SimoneWeil est née en 1909 à Paris, dans une famille d'origine juive alsacienne du cÎté paternel, installée à Paris depuis plusieurs générations. Sa mÚre, Salomea Reinherz, est née à Rostov-sur-le-Don [7] et élevée en Belgique [8].La famille Weil habite alors au 19, boulevard de Strasbourg [9].Simone Weil a trois ans de moins que son frÚre, le mathématicien
Vos Poemes “D'Alphonse Allais Ă  Charles Baudelaire, de Victor Hugo Ă  Pierre Corneille, de Marie Stuart Ă  GĂ©rard de Nerval, tous les plus grands poĂštes reprĂ©sentĂ©s par leurs meilleures oeuvres.”
Ilrestera de toi ce que tu as offert Entre les bras ouverts un matin au soleil. Il restera de toi ce que tu as perdu Que tu as attendu plus loin que les rĂ©veils, Ce que tu as souffert, en d'autres revivra. Celui qui perd sa vie, un jour la trouvera. Il restera de toi une larme tombĂ©e, Un sourire germĂ© sur les yeux de ton cƓur.
Discours, hommages et livre voici cinq textes qui permettent de mieux comprendre l’engagement de Simone Veil et de retracer sa vie de rescapĂ©e d'Auschwitz, ministre de la SantĂ© Ă  l'origine de la loi sur l'IVG, prĂ©sidente du Parlement europĂ©en, membre du Conseil constitutionnel, immortelle Ă  l'AcadĂ©mie française... La vie de Simone Veil est extraordinaire. Son parcours, l'un des plus exceptionnels du XXe siĂšcle. La Française, morte vendredi Ă  89 ans, laisse des discours marquants. Le JDD a compilĂ© cinq textes qui retracent ses engagements et ses combats, dont trois qu'elle a elle-mĂȘme prononcĂ©s, ainsi que celui de Jean d'Ormesson lors de son entrĂ©e Ă  l'AcadĂ©mie et les Ă©crits de son Ă©poux. Cinq textes qui rĂ©sument Simone l’adresse aux dĂ©putĂ©s pour la loi sur l’IVGLe 26 novembre 1974, Simone Veil s’adresse aux dĂ©putĂ©s un ­cĂ©nacle presque exclusivement masculin, auquel elle expose les motifs de sa loi encadrant la dĂ©pĂ©nalisation de l’avortement.Sipa"Pour quelques-uns, les choses sont simples il existe une loi ­rĂ©pressive, il n’y a qu’à l’appliquer. D’autres se demandent pourquoi le Parlement devrait trancher maintenant ces problĂšmes nul n’ignore que depuis l’origine, et particuliĂšrement depuis le dĂ©but du siĂšcle, la loi a toujours Ă©tĂ© rigoureuse, mais qu’elle n’a Ă©tĂ© que peu appliquĂ©e. [
]Pourquoi donc ne pas continuer Ă  fermer les yeux? Parce que la ­situation actuelle est mauvaise. Je dirais mĂȘme qu’elle est dĂ©plorable et est mauvaise parce que la loi est ouvertement bafouĂ©e, pire mĂȘme, ridiculisĂ©e. Lorsque l’écart entre les infractions commises et celles qui sont poursuivies est tel qu’il n’y a plus Ă  proprement parler de rĂ©pression, c’est le respect des citoyens pour la loi et donc l’autoritĂ© de l’État qui sont mis en les mĂ©decins, dans leurs cabinets, enfreignent la loi et le font connaĂźtre publiquement, lorsque les parquets, avant de poursuivre, sont invitĂ©s Ă  en rĂ©fĂ©rer dans chaque cas au ministĂšre de la Justice, lorsque des services sociaux d’organismes publics fournissent Ă  des femmes en dĂ©tresse les renseignements susceptibles de faciliter une interruption de grossesse, lorsque, aux mĂȘmes fins, sont organisĂ©s ouvertement et mĂȘme par charter des voyages Ă  l’étranger, alors je dis que nous sommes dans une situation de dĂ©sordre et d’anarchie qui ne peut plus me direz-vous, pourquoi avoir laissĂ© la situation se dĂ©grader ainsi et pourquoi la tolĂ©rer? Pourquoi ne pas faire respecter la loi?Parce que si des mĂ©decins, si des personnels sociaux, si mĂȘme un certain nombre de citoyens participent Ă  ces actions illĂ©gales, c’est bien qu’ils s’y sentent contraints ; en opposition parfois avec leurs convictions personnelles, ils se trouvent confrontĂ©s Ă  des situations de fait qu’ils ne peuvent ­mĂ©connaĂźtre. Parce qu’en face d’une femme dĂ©cidĂ©e Ă  interrompre sa grossesse, ils savent qu’en refusant leur conseil et leur soutien ils la rejettent dans la solitude et l’angoisse d’un acte perpĂ©trĂ© dans les pires conditions, qui risque de la laisser mutilĂ©e Ă  jamais. Ils savent que la mĂȘme femme, si elle a de l’argent, si elle sait s’informer, se rendra dans un pays voisin ou mĂȘme en France dans certaines cliniques et pourra, sans encourir aucun risque ni ­aucune pĂ©nalitĂ©, mettre fin Ă  sa grossesse. Et ces femmes, ce ne sont pas nĂ©cessairement les plus immorales ou les plus ­inconscientes. Elles sont chaque annĂ©e. Ce sont celles que nous cĂŽtoyons chaque jour et dont nous ignorons la plupart du temps la dĂ©tresse et les Ă  ce dĂ©sordre qu’il faut mettre fin. C’est cette injustice qu’il convient de faire cesser."Lire aussi VIDEOS. Simone Veil racontĂ©e en six discours2004 Simone Veil s’exprime Ă  Berlin sur AuschwitzLe 27 janvier 2004, jour anniversaire de la libĂ©ration du camp d’Auschwitz, Simone Veil prend la parole devant les dĂ©putĂ©s du Bundestag, Ă  Berlin.Sipa"Le 27 janvier 1945, quand les premiers soldats soviĂ©tiques ­entrĂšrent dans le camp ­d’Auschwitz, ils n’y trouvĂšrent, incrĂ©dules et terrifiĂ©s, que quelques milliers de malades et de mourants qui avaient, par miracle, Ă©chappĂ© aux nazis. Quelques jours auparavant les dizaines de milliers de dĂ©tenus d’Auschwitz encore ­vivants que nous Ă©tions avaient Ă©tĂ© contraints, entraĂźnĂ©s de force et sous la menace, de se rassembler et de prendre la route dans cette “marche de la mort”.Contrairement Ă  la libĂ©ration de Paris [
