé. Un précédent test en 2005 avait permis de découvrir des anomalies. "C'était le test capital et ça a marché!", s'est réjoui Michel Fournier, déjà détenteur du record de France de saut en chute libre mètres de haut. Lors du saut réel, Michel Fournier, sera vêtu d'une combinaison composée d'un matériau tenu secret qui lui permettra de résister à des températures allant jusqu'à -115 degrés. Il devrait atteindre une vitesse vertigineuse, au-delà de la vitesse du son 340,3 m/s. © 2007 AFP. ça n'était pour l'instant qu'une simulation, mais ce Michel Fournier va tenter le saut prochainement aucune date n'est donnée, par contre. quelqu'un pourrait nous parler un peu des conditions atmosphériques rencontrées on imagine des conditions idéales, bien sûr et des difficultés liées à un tel saut en très haute atmosphère? ZlNE.
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