], la libĂ©ration des camps n’eut rien de festif. Pour les armĂ©es et les peuples en guerre, ce ne fut, sur le moment, pas mĂȘme un camp libĂ©rĂ©, cela voulait dire que les chambres Ă  gaz ne tournaient plus, que les trains n’arrivaient plus, que les ordres implacables s’étaient enfin tus. La machine infernale s’arrĂȘtait, elle qui avait tournĂ© Ă  plein rĂ©gime les derniers mois, avec une cadence implacable ; d’autant plus implacable que les nazis, sentant tourner le vent de la guerre, voulaient parachever leur grande Ɠuvre d’anĂ©antissement du peuple juif avant que la dĂ©faite de leur armĂ©e ne les en empĂȘche. Le camp cessait donc de fonctionner. Pour les milliers de dĂ©portĂ©s encore en vie, le risque vital paraissait avons eu alors l’espoir, compte tenu de l’avancĂ©e rapide de l’ArmĂ©e rouge, d’ĂȘtre trĂšs vite libĂ©rĂ©s, Ă  moins que les SS n’aient le temps de nous exterminer fait, aprĂšs avoir marchĂ© pendant plusieurs jours dans le froid et la neige, emmenĂ©s dans des ­wagons Ă  ciel ouvert vers des camps Ă  l’ouest – Dora, ­Mauthausen, ­Buchenwald, ­Bergen-Belsen –, nombreux furent ceux qui moururent, en chemin, d’épuisement ou sous les derniĂšres balles des SS. Notre cauchemar Ă©tait loin d’ĂȘtre terminĂ©, il nous fallut attendre encore plusieurs mois pour ĂȘtre libĂ©rĂ©s. Entre-temps, l’épuisement, la faim et le typhus, les exĂ©cutions sommaires ont tuĂ© un grand nombre de ceux qui avaient miraculeusement survĂ©cu me souviens de l’arrivĂ©e des soldats anglais Ă  Bergen-Belsen, c’est Ă  peine si nous avons pu nous en rĂ©jouir. La libĂ©ration venait trop tard, nous avions le sentiment d’avoir perdu toute humanitĂ© et toute envie de les rares rescapĂ©s, nous n’avions plus de famille, plus de parents, plus de foyer. Seuls, nous l’étions, d’autant plus que ce que nous avions vĂ©cu, personne ne voulait le savoir. Ce que nous avions vu, personne ne voulait l’entendre. Ce que nous avions Ă  raconter, personne ne voulait en partager le fardeau. Nous ne devions pas vivre la suprĂ©matie nazie Ă©tait tellement Ă©crasante que nous avions intĂ©riorisĂ© jusqu’à l’inĂ©luctabilitĂ© de notre condamnation Ă  mort. Nous, les rescapĂ©s, nous, les tĂ©moins, ­n’avions survĂ©cu que pour ĂȘtre rendus au silence. “Qu’ils vivent, soit, mais qu’ils se taisent”, semblait nous dire le monde hors du camp."2006 Son discours sur l’Europe Ă  AmsterdamC’est en Ă©voquant la folie nazie et la Shoah que Simone Veil parlait le mieux de l’Europe. Ainsi Ă  Amsterdam le 26 juillet 2006, veille de la JournĂ©e de la mĂ©moire de l’Holocauste.Reuters"Pendant la Seconde Guerre mondiale, toute l’Europe avait sombrĂ©, entraĂźnĂ©e par le nazisme. L’idĂ©e mĂȘme du rapprochement entre les EuropĂ©ens Ă©tait fondĂ©e sur la conviction que nous ne nous relĂšverions qu’ensemble, en prenant appui les uns sur les autres. Il n’y avait lĂ  ni naĂŻvetĂ© lĂ©nifiante, ni intention d’exonĂ©rer les États de leur responsabilitĂ©. Ce n’était pas de pardon qu’il s’agissait, ni d’oubli, mais d’une rĂ©conciliation ­lucide et courageuse, aussi utopique qu’elle Ă©tait rĂ©aliste, d’autant plus nĂ©cessaire qu’elle se savait surgir du plus profond dĂ©sespoir. Il fallait briser l’engrenage la rĂ©conciliation entre les peuples europĂ©ens serait le pivot de la construction d’une Europe pacifiĂ©e. Il fallait faire un pari, et s’y tenir malgrĂ© les obstacles. Construire des ponts, tisser des liens, bĂątir un cadre dans lequel les passions de haine seraient neutralisĂ©es. Prendre nos souffrances, nos Ă©preuves, nos blessures comme socle d’une nouvelle entreprise commune. L’amitiĂ© viendrait plus tard. Tel Ă©tait le pari, lucide et acharnĂ©, de la construction europĂ©enne que, comme d’autres, j’envisageais.[
] Tirant les leçons des ­expĂ©riences totalitaires du passĂ©, l’Europe se doit d’offrir Ă  tous ses citoyens le plus de libertĂ© possible dans un souci de coexistence solidaire et pacifiĂ©e, en multipliant les Ă©changes, dans tous les domaines. Comme l’ont rappelĂ© rĂ©cemment les conditions posĂ©es Ă  l’adhĂ©sion des nouveaux pays entrants, les droits des minoritĂ©s nationales doivent ĂȘtre respectĂ©s, la libertĂ© religieuse et la libertĂ© d’opinion garanties, pour prĂ©venir les ­menaces de conflits dĂ©mocratie repose sur la confiance dans les individus ­citoyens dĂ©cidant ensemblede leur avenir commun, Ă  partir de ­valeurs partagĂ©es. ­Courage ­civique, tolĂ©rance, respect de l’autre, ces ­valeurs de l’Europe sont celles que l’histoire du nazisme a montrĂ©es comme les plus nĂ©cessaires aux heures les plus sombres. Ce sont elles qui, dans les cƓurs et les ­esprits, dans les gestes et les actes de quelques-uns, ont sauvĂ© ­l’honneur quand des nations entiĂšres sombraient."2010 le discours de Jean d’Ormesson qui accueille Simone Veil Ă  l’AcadĂ©mie françaiseLe 18 mars 2010, Simone Veil fait son entrĂ©e Ă  l’AcadĂ©mie française. C’est Jean d’Ormesson qui est chargĂ© de prononcer le discours de rĂ©ception, vibrant comme il se doit.Sipa"Il paraĂźt, Madame, que vous avez un caractĂšre difficile. Difficile ! Je pense bien. On ne sort pas de la Shoah avec le sourire aux lĂšvres. Avec votre teint de lys, vos longs cheveux, vos yeux verts qui viraient dĂ©jĂ  parfois au noir, vous Ă©tiez une jeune fille, non seulement trĂšs belle mais trĂšs douce et peut-ĂȘtre plutĂŽt rĂȘveuse. Une armĂ©e de bourreaux, les crimes du national-socialisme et survivants sur juifs français dĂ©portĂ©s vous ont contrainte Ă  vous durcir pour essayer de sauver votre mĂšre et votre sƓur, pour ne pas pĂ©rir vous-mĂȘme. ­Permettez-moi de vous le dire avec simplicitĂ© pour quelqu’un qui a traversĂ© vivante le feu de l’enfer et qui a Ă©tĂ© bien obligĂ©e de perdre beaucoup de ses illusions, vous me paraissez trĂšs peu cynique, trĂšs tendre et mĂȘme enjouĂ©e et trĂšs gaie.[
] Je m’interroge sur les sentiments que vous portent les Français. Vous avez Ă©tĂ© abreuvĂ©e d’insultes par une minoritĂ©, et une large majoritĂ© voue une sorte de culte Ă  l’icĂŽne que vous ĂȘtes premiĂšre rĂ©ponse Ă  la question posĂ©e par une popularitĂ© si constante et si exceptionnelle est liĂ©e Ă  votre attitude face au malheur. Vous avez dominĂ© ce malheur avec une fermetĂ© d’ñme exemplaire. Ce que vous ĂȘtes d’abord, c’est courageuse – et les Français aiment le avez des convictions, mais elles ne sont jamais partisanes. Vous les dĂ©fendez avec force. Mais vous ĂȘtes loyale envers vos adversaires comme vous ĂȘtes loyale envers vos amis. Vous ĂȘtes un modĂšle d’indĂ©pendance. Plus d’une fois, vous trouvez le courage de vous opposer Ă  ceux qui vous sont proches et de prendre, parce que vous pensez qu’ils n’ont pas toujours tort, le parti de ceux qui sont plus Ă©loignĂ©s de vous. C’est aussi pour cette raison que les Français vous une rigueur Ă  toute Ă©preuve, vous ĂȘtes, en vĂ©ritĂ©, une Ă©ternelle rebelle. Vous ĂȘtes fĂ©ministe, vous dĂ©fendez la cause des femmes avec une fermetĂ© implacable, mais vous n’adhĂ©rez pas aux thĂšses de celles qui, Ă  l’image de Simone de Beauvoir, nient les diffĂ©rences entre les sexes. Vous ĂȘtes du cĂŽtĂ© des plus faibles, mais vous refusez toute victimisation. Quand on vous propose la LĂ©gion d’honneur au titre d’ancienne dĂ©portĂ©e, vous dĂ©clarez avec calme et avec beaucoup d’audace qu’il ne suffit pas d’avoir Ă©tĂ© malheureuse dans un camp pour mĂ©riter d’ĂȘtre clĂ© de votre popularitĂ©, il faut peut-ĂȘtre la chercher, en fin de compte, dans votre capacitĂ© Ă  emporter l’adhĂ©sion des Français. Cette adhĂ©sion ne repose pas pour vous sur je ne sais quel consensus mĂ©diocre et boiteux entre les innombrables opinions qui ne cessent de diviser notre vieux pays. Elle repose sur des principes que vous affirmez, envers et contre tous, sans jamais hausser le ton, et qui finissent par convaincre. Disons-le sans affectation au cƓur de la vie politique, vous offrez une image rĂ©publicaine et y a en vous comme un secret vous ĂȘtes la tradition mĂȘme et la modernitĂ© incarnĂ©e. Je vous regarde, Madame vous me faites penser Ă  ces grandes dames d’autrefois dont la dignitĂ© et l’allure imposaient le respect. Et puis, je considĂšre votre parcours et je vous vois comme une de ces figures de proue en avance sur l’Histoire." 2010 les MĂ©moires d’Antoine VeilEn novembre 2010, Antoine Veil publie "Salut". Dans ses MĂ©moires, il raconte sa complicitĂ© avec Simone et sa vie de "mari de..."Sipa"Au printemps 1974, ValĂ©ry Giscard d’Estaing, Ă©lu PrĂ©sident de la RĂ©publique, lui confiait [
] le porte -feuille de la santĂ© dans le gouvernement de Jacques Chirac. Quelques mois plus tard, le dĂ©bat parlementaire sur l’interruption volontaire de grossesse allait l’installer de maniĂšre irrĂ©versible au firmament de la popularitĂ©. Alors que, depuis prĂšs de trente ans, Simone avait Ă©tĂ©, au moins "en sociĂ©tĂ©", comme on dit, en tous cas en dehors des heures de bureau, la "femme d’Antoine", voilĂ  que, sans coup fĂ©rir, je suis dĂ©finitivement devenu le "mari de Simone".A y bien rĂ©flĂ©chir, trois, bientĂŽt quatre dĂ©cennies plus tard, il m’arrive de penser que j’aurais sans doute pu vivre moins sereinement cette authentique rĂ©volution matrimoniale, Ă  l’époque, on en conviendra, tout Ă  fait exceptionnelle. Je n’ai pas gardĂ© en mĂ©moire le sentiment d’avoir Ă©tĂ©, dans l’immĂ©diat, bouleversĂ© par l’évĂ©nement. Je n’ai pas eu l’impression d’ĂȘtre l’Edmund Hillary de la Chirac a-t-il jamais rĂ©alisĂ©, quant Ă  lui, Ă  quel point il avait, en proposant Ă  ValĂ©ry Giscard d’Estaing d’embarquer Simone dans son gouvernement, je ne dirai pas bouleversĂ© mon existence, mais plutĂŽt modifiĂ© la perception extĂ©rieure d’un couple jusque-lĂ  banal? Quoi qu’il en soit, je n’ai pas le souvenir de lui avoir tenu rigueur de cette redistribution des rĂŽles. D’abord, l’évĂ©nement, au fond sans rĂ©ellement me surprendre, me fascinait. J’admirais le naturel et la maĂźtrise avec lesquels Simone Ă©pousait son nouveau Ă©pisodes, les uns lourds de sens, les autres plus futiles, se sont gravĂ©s dans la lĂ©gende familiale. Le dĂ©bat sur la lĂ©galisation de l’avortement m’a surpris par sa violence. [
] Les graffitis accolant Ă  notre nom le sigle des SS ont Ă©tĂ© difficiles Ă  dĂ©mĂȘlĂ©s de Simone avec les services du protocole Ă©taient plus cocasses. Ma femme vivait mal le fait que, dans les dĂźners officiels, si elle-mĂȘme Ă©tait logĂ©e Ă  son rang protocolaire, ma place Ă  table n’était pas celle qui m’eut Ă©tĂ© assignĂ©e si, conformĂ©ment Ă  la jurisprudence usuelle, son conjoint eut Ă©tĂ© de sexe fĂ©minin. Elle considĂ©rait comme discriminatoire que je sois relĂ©guĂ© dans le troupeau des "hommes d’affaires". Ce bras de fer, que je trouvais plutĂŽt comique, dura suffisamment longtemps pour que le PrĂ©sident Giscard d’Estaing s’en inquiĂšte un jour en me demandant si l’"affaire Ă©tait rĂ©glĂ©e". Je le rassurais en ajoutant que je lui souhaitais de ne pas ĂȘtre confrontĂ© Ă  de plus graves difficultĂ©s. Dans les mĂȘmes circonstances officielles, il m’arrivait d’entendre l’huissier introduisant les personnalitĂ©s claironner "Madame Le Ministre de la SantĂ©", puis "Monsieur Simone Veil"."
lesavantages de la conquĂȘte spatiale. premier 45 tours de johnny hallyday Menu. HEM; NYHETER; REFERENSPROJEKT; JOBBA HOS OSS; KONTAKT; poĂšme pour maman dĂ©cĂ©dĂ©e. By juni 4, 2022 dreadlocks femme cheveux courts. No Comments
AprĂšs avoir, en tant qu’artiste invitĂ©, fait entrer l’indicible au PanthĂ©on, le cinĂ©aste David Teboul nous donne en partage, Ă  travers un livre minutieusement pensĂ©, le tĂ©moignage recueilli au plus prĂšs de celle que Jean d’Ormesson dĂ©crivait comme une grande dame d’autrefois dont la dignitĂ© et l’allure imposaient le respect ». Dans cet ouvrage qui lui ressemble, elle raconte l’enfance niçoise, l’arrestation, la dĂ©portation, le difficile retour des camps, l’indiffĂ©rence, le dĂ©sir de vivre, les combats politiques et l’immarcescible empreinte du camp. Times of IsraĂ«l Le livre est le fruit d’une rencontre et d’une amitiĂ© improbables, d’une histoire d’amour pudique et d’une promesse
 Recevez gratuitement notre Ă©dition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite ! David Teboul Improbables, en effet, en tout cas au dĂ©part, mais je n’aime pas beaucoup l’expression amour pudique » c’est une histoire d’amitiĂ© sincĂšre, intime et lĂ©gĂšre. LĂ©gĂšre car Ă©trangement, mĂȘme si nous parlions beaucoup de la dĂ©portation, avec Simone, ce n’était jamais pesant. Simone marquait de la distance face aux choses elle avait vĂ©cu et vu tant d’atrocitĂ©s qu’elle avait une forme de retenue. Avec Simone, ce n’était jamais pesant » Serez-vous alors d’accord avec l’expression livre-voix » dont on est tentĂ© de gratifier le livre, tant il invite Ă  une expĂ©rience synesthĂ©sique inattendue sollicitant Ă©galement l’ouĂŻe du lecteur ? David Teboul. Autorisation ComplĂštement. Je suis vidĂ©aste et j’ai voulu donner Ă  entendre Simone Veil. Entendre quelque chose d’intime qui ne passe pas par le filtre de l’écriture. C’est une parole sans artifices. Pour son entrĂ©e au PanthĂ©on, j’ai proposĂ© que l’installation soit sonore. Je ne voulais pas que son visage apparaisse Ă  l’intĂ©rieur du monument. Je voulais que sa voix soit entendue. Qu’elle le soit aussi Ă  l’extĂ©rieur, dans tout le quartier et au-delĂ , dans les rues pĂ©riphĂ©riques. Elle m’avait dit J’espĂšre que vous ferez quelque chose de tous ces moments que nous avons passĂ©s ensemble ». Le livre est la promesse que je lui avais faite. Il est, lui aussi, conçu pour ĂȘtre entendu. Ce n’est ni un livre de commentateur ni un essai sur Simone Veil. C’est un livre Ă  la premiĂšre personne dont je suis le dĂ©clencheur, celui qui a enregistrĂ© la voix, tentĂ© de la faire partager et maintenant, de la faire lire. L’écriture instaure une distance. Ce rĂ©cit l’abolit. La tradition juive rappelle le nom d’un disparu pour honorer sa mĂ©moire. Le livre est dĂ©diĂ© Ă  Albert Bulka, le plus jeune des enfants d’Izieu.
 Simone Veil n’a jamais acceptĂ© la façon dont les nazis ont, jusqu’à la fin, dĂ©portĂ© des enfants tout en sachant pertinemment que pour eux, la guerre Ă©tait perdue. Le statut des enfants dans les camps l’a toujours particuliĂšrement choquĂ©e. Elle m’en parlait souvent. Le convoi 71 avait Ă  son bord cinq cents personnes, dont Simone Jacob, sa mĂšre Yvonne, sa sƓur Madeleine et trente-quatre des enfants raflĂ©s Ă  la Maison d’Izieu. Albert Bulka avait quatre ans. Il a Ă©tĂ© assassinĂ© dĂšs son arrivĂ©e Ă  Auschwitz. Le processus d’extermination a produit tant d’indiffĂ©renciation qu’il m’a paru important de l’incarner dans ce livre Ă  travers le nom de cet enfant. À quoi pouvait-on penser quand on avait dix-sept ans, et que l’on se rĂ©veillait dans le camp Ă  l’aube ? » Pourquoi avoir dotĂ© le titre de votre livre du doux et rimbaldien aube » ? Rimbaud parle en effet des camps de l’ombre » ndlr Aube, 23e poĂšme des Illuminations mais ce n’est pas ma rĂ©fĂ©rence. Elle est ailleurs, dans une question que je n’ai jamais posĂ©e Ă  Simone Veil. J’en ai pris conscience alors qu’elle Ă©tait moins prĂ©sente et qu’il Ă©tait trop tard. À quoi pouvait-on penser quand on avait dix-sept ans et que l’on se rĂ©veillait dans le camp Ă  l’aube ? C’est dur, la nuit, dans le camp. C’est l’angoisse de la mort, les cauchemars, les rĂȘves. Et le matin ? En tant qu’artiste invitĂ© au PanthĂ©on, l’idĂ©e m’est immĂ©diatement venue de proposer que toute la cĂ©rĂ©monie repose sur l’aube, sans que je puisse vraiment savoir pourquoi. Simone Veil, l’aube Ă  Birkenau »,par David Teboul, aux Ă©ditions Les arĂšnes, 288 pages, 20 € Peut-ĂȘtre parce que l’aube est aussi une promesse, pour reprendre les mots de Romain Gary que j’aime beaucoup. Pour tenter de transmettre l’indicible, j’ai refusĂ© les images dont nous sommes submergĂ©s. J’ai voulu que cette mĂ©moire, tous ces corps d’hommes, de femmes et d’enfants, entrent au PanthĂ©on et que le son de l’aube Ă  Birkenau pĂ©nĂštre les murs de ce monument de la RĂ©publique. J’en ai fait la minute de silence. Birkenau, juin 2018, cinq heures du matin une aube que le chant des oiseaux rend encore plus angoissante. Quand le prĂ©sident Macron est entrĂ©, accompagnĂ© des membres du gouvernement, de la famille et des enfants, les portes du PanthĂ©on se sont refermĂ©es et Ă  l’intĂ©rieur, chacun a pu Ă©couter la nuit Ă  Birkenau. Les portes se sont ensuite ouvertes et ce son est allĂ© jusqu’au Jardin du Luxembourg. Simone Veil Ă©tait prĂ©sente dans tout le quartier grĂące aux micros qui diffusaient sa voix. Le son a introduit le sentiment de sĂ©rĂ©nitĂ© que je voulais insuffler Ă  cet hommage. pages de l’ouvrage, confiĂ©es Ă  un graphiste rĂ©putĂ© Bruno Monguzzi, ont Ă©tĂ© pensĂ©es, apprend-t-on, ligne Ă  ligne ». Pourquoi une attention si scrupuleuse a-t-elle Ă©tĂ© accordĂ©e Ă  la forme ? Je voulais un bel objet, pas un beau livre. On ne lit jamais les beaux livres, on les ouvre une fois et on les range dans la bibliothĂšque. Je voulais qu’on puisse le lire facilement. Simone Veil n’était pas une intellectuelle, elle parlait trĂšs simplement. Il fallait un livre lĂ©ger, qui ne soit pas dans le sacrĂ©. Un bel objet, pas un beau livre. On ne lit jamais les beaux livres » Elle n’était pas dans la sacralisation des choses. Il Ă©tait primordial pour moi de travailler avec un graphiste capable de comprendre le lien entre le son, la voix et les photographies prĂ©sentes dans le livre, afin de donner une forme Ă  cet ensemble. Il ne fallait surtout pas ĂȘtre dans le fĂ©tichisme du livre. Je n’aime pas quand on est chichiteux » avec la Shoah, fĂ»t-ce pour de bonnes raisons. Le livre devait ressembler Ă  Simone Veil qui Ă©tait belle Ă  l’intĂ©rieur et Ă  l’extĂ©rieur. Il devait aussi ressembler Ă  la promesse que je lui avais faite et Ă  l’intimitĂ© de notre lien qui est certainement l’un des plus beaux que j’aie eu la chance de vivre. Des photos d’époques diffĂ©rentes illustrent ce livre dont l’une, prise par vous-mĂȘme pendant vos rencontres, capte le regard de Simone Veil. Dans Simone Veil et les siens Grasset 2018, la journaliste Annick Cojean dĂ©crit des yeux exigeants et lucides, qui avaient vu tant de choses, et dans lesquels passaient parfois des nuages et des ombres qu’elle chassait »  Simone avait un regard trĂšs puissant. La premiĂšre fois que je l’ai vue, c’était en 1979, Ă  la tĂ©lĂ©vision, lors de la diffusion des Dossiers de l’Écran » Ă©mission de tĂ©lĂ©vision française créée par feu Armand Jammot, dont le thĂšme Ă©tait, ce mardi 6 mars 1979 Vie et mort dans les camps nazis ». Le regard de Simone Veil photographiĂ© par David Teboul. Autorisation Simone Veil, qui participait au dĂ©bat, entra ce soir-lĂ  dans votre PanthĂ©on personnel. PrĂ©lude de votre future rencontre, cette Ă©mission ne fut-elle pas Ă©galement Ă  l’origine de votre vocation d’artiste vidĂ©aste et cinĂ©aste ? C’est un moment magnifique oĂč il y a ce zoom progressif sur son visage. Quelque chose se produit, en plus de l’émotion suscitĂ©e par la diffusion d’une sĂ©rie dont les quatre Ă©pisodes m’avaient fait pleurer ndlr, Holocauste. C’est un choc cinĂ©matographique, Ă©motionnel et Ă©rotique. Simone Veil est belle, singuliĂšre et elle parle avec une grande libertĂ© de sa dĂ©portation. L’enfant que je suis alors saisit quelque chose. Par la suite, Simone Veil ne m’a plus jamais quittĂ©. Cette Ă©mission n’a-t-elle pas eu aussi pour consĂ©quence d’interpeller votre judĂ©itĂ© ? Dans ces annĂ©es-lĂ , personne autour de moi n’exprimait sa judĂ©itĂ©. À Kippour, on invoquait une maladie pour justifier mon absence. D’ailleurs, Ă  l’école, il Ă©tait impensable pour moi de dire que j’étais juif. Et quand, ce soir-lĂ , je vois cette femme sublime, de surcroĂźt ministre, parler Ă  la tĂ©lĂ©vision de sa dĂ©portation en tant que juive, je bascule
 Il vous a fallu attendre la fin des annĂ©es 1990 pour, jeune cinĂ©aste, lui proposer de lui consacrer un film et obtenir finalement son accord grĂące Ă  un argument inattendu. Quelle chutspa s’est-elle donc emparĂ©e du jeune artiste subjuguĂ© ? Simone me touchait profondĂ©ment. Je l’ai toujours aimĂ©e, avant mĂȘme de la connaĂźtre mais elle ne m’impressionnait pas. Il est plus facile de nouer des liens quand on n’est pas impressionnĂ©. Elle m’avait plusieurs fois fait transmettre son refus par son secrĂ©tariat. Le jour oĂč elle prend elle-mĂȘme le tĂ©lĂ©phone, elle me parle trĂšs sĂšchement. Cela a d’ailleurs Ă©tĂ© la seule fois oĂč elle a Ă©tĂ© sĂšche avec moi. Pourtant, Ă  ce moment-lĂ , je suis convaincu que je vais rĂ©ussir. Votre chignon, madame » Elle me donne rendez-vous le lendemain Ă  son bureau. Elle arrive trĂšs en retard et se confond en excuses, ce qui me plaĂźt bien ! On parle de plein de choses et, fidĂšle Ă  son sens de la formule, elle me demande soudain qu’est-ce-qui vous intĂ©resse chez moi ? ». Votre chignon, madame ». DĂšs lors, je redeviens certainement l’enfant qui l’avait regardĂ©e aux Dossiers de l’Ecran » et elle redevient la jeune dĂ©portĂ©e Simone Jacob. Elle me parle de maman, de papa, de ses quinze ans. TrĂšs vite, malgrĂ© notre diffĂ©rence d’ñge et son statut, nous entamons une relation trĂšs jeune. J’ai toujours eu le sentiment que c’était la rescapĂ©e qui s’exprimait, mĂȘme quand elle me parlait de l’aprĂšs-guerre ou que je l’interrogeais sur son combat pour l’amĂ©lioration des droits des femmes. Je crois que c’est ce lien Ă  la jeunesse qui nous a unis pendant toute la durĂ©e de nos conversations. Ce chignon a fait l’objet d’une sĂ©quence devenue culte, dans l’émission de Christophe Dechavanne ndlr Toutes folles de lui », 1986 dans laquelle Simone Veil dĂ©noue ses cheveux. L’animateur nous a confiĂ© que le mari de Simone Veil, Antoine, n’avait pas du tout apprĂ©ciĂ© l’apparition tĂ©lĂ©visuelle de son Ă©pouse en cheveux »  Moi, je l’ai filmĂ©e chez son coiffeur et Antoine n’était pas trĂšs content ! Il Ă©tait plus conventionnel que Simone
 La raison pour laquelle votre rĂ©ponse a Ă©branlĂ© Simone Veil s’explique par le fait qu’aucune femme de son convoi n’avait Ă©tĂ© complĂštement rasĂ©e
 On n’a jamais su pourquoi ces femmes n’avaient pas Ă©tĂ© totalement rasĂ©es. S’il y a eu des survivants, c’est sans doute parce que le typhus a ralenti le zĂšle de l’administration nazie Ă  l’arrivĂ©e du convoi. C’est une chance comme il y en a eu, parfois, au camp. C’est un accident. Les survivants sont des accidents. Peut-ĂȘtre ont-ils Ă©tĂ© plus solides que d’autres, mais ils sont des accidents. De quelle façon meniez-vous les interviews ? S’agissait-il de conversations Ă  bĂątons rompus ? Oui et il nous arrivait aussi de nous contenter de dĂ©jeuner, comme les deux amis que nous Ă©tions devenus. D’autres fois, je reposais des questions laissĂ©es en suspens. Pratiquait-elle une forme de censure ? Non, jamais. Simone Veil demandait-elle Ă  relire vos retranscriptions, comme le font souvent les politiques ? Non, mais elle avait vu mon film ndlr Simone Veil, une histoire française » 2004. Elle me connaissait bien et m’accordait sa confiance. La mĂšre de Simone Veil, Yvonne Jacob Ă  La Ciotat avant la dĂ©portation. Autorisation Elle vous raconte son enfance Ă  Nice, l’arrestation, la dĂ©portation, le difficile retour des camps, les engagements politiques
 Le fil rouge qui relie ces deux parties de sa vie n’est-il pas incarnĂ© par sa mĂšre ? C’est fondamental. C’est dans le souvenir de sa mĂšre que Simone Veil a puisĂ© le courage qui n’a cessĂ© de l’animer par la suite. Elle me parlait souvent de la force que sa mĂšre lui avait donnĂ©e. C’était un amour passionnel que l’épreuve de la dĂ©portation a renforcĂ© et doublĂ© d’une immense admiration. Au camp, la beautĂ© prĂ©servĂ©e de Simone Veil, dont la chevelure avait Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©e par le rasoir erratique des kapos, aurait pu susciter de dangereuses jalousies. Or sa beautĂ© l’a aidĂ©e, voire sauvĂ©e. Etait-elle, Ă  ce moment de sa jeune vie, une incarnation de l’aube Ă  Birkenau ? Comme elle le dit, Ă  son arrivĂ©e au camp, Simone avait gardĂ© l’apparence de sa vie niçoise encore proche. La plupart des femmes Ă©taient au camp depuis trĂšs longtemps. Les chefs de block, quand elles Ă©taient juives, venaient de l’Est et avaient dĂ©jĂ  perdu toute leur famille. Elles Ă©taient redoutables. Alors oui, dans ce non-lieu hors du monde qu’était le camp, je pense que la jeunesse et la beautĂ© ont rĂ©veillĂ©, chez certaines, le peu d’humanitĂ© qui leur restait. C’est cette perte d’humanitĂ© que Ginette Kolinka, camarade de dĂ©portation, dĂ©cĂšle dans les propos brutaux des kapos que Simone Veil vous rapporte, Ă  l’identique Bah, ceux qui Ă©taient avec vous
, regardez la cheminĂ©e, ils sont dĂ©jĂ  partis, ils ont Ă©tĂ© gazĂ©s, brĂ»lĂ©s. Cette fumĂ©e, voilĂ  ce qu’il reste d’eux. » Selon elle, le message de ces gardiennes dĂ©portĂ©es Ă©tait dĂ©pourvu de cynisme Elles estimaient qu’il valait mieux ne pas se faire d’illusions ». Plus tard, Simone Veil vous dit DĂšs 1945, je suis devenue, je ne dirais pas cynique mais absolument sans illusions ». Elle reprend les deux mots. Est-ce ça, l’empreinte instinctive, ce quelque chose de sensoriel, d’ineffaçable » qui fait d’elle, selon les mots de Marceline Loridan-Ivens, une fille du camp » ? Oui et c’est la raison pour laquelle Simone Veil Ă©tait trĂšs peu sensible aux idĂ©ologies et aux positions extrĂȘmes dont elle se mĂ©fiait elle n’avait pas d’illusions sur les choses mais elle n’était pas cynique. Je vous parlais, au dĂ©but de notre entretien, de la distance qu’elle avait face aux choses. Dans le camp, elle avait Ă©tĂ© tĂ©moin de ce que les hommes avaient Ă©tĂ© capables de faire. Elle en Ă©tait restĂ©e marquĂ©e et toute sa vie, elle est restĂ©e une dĂ©portĂ©e. Ses rĂ©actions, Ă©pidermiques, Ă©taient liĂ©es Ă  ce qu’elle avait vĂ©cu. Elle l’exprime trĂšs bien dans le livre. Si la victoire Ă©clatante de Boris Johnson acte le Brexit, elle signe aussi la dĂ©faite de Jeremy Corbyn, leader politique le plus populaire parmi les Britanniques ayant, selon un rapport publiĂ© rĂ©cemment, des opinions antisĂ©mites suscitant dans la foulĂ©e les accusations de Jean-Luc MĂ©lanchon Ă  l’encontre du CRIF. Ce soubresaut europĂ©en n’apparaĂźt-il pas comme une ironie du sort, voire de l’Histoire, au regard de l’engagement de Simone Veil qui a tant ƓuvrĂ© pour la construction europĂ©enne ? Le contexte europĂ©en dans lequel Simone Veil intervenait quand elle Ă©tait en activitĂ© Ă©tait trĂšs diffĂ©rent. Je ne peux pas commenter une situation actuelle en son nom et il m’est difficile de faire des liens avec l’actualitĂ©. Je n’aime pas voir quelqu’un d’autre se livrer Ă  ce genre d’exercice. Je m’interdis de faire des comparaisons, mĂȘme si je perçois Ă©videmment certains Ă©chos. Et puis, Simone Veil Ă©tait imprĂ©visible sur les idĂ©ologies extrĂȘmes, son raisonnement Ă©tait facile Ă  deviner mais sur des sujets plus nuancĂ©s, elle Ă©tait trĂšs singuliĂšre et avait des points de vue parfois surprenants.
 Sans verser dans la prosopopĂ©e, s’agissant de la rĂ©conciliation franco-allemande dont elle fut l’une des promotrices, ne retrouvez-vous pas, dans la rĂ©cente visite d’Angela Merkel Ă  Auschwitz, l’écho de ce que Simone Veil vous disait au sujet de la mĂ©moire LĂ -dessus, les Allemands ont vraiment jouĂ© le jeu » ? C’est un sujet qui lui tenait Ă  cƓur. Bien sĂ»r, les Allemands ont jouĂ© le jeu. Ils ne pouvaient pas faire autrement pour retrouver une place parmi les nations et s’inscrire dans la construction de l’Europe. Mais c’est vrai ils ont fait un travail trĂšs important aux yeux de Simone Veil en matiĂšre d’enseignement dans les Ă©coles. Pour tenir une autre promesse, vous donnez la parole Ă  un camarade de dĂ©portation, Paul Shaffer, que Simone Jacob avait rencontrĂ© Ă  Bobrek. Elle lui dit, dans le livre Lorsque les jeunes disent qu’ils imaginent, ils n’imaginent’ rien du tout. Cela reste inimaginable », Paul rĂ©pond À mon sens, il est heureux qu’ils ne puissent pas l’imaginer, parce que les individus qui seraient capables de se reprĂ©senter une telle rĂ©alitĂ© seraient des individus dangereux ». Ne trouve-t-il pas lĂ  une façon Ă  la fois simple et puissante d’évoquer l’indicible ? C’est une phrase extraordinaire. Ce qui s’est passĂ© dans les camps est tellement barbare et obscĂšne
. Simone disait souvent Les gens ne comprennent pas parce qu’ils veulent faire des comparaisons »  Simone Veil et Paul Schaffer, tous deux rescapĂ©s du petit camps de Bobrek oĂčils se sont rencontrĂ©s en 1944. Autorisation Simone Veil, une femme française, Ă©lĂ©gante, digne, indĂ©pendante, libre, parfois rigide et, de façon irrĂ©ductible, une femme juive, comme en tĂ©moigne la phrase ultime du livre Le Kaddish sera lu sur ma tombe »  Une femme profondĂ©ment juive. Et française. C’est par ce texte de Simone Veil, retranscrit dans le livre, que j’ai souhaitĂ© faire commencer la cĂ©rĂ©monie du PanthĂ©on. Je l’avais enregistrĂ©e. C’était important. Le Kaddish sera lu sur ma tombe Quel Ă©tait le rapport de Simone Veil Ă  IsraĂ«l ? Elle le dit trĂšs clairement c’est par rapport au camp. Les apatrides, des jeunes femmes d’origine polonaise, tchĂšque ou slovaque disaient Si on s’en sort, on ira en Palestine ». Chaque fois qu’elle Ă©tait en IsraĂ«l oĂč elle avait beaucoup d’amis, ce souvenir et cette Ă©motion remontaient. Je trouve qu’elle en parle trĂšs bien dans le livre, notamment lorsqu’elle raconte comment ces gens qui avaient tout perdu, y compris leur nationalitĂ©, sont partis au moment de la guerre de 1948 et ont trouvĂ© en IsraĂ«l ce qu’ils cherchaient. Simone Veil me parlait souvent de ce que ce rĂȘve avait reprĂ©sentĂ© pour les survivants. La force de son lien Ă  IsraĂ«l tenait aussi Ă  cette histoire-lĂ . Votre actualitĂ© est aussi cinĂ©matographique et liĂ©e Ă  Freud
 Il s’agit de Sigmund Freud, un juif sans Dieu ». À partir de sa correspondance, mon film dresse un portrait des Freud et dĂ©crit la relation particuliĂšre que Freud avait avec sa fille, ainsi que sa relation Ă  son propre pĂšre et Ă  la figure de MoĂŻse. Il sera diffusĂ© sur Arte. Et je suis trĂšs heureux d’aller le prĂ©senter Ă  JĂ©rusalem, Ă  l’occasion du Jerusalem Jewish film Festival ! Et le film sur la SibĂ©rie ? C’est Mon amour », qui va prochainement sortir en salles. C’est un film sur l’amour et le dĂ©sespoir, au bord du fleuve Amour, mĂȘme si en russe, Amour est un nom propre qui n’a rien Ă  voir avec l’amour. Au risque de vous entraĂźner dans un rĂ©sumĂ© forcĂ©ment rĂ©ducteur, la tentation est grande de vous demander ce que vous retenez de Simone Veil
 Simone Veil Ă©tait une femme d’un courage et d’une force exceptionnels. Je retiens aussi l’attention qu’elle accordait aux questions humaines, sa rĂ©serve sur les populismes et les idĂ©ologies. Pour elle, la mĂ©moire Ă©tait une question trĂšs importante, ainsi que la reconnaissance des Justes. Elle avait Ă  cƓur de rendre hommage Ă  celles et ceux qui avaient pris des risques. Simone Veil Ă©tait trĂšs sensible Ă  cette rĂ©sistance qui a sauvĂ© des hommes, des femmes et des enfants juifs. David Teboul, Simone Veil, l’aube Ă  Birkenau, Les arĂšnes, 288 pages, 20 €
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